Cours d`intro. : quelques notions nécessaires Déf. de

Steven DUARTE « Civilisation islamique »
Maître de conférences (arabe/islam contemporain) année universitaire 2016-2017
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Cours d’intro. : quelques notions nécessaires
Déf. de religion : « un ensemble de croyances et de pratiques qui produisent du sens sur la place
de l’homme dans l’ordre du monde et qui unissent ceux qui y adhèrent en une communauté »
1
.
Islam-civilisation / islam-religion
Il est fondamental ensuite de distinguer « islam » et « islam », dans les milieux académiques
on a coutume de considérer « islam » comme étant la religion et « Islam » comme étant la
civilisation (ci-après poly.1 « les trois empires »).
(source de l’image : https://jspivey.wikispaces.com/Block+G+Muslim+Empire+Project+(Dongju,+Jenn,+Corie))
Distinguer ne signifie pas que ces notions sont fondamentalement différentes et ne se recoupent
pas mais cette distinction permet déjà de commencer à naviguer dans une histoire sans
confondre les différentes mers que l’on va y rencontrer. Les sciences humaines ne présentent
pas un discours de vérité mais elles tendent à ne pas se laisser entraîner dans la facilité, dans ce
que souvent dans un milieu donné on considère comme allant de soi.
Beaucoup de malentendus proviennent par exemple du fait que les parties en présence ne parlent
pas de la même chose que les scientifiques ou ne perçoivent pas la complexité d’un phénomène,
et ce, pour différentes raisons.
Il y a une différence entre considérer une religion vis-à-vis de laquelle chacun est libre
d’exprimer son adhésion ou non, sa fascination ou sa répulsion, une autre chose est de contester
1
Bruno Etienne, Islam : les questions qui fâchent, Paris, Bayard, 2003, p. 10.

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le fait historique que l’« Islam » a constitué parmi les plus importantes civilisations humaines
(mais pas la « plus » non plus !).
Il est vrai que l’on a du mal à s’en rendre compte lorsqu’on ne connaît pas l’histoire des empires
mondiaux, la plupart d’entre nos concitoyens n’ont pas étudié par ex. les empires otttoman,
safavide, moghol, mamelouk, almohade, almoravide, fatimide, abbasside ou encore omeyyade.
Pour donner une idée relativement récente de l’importance de la civilisation islamique.
L’historien Marshall G.S. Hodgson donna l’image suivante : si un martien avait débarqué sur
la Terre au XVIe siècle pour se rendre compte des forces en présence, il aurait alors certainement
conclu que la civilisation islamique fort de ses trois empires allait certainement se rendre maître
de la planète entière, tant elle était encore vigoureuse à cette époque
2
(ci-après poly. Expansion
maximale empires).
2
Marshall G.S. Hodgson, L’islam dans l’histoire mondiale, Paris, Sindbad/Actes Sud, 1998, p. 60.

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Négation versus surenchère
Dans les communautés musulmanes en Europe et dans le monde musulman on réagit face à
ce déni historique par le fait de magnifier à outrance cet héritage civilisationnel. Dans les
milieux religieux on a tendance à considérer que la période du Prophète et des quatre califes
constitue l’apogée de l’islam-Islam en justifiant cette représentation par ce ḥadīṯ attribué au
Prophète affirmant que les meilleures générations sont la sienne, celle de ses compagnons et
celle des suivants
3
. Dans les milieux plus intellectuels on considère que cet apogée se situerait
au IXe siècle avec la traduction et l’étude des manuscrits grecs ordonnée par le calife al-Maʾmūn
dans Bayt al-ḥikma, d’autres encore considèrent que cet apogée se situe à Bagdad au Xe siècle
sous la dynastie chiite des Bouyides ou encore à al-Andalous, dans la partie sud de l’Espagne
sous domination islamique à la même période.
Cette idée d’âge d’or est cependant réductrice pour plusieurs raisons :
1. s’il y avait apogée, alors il ne devrait pas être concentré sur la partie arabe du monde
musulman et en prenant en compte toute la zone alors cette datation est bien trop
lointaine ;
2. s’il y avait apogée, il devrait être situé alors peu avant que les empires islamiques ne
déclinent et où l’Europe de l’Ouest étend son influence, déclin qui n’apparaît pas aux
yeux du monde avant le XVIIe siècle avec le Siège de Vienne (1529), illustré par le peintre
flamand Peeter Snayers (ci-après tableau 1) :
(Image tombée dans le domaine public)
3
Il s’agit de : ḫayr al-qurūn qarnī ṯumma al-laḏīn yalūnahum ṯumma al-laḏīn yalūnahum « La meilleure des
générations c’est la mienne, puis la suivante, puis celle qui vient après », commentaire du Muwaṭṭaʾ de l’imam
Mālik, kitāb al-aqḍiya/bāb mā ǧāʾ fī al-šahādātayn, p. 9, consultable sur http://hadith.al-
islam.com/Page.aspx?pageid=192&BookID=39&TOCID=527.

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Puis, le second Siège de Vienne (1683), illustré par le peintre flamand Frans Geffels (ci-
après tableau 2) :
(Image sous licence CC-BY-SA via Wikimedia Commons)
Et enfin encore plus tard aux Indes avec le peintre anglais Francis Hayman et son tableau
Bataille de Plassey relatif à la bataille de 1575 scellant le début de la domination
anglaise aux Indes (ci-après tableau 3) :
(Image tombée dans le domaine public)

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3. l’idée même d’un apogée peut être utile pour cerner une dynamique générale mais est à
relativiser, elle est simpliste, le facteur temps de longue durée est important mais aussi
elle témoigne d’une vision de l’histoire linéaire (d’un point A vers un point B). Même
si l’on pense que l’histoire a un sens, on ne peut que constater qu’elle n’est pas linéaire
mais qu’il y a aussi des reculs, ex. le XXe siècle (appelé « l’âge des extrêmes » par
l’historien Eric Hobsbawm).
Quelle est alors la fonction dans le monde musulman et dans les communautés musulmanes
d’Europe de cette vision ? Elle répond à une blessure narcissique (anecdote traduction récit sur
événements du 11/09 et sermons du vendredi dans la partie invocation et la fierté algérienne,
etc.). On reconstruit un legs prestigieux pour se rassurer et pour pallier le trauma causé par une
situation quotidienne où l’on se voit assigné à rester à l’écart de la locomotive du monde (ci-
après illustration d’ouvrages apologétiques 1, 2 et 3) :
Bien sûr cet héritage est effectivement prodigieux mais en faire l’alpha et l’oméga de l’histoire
humaine c’est exagéré, voici quelques références sérieuses pour échapper à ce piège (ci-après
illustration d’ouvrages scientifiques 1, 2, 3 et 4) :
En contrepoint, voici le témoignage d’un penseur réformiste algérien, Malek Bennabi (1905-
1973), bien connu mais dont l’œuvre l’est beaucoup moins et particulièrement dans sa
complexité :