tenté de poser une sorte de « principe d'équivalence » entre
rayons visuels et « rayons lumineux » puisque tous deux sont
des droites, et que le principe de propagation
rectiligne
est au
fondement de notre optique géométrique. L'optique est ici
perspectiva naturalis, et la perspectiva artificialis des peintres
de la Renaissance a eu pour but de présenter le monde et les
objets comme si le tableau était une section du cône visuel, ce
qu'exprime Léonard de Vinci : « la perspective n'est rien
d'autre que la vision d'un lieu (ou d'objets) situé derrière une
vitre transparente, et sur la surface de laquelle serait dessiné ce
paysage (ou ces objets) ». Tout cela est codifié dans le célèbre
De Pictura (1435) de Leon Battista Alberti, pour qui la peinture
est également « une section de la pyramide » (visuelle), et qui
expose ensuite sa « méthode pour tracer les divisions du
dallage » qui permet de peindre selon de justes proportions
des sujets de plus en plus éloignés8.
Cependant, dès l'avant-propos à son ouvrage, Le
regard,
l'être et l'apparence dans l'Optique de l'Antiquité, Gérard
Simon écrit que l'objet de la science commençante, « le cône
de rayons visuels conduisant à l'analyse géométrique du
regard,
n'existe plus dans notre culture, n'étant nullement
transposable en termes de rayons lumineux ; et que cet objet
théorique impliquait pour l'image réfléchie ou réfractée un
statut de pure apparence, fort différent de celui que nous lui
reconnaissons aujourd'hui »9. Précieuse mise en garde pour
qui veut comprendre l'optique de l'Antiquité, et qui, du même
coup,
nous ramène à la vision : comme l'indique le chapitre I,
l'objet des théories antiques est la vision et le visible. Par
exemple, quand « Aristote traite de l'image, la réflexion dont il
parle n'est jamais celle de la lumière, mais toujours celle de la
vue » (p.47). Et, ce qui importe encore davantage ici, « la
théorie qu'il avance est la plus phénoméniste qui soit ; elle
énonce les conditions d'apparition et de disparition du visible :
un milieu transparent éclairé fait voir les couleurs, tandis que,
sans intermédiaire transparent ni lumière, on ne voit
rien»(p.51) (Certes, « phénoménisme » n'est pas
phénoménologie, mais à ce « phénoménisme » là, qui décrit
ce qui est, apparaît comme nécessaire à la vision des couleurs,
8 .
De
la Peinture, Paris, Macula / Dédale, 1992, pp. 103 et 123
9 . Paris, Seuil, 1988, p. 11.
42 Noésis n°l