Communication interculturelle 4
L’espace et la communication
interculturelle
跨文化交际第四讲
空间观与跨文化交际
1. Introduction
L’espace et le temps constituent, ainsi que le souligne J.F.Chanlat,
deux dimensions fondamentales de toute activité et expérience
humaines. Chaque être humain s’enracine simultanément dans le
temps et dans l’espace (Chanlat, 1990 : 161). L’image que nous avons
de l’espace (sa forme, sa profondeur, sa hauteur, etc.) est le reflet de
l’espace réel de notre univers mental. Mais de la même manière que
pour le temps, il s’agit, non pas d’un reflet direct, mais d’un reflet
filtré par l’esprit humain. Il s’ensuit que la perception de l’espace,
réalité existant indépendamment de la volonté de l’homme et des
cultures, est un produit de l’esprit humain et varie d’une culture à
l’autre, car la façon de percevoir s’acquiert très tôt dans l’enfance et
dans un environnement éminemment social et culturel. L’espace est
ainsi un « construit social et culturel » (Hall, in Chanlat, 1990 : 161)
étroitement associé à un univers de représentations sociales et à un
système de communication. « Dans l’espace sont ainsi inscrites et
reproduites non seulement des fonctions matérielles, mais aussi des
valeurs sociales » (Fischer, 1990 : 166). La maison, par exemple, étant
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liée à la vie privée, connote l’intimité : recevoir quelqu’un à la maison,
au café ou au restaurant ne signifie pas la même chose. L’homme
confère ainsi du sens à l’espace. Ce qui nous intéresse ici en
particulier, c’est que le sens de l’espace peut diverger en fonction des
cultures. Ce chapitre a pour objectif d’examiner d’abord les liens entre
la perception de l’espace et la culture et d’étudier ensuite les fonctions
des différents types d’espace, dans leur perspective interculturelle.
2. Différences culturelles par rapport à la perception de l’espace
Quand on parle de l’espace, on pense souvent que seule la vue est
sollicitée. En fait, la perception de l’espace, au lieu d’être uniquement
le produit de la vue, résulte d’une combinaison de différents sens tels
que la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, etc.. Comme la capacité de
percevoir n’est pas innée, mais acquise au travers des pratiques
sociales et que celles-ci varient plus ou moins selon les cultures, les
manières de percevoir et les résultats de la perception diffèrent
nécessairement d’une culture à l’autre, ainsi que le souligne Hall:
« Des individus appartenant à des cultures différentes, non seulement
parlent des langues différentes mais, ce qui est sans doute plus
important, habitent des mondes sensoriels différents » (Hall, 1971 :
15). La perception de l’espace est le résultat, comme nous venons de
l’indiquer, d’une combinaison de divers sens. Or, de même que le
toucher et l’ouïe sont plus utilisés et donc plus développés chez les
aveugles que chez les personnes « normales », les sens peuvent
fonctionner différemment selon les cultures, ainsi l’importance
relative accordée à un sens ou à un autre peut varier selon ces mêmes
cultures et conduire à des perceptions différentes de l’espace. Par
exemple, pour nous orienter, nous utilisons surtout la vue alors que les
Esquimaux utilisent plutôt l’odorat, l’ouïe et le toucher. La direction et
l’odeur du vent, ainsi que le contact de la neige et de la glace sous les
pieds, leur fournissent les indications nécessaires pour s’orienter. Ils
vivent dans un espace olfactif et acoustique plutôt que visuel. Selon
Hall, les Arabes utilisent davantage l’olfaction et le toucher que les
Américains. Ils interprètent et combinent différemment leurs données
sensorielles (Hall, 1971 : 16). Ainsi, dans les pays arabes, l’odeur
fonctionne comme indicateur des relations interpersonnelles : si l’on
est ami de l’autre, on doit entrer dans son champ d’odeur et accepter
l’autre dans son propre champ d’odeur, car respirer l’odeur d’un ami
est non seulement agréable mais désirable et refuser de laisser respirer
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son haleine est un signe de honte. Dans ce cas précis, l’odeur semble
assumer la même fonction que la distance chez les Occidentaux.
