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n estime que les facteurs alimen-
taires interviennent dans 30 % des
cancers. Il serait bon que l’on
applique les données scientifiques consen-
suelles dans un véritable but de prévention.
Les données épidémiologiques
Si l’observation avait constaté des diffé-
rences entre la fréquence et la répartition
des cancers entre les différents pays, c’est
l’étude des migrations des populations qui
a été le plus démonstrative pour mettre en
évidence l’implication de l’alimentation et
des facteurs environnementaux dans la
survenue des différents cancers. Après
migration, ces populations – surtout à la
deuxième et à la troisième génération –
abandonnent au moins en partie les habi-
tudes alimentaires de leur pays d’origine
et adoptent celles du pays d’accueil.
Après deux générations, la fréquence de
survenue des cancers s’aligne sur celle du
pays d’accueil. Les Japonais émigrés à
Hawaï et en Californie ont moins de can-
cers de l’estomac et du foie que les ceux
restés dans leur pays. Par contre, ils ont
plus de cancers du colon, de la prostate et
du sein. Ce profil se rapproche de celui de
la population américaine, car ils en ont
pris les habitudes alimentaires.
Pour le cancer du sein, l’incidence peut varier
d’un facteur 5 entre les deux pays. Les
femmes qui quittent un pays à faible inci-
dence, acquièrent le même risque que le pays
à haut risque. Ainsi à la suite de modifica-
tions du régime alimentaire, les populations
migrantes acquièrent les fréquences de mor-
bidité et de mortalité liées au cancer qui ten-
dent vers celles du pays d’accueil.
L’étude des groupes qui suivent
des consignes alimentaires
Dans un même pays, les groupes obéissant
à des consignes alimentaires de modéra-
tion – consignes religieuses ou idéologiques
– ont moins de cancers que le reste de la
population au sein de laquelle ils vivent.
Aux États-Unis, les Adventistes du septième
jour sont végétariens, ne fument pas, et
boivent peu d’alcool. Le risque de cancer
du sein, du colon, du rectum est inférieur à
celui de la population américaine, soit dix
fois moins de cancers des bronches et des
poumons et trois fois moins de cancers de
l’œsophage, toujours par rapport à la popu-
lation américaine.
Chez les mormons, qui proscrivent totale-
ment l’alcool, le tabac et suivent les prin-
cipes d’une alimentation équilibrée avec
consommation modérée de viande, on
observe beaucoup moins de cancers du sein,
de l’estomac et du colon comparés à ce qui
se passe chez les autres Américains.
En Inde, l’incidence du cancer du sein, du
colon et du rectum est plus élevée chez les
Parsis que chez les Hindous, adeptes du
brahmanisme, qui ne mangent pratique-
ment pas de viande
.
Impact des facteurs alimentaires
dans la tumérogénèse
Par effet direct
des moisissures et des mycotoxines, par
exemple l’aflatoxine des arachides. Cette
moisissure peut être présente dans les
produits artisanaux et dans les tourteaux
d’arachide. Elle est responsable de cancer
du foie en Afrique occidentale.
Des fèves de Colombie pour le cancer
gastrique.
Des hydrocarbures polycycliques et du
benzopyrène apparaissant lorsqu’on
surchauffe les graisses, ou les huiles.
De certains colorants. Détectés, ils sont
immédiatement retirés du circuit. C’est le
cas du jaune de beurre qui était employé
pour colorer la margarine.
Le sel a un effet caustique direct sur la
paroi gastrique. On a obtenu une nette
régression du nombre de cancer de
l’estomac au Japon en limitant la
consommation de sel.
Par formation de substances
cancérigènes
les nitrosamines et les nitrates peuvent
être présents dans l’alimentation ou être
formés à partir des nitrates et des nitrites
présents dans l’alimentation. La
technologie actuelle s’efforce d’éradiquer
ces substances. Les réfrigérateurs qui
permettent de mieux conserver les
aliments ont permis de limiter la
formation de cadavérine et de
putrescéine, tous deux pouvant former
des nitrosamines.
les nitrates sont présents dans l’eau et
les aliments. La teneur des eaux de
boisson est surveillée, elle doit être
inférieure à 50 mg/l.
les nitrites sont essentiellement
apportés par les viandes salées et fumées.
Ils sont incorporés dans les jambons ou
les saucissons pour inhiber le
développement de clostridium botulinum,
responsable du botulisme. C’est pourquoi
on limite leur consommation.
NNUUTTRRIITTIIOONN
26 TOUT PRÉVOIR 359 • mars 2004 •
Que sait-on de la place
de la nutrition dans le cancer?
