MONASSE Hélène Fiche de lecture Histoire
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printemps 1794, qui légitime l’extermination des « ennemis intérieurs » et devient le
fondement du nouveau système de pouvoir.
La Terreur, comme on l’a déjà vu, trouve ses origines dans la violence sauvage issue
d’une tradition ancienne, et devient rapidement un moyen utilisé à des fins politiques face au
déchaînement de violence. Ainsi, le Comité de Sûreté générale est créé le 21 octobre 1789 à la
suite du lynchage du boulanger François, en utilisant la violence populaire pour lui donner
une orientation stratégique à des fins politiques. Le Comité entretient alors lui-même les
soupçons envers les complots qui avaient précisément provoqué ces violences : l’usage de la
Terreur renforce la violence et le sentiment de danger en France, tout en se heurtant à la
Constituante qui adopte des lois d’exception mais refuse une « politique de la Terreur ».
Jusqu’à l’été 1791, la Terreur reste donc un phénomène ponctuel et localisé, un phénomène de
violence qui n’atteint pas le sommet du pouvoir politique.
Un tournant a lieu à la suite de Varennes, puis le 15 juillet 1791 quand les Jacobins
décident de poursuivre le débat sur la déchéance du roi, contre la résolution de la
Constituante. La Terreur voit alors l’effondrement des barrières du pouvoir, car la légalité
révolutionnaire se dissocie de la légitimité : la Constituante utilise alors la Terreur comme un
moyen dès le 9 juillet 1791 avec la loi contre l’émigration qui transgresse ses principes
initiaux. Cependant, la Terreur reste cantonnée dans le rôle d’un moyen au service d’une
tactique politique qui vise la monarchie et la Constitution, en justifiant une radicalisation
politique. Cette première phase de la Terreur montre toutefois qu’elle repose sur un
phénomène de violence brutal de départ, utilisé par la suite par la sphère politique dans un but
tactique : le rejet par Patrice Gueniffey de toute histoire culturelle peut alors être nuancé,
puisque la Terreur s’appuie au départ sur une réaction populaire archaïque.
Dans une deuxième phase, le statut de la Terreur passe de celui de moyen à celui de
fondement d’un système politique. En effet, à cause de la guerre qui, comme on l’a vu, est une
conséquence de la politique terroriste, la Terreur, auparavant purement partisane, se
radicalise. Le 10 août 1792, une Révolution a lieu dans la République elle-même avec la
formation d’une Commune insurrectionnelle. La légalité est renversée, l’activité législatrice
ne dépend plus alors que de la légitimité de l’autorité, alors que l’attribution du pouvoir n’est
plus réglée pour assurer la légitimité de l’Assemblée représentative. La Terreur devient alors
le seul moyen de montrer sa légitimité populaire : à partir du 2 juin 1793, la Révolution se
radicalise encore, pour ne devenir plus que révolutionnaire face à la décomposition de l’Etat.
Cette surenchère est alimentée par les Hébertistes, qui achèvent d’annuler toute légitimité de
la représentation légale. Au cours de l’automne 1793, sans relation avec les circonstances, la
Terreur se développe donc pour conquérir le pouvoir sur le seul fondement de la légitimité
populaire et pour accomplir une Révolution qui n’a plus d’objectif identifiable.
Dans une troisième phase, un tournant a lieu dans le développement de la Terreur à la
suite de l’arrestation et de l’exécution des hébertistes et des députés dantonistes : la Terreur
devient l’instrument pour rétablir l’Etat, puis elle devient le principe de son maintien, sous le
gouvernement effectif du Comité de Sûreté Générale. En effet, la loi du 22 prairial, le 10 juin
1794, qui s’inscrit dans un projet politique prémédité par Robespierre depuis le 25 décembre
1793, fait changer la Terreur de nature : elle passe d’une fonction d’exemplarité contre des
complices éventuels à une fonction d’élimination systématique des « ennemis du peuple »,
désormais considérés comme des étrangers. Cette conception de la Terreur trouve un
précédent dans la tragédie vendéenne, que Patrice Gueniffey considère comme
l’extermination systématique de toute une population donnée, un génocide. Le début des
« colonnes infernales » du général Turreau, du 21 janvier au 8 février 1794, annonce déjà le
changement de nature de la Terreur vers un système d’extermination, comme le montrent les
3000 exécutions par noyade à Nantes en janvier 1794. Cette logique d’extermination ne
prend fin qu’avec la chute de Robespierre et la fin de la Terreur : dans son dernier discours le