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poussant l’idée de sacré dans ses derniers retranchements.
♦ Adversaire du libéralisme, il sape les fondements de l’Etat
pour mettre en place un individualisme qui ressortit d’une forme
extrême de libéralisme radical
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.
L’incompréhension devant la démarche stirnérienne vient sans
doute de ce qu’on a refusé de n’y voir qu’une « grille de lecture ». Il
n’entrait certainement pas dans l’intention de Stirner de créer un
système : cela aurait été totalement contraire à son personnage. Or
une « grille de lecture » n’est qu’une manière d’aborder un problème
d’un point de vue particulier, sans que cela aboutisse à l’affirmation
que ce soit le seul point de vue envisageable.
On ne peut pas nier que d’un certain point de vue, les hommes
sont responsables de leur sort et que cette affirmation présente
l’avantage d’évacuer le fatalisme historique. Or, rappelons-le, c’est
ce qui arriva au marxisme réinterprété par la social-démocratie
allemande, pour qui le socialisme était devenu une « nécessité
objective » qui s’instaurerait inévitablement par le jeu de l’évolution
des contradictions du capitalisme. On peut donc interpréter la pensée
de Stirner comme une violente réaction contre l’énorme
« machinerie » de la philosophie de l’histoire de Hegel, reprise et
« retournée » par Marx, dans laquelle l’individu n’a aucun rôle. Pour
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« Pourquoi le terme de “radicalisme libéral” ? Parce que les
mouvements concernés situent l’individu au-dessus des classes, au-dessus
des déterminismes de classe, en dehors de la place qu’il occupe dans le
processus de production. […]« Le terme de “libéralisme” pour qualifier un
certain nombre d’anarchistes se justifiait par le fait que leurs déterminations
principales étaient fondées sur le refus de l’autorité. Il y avait les autoritaires
d’un côté, les anti-autoritaires de l’autre. Le mouvement libertaire français
s’est longtemps caractérisé par sa dispersion dans de multiples sphères
d’activité : on faisait dans le végétarisme, malthusianisme, le naturisme, le
culturisme, le pacifisme, l’amour-librisme, la libre pensée, l’espéranto, etc.
Tout cela faisait un ensemble assez sympathique mais peu impliqué dans les
luttes sociales. Ce mouvement restait malgré tout radical parce qu’il
n’excluait pas l’emploi de la violence. Mais une idée se définit avant tout
par son contenu, et accessoirement par la manière plus ou moins violente
avec laquelle elle se manifeste. » R. Berthier, 1973, « Itinéraire d’un
malentendu », texte interne de l’Alliance syndicaliste.