L’incidence du cancer a augmenté de 60 % ces vingt dernières années, si les progrès
thérapeutiques ont permis une guérison de plus en plus fréquente, de nombreuses
études ont fait la preuve du rôle de certains aliments dans l’augmentation ou la
diminution du taux de cancer.
cancer
Par effet irritatif indirect
L’alcool, les épices comme le harissa, les boissons trop
chaudes réalisent une congestion et une irritation de la
paroi du tube digestif. La muqueuse irritée n’assure plus
son rôle de défense contre les agents toxiques. Sont
aussi incriminés, les alcools forts et les alcools préparés
de façon artisanale.
Les facteurs consensuels
concernant les facteurs alimentaires
Toutes les études montrent:
une réduction du risque par la consommation régulière
et variée de fruits et de légumes, surtout pour les cancers
des voies digestives et respiratoires;
que doubler les fibres dans les populations qui en
consomment peu réduirait le cancer colo-rectal de
40 %;
l’obésité et la sédentarité augmentent le risque de
cancer de l’endomètre, du sein, du colorectum, des reins;
une augmentation du risque du cancer de l’endomètre
chez la femme obèse;
une réduction du risque du cancer colorectal par la
pratique d’une activité physique régulière;
une augmentation élevée du risque des cancers
épithéliaux en cas de surconsommation de viande
rouge et de charcuterie, et du cancer de l’estomac
avec la consommation de viande et de poisson
conservé dans la saumure;
une augmentation du risque de cancer colorectal par
apports caloriques excessifs par rapport aux besoins
nutritionnels;
une augmentation du risque de plusieurs cancers
lorsqu’il y a consommation excessive d’alcool.
L’aliment interagit avec le génome au niveau géné-
tique (induction de mutations) et épigénétique (modu-
lation de l’expression des gènes).
Les principales recommandations
nutritionnelles
Encourager une alimentation variée et diversifiée,
basée en particulier sur la consommation régulière et
variée de fruits et de légumes sous toutes leurs formes.
Ce type d’alimentation privilégie les facteurs qui exer-
cent des effets protecteurs à dose nutritionnelle, et
limite l’apport de facteurs qui augmentent le risque de
cancer, lorsqu’ils sont consommés en excès;
Limiter la consommation de boissons alcoolisées;
Pratiquer une activité physique régulière contribuant
à limiter la surcharge pondérale.
Ces recommandations sont celles qui ont été largement
diffusées dans le public et chez les professionnels
– Facteurs de risque des cancers de l’estomac
Les mécanismes impliqués les mieux documentés sont les effets du sel
et de la salaison.La genèse du cancer de l’estomac semble corrélée très
tôt dans la vie à la consommation trop importante de sel et d’aliments
salés, responsable d’une gastrite atrophique, elle faisant le lit de
l’infection à Hélicobacter Pylori, facteur nettement impliqué dans la
survenue des cancers de l’estomac. Cette gastrite en élevant le PH de
l’estomac favorise le passage nitrates, nitrites puis nitrosamines. L’effet
direct des hydrocarbures polycycliques apportés par les viandes ou les
poissons cuits au barbecue n’est plus à démontrer.
Cancer colorectal
– Facteurs de risque des tumeurs colorectales
Pour les fibres les études cas témoins mettent en évidence une relation
dose-effet valable chez les deux sexes et tout au long du cadre colique.
L’effet protecteur du calcium est surtout net pour les produits
fermentés comme le yaourt, par le biais du calcium. Les fromages gras
n’induisent pas une diminution du risque.
Ce n’est pas tant le taux la quantité de graisses consommées qui est
délétère, c’est l’excès d’apport des graisses animales et des graisses
poly-insaturées oméga 6. Les huiles de poissons riches en oméga 3
auraient un effet protecteur.
Tout comme les viandes grasses, les œufs, les abats, les charcuteries
augmente le risque de cancer, s’y ajoute l’action des nitrosamines pour
les charcuteries et des hydrocarbures polycycliques pour les viandes
cuites à haute température.
La consommation de bière est associée à un risque plus élevé de cancer
rectal.
Degré de conviction Diminution de risque Augmentation du risque
Convaincante Activité physique
Légumes
Probable Viandes rouges
(brûlées, graisses)
Alcool (gros adénome)
Possible Fibres Surpoids (gros adénomes)
Caroténoïdes Grande taille adulte
(doses nutritionnelles) Grignotage
Calcium Sucres (hydrates
(doses nutritionnelles) de carbone raffinés)
Acide folique Apport calorique élevé
(petits adénomes) Graisses totales saturées/
animales
Œufs, abats, charcuteries.
