LA FOURMI ET LA PHILOSOPHIE

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LA FOURMI ET LA PHILOSOPHIE
DE JEAN LILENSTEN :
Camille Flammarion et l'astronomie populaire, ed Sorbier
Sous les feux du soleil — vers une météorologie de l'espace,
EDP Sciences
La Fourmi et l'infini, Éd. Archives Contemporaines
Du Soleil à la Terre : Aéronomie et météorologie de l'espace, EDP Sciences
Regards sur l'espace, comprendre les planètes, les étoiles et
l'univers, Éd. Sorbier
DANS LA MÊME COLLECTION :
Violences, côté face, côté profil, Patrick Traube
La guerre des sexes, un avenir ?, Patrick Traube
Péchés capitaux, péchés capiteux, Patrick Traube
L'enfant sorcier africain entre ses deux juges, collectif
JEAN LILENSTEN
PASCAL DUPONT
Illustrations de
ANNE LEÏLA OLLIVIER
LA FOURMI
ET LA PHILOSOPHIE
Odin éditions
01 30 61 24 45 [email protected] www.odin-editions.com
ISBN : 2-913167-46-2
© Éditions Odin, septembre 2005
Graphisme et illustrations : Anne Leïla 011ivier
Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective.
Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles 425
et suivants du Code pénal.
Nous remercions avant tout Marc,
qui a supporté l'émergence de ce
travail de toute son intelligence, sa
patience, son amitié et son amour
"- Tu sais, Rabbi, pendant ces vingt années de réflexion
solitaire au sommet de ma montagne, seul dans la froidure de
l'hiver, seul dans la chaleur de l'été, au cours de ces vingt
années de réflexion, j'ai découvert que la vie, Rabbi, la vie,
c'est comme un grand jet d'eau.
- Ah oui, Jacob mon fils ? La vie est comme un grand jet
d'eau ? ... Intéressant... Très intéressant. Mais... tu es bien
certain que la vie c'est comme...
- Hum... Hé bien... À bien y réfléchir, Rabbi, peut-être que
finalement la vie n'est pas comme un grand jet d'eau..."
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
11
1. CONTRAINTES D'UNE PHILOSOPHIE INSPIRÉE PAR
LES SCIENCES DE LA NATURE
15
2. L'IDÉE DE NATURE HUMAINE
35
3. AUTRES DÉFINITIONS
51
4. EXISTENCE ET ESSENCE
59
5. THÉORIE DE LA PERSONNALITÉ
75
6. ESSAIS DE PHILOSOPHIE
87
7. LA SCIENCE
113
EN GUISE DE CONCLUSION
131
Introduction
Le titre de ce court ouvrage ne présage en rien de son
contenu : mon propos est de développer une philosophie inspirée par les sciences de la nature, physique, chimie, biologie... Pas un nouveau développement sur le thème du naturalisme rousseauiste, mais une philosophie qui soit en accord
avec les théories scientifiques. Qu'est-ce que cela signifie ?
Physicien des "sciences de l'univers", je suis une forme de
"gardien du temple" de la méthode scientifique. Habitué à
traiter des données astronomiques, à les simuler par des expériences ou par des calculs, je tente de tirer les informations
qu'elles contiennent. Mon complice entomologiste est lui
aussi un tenant des "sciences de la nature". Il s'attache au
vivant et à son évolution.
Amoureux de la philosophie, nous nous rendons compte à
travers nos lectures que notre déformation intellectuelle de
scientifiques nous fait aborder de nombreux problèmes d'une
11
façon différente des vrais philosophes, souvent plus naïve
sans doute, basée sur des définitions que la réalité, l'expérience testent, valident ou infirment.
Cette approche peut-elle être fructueuse ? Pour le savoir, il
est nécessaire de la soumettre, modestement, aux maîtres du
domaine. Pour cela, seule l'écriture est envisageable, et
presque seule licite. Si ces quelques définitions peuvent
apporter une pierre même infime à la réflexion philosophique,
j'en serai le premier étonné, mais également le plus heureux.
Néanmoins, cette approche est nécessairement limitée. Pour
en donner un seul exemple, cet ouvrage ne propose pas un
développement philosophique qui se conforme à l'informatique. Pourtant, le besoin s'en fait grandement sentir ! Que
signifie, philosophiquement, d'utiliser des machines pour
prendre des décisions ? Est-ce que cela peut forcer des théories philosophiques à se contredire ? Faut-il bâtir une philosophie qui se conforme à ce nouvel état de fait ?
