Appel à communication « Histoire de la Sociologie »
Vème Congrès AFS, Nantes, 2-5 septembre 2013
L’histoire de la sociologie en tant qu’étude des théories et des contextes sociaux de leur
production est une spécialité de recherche essentielle : elle fonde le socle de l’enseignement
de la sociologie et alimente la pensée des sociologues contemporains. C’est pourquoi, à
travers cet appel à communication, nous souhaitons constituer un groupe de travail au sein
de l’AFS. Le thème des dominations, auquel le Vème Congrès de l’AFS nous invite à réfléchir,
va nous permettre d’examiner, à travers les cinq axes que nous proposons, la place de cette
notion dans l’histoire de la sociologie, mais aussi d’interroger les conditions de production de
ses savoirs. En effet, les rapports de domination ne concernent pas seulement les relations
sociales, c’est-à-dire les relations asymétriques qui s’établissent entre les individus et les
groupes, ils sont aussi à l’œuvre dans les savoirs disciplinaires, que ce soit dans les
conditions et les processus de production, de réception et de diffusion de ces savoirs.
1.
Origines et usages de la notion de domination en sociologie
Il s’agira ici de s’interroger sur les origines de cette notion et son actualité. Alors que la
notion de domination est au cœur de l’explication sociologique de plusieurs sociologues et
fondateurs de la discipline, paradoxalement elle ne fait pas l’objet de longs développements
dans les principaux dictionnaires de sociologie, à l’inverse de concepts voisins tels l’autori
ou le pouvoir. Quand apparaît son emploi en sociologie ? Quels en sont les différents sens et
usages ? Existe-t-il des périodes de déclin ou assiste-t-on à un renouveau, un retour en force
de cette notion dans la sociologie d’aujourd’hui ? Peut-on parler de sociologues et de
sociologie(s) de la domination ? Ce questionnement nous conduit à convier de nombreux
auteurs classiques, de Marx à Bourdieu et Giddens, en passant par Durkheim et Weber. Les
usages de la notion pourront être également étudiés dans différents pays dans une optique
comparative et dans les différents champs de la sociologie.
2.
La domination linguistique dans l’expression de la sociologie
Cet axe aborde les rapports de domination linguistique lors des échanges internationaux qui,
s’ils touchent l’activité scientifique en général, pénalisent sans aucun doute davantage les
sciences sociales et la sociologie. Dès 1958, G. Gurvitch, en créant l’AISLF, avait voulu
opposer une résistance française à la domination de la sociologie américaine et plus
généralement à la sociologie de langue anglaise. Aujourd’hui que les échanges
internationaux se sont multipliés et intensifiés, il apparaît nécessaire d’interroger ce rapport
de domination dans notre discipline, la place de l’expression de langue française dans la
sociologie, mais aussi les formes possibles de résistance. Le combat de Gurvitch est-il encore
d’actualité ? Les sociologies nationales ont-elles encore un sens ? L’usage de l’anglais est-il
devenu incontournable pour exister sur la scène internationale de la sociologie ? La
domination de la sociologie américaine est-elle inéluctable ? On pourra ainsi rechercher les
indicateurs de domination objective de la sociologie américaine sur les autres sociologies
nationales qui peut se traduire sur le plan linguistique, mais aussi sur le plan thématique,
théorique et méthodologique.
3.
La sociologie en région ou les rapports de domination Paris / Province
L’histoire des universités, avec la récente publication dirigée par C. Soulié sur l’Université de
Vincennes
1
, apparaît comme un axe de recherche très prometteur pour comprendre
notamment l’histoire de l’institutionnalisation des disciplines dites « nouvelles ». En
introduisant la dimension locale ou régionale, elle conduit ainsi à interroger le rapport Paris /
1
SOULIÉ Charles (Dir.), 2012, Un mythe à détruire ? Origines et destin du Centre universitaire expérimental de
Vincennes, Paris : Presses Universitaire de Vincennes.
Province comme un rapport asymétrique ou de domination territoriale souvent minoré. Et
pourtant, faire carrière à Paris et en Sorbonne de préférence reste pour beaucoup de
sociologues, par exemple, une ultime étape à franchir ; faire quelques années de
« purgatoire » en Province a été une pratique longtemps acceptée. Mais au-delà des
carrières, il s’agit aussi d’un rapport de domination qui touche à la production et la diffusion
des savoirs. Peut-on produire de la sociologie ailleurs qu’à Paris ? Comment la Province
rivalise-t-elle avec Paris qui concentre des institutions prestigieuses, des chercheurs et des
moyens de recherche, en lien direct avec des grandes écoles et des centres politiques ? La
transformation récente des universités en pôles de recherche et d’enseignement supérieur
va-t-elle atténuer cette domination territoriale ou au contraire la renforcer en la
complexifiant ?
4.
Histoire des écoles et courants théoriques dominants
Pourquoi un courant théorique réussit-il à s’imposer à un moment donné et à dominer dans
le paysage disciplinaire de la sociologie ? A quels signes peut-on mesurer cette domination
théorique ? Quels en sont les indicateurs objectifs ? Quels sont les facteurs cognitifs et/ou
sociaux qui favorisent ou font obstacle à la reconnaissance d’un courant ? On pourra
s’appuyer sur la tradition sociologique depuis Comte ou Durkheim, mais aussi sur des
courants plus récents de la seconde moitié du XXème siècle afin de contribuer à l’histoire des
processus d’institutionnalisation des « écoles » disciplinaires, théoriques ou de pensée Il
s’agira également à travers cet axe de comprendre l’avènement du pluralisme explicatif qui
caractérise aujourd’hui notre discipline.
5.
La sociologie : une discipline dominée ?
On ne saurait faire l’impasse, enfin, sur la « domination » d’une discipline universitaire par
une autre ou une série d’autres. Si A. Comte
2
, dans sa théorie des sciences, donnait à la
sociologie une position hégémonique, P. Bourdieu
3
postulait en 1984 qu’elle était dominée
par la philosophie et que les sciences sociales étaient reléguées au bas de la hiérarchie
universitaire. Qu’en est-il aujourd’hui alors que le positionnement de la philosophie n’est plus
le même ? On pourra revenir sur la lutte historique menée par E. Durkheim pour imposer le
regard sociologique dans le champ disciplinaire français, examiner la place de la sociologie
par rapport aux autres disciplines la philosophie, mais aussi l’économie ou l’histoire ou
encore questionner les transformations plus récentes de recomposition disciplinaire à l’œuvre
dans nos universités et nos unités de recherche, avec notamment le développement d’études
pluridisciplinaires sur le genre, le colonialisme
Ces thèmes ne sont pas limitatifs, ni exclusifs d’autres propositions de communication. Les
travaux récents ou en cours, relevant de l’histoire de la sociologie et privilégiant la dimension
empirique, seront en particulier bienvenus.
Les propositions de communication n’excéderont pas les 2 000 signes et devront être
envoyées conjointement à Matthieu Béra (bera@u-bordeaux4.fr), Monique Hirschhorn
(monique.hirsc[email protected]om) et Patricia Vannier ([email protected]) avant le
15 février 2013.
2
COMTE Auguste, 1830, Cours de philosophie positive, Paris : Librairie Larousse.
3
BOURDIEU Pierre, 1984, Homo Academicus, Paris : Minuit.
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