Ugo Perone, La verità del sentimento, Napoli, Guida, 2008, coll. « Soggettività etica e psicologia », 179 p., 11,50 €. Quel rapport existe-il fondamentalement entre la philosophie et le sentir ? Le sentiment est-il porteur de la vérité métaphysique ? Peut-on parler sans se contredire de sentiment méta-physique ? Nous sommes habitués, pour ne pas dire « habités », par la philosophie comme réflexion, comme raison. Mais de quelle manière a évolué durant les siècles le sentiment à l'intérieur de la philosophie ? Comment entendre le titre du livre, « La vérité du sentiment » ? Peut-on dire simplement que la sensation est vraie parce qu'elle existe ? Paradoxalement, possède-t-elle sa propre rationalité « scientifique » ? N’y a-t-il pas d’autres significations ou sens à découvrir en parlant du sentir ? Comment celui-ci doit-il être vécu, maîtrisé, sur quel mode peut-on, doit-on en faire l’expérience ? Telles sont les questions que suscite le premier temps de l’ouvrage, « Le sentiment métaphysique », après une introduction fructueuse et audacieuse. Il est un fait, rappelle U. Perone, bien connu tant en Italie comme professeur ordinaire de philosophie morale et directeur du Département d'études humanistes de l'université du Piémont oriental, fondateur et directeur scientifique de l'École de haute formation philosophique de Turin qu’en Allemagne en vertu de ses travaux sur Feuerbach, Schiller, Bonhoeffer, Benjamin, que le sentiment est l’ « autre moitié », repoussée, fortement circonscrite et finalement sacrifiée de la philosophie au profit de la connaissance rationnelle. Le sentiment en sa vérité est alors renvoyé, au mieux, du côté de la sphère privée, au pis, dans une dimension non philosophique. Le paradoxe veut que l’amour de la connaissance, ce par quoi la philosophie se définit, ne soit que connaissance, dans l’oubli ou la mise à l’écart de tout sentiment. Cette philosophie éminemment rationaliste a perdu là une sphère cruciale d’investigation qu’il convient de réinvestir. Dans cette perspective, cet écrit bref, mais dense et intense, reconstitue l’histoire millénaire du sentiment en faisant apparaître sa grammaire et sa logique. Tout pivote autour des auteurs majeurs de l’histoire de la philosophie : Platon, Aristote, Descartes et Kant et, en arrière-fond, Heidegger, Husserl, Merleau-Ponty, et M. Henry, avec les sentiments de doute, de détresse, de nausée, d’ennui, d’angoisse. La posture du cartésianisme revisité occupe le deuxième moment, « Le sentiment protégé », précédant « Le retour du sentiment d’angoisse » jusqu’au « sentiment de l’infini » dans un quatrième temps. « Le sentiment perdu et retrouvé : la ressource de l’infini », suivi de « Route et carte », temps le plus énigmatique et passionnant, avec ce qui suit, en une sixième phase, « Le sentiment aujourd’hui », achevant son parcours avec « Le sentiment comme thème pour la philosophie ». Se joue ici une tout autre vision de la culture et de la philosophie. Robert TIRVAUDEY.