PATHOLOGIE
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 9 - novembre 1998
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ne fièvre hémorragique peut être le mode d’ex-
pression de nombreuses infections, notamment
virales, mais aussi bactériennes ou parasitaires.
Leur gravité est variable, mais elles sont globalement respon-
sables d’une mortalité importante.
Des virus, appartenant à plusieurs familles différentes, occu-
pent le devant de la scène, les infections bactériennes ou para-
sitaires n’étant que des diagnostics différentiels dans un tel
contexte.
Avec les récentes manifestations épidémiques du virus Ebola
et les exploitations médiatiques dont elles ont fait l’objet, ces
affections se sont entourées d’une aura de terreur qui rappelle
les grandes peurs liées aux épidémies du passé.
On pourra retrouver, sous une même présentation clinique, des
maladies émergentes comme les fièvres de Lassa ou d'Ebola et
des viroses beaucoup plus anciennement connues comme la
fièvre jaune.
Quelles que soient les étiologies, les signes cliniques sont sou-
vent peu spécifiques, la maladie commençant presque toujours
par une phase algique fébrile. Dans une deuxième phase pour-
ront suivre les hémorragies, allant du purpura ou de l’hémor-
ragie conjonctivale aux grandes hémorragies digestives, accom-
pagnées ou non de signes d’atteinte hépatique ou rénale.
Devant un tel tableau, une bonne connaissance de l’épidémio-
logie de ces infections est importante pour orienter les
recherches étiologiques.
De nombreux virus peuvent être responsables de fièvres hémor-
ragiques (FH) (tableau I). Certains sont des arbovirus ; ils
appartiennent à des familles différentes, mais ils ont en com-
mun leur mode de transmission, qui implique toujours un
arthropode hématophage, moustique ou tique. D’autres sont
des virus dont les rongeurs sauvages constituent le réservoir
naturel ; ce sont les arenavirus et les hantavirus. Enfin, il existe
une famille dont le réservoir reste encore inconnu : il s’agit des
Filoviridae (1).
Les fièvres hémorragiques virales
M. Morillon *, H. Tolou**
RÉSUMÉ.
Les virus pouvant provoquer un tableau de fièvre hémorragique sont nombreux. Certains, comme le virus Ebola, se sont rendus
célèbres encore récemment. Mais les responsables le plus fréquemment rencontrés sont le virus amaril et les virus de la dengue. La dengue
hémorragique étend actuellement son aire de répartition et provoque l’inquiétude des spécialistes. Pour les autres virus, une meilleure connais-
sance de leur épidémiologie a permis de préciser les règles d’hygiène qui doivent entourer la prise en charge des cas. Si celles concernant les
soins ont pu être assouplies, des précautions importantes doivent être maintenues pour les examens de laboratoire.
Mots-clés :
Fièvre hémorragique - Épidémiologie - Virus.
U
* Service de biologie clinique, Hôpital d’instruction des Armées Laveran,
13013 Marseille.
** Unité de virologie tropicale, Institut de médecine tropicale du service de
santé des Armées, 13013 Marseille.
Tableau I. Les agents de fièvres hémorragiques virales.
Mode Virus Famille Genre
de transmission
principal
Arbovirus Amaril Flaviviridae Flavivirus
transmis par Dengue 1 2 3 4 " "
les moustiques Vallée du Rift " "
Chickungunya Togaviridae Alphavirus
Arbovirus Crimée-Congo Bunyaviridae Nairovirus
transmis Forêt de Kyasanur Flaviviridae Flavivirus
par les tiques Omsk " "
Contact avec Lassa Arenaviridae Arenavirus
des déjections Junin " "
de rongeurs Machupo " "
Guanarito " "
Sabia ? " "
Hantaan Bunyaviridae Hantavirus
Séoul
Inconnu pour Marburg Filoviridae Filovirus
les premiers cas Ebola " "
Nosocomial
pour les cas
secondaires
FIÈVRES HÉMORRAGIQUES LIÉES AUX ARBOVIRUS
Arboviroses transmises par des diptères
Fièvre jaune (2). Dans sa zone de répartition,Afrique noire
ou Amérique tropicale, elle se manifeste sous forme sporadique
ou épidémique. C’est une des premières hypothèses à envisa-
ger sur place si le sujet atteint n’est pas vacciné. Ce diagnostic
doit aussi être évoqué chez un voyageur non vacciné si le retour
date de moins de six jours.
