
Interprétations du rôle de Judas 
 
L'exemple de Judas le traître, tel qu'il est analysé dans la section 30 du Discours de Métaphysique 
de Leibniz est éclairant : certes, il était prévisible de toute éternité que ce Judas-là dont Dieu a laissé 
l'essence venir à l'existence, pécherait comme il a péché, mais il n'empêche que c'est bien lui qui 
pèche. Le fait que cet être limité, imparfait (comme toute créature) entre dans le plan général de la 
création,  et  donc  tire  en  un  sens  son  existence  de  Dieu,  ne  le  lave  pas  en  lui-même  de  son 
imperfection. C'est bien lui qui est imparfait, de même que la roue dentée, dans une montre, n'est 
rien d'autre qu'une roue dentée : le fait que l'horloger l'utilise pour fabriquer une montre ne rend pas 
cet horloger responsable du fait que cette roue dentée n'est rien d'autre, rien de mieux qu'une roue 
dentée. (Extrait du cours sur la Théodicée). 
 
Dans un recueil de nouvelles, Fictions,  l’écrivain Jorge Luis Borges évoque un étrange personnage, 
Nils Runeberg qui propose des interprétations du rôle de Judas dans l’Evangile. En voici une : 
« Runeberg  suggère  une  réhabilitation  de  caractère  métaphysique.  (…)  Il  fait  observer  que  pour 
identifier un maître  qui prêchait à la synagogue journellement et qui faisait des miracles devant des 
foules de milliers de personnes, point n’était besoin de la trahison d’un apôtre. Cependant elle eut lieu. 
Il est intolérable de supposer une erreur dans l’Ecriture ; il est non moins intolérable d’admettre un fait 
fortuit dans le plus précieux événement de l’histoire du monde. Donc la trahison de Judas n’a pas été 
fortuite ; elle fut un fait préfixé qui a sa place dan l’économie de la rédemption. Runeberg poursuit : le 
Verbe, quand il s’incarna, passa de l’ubiquité à l’espace, de l’éternité à l’histoire, de la félicité illimitée 
au changement et à la mort ; pour correspondre à un tel sacrifice, il fallait qu’un homme, représentant 
tous les hommes, fît un sacrifice condigne (de la même dignité). Judas Iscariote fut cet homme. Judas, 
le seul parmi les apôtres, pressentit la secrète divinité et le terrible dessein de Jésus. Le Verbe s’était 
abaissé à être mortel ; Judas, disciple du Verbe, pouvait s’abaisser à être délateur (la délation étant le 
comble  de  l’infamie)  et  à  être  l’hôte  du  feu  qui  ne  s’éteint  pas.  L’ordre  inférieur  est  un  miroir  de 
l’ordre supérieur (…) Judas reflète Jésus en quelque sorte. De là les trente deniers et le baiser ; de là la 
mort volontaire, pour mériter encore davantage la Réprobation. C’est ainsi que Nils Runeberg élucida 
l’énigme de Judas. » 
 
Comment comprenez-vous l’interprétation de Leibniz ? 
Celle de la fiction de Borges ? 
Quelle est votre propre interprétation du rôle de Judas ?