astronome, sur un plateau consacré à l’astrologie, relève toujours d’un déplacement de
compétence ; et c’est une première faiblesse de la position des adversaires des parasciences
dans les débats médiatisés.
Le désaccord entre partisans et adversaires des parasciences se retrouve à bien d’autres
niveaux ; en particulier, les parties en présence proposent des interprétations divergentes du
débat qui les oppose. Pour les adversaires des parasciences, il s’agit du combat entre l’ombre
et la lumière, l’obscurantisme et la pensée rationnelle, les charlatans et les démystificateurs.
Cette image qu’ils renvoient du débat, caractérisée par un manichéisme auquel ils échappent
rarement, confère une place bien inconfortable aux téléspectateurs attirés par les parasciences
; ils se voient taxés de “gogos”, de crédules – ou au mieux, quand les rationalistes cherchent à
ménager leur susceptibilité, de victimes. A l’inverse, les défenseurs médiatiques des
parasciences flattent leurs partisans ; pour eux, les scientifiques ou rationalistes opposés aux
parasciences entrent dans la droite lignée des accusateurs de Galilée, qui, en leur temps,
n’avaient pas su reconnaître le génial découvreur de la rotondité de la Terre, et s’étaient
accrochés à leurs préjugés déjà obsolètes afin de préserver leurs privilèges et leur pouvoir.
Ainsi, face à un astronome qui nie la possibilité d’une influence des astres sur les destins
individuels, E. Teissier s’exclame : « et Galilée, alors ? Et Galilée ? ». Quant au public, il ne
lui reste qu’à choisir son camp : celui de la censure, de l’Inquisition (ou, selon les termes des
partisans des parasciences, de la “science officielle”), ou celui des partisans éclairés des
découvreurs modernes.
Désaccord encore, lorsque les débatteurs s’attachent à définir l’objet de la discussion. Les
partisans des parasciences considèrent comme acquis ce que leurs adversaires contestent ; et
chacun de chercher à faire peser sur l’autre la lourde charge de la preuve. Si, pour les
“rationalistes”, c’est à ceux qui affirment que « les cochons volent à la pleine lune »
d’apporter la preuve de leurs allégations, les défenseurs des parasciences développent une
rhétorique de l’acquis, et présentent comme incontestables l’existence des phénomènes “para”
ou l’efficacité des “mancies” (astrologie, morphopsychologie, etc.). A qui incombe alors la
tâche d’argumenter ? A ceux qui affirment, ou à ceux qui rejettent ?
Enfin, et c’est peut-être là le véritable coeur du débat, comment peut-on argumenter ? Existe-
t-il des moyens de preuve (argumentatifs ou scientifiques) que les deux parties en présence
seraient prêts à admettre ? Bien souvent, les partisans des parasciences étayent leurs dires par
des témoignages attestant d’expériences vécues. Ce type de preuve est remarquablement bien
adapté au dispositif médiatique ; il peut assurer une dimension spectaculaire, émotionnelle. Il
prend la forme d’un récit informel, accessible à tous, imputable à un individu en chair et en
os, prêt à attester de l’authenticité de l’expérience qu’il a vécue. Comment résister au
témoignage de cette femme qui, lors de l’émission “Bas les masques”, racontait sa douleur à
la mort de son époux, et l’immense bonheur d’avoir pu entrer en contact avec lui après sa
mort, par le biais d’un magnétophone ? Face à de tels récits, les adversaires des parasciences,
invoquant une éthique scientifique, contestent la validité de tels moyens de preuve. Les
témoignages sont-ils fiables ? L’expérience particulière relatée est-elle généralisable ? Pour
eux, seule une expérimentation en laboratoire, selon un protocole répondant aux exigences de
la démarche logico-expérimentale, serait concluante. Mais, contrairement aux témoignages,
de tels moyens de preuve ne sont guère télégéniques ; et dès que la discussion s’engage sur les
résultats d’une expérimentation précise, c’est l’animateur qui s’empresse de mettre le holà :
« ne soyez pas trop techniques », dit Tina Kieffer à ses invités qui engagent imprudemment
une discussion sur le protocole d’expérimentation des médecines parallèles. Les débats
télévisés adoptent un profil bas, et posent par avance que le “téléspectateur moyen” ne peut
pas suivre une discussion un peu technique. Résultat : seuls sont recevables les arguments
développés par les partisans des “parasciences”. Et même lorsque le défenseur d’une
parascience met en avant les conclusions d’une expérimentation scientifique (comme le font
souvent Y. Lignon pour la parapsychologie ou E. Teissier pour l’astrologie), les contraintes
imposées par le genre “débat télévisé” interdisent que le protocole d’expérimentation soit
discuté, et la seule ressource des adversaires des parasciences est d’invoquer à leur tour les