La maladie coronarienne en 2015. Les nouveautés dans la compréhension, le diagnostic et le suivi Dr Jean-Christophe Carvalho 8 mai 2015 Objectifs Déterminer les limites de l’épreuve d’effort dans l’évaluation diagnostique et pronostique de la maladie coronarienne; Utiliser les tests déjà disponibles tels que les examens en médecine nucléaire lorsque nécessaire pour l’évaluation du patient coronarien; Reconnaître le potentiel des nouveaux examens (résonance magnétique, TACO) dans l’évaluation de la maladie coronarienne; Comprendre l’évolution de la maladie coronarienne chez le patient ayant eu une intervention (pontage, dilatation…); Évaluer, avec les examens appropriés, l’évolution de la maladie coronarienne chez un patient ayant eu des interventions (stent, pontage). Stratification cardiaque Entendu dans un cabinet près de chez vous… Il est cardiaque et son cardiologue ne lui fait même pas de tapis roulant… Son frère a fait un infarctus, il faut absolument qu’il subisse un tapis roulant. Son cardiologue lui avait dit que son tapis était excellent et il a fait un arrêt cardiaque le lendemain… Quelle erreur médicale! Un examen limité… Comme tout autre test en médecine, l’épreuve d’effort dépend de la probabilité pré-test: Un examen limité… Bien que peu coûteuse, sécuritaire, facilement accessible et permettant d’évaluer la classe fonctionnelle et certains phénomènes arythmiques: • • • Sensibilité et spécificité moins favorables que certains autres examens; Le bassin de population pouvant potentiellement être référé pour un tapis roulant est vaste; Ces 2 facteurs ouvrent la porte à des taux élevés de faux positifs qui peuvent engendrer d’autres investigations plus coûteuses et plus risquées. Un examen limité… Un examen limité… Facteurs pouvant influencer les résultats: • • La capacité du patient à fournir un effort suffisant (doit idéalement atteindre 85% de la FCMP; Les anomalies à l’ECG au repos: • • BBG, imprégnation digitalique, HVG, anomalies du ST de plus de 1 mm au repos, Wolff-ParkinsonWhite, rythme électro-entraîné. Prise concomitante de médications pouvant modifier les résultats (anti-angineux utilisés pour HTA). Un examen limité… L’épreuve d’effort évalue à un moment X très restreint les conséquences physiologiques de l’effort physique sur le muscle cardiaque dans le but d’éliminer de l’ischémie. La majeure partie des infarctus sont causés par des plaques non-obstructives qui ne sont pas détectées par le tapis roulant (nous y reviendrons plus tard). Qui tester alors? Toujours commencer par la base avant de considérer une stratification: • • Histoire, examen physique, revue des antécédents personnels et familiaux et des habitudes de vie; ECG au repos, FSC, Na, K, Créat, bilan lipidique, glycémie à jeûn, HbA1c, ALT, TSH et calculer le risque CV. Qui tester alors? Avec quel test? Avec quel test? Contre-indications à l’épreuve d’effort: • • • • • • • • Sténose aortique sévère symptomatique Hypertension pulmonaire sévère Infarctus du myocarde aigu (< 2 jours) et angine instable Arythmies non-contrôlées avec instabilité HD Endocardite aiguë, péricardite ou myocardite Embolie pulmonaire ou systémique Suspicion de dissection de l’aorte Toute autre condition pouvant s’exacerber à l’effort Avec quel test? Contre-indications à la dobutamine: • • • • • Tachycardie ventriculaire; Infarctus aigu ou angine instable; Obstruction significative de la chambre de chasse du VG; Hypertension sévère; Dissection aortique. Avec quel test? Contre-indications au Persantin (vasodilatateurs): • • • • • Sténose des artères rénales; Bloc AV de haut degré ou maladie du sinus symptomatique; Hypotension; Bronchospasme sévère; Prise chronique de dipyridamole. Nouvelles options? Angio-CT des coronaires: • • • • Excellente sensibilité (96%) et valeur prédictive négative (99%); Évaluation anatomique; Lorsque la technologie est disponible, peut être fait relativement facilement 24h/24h et donc