Insuffisamment Amidons résistants Fer
documenté Vitamines C, D et E
Café
Les cancers diéto-dépendants
Degré de conviction Diminution de risque Augmentation de risque
Convaincante Légumes et fruits frais
Réfrigération
Probable Vitamine C Sel
Salaisons
Possible Caroténoïdes Féculents
Ail, oignon Viandes et poissons
Céréales complètes grillés/barbecue
Thé vert
Insuffisamment Amidons résistants Viandes fumées
documenté Vitamines C, D et E nitrosamines
Café
Cancer de l’estomac
TOUT PRÉVOIR 359 • mars 2004 • 27
augmentent le risque tandis que les graisses de poisson riches en oméga
3 ont des vertus protectrices. Il faut aussi évoquer l’excès de prise de
calcium aussi bien sous les formes écrémées que pris en supplémentation.
Les phyto-oestrogènes présents essentiellement dans le soja ont un effet
protecteur. Les alimentations qui engendrent un hyperinsulinisme, excès
de sucres raffinés, baisse de l’activité physique, surpoids, excès calorique,
augmentent le risque de cancer par l’effet de l’IGF1.
Cancer de la bouche,
du pharynx et du larynx
L’intoxication alcoolo-tabagique est incriminée.
NNUUTTRRIITTIIOONN
28 TOUT PRÉVOIR 359 • mars 2004 •
cancer
de santé via le Plan National Nutrition
Santé (PNNS).
- ne pas donner des doses supraphysio-
logiques en vitamines comme le bêtaca-
rotène aux patients, en particulier à ceux
qui ont un risque élevé de développer un
cancer. Il serait bon que les médecins
mettent en garde les patients sur ce
point.Dr Paule Nathan
Degré de conviction Diminution de risque Augmentation du risque
Convaincante Croissance rapide
Grande taille adulte
Probable Légumes et fruits Surpoids (postménopause)
Prise de poids adulte
Alcool
Possible Activité physique Apport calorique élevé
Fibres Graisses saturées/animales
Caroténoïdes Viande
Insuffisamment Vitamine C Résidus de DDT
documenté Isoflavones et lignanes
Poisson
Cancer du sein
Cancer du poumon
Degré de conviction Diminution de risque Augmentation du risque
Convaincante Fruits
légumes
Probable Caroténoïdes
Possible Vitamines C et E Graisses saturées
Sélénium Cholestérol
Activité physique alcool
Cancer de la prostate
Degré de conviction Diminution de risque Augmentation du risque
Possible légumes Apport calorique élevé
Lycopène (tomates) Graisses totales et
saturées/animales
Lait et laitages/calcium
Les mécanismes impliqués: les facteurs endogènes
responsables de la filiation adénome-cancer :
l’hyperinsulinisme induit par le surpoids, la
sédentarité, l’excès calorique, la consommation
excessive d’hydrates de carbones raffinés, stimule
l’IGF 1, facteur d’initiation de la croissance cellulaire.
Les acides biliaires jouent aussi un rôle de
cocarcinogène. Les précarcinogènes alimentaires
agissent en fonction du polymorphisme métabolique.
Par exemple, il existe des sujets plus fragiles à la
viande trop cuite ou cuite à forte température.
Cancer du foie
Le facteur déterminant est lié à la consommation
d’alcool par l’intermédiaire du développement d’une
cirrhose en rapport avec une intoxication alcoolique
et l’action des virus de l’hépatite B et C. La
contamination par l’aflatoxine, a été réduite depuis
qu’on a surveillé la fermentation des cacahuètes.
Cancer du pancréas
Cancer du sein
Cancer du col de l’ovaire
Un évoque un rôle protecteur des fruits et des
légumes, des vitamines C et E, de l’acide folique et
des caroténoïdes.
Cancer du poumon
Les groups supplémentés par des doses
pharmacologiques de vitamines en particulier de
Bêtacarotène ont montré des effets inverses avec un
nombre plus élevé de cancer.
Cancer de la prostate
C’est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Les
graisses saturées et pylyinsaturées oméga 6
Bibliographie
P Martel, Prévention nutritionnelle des cancers. Mythe ou réalité ? Cah Nut Diét, 2003, 38, 3 :
173-176.
La santé vient en mangeant, document d’accompagnement du guide alimentaire
destiné aux professionnels de santé, http://www.sante.gouv.fr/htm/pointsur/nutrition/.
MC Boutron-Ruault. Dans Traité de nutrition clinique de l’adulte. A Basdevant, M Laville,
ELerebours. Médecine Sciences Flammarion. Juin 2001.
Les tableaux sont des reproductions partielles adaptées de Word Cancer Research Fund.
Food, nutrition and the prévention of cancer; a global perspective, Menasha, Banta Book,
Groups, 1997 ; 148 dans Traité de nutrition clinique de l’adulte.
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