La place de L’Europe dans le peuplement de la Terre De l’antiquité jusqu’au XVIIIe siècle, la croissance de la population mondiale est lente, malgré quelques phases d’accélération, comme entre le XIe et XIIIe siècles en Europe. En dépit d’une forte natalité, la surmortalité empêche toute augmentation rapide. A partir du XIXe siècle, et particulièrement en Europe, l’augmentation de l’espérance de vie, alors que la natalité reste élevée, entraîne de nouveaux flux de migration, en particulier vers les Etats-Unis. Ces migrations modifient en partie la carte de la répartition de la population mondiale. Quelle part l’Europe prend-elle dans l’évolution et la répartition de la population mondiale jusqu’au XIXe siècle ? I. Croissance et répartition de la population mondiale et européenne A. Une croissance lente, jusqu’à la fin du XVIIe siècle De fortes variations. EN Europe, la population baisse à la fin de l’Antiquité en raison des multiples guerres liées à la chute de l’Empire romain. Elle augmente au contraire assez nettement entre le XIe et le XIIIe siècles, période de croissance économique. Elle diminue fortement ensuite à cause de l’épidémie de peste qui touche l’Europe en 1347. Un faible accroissement naturel. Cette croissance lente s’explique par un accroissement naturel très faible (<0,5% par an). La natalité est très élevée (35 à 40%0) car il n’y a pas de contrôle des naissances. La mortalité est également très élevée (40%0) en raison d’une très forte mortalité infantile : les familles sont nombreuses mais un enfant sur trois meurt avant 5 ans et un sur deux seulement atteint l’âge de 20 ans. Ainsi l’espérance de vie est courte (moins de 30 ans) et la population jeune. LA mort est donc très présente, d’autant qu’il y a aussi des crises de surmortalité qui reviennent régulièrement avec les guerres (guerre de cent ans entre la France et l’Angleterre de 1337 à 1453), les épidémies (grande peste en Europe en 1347) et les famines (1481); les trois étant souvent associées. B. Du XVIIIe au XIXe siècles, une croissance plus rapide L’accélération de la croissance démographique A partir du XVIIIe siècle, la croissance s’accélère : la population mondiale passe de 461 millions d’hbts en 1500 à presque 1 milliard en 1800. A partir de cette date, la croissance de la population s’accélère encore : il a fallu toute l’histoire de l’humanité jusqu’à 1800 pour atteindre 1 milliard, mais ensuite seulement 130 ans pour atteindre 2 milliards. Cette évolution globale est très inégale dans l’espace. Elle a surtout lieu en Chine, où la population passe de 150 millions d’habitants en 17001 à 415 millions en 1900, et dans les pays européens qui vivent leur révolution industrielle et dont la population est multipliée par 3 en 200 ans. Les facteurs de la croissance. Cette explosion démographique du XIXe siècle en Europe est due à la baisse très forte de la mortalité dans les pays concernés. Cette baisse est le résultat de plusieurs facteurs. Tout d’abord, elle s’explique par les progrès de la médecine et de l’hygiène qui provoquent la disparition des grandes vagues épidémiques, en particulier de la peste, et une nette baisse de la mortalité infantile. D’autre part, les progrès de l’agriculture font quasiment disparaître les famines, et les populations, moins touchées par les guerres, connaissent une amélioration générale de leurs conditions de vie. Alors que la mortalité diminue, la natalité se maintient à un niveau élevé : l’accroissement naturel augmente. Cette explosion démographique du XIXe siècle est la première phase d’une évolution générale appelée transition démographique2. C. Permanences et mutations de la répartition de la population Une répartition de la population assez stable. La répartition de la population évolue assez peu au cours de la période, et la croissance démographique renforce les foyers existants. Dans l’antiquité, la population se concentre autour de la Méditerranée, au Moyen-Orient, en Inde et en Chine du Nord. En 1800, le foyer asiatique, Inde et Chine, est étendu à toute la Chine maritime et inclut le Japon et la Corée. L’Europe connaît un déplacement de son centre de gravité, de la Méditerranée vers l’Europe du Nord-Ouest. Le foyer moyen-oriental devient très secondaire tandis qu’apparaît le foyer du nord-est du continent américain, résultat des migrations européennes. L’urbanisation au XIX siècle. Apparues dès l’antiquité, les villes européennes prennent un nouvel essor entre le XI et le XIIIe siècles. Cette urbanisation s’amplifie au XIXe siècle avec la révolution industrielle et l’exode rural. Les populations rurales quittent les campagnes et la misère, attirées par les perspectives de travail dans les villes. Alors que l’Asie demeure rurale, les pays européens et les Etats-Unis connaissent un spectaculaire développement du monde urbain. Des villes nouvelles se créent aux EtatsUnis, tandis qu’en Europe les villes plus