applicable à un contexte de salle d’urgence; Évaluation par imagerie des structures extra-cardiaques aidant au diagnostic différentiel. Nouvelles options? Angio-CT des coronaires: • Radiations et iode; • Tendance à surestimer les sténoses coronariennes par rapport à la coronarographie; • Les sténoses > 50% sont associées à de l’ischémie seulement 30 à 50% des cas; • Problèmes d’artéfact: tuteurs, clips métalliques, scores calciques > 400… • Nécessite une formation complémentaire. Nouvelles options? Angio-CT des coronaires: • Patient idéal: • IMC < 40 • Capable de retenir sa respiration • FC < 65/min sans fibrillation auriculaire • Fonction rénale permettant injection de contraste • Capable de tolérer les bêta-bloqueurs, la nitro et de lever les 2 bras plus haut que les épaules. Nouvelles options? IRM cardiaque: • Sensibilité de 91% et évalue les parois et la cinétique ventriculaire permettant de distinguer un infarctus aigu d’un infarctus ancien; • Permet d’éliminer d’autres CMP non-ischémiques; • Peut évaluer la micro-circulation; • Évaluation anatomique des coronaires; • Peut être faite avec dobutamine pour stratification; • Pas d’irradiation. Nouvelles options? IRM cardiaque: • Longues acquisitions et restrictions similaires à celles de l’angio-CT coronarien; • Disponible uniquement en centre tertiaire et nécessite une formation complémentaire; • Précautions avec corps métalliques; • Claustrophobie; • Gadolinium et risque de fibrose néphrogénique systémique; Et le patient asymptomatique? Pendant longtemps, on a cru que l’épreuve d’effort prophylactique pouvait déterminer le risque CV d’un individu. Or, un patient avec MCAS est certainement à haut risque, mais la majorité des patients à risque intermédiaire ou élevé ont des tapis normaux. La fausse réassurance d’un tapis roulant normal peut mener à un sous-traitement des facteurs de risque. Les faux positifs chez les patients à faible risque mènent à du surtraitement, de la surinvestigation et du surdiagnostic. Et le patient asymptomatique? Aux États-Unis (ACC): I IIa IIb III An exercise ECG may be considered for cardiovascular risk assessment in intermediaterisk asymptomatic adults (including sedentary adults considering starting a vigorous exercise program), particularly when attention is paid to non-ECG markers such as exercise capacity. Et le patient asymptomatique? Au Canada (SCC): • Les lignes directrices du traitement des lipidiques d’utiliser certaines investigations pour mieux définir le risque CV chez les patients avec un risque entre 5 et 19% ne nécessitant pas de statine: • Dans le but de déterminer si ces patients sont à haut risque et devraient être traités malgré des LDL < 3,5 mmol/L, CT-HDL < 4,3 ou une apo-B < 1,2 g/L. • Devrait être fait seulement si cela va changer la conduite. • N’utiliser qu’UN des tests proposés en considérant les caractéristiques du patient et les particularités locales. • Pas de nécessité de répéter ces tests annuellement d’emblée. • Aucune étude n’a validé de façon franche une telle stratégie. Suivi postintervention Illustration from from Libby P: Inflammation in Atherosclerosis. Nature 202;420:868 Plaque vulnérable Pendant des années, la théorie de la plaque vulnérable a justifié bon nombre d’essais cliniques et bon nombre de traitements en syndrome coronarien aigu. La quête de méthodes permettant d’identifier et de traiter LA plaque qui provoquait les événements aigus s’est enclenchée. Mais malgré les méthodes d’imagerie de plus en plus précises et malgré des traitements interventionnels de plus en plus efficaces (tuteurs, ballons, etc), l’approche basée uniquement sur la plaque instable s’est avérée sousoptimale lorsque prise isolément. Plaque vulnérable Alors pourquoi continuer à promouvoir un tel concept??? Les plaques vulnérables existent-elles? : OUI Est-ce qu’un patient stable cliniquement stable peut avoir des plaques instables? : OUI Est-ce qu’un patient instable n’a