La perception de l’espace suit nécessairement un processus de
filtrage d’informations, la mémoire humaine ne pouvant tout capter et
tout retenir. Certaines informations retiennent l’attention alors que
d’autres sont négligées ou éliminées. Ce qui est important pour nous,
c’est que les cultures peuvent posséder des modèles de sélection
différents et percevoir par conséquent l’espace différemment, ainsi
que l’affirme Hall : « La sélection des données sensorielles consistant
à admettre certains éléments tout en éliminant d’autres, l’expérience
sera perçue de façon très différente selon la différence de structure du
crible perceptif d’une culture à l’autre » (Hall, 1971 : 15). Ainsi, dans
un même espace, une culture peut fixer son regard sur certains
éléments alors qu’une autre culture peut plutôt faire attention à
d’autres éléments. Une chose insignifiante pour les uns peut
provoquer la sensibilité des autres. Tout cela semble lié à l’habitus et
aux valeurs culturelles. Les Français, par exemple, pour repérer les
indices de la position d’un administrateur dans une salle, font
davantage attention à la position de son bureau (centrale ou non) (Hall,
1971 : 181), alors que les Américains insistent plutôt sur la grandeur
du bureau et la largeur de l’espace autour du bureau. La cuisine
française comme la cuisine chinoise, est souvent équipée d’une hotte
aspirante. Mais les Chinois l’utilisent surtout pour chasser la vapeur
d’huile qui peut salir la cuisine alors que les Français l’utilisent
davantage pour empêcher l’odeur de s’infiltrer dans l’appartement. La
France est un pays reconnu comme riche en olfaction. On peut sentir
facilement dans les rues parisiennes l’arôme du pain fraîchement sorti
du four, le parfum du café, l’odeur caractéristique des terrasses de café,
etc. Les Français accordent une grande importance à la vie sensorielle
(Hall, 1971 : 177). Mais en même temps, ils semblent très sensibles
aux odeurs d’autrui. Voici une anecdote racontée par un étudiant
chinois à Paris :
« J’habitais une petite chambre de bonne au 6ème étage. Quand
je faisais la cuisine, l’odeur entrait dans l’escalier. Mes voisins
français protestaient et un jour, j’ai reçu une lettre envoyée par le
syndic de co-propriétaires m’avertissant d’une éventuelle expulsion si
je continuais à envahir l’escalier avec l’odeur de ma cuisine. J’ai
fermé alors la porte de la chambre et ouvert la fenêtre. Au bout d’un
moment, le monsieur habitant au-dessous de chez moi m’a crié: Eh!
Monsieur, qu’est-ce que vous faites là-haut ? L’odeur pénètre dans
mon appartement par la fenêtre ‘. Je ne savais alors quoi faire. Je me
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disais : ‘ Ces Français, ils sont incroyables. Ils ne disent rien de
l’odeur de leur camembert. Et Puis, comment peuvent-ils ne pas
apprécier cette saveur d’os de porc sortant de chez moi ? Et en fin de
compte, c’est l’odeur qui entre dans votre appartement et pas moi!’ ».
Les différences de perception de l’espace semblent liées aux
environnements dans lesquels vivent les gens. Ainsi, selon Zhao, les
habitants d’un continent ne perçoivent pas l’espace de la même
manière que ceux qui vivent dans les îles. Le continent donne
l’impression que les espaces sont liés les uns aux autres, que le ciel,
les montagnes, les champs, etc. forment un tout inséparable ; l’île, par
contre, fait plutôt croire que l’espace est composé d’unités isolées, peu
de liens existant entre les îles dispersées dans la mer (Zhao, 1989 : 25).
Certains chercheurs voient même par l’émergence de l’opposition
entre l’esprit de groupe et l’individualisme (ibid.).
