Le petit chemin. Le petit chemin s`éloignait du village discrètement

Le petit chemin.
Le petit chemin s’éloignait du village discrètement pour aller se dissimuler sous les frondaisons.
Parsemé de taches de soleil et d’ombres propices, il était une invitation à l’isolement, une invitation
à la confidence, celles des premiers émois comme celles des premiers secrets que l’on partage en
faisant promettre de ne le dire à personne et qui seront portés à la connaissance de tous. Ces petits
chemins sont une invitation au rêve, au romantisme, on peut y entendre le gazouillis des oiseaux
que les affaires humaines indiffèrent, le vent qui se faufile entre les feuilles sans considération pour
les robes de ces demoiselles. Ces petits chemins qui sentent bon la noisette sont une nécessité à
l’équilibre mental de nos cerveaux citadins surmenés.
Pourtant celui-ci avait un rôle essentiel dans la vie du village, s’il participait bien à l’équilibre mental
de chacun, s’il permettait l’isolement propice à la réflexion de l’Homme sur la raison de sa présence
sur terre et son devenir une fois rendu à celle-ci, on le fréquentait aussi pour ses vertus cachotières
dont l’influence sur l’organisme engendrait calme et sérénité et permettait de voir l’avenir immédiat
avec plus d’optimisme. D’ailleurs il portait un nom. Un nom que tout le village, dans une belle
unanimité, inhabituelle dans ces lieux de concentrations humaines plus habitués à cloche-merle
qu’au compromis, lui avait donné : ‘’le chemin du Cagarel’’
Quand on a dépassé le nord de Pinsaguel on ne sait plus ce que Cagarel signifie. Ces ignorants se
privent de bien des plaisirs de la langue d’Oc. Cagarel a pour verbe cagar, c'est-à-dire caguer en
patois et chier en français d’Oy. Le cagarel c’est les chiottes. On notera au passage que je n’ai pas dit
‘’la chiotte’’ qui fait vulgaire et témoigne d’une culture appauvrie, les chiottes c’est un lieu commun
partagé par tous.
Ah ! Un petit chemin réservé à l’usage exclusif et parfois biquotidien de la tripe en folie ! On imagine
les situations engendrées par cet usage. Les rencontres fortuites dès potron-minet, chacun son seau
à la main, le vide ou le plein selon que l’on va ou que l’on vient. Chacun essayant d’avoir un air
naturel (à l’instar du besoin du même nom) sans y parvenir tentant même un :
‘’tient !, …bonjour cher voisin’’ aussi léger que possible.
De retour au foyer on imagine le compte rendu au conjoint :
‘’j’ai rencontré Lionel au cagarel avec sin siau d’ pisse’’
air étonné du conjoint :
‘’il a la chaud’ pisse ?’’
‘’Mais non ! sin siau estiu plein pisse’’
Et le rencontré compterendant à son conjoint respectif :
‘’j’ai vu l’ Favin au cagarel il a changé d’seau, il en a un à fleurs maintenant !’’
Comme on le dit de quelqu’un qui aurait changé de bagnole :
‘’le Favin il a une Dacia maintenant’’
On imagine le bourgeois aux fesses pincées comme son sourire, retenant avec peine une taupe
impatiente d’atteindre le bord du trou, marchand à pas serrés et courts, en ayant soin de ne pas trop
ouvrir les cuisses par crainte d’accident, vers une retraite connue de lui seul, à coté d’une touffe
d’herbe propice aux usages réservés.
On imagine la mauvaise surprise de celui qui a pris beaucoup de précautions pour passer inaperçu
dans l’obscur d’un bouquet de feuilles en contrebas du fossé (le petit bourgeois sus mentionné par
exemple) et qui est soudain débusqué par un impétrant qui avait repéré le même coin pour son
usage personnel. Le sphincter soudain se con-tracte, la brusque rétention du colombin le refoule au
plus profond des hauteurs du colon à la limite du grêle, le sourire crispé trahissant la soudaine
humiliation de se trouver en si mauvaise posture, l’œil exprimant tout à la fois la gène, une forme de
soumission à l’infortune du moment, et une demande muette de discrétion. Le malaise s’empare des
deux camps, un court instant, un court instant seulement, car la position verticale est nettement plus
avantageuse que la position accroupie. Ainsi en va-t-il des situations militaires : le haut de la colline
est préférable au fond de la vallée
Mais le cagarel avait ses heures, surtout celles qu’il fallait éviter. La pire était celles de la sortie de
l’école. Internet et l’éducation directe des jeunes n’ayant pas encore fait son apparition, il fallait bien
que les plus délurés trouvent la réponse à cette question autour de laquelle le monde tourne :
‘’Est-ce vrai que les garçons naissent dans les choux ?’’.
Surtout si la sortie intervient juste après l’apprentissage du verbe ‘’aimer’’ (1er groupe). Ces
apprentissages sont rébarbatifs, ennuyeux et que veut dire ‘’aimer’’ quand on a 10 ou 11 ans. Au
premier groupe il existe des verbes autrement plus drôles à conjuguer et qui vous font retenir les
tournures les plus rebelles.
Précisément Aymé et Iréné revenant par le petit chemin au sortir de l’école, entendirent un pet. Pas
un petit pet de curé tout en retenue et dévotion, non, un Pêt un vrai, gras et volontaire qu’une none
n’eut pas renié. Coulant un œil pédonculé au travers du feuillage, il vire Josette une fille de l’école de
filles, de dos. La révision des temps du verbe aimer se fit avec le verbe péter :
‘’ah que voulez vous qu’elle fisse’’ aussitôt transformé en :
‘’ah que voulez vous qu’elle pisse ?’’
‘’qu’elle pétasse !’’
Avec tous les sous entendus et double sens de la formule qui ramenait au postérieur et, par
extension, à l’individu toute entière. Les conjugaisons allèrent bon train dans les frondaisons et les
mots d’oiseaux volèrent de branche en branche avec imagination et imperfections volontaires :
‘’Qu’il rendisse, non ! qu’il déguelasse !’’
et l’indéboulonnable :
‘’Encore eut-il fallu qu’elle le susse ! voire… suçasse’’
Je ne sais pas si l’instit aura noté les progrès de l’imparfait du subjonctif chez ses élèves mais la
connaissance des genres, et les applications concrètes découlant, y auront surement gagné.
On ne dira jamais assez le rôle que jouait le chemin du Cagarel de Pouvourville : La merde comme
ciment social !!
Mais voilà notre époque veut cacher ce sein qu’on ne saurait voir, Rabelais est enfoui au plus
profond de bibliothèques reculées, Baudelaire a perdu 100000 verges. Le chemin du Cagarel aux
odeurs si fortes, haut en couleurs et arrières train a perdu son nom et Pouvourville son esprit. Le
chemin du Cagarel est devenu chemin du château d’eau. Quel manque d’imagination ! Celui qui a
pondu ça n’a jamais appris à pêter plus haut que son cul…..
Certain diront que le chemin du Cagarel ne devait son nom qu’au fait qu’on y emmenait les chiens
crotter. Mes fesses ! Je préfère conjuguer le verbe pêter : ‘’qu’elle pétasse !’’ et Cagarel y soit qui mal
y pense !
Bernard LESAGE
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