5
l’origine la tradition chinoise veut que les enfants mariés restent avec
leurs parents, « Quatre générations sous le même toit » (si shi tong
tang) constituant le bonheur suprême de la grande famille. Maintenant,
les jeunes Chinois mariés préfèrent, si les conditions le leur permettent,
vivre séparément de leurs parents. Mais avant le mariage, ils vivent en
général avec eux, et s’ils ne trouvent pas de logement après le mariage,
ils restent, avec leur épouse ou époux, chez les parents de l’un ou de
l’autre. Puis, s’ils disposent d’un appartement suffisamment grand, ils
peuvent faire venir leurs parents afin qu’ils vivent avec eux, ce qui est
considéré comme tout à fait normal. Tout cela montre qu’en général,
les Chinois ont un besoin d’espace moindre que les Occidentaux. Mais
cela ne veut pas dire que tous les Chinois, pas plus que les
Occidentaux, ont les mêmes besoins d’espace ; ceux-ci varient en fait
selon les individus en fonction de leur statut social, de leur sexe, de
leur âge, de la situation, etc., Ainsi, selon une étude de Hall, les
Anglais se plaignent souvent des Américains, même s’ils partagent
leur langue, disant que ces derniers sont parfois importuns, car lorsque
les Anglais veulent rester un moment seuls, à l’abri des intrusions, les
Américains viennent toujours les déranger en leur posant des
questions de type « Qu’est-ce que tu as ? » « Pourquoi es-tu en
colère ? ». Ce conflit peut être expliqué par le besoin chez les uns et
l’absence de ce besoin chez les autres de disposer d’un espace
personnel pour assurer la protection de leur intimité. Quand un
Américain désire être seul, il se rend dans une pièce et ferme la porte,
il a besoin de barrières spatiales pour s’isoler, alors qu’un Anglais
dispose plutôt d’un ensemble de barrières intérieures, de nature
psychique, que les autres sont censés reconnaître lorsqu’il les fait
fonctionner. De plus, pour un Américain, refuser de parler à une
personne qui se trouve dans la même pièce constitue la forme suprême
du rejet et le signe évident d’un profond mécontentement. Il s’ensuit
que plus l’Anglais reste muet, plus l’Américain se sent dans
l’obligation de lui parler (Hall, 1971 : 172).
La conception de l’espace et celle du temps ont des
répercussions l’une sur l’autre. Ainsi, les Français apprenant le chinois
ont du mal à comprendre pourquoi les Chinois disent « yi ge yue qian
(un mois avant) » pour exprimer l’idée « il y a un mois » en français et
« yi ge yue hou (un mois après) », au lieu de dire « dans un mois »
comme les Français. Pour ces derniers, une chose passée doit se situer
« après » et non pas « avant », et une chose appartenant au futur doit
se dire « avant » et non pas « après ». Pour les Chinois, le passé est
comme une personne qui a accompli une chose et qui marche devant
les autres alors que le futur ressemble à une personne qui suit les