Le marché commun ne doit pas devenir une machine à broyer l’économie française
L’Assemblée nationale se trouve saisie de deux projets de lui portant ratification des traités sur le marché
commun et l’Euratom, signés à Rome le 25 mars dernier. Leur principe est excellent. Ils doivent, l’un et
l’autre, servir à l’édification d’une communauté économique de l’ordre de 160 millions d’hommes.
Ainsi qu’il est dit à l’exposé des motifs de ces projets, « à l’époque de la production en grande série, à l’aube
de l’ère de l’automation, seul un vaste marché peut fournir les débouchés nécessaires à une industrie en
expansion », expansion qui entraîne à son tour l’augmentation du niveau de vie.
Encore faudrait-il que l’envers du décor vaille l’endroit, autrement dit, que ces « lendemains qui chantent »
arrivent sans laisser de victimes derrière eux.
L’Europe, soit. Dans un monde de colosses industriels et nucléaires, où les Etats-Unis et l’U.R.S.S.
dominent de toute leur puissance les autres pays du globe, il est essentiel que l’Europe s’organise pour
atteindre à leur niveau.
Mais il ne faut pas que le marché commun, cette machine à faire l’Europe, soit une machine à broyer la
France.
Or, au départ, la France est assez mal placée.
De quoi s’agit-il, en effet ?
D’abolir les frontières douanières intérieures dans un délai qui ne saurait excéder quinze ans, de supprimer
ainsi les taxes à l’entrée des marchandises, de libérer les échanges par l’abrogation progressive du système
des contingentements et d’instaurer la libre circulation des personnes et des capitaux.
A l’heure actuelle, la France souffre de ne pas exporter à la mesure de ses besoins.
Les causes de ce mal ?
Ses charges sociales et sa fiscalité monstrueuse.
Certes, le traité sur le marché commun a satisfait, en principe, aux demandes françaises de garanties sur
l’automaticité du passage de la première à la seconde étape, l’égalisation des salaires, l’harmonisation des
législations sociales, la politique de soutien des prix agricoles, les mouvements de travailleurs et de capitaux.
Notre déficit à l’U.E.P. : signal d’alarme
Mais rien n’est prévu pour le nivellement des charges sociales. Et s’il nous fallait aboutir à cette égalité par
la « budgétisation » d’une partie de nos charges propres, n’aggraverait-on pas le second mal, la fiscalité, en
atténuant le premier ?
Les comptes de l’Union européenne des parlements font apparaître, en mars, pour la France, un nouveau
déficit de plus de 93 millions de dollars, ce qui porterait notre déficit total à près de 800 millions de dollars.
Nous sommes donc exposés à ne plus pouvoir financer nos importations de matières premières. Comment,
alors, tourneraient nos machines ? Dans quelle crise sociale serions-nous plongés ?
Avec le marché commun, au bout de la période transitoire, nous ne disposerions même plus des moyens de
défense que nous possédons actuellement.
Il faudra donc veiller à ce que toutes les mesures soient prises, chez nos « associés » comme chez nous, pour
que les coûts de production s’équilibrent au moment suprême de l’abolition des barrières.