"Le Marché commun ne doit pas devenir une machine à broyer l

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"Le Marché commun ne doit pas devenir une machine à broyer l'économie
française" dans L'Aurore (4 avril 1957)
Légende: Le 4 avril 1957, à l'occasion des débats à l'Assemblée nationale sur la ratification des traités de
Rome, le quotidien français L'Aurore pose la question de l'état de préparation de la France aux nouvelles
exigences du futur marché commun européen.
Source: L'Aurore. 04.04.1957, n° 3.909; XVIe année. Paris. "Le Marché commun ne doit pas devenir une
machine à broyer l'économie française", auteur:Ferro, Maurice , p. 1; 2.
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_broyer_l_economie_francaise_dans_l_aurore_4_avril_1957-fr-6210e36c-e730-40bf-
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Date de dernière mise à jour: 05/11/2015
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Le marché commun ne doit pas devenir une machine à broyer l’économie française
L’Assemblée nationale se trouve saisie de deux projets de lui portant ratification des traités sur le marché
commun et l’Euratom, signés à Rome le 25 mars dernier. Leur principe est excellent. Ils doivent, l’un et
l’autre, servir à l’édification d’une communauté économique de l’ordre de 160 millions d’hommes.
Ainsi qu’il est dit à l’exposé des motifs de ces projets, « à l’époque de la production en grande série, à l’aube
de l’ère de l’automation, seul un vaste marché peut fournir les débouchés nécessaires à une industrie en
expansion », expansion qui entraîne à son tour l’augmentation du niveau de vie.
Encore faudrait-il que l’envers du décor vaille l’endroit, autrement dit, que ces « lendemains qui chantent »
arrivent sans laisser de victimes derrière eux.
L’Europe, soit. Dans un monde de colosses industriels et nucléaires, où les Etats-Unis et l’U.R.S.S.
dominent de toute leur puissance les autres pays du globe, il est essentiel que l’Europe s’organise pour
atteindre à leur niveau.
Mais il ne faut pas que le marché commun, cette machine à faire l’Europe, soit une machine à broyer la
France.
Or, au départ, la France est assez mal placée.
De quoi s’agit-il, en effet ?
D’abolir les frontières douanières intérieures dans un délai qui ne saurait excéder quinze ans, de supprimer
ainsi les taxes à l’entrée des marchandises, de libérer les échanges par l’abrogation progressive du système
des contingentements et d’instaurer la libre circulation des personnes et des capitaux.
A l’heure actuelle, la France souffre de ne pas exporter à la mesure de ses besoins.
Les causes de ce mal ?
Ses charges sociales et sa fiscalité monstrueuse.
Certes, le traité sur le marché commun a satisfait, en principe, aux demandes françaises de garanties sur
l’automaticité du passage de la première à la seconde étape, l’égalisation des salaires, l’harmonisation des
législations sociales, la politique de soutien des prix agricoles, les mouvements de travailleurs et de capitaux.
Notre déficit à l’U.E.P. : signal d’alarme
Mais rien n’est prévu pour le nivellement des charges sociales. Et s’il nous fallait aboutir à cette égalité par
la « budgétisation » d’une partie de nos charges propres, n’aggraverait-on pas le second mal, la fiscalité, en
atténuant le premier ?
Les comptes de l’Union européenne des parlements font apparaître, en mars, pour la France, un nouveau
déficit de plus de 93 millions de dollars, ce qui porterait notre déficit total à près de 800 millions de dollars.
Nous sommes donc exposés à ne plus pouvoir financer nos importations de matières premières. Comment,
alors, tourneraient nos machines ? Dans quelle crise sociale serions-nous plongés ?
Avec le marché commun, au bout de la période transitoire, nous ne disposerions même plus des moyens de
défense que nous possédons actuellement.
Il faudra donc veiller à ce que toutes les mesures soient prises, chez nos « associés » comme chez nous, pour
que les coûts de production s’équilibrent au moment suprême de l’abolition des barrières.
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Veillons au salut de l’Europe
Mais il n’y pas que la France. Il y a aussi l’Europe.
Sera-t-elle, elle aussi, protégée contre l’invasion économique des pays de « dumping » ?
Sans doute, le traité prévoit, après quinze ans au maximum, une politique économique commune. L’Europe
aura sa propre frontière douanière.
Mais que seront ces droits de « péage » nouveaux ? Le traité répond : la moyenne arithmétique des tarifs au
jour de l’entrée en vigueur du traité. Et, encore, ce n’est là qu’un plafond.
L’Europe, d’autre part, devra accorder sa législation douanière aux règles du G.A.T.T., qui interdisent les
« cartels protectionnistes ». C’est dire que, sur ce terrain, on rencontrera les Etats-Unis et les pays
producteurs à coût très bas, le Japon par exemple.
Comment empêcher, à cette époque – et quinze ans représentent bien peu de chose dans la vie d’une nation
et encore moins d’un continent comme l’Europe – que nous ne soyons submergés par les produits agricoles
et industriels américains ou japonais ?
Il faudra y penser. Et avant la ratification. Toutes études doivent être entreprises, tous apaisements obtenus
pour que le marché commun, dont nous approuvons le principe, n’aboutisse pas à l’étouffement économique
de la France et de l’Europe.
Quant à l’Euratom, il réserve, c’est exact, tous les droits « nationaux », donc ceux de la France. Notre pays
pourra, s’il l’entend, fabriquer des engins nucléaires. Mais est-il certain que l’égalité des droits sera toujours
respectée ? Déjà, nos alliés américains, qui en sont toujours à nous promettre 40 kilos d’uranium enrichi,
viennent d’en remettre 1.500 à nos partenaires allemands.
La France reste la championne de l’Europe. Mais elle n’entend pas que cette Europe l’écrase.
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