L’environnement influence non seulement la perception de
l’espace, mais aussi les degrés de besoin d’espace. Une étude menée
par P. et M-J.Chombard de Lauwe, chercheurs français et qui ont
étudié les conséquences du manque d’espace sur la pathologie
humaine en utilisant comme indice le nombre de mètres carrés
disponibles par personne et par logement, a montré que « Dès que
l’espace disponible par personne devenait inférieur à 8 ou 10 mètres
carrés, le nombre de cas pathologiques (physique et sociaux)
doublait » (in Hall, 1971 : 211). Cette conclusion est intéressante mais
ne saurait posséder de valeur universelle. Certaines cultures semblent
mieux supporter la proximité que les autres. Ainsi, les Occidentaux
sont souvent étonnés, lorsqu’ils visitent une université chinoise, de
voir que 6 ou 7 étudiants partagent une chambre de 15 m², ce qui est
presque impensable pour eux. En effet, la plupart des enfants
occidentaux dorment très tôt dans leur propre lit et dans leur propre
chambre. Ils acquièrent très tôt la notion de territoire personnel et le
besoin d’un certain espace. Les bébés chinois, eux, dorment soit avec
les parents, ce qui était le cas dans la plupart des familles et l’est
encore à la campagne, soit dans leur propre lit - ce qui représente un
phénomène nouveau depuis une dizaine d’années dans les grandes
villes - mais rarement dans leur propre chambre. Et même si certains
enfants chinois disposent aujourd’hui d’une chambre, la notion de
territoire n’est pas clairement développée, l’intérieur de l’espace
familial étant plutôt partagé par les membres de la famille. Les jeunes
Occidentaux, en général, n’habitent plus avec leurs parents une fois
mariés. Certains les quittent même longtemps avant le mariage, ce qui
est d’ailleurs considéré comme un signe de maturité et d’autonomie. A
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l’origine la tradition chinoise veut que les enfants mariés restent avec
leurs parents, « Quatre générations sous le même toit » (si shi tong
tang) constituant le bonheur suprême de la grande famille. Maintenant,
les jeunes Chinois mariés préfèrent, si les conditions le leur permettent,
vivre séparément de leurs parents. Mais avant le mariage, ils vivent en
général avec eux, et s’ils ne trouvent pas de logement après le mariage,
ils restent, avec leur épouse ou époux, chez les parents de l’un ou de
l’autre. Puis, s’ils disposent d’un appartement suffisamment grand, ils
peuvent faire venir leurs parents afin qu’ils vivent avec eux, ce qui est
considéré comme tout à fait normal. Tout cela montre qu’en général,
les Chinois ont un besoin d’espace moindre que les Occidentaux. Mais
cela ne veut pas dire que tous les Chinois, pas plus que les
Occidentaux, ont les mêmes besoins d’espace ; ceux-ci varient en fait
selon les individus en fonction de leur statut social, de leur sexe, de
leur âge, de la situation, etc., Ainsi, selon une étude de Hall, les
Anglais se plaignent souvent des Américains, même s’ils partagent
leur langue, disant que ces derniers sont parfois importuns, car lorsque
les Anglais veulent rester un moment seuls, à l’abri des intrusions, les
Américains viennent toujours les déranger en leur posant des
questions de type « Qu’est-ce que tu as ? » « Pourquoi es-tu en
colère ? ». Ce conflit peut être expliqué par le besoin chez les uns et
l’absence de ce besoin chez les autres de disposer d’un espace
personnel pour assurer la protection de leur intimité. Quand un
Américain désire être seul, il se rend dans une pièce et ferme la porte,
il a besoin de barrières spatiales pour s’isoler, alors qu’un Anglais
dispose plutôt d’un ensemble de barrières intérieures, de nature
psychique, que les autres sont censés reconnaître lorsqu’il les fait
fonctionner. De plus, pour un Américain, refuser de parler à une
personne qui se trouve dans la même pièce constitue la forme suprême
du rejet et le signe évident d’un profond mécontentement. Il s’ensuit
que plus l’Anglais reste muet, plus l’Américain se sent dans
l’obligation de lui parler (Hall, 1971 : 172).
La conception de l’espace et celle du temps ont des
répercussions l’une sur l’autre. Ainsi, les Français apprenant le chinois
ont du mal à comprendre pourquoi les Chinois disent « yi ge yue qian
(un mois avant) » pour exprimer l’idée « il y a un mois » en français et
« yi ge yue hou (un mois après) », au lieu de dire « dans un mois »
comme les Français. Pour ces derniers, une chose passée doit se situer
« après » et non pas « avant », et une chose appartenant au futur doit
se dire « avant » et non pas « après ». Pour les Chinois, le passé est
comme une personne qui a accompli une chose et qui marche devant
les autres alors que le futur ressemble à une personne qui suit les
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