En effet, malgré l’existence de vaccins efficaces depuis 1932
et bien que les campagnes de vaccination de masse aient abouti
à une chute spectaculaire de l’incidence de la maladie, cette
infection continue à se manifester de façon sporadique sur le
continent américain et encore sous forme épidémique en
Afrique. On estime à 200 000 le nombre annuel de cas, avec
environ 30 000 décès. Les épidémies les plus récentes ont eu
lieu au Kenya en 1992-93 et aux frontières du Bénin, du Bur-
kina Faso et du Ghana en 1996.
La maladie ne se présente pas toujours sous sa forme classique,
avec la succession d’une phase “rouge”, où une congestion de
la face accompagne le syndrome algique fébrile, et d’une phase
ictérique au cours de laquelle surviennent les hémorragies.
L’existence de formes fébriles pures, la possibilité d’hémorra-
gies dès le début de l’évolution et la fréquente disparition de la
classique rémission qui sépare les deux phases font que seuls
les examens biologiques permettent d’affirmer la responsabi-
lité du virus amaril.
Ce virus est un Flavivirus (virus à ARN) enveloppé. Malgré la
diversité des souches circulant sur les deux continents, le vac-
cin vivant atténué utilisé est toujours efficace. Cependant, de
nombreux pays africains continuent de ne pas vacciner leur
population.
L’épidémiologie de cette arbovirose est relativement bien
connue. En Afrique, le cycle est entretenu dans la nature, dans
un écosystème forestier qui implique les populations de singes
et les moustiques Aedes de leur environnement. Des épidémies
peuvent survenir en zone urbaine lorsque Aedes aegypti (mous-
tique adapté à l’environnement humain) prolifère et qu’il peut
s’infecter à partir de sujets virémiques provenant des zones
rurales.
En Amérique tropicale, la démoustication des zones urbaines
a fait que la fièvre jaune est devenue une maladie seulement
forestière.
On ne parvient toujours pas à expliquer pourquoi cette virose
est absente d’Asie tropicale, alors que tous les facteurs néces-
saires à sa transmission semblent y être réunis.
Dengues hémorragiques. La dengue qui sévit dans toute la
zone intertropicale a longtemps été considérée comme une
affection tropicale bénigne. Cependant, sur les 80 millions de
cas annuels, environ 30 000 décès sont enregistrés. Parmi les
formes graves de la maladie, les formes hémorragiques (dengue
haemorragic fever [DHF] ou dengue shock syndrome [DSS])
ont une responsabilité importante.
Elles apparaissent plus volontiers en zone urbaine, où le vec-
teur est Aedes aegypti, qu’à la campagne, où d’autres espèces
d’Aedes ou d’Haemagogus sont impliquées.
D’abord décrites aux Philippines en 1954, les formes hémor-
ragiques ont ensuite été observées dans tous les pays d’Asie du
Sud-Est, dans le Pacifique et en Inde. De façon plus récente,
elles ont fait leur apparition aux Caraïbes, en Amérique cen-
trale et dans le Nord de l’Amérique du Sud.
Classiquement, elles atteignent l’enfant de moins de 15 ans,
mais dans les dernières épidémies d’Amérique centrale, une
proportion importante d’adultes a été touchée.
Après une incubation de trois à six jours, on retrouve ici aussi
une évolution en deux phases, sans signes pathognomoniques.
Les hémorragies, de gravité variable, surviennent au cours de
la deuxième phase. La thrombopénie est constante, avec un
signe du lacet positif ; les ecchymoses et les hémorragies
conjonctivales sont fréquentes. Il n’y a pas d’atteinte rénale.
Les virus de la dengue sont des Flavivirus et appartiennent à
quatre sérotypes, qui peuvent tous être en cause dans ces formes
hémorragiques.
L’épidémiologie de cette virose exclusivement humaine est rela-
tivement simple. La prolifération d’Aedes aegypti dans les zones
urbaines et péri-urbaines est responsable de la propagation des
épidémies. La diffusion mondiale récente d’un autre vecteur
potentiel, Aedes albopictus, mieux adapté aux plus basses tem-
pératures et plus réceptif au virus, fait craindre une extension
de l’aire de répartition de cette affection (3).