anciennes voient leur population augmenter largement (Londres, Paris). Dynastie Qing. Passage d’un régime démographique stable (tx de mortalité fort, tx de natalité fort et accroissement naturel faible) à un autre régime démographique stable (tx de natalité faible, tx de mortalité faible et accroissement naturel faible) 1 2 Tableau 1 Evolution de la population mondiale en millions Antiquité 500 1000 1250 1500 1700 1800 1900 2010 Monde 252 207 253 417 461 682 964 1634 6842 Europe 43 41 43 86 84 125 195 422 501 (UE) II. Les migrations européennes au XIXe siècle. A. Une forte mobilité européenne. De nombreux départs. Au XIXe siècle, la population européenne connaît une forte mobilité qui se manifeste à la fois par des flux massifs d’émigration hors d’Europe (55millions de départ entre 1820 et 1920) et par des flux internes au continent européen. Tous les pays d’Europe, à l’exception de la France, sont concernés par cette émigration de masse qui touche dans un premier temps les Européens du Nord et de l’Est, puis dans les années 1890, les Européens du Sud. Des facteurs économiques et sociaux. C’est la révolution industrielle et l’explosion démographique de l’Europe qui provoquent ces migrations. Les postes de travail créés par le développement industriel n’absorbent pas le trop-plein de main-d’oeuvre lié à la forte croissance démographique européenne. La pauvreté des populations rurales et la crise économique de la fin du siècle (Longue dépression des années 1870-1890) provoquent de nombreux départs. B. Une émigration massive hors d’Europe D’importantes migrations transocéaniques. Entre 1820 et 1920, 33 millions d’Européens arrivent aux Etats-Unis, 16 millions en Amérique latine. Aux Etats-Unis, la migration est importante entre 1900 et 1914 (1 million d’entrées par an). Après la Première guerre mondiale, elle se ralentit en raison de la mise en place de politiques migratoires plus restrictives (lois de 192à et 1924). Les migrations des Européens vers les colonies sont plus faibles. 600 000 européens s’installent en Algérie. Au début du XXe siècle, 900 000 Britanniques partent vers leurs colonies (Inde, Nouvelle-Zélande, Australie…) Pourquoi migrer ? Les gouvernements des pays d’accueil ont favorisé l’immigration. L’argentine par exemple, envoie des agents dits « racoleurs » pour recruter en Europe les futurs exploitants des terres vierges. Aux Etats-Unis, la révolution industrielle a besoin de bras. Les gouvernements des pays de départ sont aussi favorables à l’émigration. Ainsi, le Royaume-Uni veut peupler son empire. C’est aussi l’occasion pour des Etats de se débarrasser de populations pauvres sans travail et sans ressources. Enfin, grâce au progrès technique, les compagnies maritimes peuvent proposer des tarifs de traversée très bas, même si les conditions sont très pénibles pour les troisièmes classes. Du point de vue individuel, les motivations sont multiples. Elles sont surtout économiques (famine irlandaise de 1846-1851), mais aussi politiques ou religieuses comme pour les juifs de Russie fuyant les persécutions, ou encore plus personnelles liées à l’esprit d’aventure et à l’attrait pour de nouveaux mondes. La France : une exception en Europe. La France est le seul pays à connaître une baisse précoce de la natalité, ce qui explique son manque de main-d’œuvre dès le XIXe siècle. Ainsi, alors que les autres pays d’Europe sont des terres d’émigration, elle devient un pays d’immigration. Le nombre d’étrangers résidant en France est sans cesse à la hausse au cours du siècle. Jusqu’au début du XXe siècle, les Belges sont les plus nombreux, suivis par les Italiens puis les Polonais et les Espagnols dans l’entre-deux-guerres. C. Les difficultés d’intégration des migrants. Des populations qui subissent un fort rejet. Les migrants européens ont parfois des difficultés à s’intégrer à la société qui les accueille. Aux Etats-Unis, cette hostilité se nourrit de l’incompréhension à l’égard de populations qui sont pauvres et acceptent tous les travaux, et qui, pour la plupart, ne sont ni anglophones, ni protestantes, contrairement aux premiers migrants d’Europe du Nord. Elle se manifeste parfois par des émeutes violentes. On retrouve les mêmes phénomènes en France où la cohabitation n’est pas toujours facile, en particulier pendant les périodes de chômage. Xénophobie et inquiétude sociale entraînent des violences envers les étrangers, par exemple contre les italiens dans le Midi (Aigues-Mortes en 1893). Une intégration finalement réussie. Malgré ces difficultés initiales, souvent regroupés en quartiers par nationalités (par ex les italiens de « Little Italy » à New York) s’intègrent progressivement dans la société au fur et à mesure que leur niveau de vie s’améliore, même s’ils gardent des particularités nationales. Tableau 2 Les étrangers en France de 1851 à 2004 1851 1876 1891 1911 2004 379 289 801 754 1 130 211 1 332 000 5 000 000