Sans doute, sans doute. Mais pas ici. Le propos est déjà
assez ambitieux !
Pourquoi ce titre enfin ? Parce que j'ai publié récemment un
livre où la fourmi servait de guide pour présenter les notions
modernes de physique et de biologie conduisant à l'idée d'infini : infiniment chaud, froid, lourd, léger, tôt, complexe... La
fourmi présente bien des avantages au chercheur. C'est un
être hautement socialisé, même si sa forme de socialisation
est très différente de la nôtre ; par exemple, chacune des fourmis ne peut réagir que d'un très petit nombre de façons différentes (dans le langage moderne, on dit parfois de façon assez
malheureuse et déjà anthropocentrique qu'elles sont "programmées" pour un tout petit nombre d'actions, comme s'il y
avait un super programmeur), mais la somme de toutes les
fourmis de la fourmilière crée un macro-organisme. Le poids
12
cumulé des fourmis sur la Terre équivaut au poids cumulé des
humains... Comme un parallèle à cette fourmi physicienne, il
fallait une fourmi philosophe, parce que l'idée d'une science
sans philosophie est insupportable, et conduit inéluctablement à l'échec intellectuel. Et c'est Anne Leïla 011ivier, scénographe, qui a accepté la lourde charge de donner corps et en
même temps un peu de vie à cet ouvrage.
13
1. Contraintes d'une philosophie
inspirée par les sciences
de la nature
Tout a commencé avec les fentes de Young. Je sais, les pompeux clament : "Tout a commencé il y a quinze milliards
d'années". Introduisons donc dès à présent cette idée de
Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe : "La vérité,
c'est la réalité dévoilée, et le dévoilement s'opère par les
actes". L'acte ici, c'est l'expérience que M. Young, un physicien anglais, imagina, au tout début du XIX' siècle : Vous
prenez une feuille de papier que vous percez de deux trous.
Vous l'éclairez d'une lumière monochromatique, c'est-à-dire
d'une seule couleur. Que voyez-vous sur un écran placé derrière la feuille ? Des franges d'interférence.
Que sont ces franges ? Un exemple classique est celui de
deux pierres qu l'on fait tomber dans une eau calme. Elles
créent autour d'elles des ronds qui vont s'élargissant. Lorsque
le creux de la vague (d'un rond) de la première pierre rencontre
le haut de la vague de la seconde, les deux effets s'annulent
15
Quel commencement ?
Ne jamais écouter un physicien ! En réalité,
tout à commencé avec les annélides. Et pas au
début du XIX' siècle, mais il y a 560 millions
d'années. Les annélides sont des vers marins
apparus dans les océans, au précambrien. Je
sais, les pompeux clament : "Tout à commencé
avec les bactéries, il y a 3,8 milliards d'années".
Mais avec les annélides se produit une étape
essentielle de l'évolution pour les futurs insectes :
c'est dans ce groupe qu'apparaît la segmentation du corps en métamères, ces anneaux ou segments. Pourquoi cette mutation est-elle sélectionnée ? C'est que grâce à la métamérisation,
une partie d'un être vivant peut isolément participer à l'évolution en développant des fonctions
particulières. Chez les insectes, la tête est constituée de 7 segments regroupés. Certains portent
les pièces buccales qui aident à la prise alimentaire. À l'origine, ces pièces étaient des paires de
pattes. Profitant de la métarisation, elles se sont
extrêmement spécialisées au cours de l'évolution. Le thorax est constitué de 3 segments por-
16
tant chacun une paire de pattes. L'abdomen
est composée de 5 à 10 segments, selon les
espèces. On observe à l'extrémité l'orifice
génital, associé à des pièces de structure complexe issues de la modification de segments
abdominaux terminaux
et la surface de l'eau reste à son niveau initial. Il est intéressant de noter que ces endroits où rien ne se semble se passer
sont fixes. On a créé avec nos pierres deux ondes qui interfèrent entre elles. Ces ondes ont besoin d'un support (l'eau)
pour exister, tout comme les ondes sonores qui se propagent
par exemple dans l'air. On les appelle des ondes matérielles.
Mais la lumière, elle, peut se déplacer dans le vide. On
appelle ce type d'onde "électromagnétique". Elle crée sur
l'écran la même figure que les pierres dans l'eau, prouvant
ainsi sa nature ondulatoire. Ce qui a frappé les physiciens
par la suite, c'est qu'elle agit en outre comme la matière en
certaines circonstances : elle est déviée par une masse, et
elle peut subir des collisions. Je n'irai pas plus loin ici dans
l'interprétation à donner à ces paradoxes, ni sur leur représentation.