Il n’existe pas encore de vaccin disponible, mais des essais sont
en cours chez des volontaires en Thaïlande. Ils utilisent des
souches atténuées des quatre sérotypes. D’autres recherches
sont menées, orientées cette fois sur des vaccins sous-unitaires,
recombinants ou synthétiques.
À côté des quatre sérotypes de virus de la dengue, il faut signa-
ler la possibilité de syndromes hémorragiques très voisins, met-
tant en cause un autre arbovirus de la famille des Togaviridae,
le virus Chickungunya, spécialement en Asie tropicale.
Fièvre de la vallée du Rift. En 1931, date à laquelle le virus
a été isolé pour la première fois chez des petits ruminants au
Kenya, cette affection était considérée comme une zoonose
localisée à l’Afrique de l’Est et à l’Afrique australe. Les cas
humains étaient rares et les manifestations cliniques bénignes.
Les premiers cas humains mortels ont été observés en Afrique
du Sud en 1975. Puis, en 1977, c’est l’Égypte qui a été touchée
par une épidémie de grande ampleur, avec 18 000 cas humains
et 100 décès. On estime qu’en fait, un million de personnes ont
été atteintes. Depuis cette époque, l’enzootie a été détectée dans
de nombreux pays d’Afrique. En 1987, c’est la Mauritanie qui
a été à son tour le terrain d’une épidémie. Mille deux cents cas
ont été enregistrés dans la région de Rosso, au sud, sur le fleuve
Sénégal (4).
En janvier 1998 enfin, une épidémie a été confirmée au nord-
est du Kenya, responsable de plusieurs centaines de morts.
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L’agent responsable est un virus à ARN monocaténaire à trois
segments, appartenant à la famille des Bunyaviridaeet au genre
phlebovirus.
Si la plupart des cas se présentent sous la forme de syndromes
algiques fébriles non spécifiques, plusieurs types de complica-
tions sont possibles :
– oculaires avec rétinite et/ou hémorragies rétiniennes ;
– neurologiques, sous forme de méningo-encéphalites ;
– hémorragiques enfin, qui peuvent être la conséquence d’une
nécrose hépatique et responsables d’une mortalité élevée,
comme lors de l’épidémie égyptienne de 1977.
Un tel tableau, en zone d’endémie, est aussi évocateur de la
fièvre jaune, mais on enregistre fréquemment, en même temps
que les cas humains, une mortalité anormale du bétail et notam-
ment des troupeaux de moutons. Chez les grands ruminants
domestiques comme la vache ou la chamelle, la maladie peut
se révéler par une fréquence anormale des avortements.
L’histoire naturelle de cette virose montre qu’il s’agit princi-
palement d’une zoonose. Il existe, selon le schéma classique,
entre les épizooties, un cycle d’entretien dans lequel le virus
circule entre rongeurs sauvages et ruminants sauvages ou
domestiques, les moustiques Aedes jouant ici le rôle de vecteur
mais aussi de réservoir de virus, la transmission verticale étant
démontrée, comme pour les Flavivirus. Lorsque les précipita-
tions sont abondantes, la pullulation des vecteurs aboutit à
l’augmentation de la transmission chez les mammifères domes-
tiques, qui entraîne un cycle d’intensification. C’est alors que
les contaminations humaines peuvent survenir, au contact des
animaux malades. Ceux-ci excrètent du virus dans leurs secré-
tions nasales et la contamination est aérienne, mais le passage
à l’homme se fait aussi lors du dépeçage d’animaux morts ou
lors de l’abattage rituel d’animaux malades (1987 en Maurita-
nie, 1998 au Kenya). Il est apparu, en étudiant ce dernier épi-
sode, que le virus peut aussi être entretenu en période inter-
épidémique, uniquement chez les petits ruminants (4). Ces
modes de transmission expliquent également le risque éle
de contamination en laboratoire. Bien que le virus ait pu être
isolé dans de nombreux genres de diptères hématophages
anthropophiles (Aedes,Culex,Anopheles),la transmission vec-
torielle à l’homme est moins claire.
