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et thérapeutiques), sont repris ici de manière exhaustive en fonction de leurs apports à la consolidation
de l’hypothèse propre d’Obrillant Damus, à savoir que la maladie du cancer nous met en proximité avec
la mort, et de ce lieu de la vulnérabilité humaine émerge du lien social grâce aux solidarités suscitées
par la maladie. La thèse éclaire ainsi d’un jour nouveau le concept du don, « fait social total » selon
Mauss et qui est revenu comme « une énigme » (au sens de Godelier) au centre des recherches en
anthropologie et sociologie. Les solidarités manifestées autour des malades de la prostate viendront
démontrer ici le caractère universel de la loi du don symbolisé dans ce travail par le fameux tableau
(p.13) du peintre Raphael « Les trois grâces » (donner- recevoir- rendre).
Apres s’être penché sur les travaux médicaux pour découvrir les données épidémiologiques sur le cancer
de la prostate et sur les divers facteurs de risques, la thèse développe au niveau méthodologique les
raisons qui justifient le choix d’Haïti comme terrain pour les enquêtes et la mise à l’épreuve de
l’hypothèse avancée. Si la faiblesse de l’Etat-providence induit le recours à la famille comme famille-
providence, celle-ci sera particulièrement le lieu le plus fort de déploiement de systèmes informels de
solidarité. De surcroit, l’étude conduite à l’hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (sur 60 patients atteints
du cancer de la prostate et sur 3 médecins soignants) et à l’Institut haïtien d’Oncologie à Port-au-Prince
donne à penser que le séisme survenu le 12 janvier 2010 entraine une aggravation de la situation des
malades et en même temps une montée en puissance des solidarités informelles face à la destruction de
la maison familiale et à la disparition de membres de la famille ou des proches.
Sur sept chapitres, Obraillant Damus décline et analyse les divers types de solidarité autour des malades
du cancer de la prostate que révèlent ses enquêtes : solidarités familiales, amicales, de voisinage,
d’église, médicales, tradimédicales et entre les malades eux-mêmes. Les solidarités familiales sont les
plus solides et les plus profondes comme le montre le diagramme de la p.284, elles sont appuyées par
les solidarités amicales quand elles protègent contre les discriminations et les préjugés, de même par
celles de l’Eglise comme prolongement de la famille ou comme substitut à la famille ; les tradimédicales
de leur coté se mettent en mouvement souvent sur la base de la sollicitude des membres de la famille,
car en Haïti la carence des soins médicaux modernes est compensée par le recours aux « médecins-
feuilles », fins connaisseurs des plantes médicinales et dont le rôle est inscrit dans la culture très riche
qu’est le vodou.
La dernière partie de la thèse porte logiquement sur les attitudes des malades du cancer de la prostate
d’abord face au diagnostic lui-même et ensuite sur les représentations de la maladie. Le diagnostic
apparait pour le malade comme un événement, un basculement, une catastrophe même qui conduit à
s’interroger sur la mort et le sens de la vie. Il suscite de la dénégation et en même temps toutes sortes
de fantasmes qui mettent en cause et en crise l’identité du malade. D’autant plus que ce type de cancer
a des incidences immédiates sur la vie sexuelle eu égard aux traitements qui peuvent entrainer tantôt
de l’incontinence, tantôt de l’impuissance. Le malade est alors porté à imaginer les causes les plus
irrationnelles à la maladie. Obrillant Damus examine cette problématique de la vulnérabilité humaine
ressentie par l’individu en nous conduisant à une relecture des analyses fines de Jankélévitch sur le
rapport à la mort. A ce niveau de sa recherche, on pourrait croire que la thèse s’affaisse dans un
pessimisme. Bien au contraire, c’est la vulnerabilite elle-même qui ouvre la voie à la solidarité et à une