Lespolymersomes,des vésicules robusteset stimulablespour lalibération contrôlée desmédicaments
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vésiculespolymères.Nous nous focaliserons sur deux
approchesdistinctes,quireposent sur desmécanismes
physiques radicalementdifférents.Ilyaquelquesannées,
un groupe américain aétudié laréponse de polymer-
somesàunchamp électrique etmontré que ladestruction
de lamembrane pouvait résulterd’une augmentation de
latension de surface de lavésicule directementinduite
parle champ électrique. Plus récemment, aulaboratoire
de physico-chimie de l’Institut Curie,nous avonsproposé
une stratégie alternative,quireposesur unchangement
de courburespontanée induitparlalumière dansdes
bicouchesasymétriquesde polymèrescristaux liquides.
Avantd’allerplus loin,notonsque,si lesapplications
médicalesdemandentde travailleravecdesnano-liposo-
mesoupolymersomesd’une taille de quelques100 nm,la
plupart des travaux académiques visantà caractériserles
paramètresmécaniquesde cesmembranes sont réalisés
sur des vésiculesditesgéantesd’un diamètre de quelques
10µm (figure 1B );leur visualisation aumicroscope opti-
que permetleur manipulation etleur déformation à
l’échelle de l’objetindividuel. Commençonsdoncpar
introduire quelquesgénéralités sur laphysique desmem-
branesetpar résumerlesprincipalespropriétésméca-
niquesdes vésiculeslipidiquesetpolymères.
Propriétésmécaniques
desmembraneset vésiculesfluides
Aupremierordre,une membrane constituée de deux
feuillets (oumonocouches) de lipidesoude polymères
amphiphiles,secomporte,d’un pointde vue mécanique,
comme une fine tranche homogène,qui peut être
cisaillée, courbée,etcomprimée oudilatée. Al’équilibre,
laréponse de lamembrane à cesdéformationsest caracté-
risée pardesparamètres telsque le module de cisaille-
mentµ,le module de rigidité de courbureκ,etle module
d’étirement surfaciqueK a(quicorrespond àladilatation
oula compression de lamembrane). Les valeurs de ces
modulesdépendentde l’état thermodynamique de la
membrane etde sa composition, c’est-à-dire de lanature
chimique desamphiphilesqui la constituent.Dans un
étatfluide,une membrane n’offreaucune résistanceau
cisaillement,doncµ=0.Lesénergiesélastiquesde cour-
bure etd’étirement sontclassiquementmesuréespar
aspiration de vésiculesdans une micropipette (voirenca-
dré2 ). On définitaussiune tension critiqueàlaquelle la
vésicule éclate:il s’agitde latension de lyseτ c .Aune
échelle moléculaire,lastabilité d’une membrane lipidi-
que oupolymèrerésulte principalementde l’équilibre
entre deux forcesantagonistes:lesforcesattractivesde
Van derWaalsentrechaîneshydrophobesetlesforces
répulsivesde cœur dur (et/ouélectrostatiques) entretêtes
ou segments de chaîneshydrophiles(voirencadré1 ). L’éti-
rementde lamembrane tend àéloignerleslipidesou
chaînesde polymèresles unsdesautres, ce qui expose le
cœur hydrophobe de la bicouche àl’eau, augmenteson
énergie,etcontribueàladéstabilisation de lamembrane.
Cependant,pour atteindreune description réaliste et
complète de laphysique desmembranes,il convientde
prendre explicitementen compte le faitqu’une mem-
brane n’est paspurement un matériaubidimensionnel
élastique ethomogène,maisqu’elle est constituée de
deux feuillets partiellementcouplés.Notamment,l’exis-
tence d’une asymétrie entre lesdeux monocouchespeut
générer une courburespontanée de lamembrane. Cette
asymétrie peut provenir soitd’une différence dansle
nombre de moléculesamphiphilesquicomposentchaque
feuillet,soitd’une différenceauniveaude laforme des
moléculesquiconstituentchaque monocouche. Pour
mieux comprendre l’origine physique de la courbure
spontanée,envisageonsle casconcretd’une membrane
danslaquelle lesdeux feuillets contiennent un nombre
différentd’amphiphiles.Celagénèreune frustration au
sein de lamembrane. Plus précisément,si lasurface est
plane,le feuilletle plus peuplé setrouvecomprimé,tandis
que le feuilletle moinspeuplé est dilaté par rapport àson
étatd’équilibrestable. Il existe doncun gradientde
pression latérale dansladirection de lanormale àlamem-
brane, ce quicrée un momentde flexion. Energéti-
quement,il est alors plus favorable de courberla
membrane pour relâcherla compression dansle feuillet
le plus peuplé etlatension dansle feuilletle moinspeu-
plé. Cettecourburespontanée de lamembrane,C 0 ,est
doncun paramètre intrinsèque de la bicouche,qui
dépend essentiellementde lanaturechimique desespè-
cesamphiphileschoisies.C 0est homogène àl’inverse
d’une longueur,et vaut classiquement une fraction de
nm–1 dansle casde vésiculeslipidiques.En d’autres ter-
mes,la contribution énergétiqueassociée,de l’ordre de
κ C 0 2 ,est généralementnégligeable pour desmembranes
lipidiquesclassiques.
Eclatementde polymersomes
pardesimpulsionsélectriques
L’électroporation est un phénomène largement utilisé
en biologie moléculaire pour incorporer un plasmide (ou
morceaud’ADN) dans une cellule qui permettralafabri-
cation d’une nouvelle protéine,dite exogène,n’existant
pasinitialementdansla cellule. Le principe de base
consisteà appliquer unchamp électriquebref etintense
sur descellules.Cette impulsion électrique provoqueune
perméabilisation transitoire de lamembrane cellulaire et
permetl’entrée dansla cellule de substancesexternes.
Le phénomène d’électroporation,exploité de manière
empirique parlesbiologistes, a été étudié en détail pardes
physiciensen utilisantdesmembranesmodèles,telsque
desliposomesoupolymersomes.Lesmembraneslipidi-
quesoupolymèresétantessentiellementimperméables
aux ions,l’application d’unchamp électrique provoque
l’accumulation deschargesde chaquecôté de la bicouche.
Lecœur hydrophobe de lamembrane,d’épaisseur d hetde
constante diélectriqueε(faible par rapport à celle du