Arboviroses transmises par les tiques
Fièvre de Crimée-Congo. Il s’agit, là encore, d’une anthro-
pozoonose, mais l’aire de répartition des cas humains est plus
réduite que celle du virus. L’affection sévit principalement au
Moyen-Orient et dans l’Est de l’Europe. Les régions les plus
touchées sont le Sud de l’ex-Union soviétique et le Caucase,
l’Arménie, l’Azerbaïdjan, les pays de la péninsule arabique,
l’Irak et le Pakistan. Des cas ont été observés en Afrique, mais
ils y sont plus rares.
Cette virose se manifeste le plus souvent sous la forme de cas
sporadiques qui peuvent être le point de départ de petites épi-
démies nosocomiales secondaires avec atteinte des membres
des équipes soignantes.
L’incubation est de 4 à 5 jours, précédant classiquement une
évolution en deux phases. Des hémorragies digestives impor-
tantes sont fréquentes au cours de la deuxième phase, et sont
alors responsables d’une mortalité élevée (5 à 10 % des cas).
Le virus est un Nairovirus, appartenant à la famille des Bunya-
viridae. Il est retrouvé dans la nature chez les tiques ixodidés
vivant dans des régions arides, notamment les genres Hya-
lomma et Amblyomma dans une aire débordant largement le
cadre géographique des cas humains, surtout en Afrique noire.
Le cycle naturel fait intervenir des rongeurs sauvages et peut-
être certains oiseaux. Les tiques, qui peuvent transmettre le
virus à leur descendance, sont à la fois réservoir et vecteur.
L’affection peut être transmise à l’homme par piqûre de tique,
mais aussi par contamination directe au contact des tissus ou
du sang d’un animal, le plus souvent un mouton, lors de l’abat-
tage ou de la mise bas (abattoir de La Mecque en 1990). Des
contaminations ont eu lieu aussi lors d’interventions chirurgi-
cales pour hémorragie digestive (Pakistan 1976,Afrique du Sud
1984).
Fièvre de la forêt de Kyasanur. Très localisée à l’état du
Karnataka, dans le Sud-Ouest de l’Inde, cette virose, due à un
Flavivirus et appelée localement “maladie des singes”, est une
zoonose touchant de nombreuses espèces sauvages et les singes
forestiers. Elle est transmise par la piqûre d’un tique, Haema-
physalis spingera. Des contaminations de laboratoire par aéro-
sol sont possibles.
Fièvre d’Omsk. Cette affection très localisée a été observée
en Sibérie jusque dans les années 50. Il n’y a plus de cas signa-
lés depuis. Il n’est pas certain que les piqûres de tiques soient
le seul mode de contamination, le contact direct avec des rats
musqués pouvant être infectant.
FIÈVRES HÉMORRAGIQUES D’ORIGINE MURINE
Infections par les Arenavirus
Le nom de ces virus leur vient de leur morphologie en micro-
scopie électronique, car ils contiennent des granules denses
(arena : sable). Ce sont des virus à ARN segmenté en deux frag-
ments monobrin. Ils sont enveloppés et sensibles aux détergents
et désinfectants.
Les cas surviennent toujours en zone rurale, et sont liés à la
prolifération des rongeurs, souvent la conséquence de modifi-
cations introduites par l’homme : déforestation, cultures inten-
sives.
Une espèce est africaine : le virus de Lassa. Toutes les autres
ont été observées en Amérique du Sud, dans des zones chaque
fois limitées. Elles appartiennent au complexe Tacaribe.
Fièvre de Lassa. Les premiers cas identifiés sont apparus en
1969 à Jos, dans le Nord du Nigeria, chez des personnels de
santé : une sage-femme puis deux infirmières. Peu de temps
après, ce furent deux chercheurs travaillant aux États-Unis sur
des échantillons en provenance du Nigeria. L’année suivante,
le virus réapparaissait dans la même région : autour d’un pre-
mier cas hospitalisé, 27 cas secondaires survenaient dans le
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même hôpital, avec atteinte des équipes soignantes, signant
ainsi un phénomène d’amplification nosocomiale. Les cas sui-
vants apparaîtront au Liberia et en Sierra Leone en 1972. Les
épisodes les plus récents sont survenus dans ce dernier pays,
avec, pour l’année 1997, 140 cas et 23 décès. Des enquêtes
sérologiques ont montré que ce virus circulait aussi au Burkina
Faso et en Guinée.
