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13/03/2017 |
Oppidum
Le terme oppidum caractérise un type d'agglomération que l'on rencontre dans l'ensemble de l'Europe
celtique (Celtes) au nord des Alpes à partir de la fin du IIe s. av. J.-C, doté d'une fortification englobant en
général une grande superficie. En plus d'une position topographique privilégiée, le plus fréquemment sur une
hauteur, et d'un prestigieux dispositif défensif équipé de portes monumentales, les critères principaux de
cette "ville celtique" sont la présence d'une voirie, d'une organisation en quartiers aux constructions et
aménagements variés, d'espaces publics, d'habitat privé, de secteurs liés à des activités spécialisées,
artisanales ou économiques. Le commerce avec le monde méditerranéen de même que le développement
des monnayages de cités illustrent les mutations de la fin de l'âge du Fer et traduisent une différenciation
sociale renforcée. Les chercheurs ont longtemps qualifié le phénomène des oppida d'étape de
protourbanisation, au sein d'un territoire dont les limites devaient être fixées mais qui reste, avec ses fermes
et ses agglomérations villageoises, à vocation essentiellement agricole.
En Suisse, la signification du terme oppidum est évaluée à l'aune du De bello gallico (I, 5-6) de Jules César,
relatant la tentative d'émigration des Helvètes au printemps 58 av. J.-C. (bataille de Bibracte): le texte évoque
les douze villes (oppida) incendiées au moment du départ; Genève, en limite du territoire des Helvètes, y est
qualifiée d'extremum oppidum Allobrogum (dernière ville des Allobroges). Aucun auteur de l'Antiquité n'a
défini le concept non méditerranéen d'oppidum; pour la Gaule, autant César que les protohistoriens rangent
sous cette appellation des sites fort différents, qui ne sont de loin pas tous des villes, certains ayant plutôt
une vocation de place forte, de lieu de rassemblement, dont l'importance relative, à l'échelle de la civitas ou
du pagus, devait également varier.
La recherche de la fin du XXe s. place l'émergence de la "civilisation des oppida" de l'Europe celtique dans une
plage chronologique très serrée, au cours du troisième quart du IIe s. av. J.-C. Le modèle de cette ville
originale, comparable à une fondation dans le monde méditerranéen, n'a toutefois qu'un avenir limité, de
quelques générations à peine. Aboutissement d'une évolution interne propre au monde celtique, bon nombre
de grands oppida, d'Allemagne du Sud notamment, sont par ailleurs abandonnés avant le milieu du Ier s. av. J.-
C., alors qu'en Gaule ce type d'agglomération ne survit pas aux bouleversements induits par l'administration
romaine, avec son réseau routier et ses villes nouvelles dans la plaine à l'écart des oppida.
L'une des caractéristiques de l'oppidum est la construction d'une fortification d'une valeur symbolique autant
que défensive. La Suisse se trouve à l'intersection des deux principaux types de remparts, en général
précédés d'un large fossé à fond plat, à savoir le mur à poteaux frontaux (Pfostenschlitzmauer), où les
éléments verticaux en chêne rythment les tronçons de mur de pierres sèches, et le murus gallicus ou mur
gaulois (De bello gallico, VII, 23), constitué d'un caisson de bois clouté aux intersections à l'aide de grandes
crosses en fer et de parements de pierres sèches au remplissage de terre. Comme dans l'ensemble de
l'Europe celtique, l'appellation oppidum s'applique en Suisse à des sites fort divers. A Genève, une superficie
de quelques hectares seulement (la colline de la cathédrale, avec son port en contrebas sur le Léman) est
qualifiée d'oppidum par César; aucune trace de fortification n'y a encore été identifiée. A Lausanne, on est
tenté d'associer les matériaux de La Tène finale mis au jour sur la colline de la Cité à la présence d'un
oppidum, bien qu'aucune fortification n'y soit non plus attestée. Le cas d'Yverdon-les-Bains est particulier,
avec une agglomération ouverte (3-4 ha) en bordure du lac dont les premières traces remontent à La Tène
ancienne; on observe une densité croissante de l'occupation à partir du début du IIe s. et la construction d'un
rempart à poteaux frontaux (légèrement obliques vers l'intérieur dans ce cas) entre 82 et 80 av. J.-C. Le vicus
gallo-romain d'Eburodunum s'est développé sur les ruines de cet oppidum. Au sud, sur la colline de Sermuz
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(Gressy), un murus gallicus est aménagé vers le milieu du Ier s. av. J.-C. Tout autre situation au Mont Vully