Un peu plus d'un siècle plus tard, Louis de Broglie eut une
intuition géniale. Il s'agissait de reprendre l'expérience de
Young, c'est-à-dire percer une paroi de deux trous, mais, au
lieu de l'éclairer d'une lumière monochromatique, de la bombarder avec des électrons, c'est-à-dire des éléments dont on
sait déjà à ce moment là qu'ils ont un caractère matériel ;
l'idée de De Broglie est qu'on doit obtenir sur l'écran le même
motif : des franges d'interférence. En 1927, Davisson et
Germer prouvent expérimentalement la justesse de cette théorie : tout ce qui nous entoure possède ce double caractère
ondulatoire et corpusculaire.
17
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J'aurais pu commencer ce chapitre en écrivant que tout a
commencé avec Isaac Newton, ou Aristote. Cela n'aurait pas
été moins exact. Mais je voulais en venir dès le début à ce
double aspect de l'univers. Or, cet aspect n'est vrai que lorsqu'il est découvert.
Est-ce à dire que les lois des sciences de la nature n'existent
pas si on n'observe pas ? Non, et puisque je souhaite discuter
un peu de philosophie, tordons tout de suite le cou à ce
concept idéaliste : ces lois de la mécanique, biologie, évolution... sont réelles, en dehors de l'homme. Elles deviennent
vraies par leur mise en évidence. Politzer a raison lorsqu'il
explique que quand il ne la regarde pas, la table de sa cuisine
continue d'exister : l'observateur n'est pas tout son univers.
18
Quel est l'intérêt de commencer un livre de philosophie par
la dualité onde-corpuscule ? C'est de montrer que des choses
qui paraissent différentes peuvent n'être qu'une même entité
dévoilant plusieurs faces. Ou plutôt, nous créons les observations qui nous révèlent différents aspects d'un phénomène,
que nous rangeons dans des cases suffisamment éloignées les
unes des autres pour que leur rapprochement exige une gymnastique intellectuelle considérable.
Alors vient la question : Comment se fait-il que nous
soyons matière - ce que nous constatons chaque jour -, et pas
lumière ? La réponse n'est pas triviale. Ce qui sépare les deux
états, c'est la vitesse. Si on me projette à 300 000 kilomètres
par seconde, outre que je mourrai (au moins de peur !), je
serai transformé en onde. En se ralentissant, en se refroidissant, ce qu'il est convenu d'appeler depuis H. Reeves "la
purée originelle", le gaz de photons qui a présidé à la création
de l'univers connu actuel s'est mué en matière. Les forces qui
président aux différentes étapes de la mutation sont probablement régies par les mêmes lois (ce n'est encore qu'une présomption concernant la gravitation) qu'on appelle les équations de Maxwell. Est-ce à dire que quatre équations régissent
Une vérité cache de multiples vérités
Chez les Hyménoptères, on a longtemps
pensé que le déterminisme du sexe était lié à
l'haplo-diploïdie. En effet, tous les mâles que
l'on avait observés ne possédaient qu'un seul
jeu de chromosomes (haploïdie). Ils sont issus
d'ovocytes de la mère non fécondés par un
spermatzoïde. Les femelles, quant à elles, sont
issues de la fécondation d'un ovocyte par un
spermatozoïde et possèdent deux jeux ode chromosomes (diploïdie). En réalité, c'est un gène
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avec de multiples allèles (autours de 10 généralement) qui détermine le sexe de la descendance.
Si dans l'oeuf un allèle n'est pas présent avec un
allèle différent, cela donne un mâle. Si dans
l'oeuf on a deux allèles différents, cela donne
une femelle. Ainsi, chez tous les haploïdes,
lorsque l'allèle responsable du déterminisme du
sexe est seul, on voit naître un mâle. Chez les
diploïdes, la probabilité d'avoir deux allèles
identiques est faible et on a donc très majoritairenient des femelles. Les mâles diploïdes existent, mais ils sont rares. De plus, on a montré
qu'ils étaient stériles. Il est intéressant de signaler que chez certaines espèces, c'est la femelle
qui, sous l'influence de conditions environnementales externes, contribue à la détermination
du sexe de sa progéniture, car elle peut contrôler la fécondation ou la non-fécondation de ses
ovocytes par les spermatozoïdes.
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