L’incubation est de deux semaines et le début de la maladie,
peu caractéristique, associe fièvre, myalgies et pharyngite, puis
apparaissent les hémorragies, souvent accompagnées d’un
œdème de la face et du cou.
Le réservoir de virus est un rongeur péridomestique, commun
en Afrique subsaharienne, le rat à mammelles multiples (Mas-
tomys natalensis). Les cas humains sont ruraux et sporadiques ;
ils font suite à un contact direct ou plus souvent indirect avec
les sécrétions des rongeurs : poussières, eaux, aliments. Une
amplification nosocomiale épidémique est possible. Cette fièvre
hémorragique peut être traitée par la ribavirine administrée pré-
cocement, dans les six premiers jours (6).
FIÈVRES HÉMORRAGIQUES SUD-AMÉRICAINES
Junin. Cette virose est connue depuis la fin de la Deuxième
Guerre mondiale, en Argentine, où elle sévit pendant l’automne
austral, de mars à mai, saison des moissons. Suivant les années,
100 à 4 000 cas sont enregistrés, avec une mortalité allant de
10 à 30 %. La ribavirine a été utilisée, mais avec moins de suc-
cès que pour la fièvre de Lassa. Un vaccin atténué est dispo-
nible et a été administré sur place à 150 000 personnes.
Des rongeurs du genre Calomys constituent le réservoir de
virus ; ces mammifères développent une infection inapparente
et excrètent les virus dans leurs urines et leur salive. Ils vivent
dans les buissons qui bordent les clôtures des champs. La conta-
mination humaine est indirecte, principalement par le contact
cutané à travers des coupures provoquées par des objets ou des
végétaux contaminés par l’urine des rongeurs.
Machupo. Décrite pour la première fois en 1959 dans le
département du Béni (Bolivie), elle réapparaît depuis de façon
irrégulière, mais surtout de mars à juin, en saison sèche, chez
les hommes travaillant aux champs. Le dernier épisode a eu
lieu en 1994 (7). La mortalité est élevée, de l’ordre de 30 %.
La ribavirine est utilisée pour le traitement.
Ici aussi, ce sont des rongeurs du genre Calomys qui consti-
tuent le réservoir de virus, le mode de contamination étant le
même que pour la fièvre hémorragique d’Argentine. Des cas
de contamination secondaire, familiale et nosocomiale, ont été
observés.
Guanarito. Elle est apparue en 1990 dans les états de Por-
tugesa et de Barinas dans l’Ouest du Venezuela, régions de cul-
tures de céréales et de coton. Les rongeurs réservoirs sont ici
les rats du coton, Sigmodon alstoni, qui prolifèrent dans les
buissons en périphérie des cultures et dans les îlots de forêts
secondaires laissés par la déforestation.
Sabia.Le virus a été isolé en 1990 lors d’un cas humain mor-
tel à São Paulo. Le premier diagnostic avait été celui de fièvre
jaune. À partir de ce premier cas, il y eut deux cas de conta-
mination de laboratoire, d’évolution favorable. Le réservoir
naturel est encore inconnu.
FIÈVRES HÉMORRAGIQUES DUES AUX HANTAVIRUS
Depuis 1983, il est convenu de réunir les différentes manifes-
tations cliniques des affections dues aux hantavirus sous le nom
de fièvres hémorragiques avec syndrome rénal (FHSR). Mal-
gré cette dénomination commune, le caractère hémorragique
est tout à fait inconstant.
Les hantavirus appartiennent à la famille des Bunyaviridae mais
ne sont pas des arbovirus. Plusieurs types sont individualisés,
liés chacun à une répartition géographique et à un mode d’ex-
pression clinique.
Les hémorragies sont surtout observées avec le type Hantaan,
responsable de plusieurs milliers de cas chaque année en Chine,
avec une mortalité de 5 %. Dans les Balkans, le virus Dobrava
peut lui aussi être responsable de formes sévères, avec une mor-
talité pouvant atteindre 20 %. Le virus Séoul, largement
répandu, est moins souvent retrouvé en clinique, et les cas
graves sont moins fréquents. Les autres types : Puumala, Sin
Nombre et apparentés, ces derniers étant associés aux syn-
dromes pulmonaires décrits sur le continent américain, indui-
sent des syndromes cliniques classiquement sans hémorragies,
mais dans lesquels une thrombopénie est fréquente.
