Accompagnement spirituel

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« Moi en eux et toi en moi » C’est ainsi que Jésus nous révèle par une prière insistante
le désir qu’a Dieu de faire sa demeure en notre cœur. Ce désir est tellement inouï,
inconcevable que jamais nous n’aurions osé faire par nous-mêmes une telle prière. Dieu seul
pouvait prier Dieu de se donner ainsi lui-même à sa créature pour la rendre vivante de sa vie.
Dieu seul peut nous faire entrer ainsi dans la communion de son Amour. Il veut non seulement
libérer l’humanité du péché, mais opérer cette libération par le don de lui-même pour nous
unir à lui. Jean de la Croix connaissait par cœur ce chapitre 17e de Saint Jean. Il en faisait sa
propre prière pour faire sien le désir de Jésus.
En priant ainsi avec Jésus dans la foi, il a découvert un autre visage de Dieu que celui
que l’homme se forge par lui-même. Il a goûté ce mystère de la relation filiale au Père dans
l’Esprit qui nous fait nous écrier « Abba ! Père ! » Il est entré dans le cœur de la révélation que
Dieu fait de lui-même en son Fils. Il a découvert combien Dieu cherche l’homme infiniment
plus que ne saurait le faire le plus passionné des mystiques : le Verbe s’est fait chair ! Aussi
n’avons-nous pas d’autre chemin que d’écouter ce que Dieu nous dit en son Fils, car en lui il
nous a tout dit et n’a pas d’autre parole à nous dire que Jésus.
C’est pourquoi le chemin d’union à Dieu passe par la rencontre du Christ. Toute vie
spirituelle est l’histoire d’une rencontre et Jean de la Croix excelle à nous en parler dans ses
poèmes. Dans le Cantique spirituel, il déploie cet itinéraire sur quarante strophes. Ce long
poème est structuré par des moments clés de découverte et de retournement de perspectives.
Tout commence par la question initiale de la première strophe. Cette question jaillit comme un
cri de douleur, une prise de conscience de la blessure de notre être :
« Mais où t’es-tu caché / me laissant gémissante mon ami
après m’avoir blessée / tel le cerf tu as fui / j’ai couru criant tu étais parti »
La première réponse à cette question angoissée où t’es-tu caché ? survient à la
treizième strophe lors de la première rencontre avec l’Aimé lorsque celui-ci déclare :
« Colombe reviens-moi / voici le cerf blessé / qu’au tertre on aperçoit
qui au vent de ton vol s’aère et boit »
Cerf blessé, Dieu crucifié, voilà qui nous décentre de nos propres blessures pour nous
faire entrer dans l’expérience de l’Amour dont nous sommes aimés. Ce n’est pas tant nous qui
sommes blessés que Dieu lui-même en son Fils. A ce premier retournement de perspective
s’en ajoute un second au moment de l’union proprement dite : la Bien-aimée du Cantique
découvre à la trente et unième strophe que le cerf, est non seulement blessé, mais encore
prisonnier de l’amour de la bien-aimée. Celui qu’elle croyait en fuite est en fait captif de son
amour, attaché par un seul de ses cheveux et blessé de son seul regard :
« Par ce cheveu sans plus / qu’à mon cou tu as regardé voler
sur mon cou tu l’as vu / captif il t’a laissé / et à l’un de mes yeux tu t’es blessé »
Enfin tout culmine lorsque la réponse à la question initiale nous est donnée. Où donc
Dieu s’est-il caché, sinon dans les profondes cavernes de la pierre qui symbolisent dans le
poème l’incarnation du Verbe. Dieu s’est caché en se faisant homme et il nous entraîne à être
cachés avec lui en une profonde humanité. Dieu captif et blessé se cache avec nous dans la
profondeur de l’humain. Au terme du commentaire en prose, ce Dieu blessé, ce Dieu
prisonnier, ce Dieu caché en l’humain apparaît pour la première fois sous le Nom de Jésus en
une ultime prière : « Qu’il daigne conduire jusqu’aux noces glorieuses tous ceux qui
invoquent le très doux nom de Jésus, el Dulcissimo Nombre de Jesus ! » Oui, que le très doux
Nom de Jésus caché en notre cœur nous fasse vivre de manière profondément humaine de
cette vie divine ! Que nous puissions ainsi rencontrer l’autre en sa blessure, être libres dans les
liens de l’amour et vivre cachés jusqu’à être authentiquement humains ! De cette humilité de
notre condition humaine, Dieu a fait en son Fils et dans l’Esprit le sanctuaire de sa Gloire.
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