un puissant rempart à poteaux frontaux a été érigé une quarantaine d'années avant celui d'Yverdon, vers 120
av. J.-C., sur un site de hauteur (50 ha); sa durée de vie n'excède pas trois générations et il est abandonné
après la guerre des Gaules au profit d'Aventicum dans la plaine. Des levées de terre laissent supposer
l'existence de fortifications au Bois de Châtel (10 ha), au sud d'Avenches. L'identification de l'habitat de
hauteur de Châtillon-sur-Glâne (Posieux) avec un oppidum reste sujette à caution. Sur la presqu'île de l'Enge
près de Berne, Brenodurum, sans doute l'oppidum central du territoire des Helvètes, résulte d'un phénomène
de concentration et de densification de l'habitat dès le IIIe s. av. J.-C.; établi sur un site de hauteur protégé
naturellement par un méandre de l'Aar, il s'avère plus conforme au modèle des oppida, ne serait-ce que par
une superficie de plus de 140 hectares; son rempart à poteaux frontaux, clouté, date probablement de la fin
du IIe s. av. J.-C. Le vicus gallo-romain s'est développé, comme à Yverdon, au même emplacement. Sur le
Jensberg (commune de Studen BE), mis à part le Keltenwall englobant 30 hectares, de rares trouvailles
remontent au Ier s. av. J.-C. Un ensemble à vocation cultuelle y est installé au Ier s. apr. J.-C., le vicus de
Petinesca se développant à ses pieds, le long d'une route principale traversant le Plateau d'ouest en est.
En Suisse orientale, l'Uetliberg (50 ha), avec son imposant rempart extérieur (Vorwall) et des trouvailles
monétaires s'inscrit à la fin du IIe-début Ier s. av. J.-C., alors que dans la ville de Zurich, au pied du Lindenhof,
des fouilles au tournant du XXIe s. ont mis au jour les restes d'une occupation du Ier s. av. J.-C. A Windisch,
sous le camp romain de Vindonissa, le Keltengraben est précédé d'un rempart à poteaux frontaux du milieu
du Ier s. av. J.-C., protégeant une dizaine d'hectares de cet éperon sis entre l'Aar et la Reuss. Altenburg (Bade-
Wurtemberg) et Rheinau, sur deux presqu'îles emboîtées définies par les méandres du Rhin, sont un site
double, respectivement de plus de 200 et 80 hectares protégés par des remparts à poteaux frontaux; si
Altenburg est occupé dès la fin du IIe s., Rheinau semble lui succéder avant le milieu du Ier s. av. J.-C., pour une
ou deux générations à peine, précédant ainsi l'installation romaine au cours des dernières décennies avant
notre ère.
Le territoire attribué aux Rauraques est dominé, dans sa partie suisse, par le site de Bâle-Münsterhügel
(3,5 ha) avec un rempart mixte (poteaux frontaux et construction de type murus gallicus cloutée) de 120 m
de longueur précédé d'un vaste fossé; il est occupé au Ier s. av. J.-C. alors que l'agglomération ouverte de la
Gasfabrik, sur le déclin, est abandonnée dans le premier quart du Ier s. av. J.-C.; l'occupation militaire romaine
marque la fin de l'oppidum. Le Mont-Terri (4 ha), fortifié par un murus gallicus et occupé au Ier s. av. J.-C., est
traditionnellement considéré comme un oppidum des Rauraques.
La réalité archéologique est complexe et fort contrastée: tous les sites évoqués ne présentent pas une
importante superficie à l'instar de Berne ou d'Altenburg, ce qui peut être en partie mis au compte de la
chronologie, les sites du Ier s. av. J.-C. étant en général de plus petites dimensions; tous ne bénéficient pas de
remparts de contour, mais parfois de barrage, aux architectures différentes. De plus, la fonction de véritable
ville est difficile à assurer en l'absence de fouilles d'envergure. Les impératifs topographiques, stratégiques,
économiques et bien sûr historiques permettent en partie d'expliquer les différentes formes d'oppida
recensées dans une Suisse, dont le territoire au nord des Alpes était partagé, à la fin de La Tène, entre
Allobroges, Helvètes (Tigurins à l'ouest, Latobices à l'est ?) et Rauraques pour les peuples touchés par ce
phénomène d'urbanisation, emblématique du monde celtique finissant.
Bibliographie
SPM, 4, 153-169
– S. Fichtl, La ville celtique, 22005
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– G. Kaenel et al., éd., Sites, structures d'habitat et trouvailles du 1 er s. av. J.-C. entre le Haut-Danube et la
moyenne vallée du Rhône, 2005
– C. Haselgrove dir., Celtes et Gaulois, l'archéol. face à l'hist., 4, 2006
Auteur(e): Gilbert Kaenel
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