L’épidémiologie des infections à hantavirus réunit de nombreux
caractères communs, avec toujours un rongeur réservoir dont
l’infection est asymptomatique et chez lequel elle se propage
de façon horizontale. Il existe une adaptation étroite des types
de virus à leur espèce de rongeur. Il semble, en effet, que ces
couples virus-mammifères soient constitués depuis plusieurs
milliers d’années (8, 9).
L’homme se contamine par inhalation de poussières souillées
par les déjections des rongeurs. C’est pourquoi ces affections
sont rurales et liées à des activités forestières ou à des opéra-
tions militaires, comme lors de leur première description durant
la guerre de Corée.
FIÈVRES HÉMORRAGIQUES DUES AUX FILOVIRUS
Ces viroses, hautement contagieuses, sont aussi accompagnées
d'une mortalité extrêmement importante.
Virus Marburg. Ses apparitions ont été moins nombreuses
et moins meurtrières que celles du virus Ebola, mais il a été le
premier décrit. Il s’agit d’un virus africain, même si, comme
son nom l’indique, les premiers cas sont apparus en Allemagne.
Le virus s’est manifesté pour la première fois en 1967, à l’Ins-
titut de virologie de Marburg (Allemagne), où les équipes
travaillaient sur des cercopithèques, ou singes verts, provenant
d’Ouganda. Vingt-sept personnes ont été atteintes, et sept
d’entre elles sont mortes ; sont ensuite apparus six cas secon-
daires, sans décès, puis d’autres cas dans des laboratoires de
Francfort ou de Belgrade travaillant eux aussi sur des singes.
En 1975, c’est cette fois un touriste australien qui meurt à
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Johannesburg ; à l’origine de deux cas secondaires : sa com-
pagne et une infirmière. Des cas apparaîtront ensuite au Kenya,
en 1980, et au Zimbabwe, en 1982, sans contamination secon-
daire, et enfin une contamination de laboratoire en Russie, en
1990. Ces manifestations, relativement rares, font que l’on sait
moins de choses encore sur ce virus. Si l’origine des premiers
cas est obscure, la possibilité de contamination nosocomiale ou
de laboratoire est évidente.
Ebola (10, 11). Si toutes les observations faites en clinique
humaine sont africaines, il est possible que ce virus soit plus
largement répandu, comme le suggère l’importation aux États-
Unis (1989) de la souche Reston, à partir de singes importés
des Philippines.
La maladie humaine s’est manifestée pour la première fois en
1976 au Soudan. Deux cent quatre-vingt-quatre personnes ont
été atteintes et 151 en sont mortes (55 %). Un deuxième épi-
sode aura lieu la même année, 600 km plus loin, au Zaïre, dans
la région de Yambuku, arrosée par la rivière Ebola. La morta-
lité atteint cette fois 88 %, et les équipes soignantes locales sont
décimées. Le virus fera de nouveau parler de lui au Zaïre, en
1994, cette fois dans la région de Kikwit, puis en 1995, au
Gabon, dans la région de Makokou, atteignant des orpailleurs.
L’agent pathogène est un filovirus, nom venant de la structure
filamenteuse du virion, qui peut approcher un micron de long.
Ce virus à ARN monocaténaire enveloppé est très sensible aux
détergents, antiseptiques ou désinfectants.
Après une incubation très variable (de 3 jours à 3 semaines), la
phase fébrile s’accompagne fréquemment d’une pharyngite
nécrotique, entraînant une dysphagie, ayant rapidement pour
conséquence un amaigrissement et une asthénie importants.
L’association à une conjonctivite est évocatrice en situation épi-
démique. Les hémorragies, le plus souvent digestives, accom-
pagnent des douleurs abdominales et une diarrhée, réalisant le
tableau de diarrhée sanglante, signalé surtout lors de l’épidé-
mie de Kikwit.
L’épidémiologie n’en est encore que partiellement connue.
Cependant, les facteurs qui sont à l’origine des nombreux cas
secondaires ont été bien identifiés. Il s’agit de contaminations
nosocomiales liées à des conditions d’hygiène déficientes où à
l’absence de respect des règles élémentaires : réutilisation de
matériels d’injection mal nettoyés et mal stérilisés notamment.