qu’une seule plaque instable expliquant ses malheurs? : NON Est-ce qu’une plaque instable est condamnée éternellement à cet état d’instabilité? : NON Pourquoi continuer la quête unique de la plaque instable??? • $$$$$$$$$$$$$$$$$$ et carriérisme… Plaque vulnérable Relativement peu de science « pure », beaucoup d’argent… • À l’heure actuelle, au NIH: • 400 bourses de recherche annuelles sur la plaque vulnérable totalisant 150 millions de dollars/an. • 2000 publications existent sur la plaque vulnérable. • Créations de techniques d’imagerie coûteuses pour mieux visualiser les plaques vulnérables (histologie virtuelle par écho endovasculaire, thermographie, spectroscopie par infra-rouge, palpographie, tomographie par cohérence optique…) Plaque vulnérable Il est donc préférable d’identifier le patient vulnérable plutôt que la plaque vulnérable. Le fardeau athérosclérotique d’un patient corrèle normalement avec son risque CV rendant le calcul de ce risque pertinent. En événement aigu, les agents antithrombotiques sont également essentiels. Quel suivi? Avant tout: optimiser le traitement médical: • Améliorer les habitudes de vie et cesser le tabagisme. • Anti-thrombotiques: • ASA seule vs double traitement anti-plaquettaire vs anticoagulation • Contrôler la tension artérielle: • IECA (ou ARA si intolérance) • Anti-angineux selon le contexte clinique • Hypolipémiants: • Statines à fortes doses à prioriser +++++ • Contrôler le diabète: • Metformine en premier Quel suivi? Post-syndrome coronarien aigu: • Traitement agressif des facteurs de risque essentiel durant au moins la 1ère année. • Double traitement anti-plaquettaire également suggéré pendant 12 mois lorsque possible. • Au bout d’un an, certains traitements peuvent être réévalués, mais la plupart doivent être maintenus au long terme si tolérés. Quel suivi? Post-tuteur: • Respecter la durée du traitement anti-plaquettaire suggérée par le cardiologue hémodynamicien. • Si le traitement doit être écourté, consulter le cardiologue du patient au préalable en raison du risque de thrombose de tuteur • Risque plus marqué avec les tuteurs médicamentés, mais en amélioration avec les tuteurs de nouvelle génération. • Possibilité de resténose du tuteur: • 20 à 30% de risque avec les tuteurs non-médicamentés vs 5 à 10% de risque avec les tuteurs médicamentés; • Se présente avec récidive d’angor classiquement entre 3 et 9 mois; • Nécessite normalement un retour en coronarographie. Quel suivi? Post-tuteur: • En l’absence de récidive de symptômes, il n’est pas obligatoire de recontrôler l’épreuve d’effort suite à une angioplastie. • Le suivi clinique seul peut être suffisant dans bien des cas. • Il est normalement considéré que, lorsque stable, un patient n’aurait pas être stratifié dans les 2 ans suivant une angioplastie (encore sur la « garantie »…). • Échographie cardiaque utile surtout pour le suivi de la fraction d’éjection. Quel suivi? Post-pontages: • Les principes du traitement sont les mêmes que pour les tuteurs. • Lorsque les pontages sont faits dans un contexte de syndrome coronarien aigu, le double traitement anti-plaquettaire doit être maintenu 12 mois si possible. • Il n’y a pas de « resténose » de pontages comme celle des tuteurs, mais près de 50% des pontages veineux sont thrombosés après 5 à 10 ans. • Excellente longévité des pontages mammo-coronariens. • Il est normalement considéré que, lorsque stable, un patient n’aurait pas être stratifié dans les 5 ans suivant un pontage (encore sur la « garantie »…). Quel suivi? En somme, que le patient soit revascularisé ou non: • La maladie coronarienne continuera sa progression et le traitement médical est essentiel à la prévention des événements futurs. • En dehors des récidives précoces d’angor ou d’événements post-revascularisation (qui nécessitent une réévaluation en cardiologie), les indications de stratification sont similaires à celles énoncées au début de la présentation.