Dans d’autres cas, la contamination était familiale, liée aux pra-
tiques coutumières de soins aux malades et aux rites funéraires.
Lors de chaque épidémie, il a été remarqué que le virus avait
tendance à perdre de sa virulence au cours des transmissions
successives (12). L’hypothèse de la cocirculation de plusieurs
souches de virulence différente a également été évoquée, en
particulier lors de l’épidémie du Gabon.
Chaque fois, la réintroduction de techniques élémentaires d’hy-
giène, contemporaine de l’intervention des équipes internatio-
nales, a permis d’obtenir l’arrêt de la transmission. Aucun cas
de transmission aérienne n’a pu être prouvé. Le mode de conta-
mination des cas initiaux est beaucoup plus énigmatique.
Chaque fois, la transmission a lieu en milieu rural, souvent
forestier, à partir d’un réservoir sauvage semble-t-il. Malgré le
prélèvement de nombreuses espèces animales, mammifères ter-
restres et arboricoles, chauves-souris, oiseaux et insectes, il n’a
pas encore été possible d’identifier ce réservoir. L’hypothèse
d’un virus d’origine végétale a même été évoquée. Quant aux
singes, ils sont victimes au même titre que l’homme : un cas
humain avait fait suite au dépeçage d’un chimpanzé trouvé mort
en Côte-d’Ivoire en 1994, et l’épidémie de 1995 au Gabon était
contemporaine d’une mortalité importante dans les populations
de gorilles.
PHYSIOPATHOLOGIE
Les causes des phénomènes hémorragiques qui se produisent
au cours de l'évolution des fièvres hémorragiques virales sont
encore mal connues. Elles apparaissent complexes et non uni-
voques, les divers virus mettant en jeu des mécanismes diffé-
rents. Dans un groupe qui comprend la fièvre jaune, la fièvre
de Crimée-Congo, celle de la vallée du Rift et la fièvre Ebola,
où les phénomènes hémorragiques sont particulièrement mar-
qués et l'évolution fréquemment mortelle, la nécrose hépatique
massive, directement liée à la réplication virale, paraît être le
facteur principal. Elle s'accompagne d'anomalies du nombre et
des fonctions plaquettaires (fièvre jaune, Ebola), ainsi que de
phénomènes de CIVD (fièvre jaune), qui semblent jouer un rôle
moins constant mais peut-être déterminant dans les formes les
plus graves. Dans les fièvres dues aux arenavirus,les phéno-
mènes nécrotiques sont mineurs, et les fonctions viscérales ne
paraissent pas altérées au point d'expliquer les hémorragies ou
le syndrome de choc. Il n'y a pas non plus d'évidence d'un méca-
nisme de CIVD. En revanche, les fonctions des endothéliums,
où le virus se réplique activement, et celles des plaquettes sont
considérablement perturbées. Un puissant inhibiteur des fonc-
tions plaquettaires, probablement produit par l'hôte, a été décou-
vert dans le sérum des malades, alors qu'il n'y a pas de throm-
bopénie (13).
Dans la dengue hémorragique, plusieurs mécanismes appa-
raissent intriqués. L'atteinte hépatique existe, plus modérée que
dans la fièvre jaune, ainsi que des signes de CIVD. La throm-
bopénie est souvent marquée, associée à une altération des fonc-
tions plaquettaires. Elle pourrait être la conséquence d'une inhi-
bition de l'hématopoïèse par un facteur viro-induit et de
phénomènes auto-immuns. Certaines protéines virales pour-
raient jouer un rôle dans ces mécanismes en mimant des fac-
teurs de la coagulation (14) ou certaines protéines de surface
des plaquettes et des endothéliums. Le choc est en relation avec
des lésions ou des perturbations de ces endothéliums. Selon une
théorie initialement proposée par Halstead, l'infection massive
des cellules mononucléées du sang, facilitée par des anticorps
antiviraux non neutralisants, traces d'une première infection,
contribuerait de façon décisive à ces perturbations par l'inter-
médiaire d'une libération excessive de cytokines (15).
PRÉCAUTIONS NÉCESSAIRES LORS DE LA PRISE EN CHARGE
D’UN CAS SUSPECT DE FIÈVRE HÉMORRAGIQUE VIRALE
En raison du risque de contamination du personnel soignant et
de celui de laboratoire, des précautions sont recommandées
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