1 dependance spatiale et localisation des entreprises industrielles a

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DEPENDANCE
SPATIALE
INDUSTRIELLES A DOUALA
ET
LOCALISATION
DES
ENTREPRISES
RESUME
La présente étude porte sur un aspect essentiel de l’analyse de la localisation industrielle : l’analyse
du degré de dépendance spatiale dans la ville de Douala. Il propose une réponse au problème de
l’incidence spatiale dans la répartition des entreprises industrielles dans cette ville. L’espace est donc
perçu comme source de répartition et de diffusion des activités. L’hypothèse sous-jacente étant que les
valeurs en un lieu sont dépendantes des valeurs des territoires voisins. C’est l’autocorrélation
spatiale. La démarche méthodologique a consisté en la construction d’une matrice de contiguïté qui a
permis de conceptualiser et de prendre en compte ces liens. Le degré de dépendance spatiale est saisi
à partir des indices spatiaux globaux et locaux de Moran. Les principaux résultats de l’étude
montrent, en utilisant la configuration "centre-périphérie", l’existence d’une distribution aléatoire des
activités industrielles qui influence négativement leur localisation. Les analyses spatiales locales
dévoilent un effet de diffusion industrielle, qui est un débordement par rapport à la politique de
localisation industrielle, et l’émergence de Douala 5ecomme nouveau pôle de localisation industrielle.
Ces résultats suggèrent la redéfinition de la politique de localisation industrielle dans cette ville et la
prise en compte des interactions territoriales ou effets de voisinage.
Mots clés : Entreprises industrielles, Localisation spatiale, Matrice de voisinage, Dépendance
spatiale, Indice de Moran
Classification JEL : R14, R58
SPATIAL DEPENDENCE AND LOCALIZATION OF INDUSTRIAL ENTERPRISES IN
DOUALA
ABSTRACT
This research carries on an important aspect of industrial localization that is, an analysis of the
degree of spatial dependency in the city of Douala. It suggests a solution to the problem of spatial
incidence in the distribution of industrial enterprises in the city. In fact, the area is seen as a source of
activities distribution and diffusion. The underlying hypothesis is that, the importance of a given spot
depends on that of the neighboring territories. This is known as spatial autocorrelation. The
methodological approach consisted on the construction of weight matrix that enables to conceptualize
and consider these relationships. The degree of spatial dependency is gotten from Moran’s global and
local spatial indicators. The main results show, using the "center-periphery" configuration, the
existence of a random distribution of industrial activities that negatively affect their localization. The
local spatial analysis make state of an industrial diffusion effect, which seems to be an overflow
considering the industrial policies implemented in this town, and the emergence of Douala 5th as the
new cluster of industrial localization. These results suggest redefining the industrial policy of
localization in this city and considering the territories interactions or neighborhood effects.
Key words: Industrial enterprises, Spatial localization, Weight matrix, Spatial dependence, Moran’s
index
JEL classification : R14, R58
1
INTRODUCTION
Les comportements des entreprises en matière de localisation ont connu d’énormes
transformations depuis la fin du XXe siècle. Leurs choix de localisation, avec l’accélération de
la mondialisation, ont pris un caractère stratégique important. Ce qui oblige chercheurs et
théoriciens à reconsidérer les fondements de l’analyse régionale et les principes de la
localisation des entreprises industrielles.
Caractérisée par la suppression progressive des barrières commerciales et des obstacles liés à
la mobilité des facteurs, la mondialisation des économies guide, dans tous les espaces et à des
échelles différentes, les filières et les spécialisations. Aux échelles plus réduites comme les
villes, la vitalité des espaces (qu’il s’agisse de ceux qui "gagnent" ou qui "perdent" et dont les
dynamiques divergent), alimente les débats sur l’aménagement et la gestion du territoire
(Benko et Liepietz, 1992 ; Victor, 2004). Dans l’espace urbain, les activités économiques, et
surtout industrielles, se répartissent de manière très hétérogène (Aguilera-Belanger et al,
2004 ; Million, 2004 ; Essombè Edimo, 2007a, 2007b). Il s’observe ainsi la poursuite d’un
double phénomène de concentration et d’étalement urbain des activités au profit d’un nombre
réduit de sites périphériques ou centraux. Pour les pouvoirs publics, cette situation soulève
d’importants enjeux urbains. Car, les collectivités locales ayant la charge de l’aménagement et
de la gestion du territoire supportent les coûts induits par ces dynamiques. Aussi souhaitentelles disposer des moyens susceptibles de maitriser et d’influencer l’organisation de ces
localisations (Million, 2004, Op.cit.).
Parmi les diverses interventions en direction des entreprises à leur disposition, la mise en
place des zones d’activités industrielles est devenue l’une des actions les plus répandues et les
plus importantes par les investissements qu’elles représentent (Million, 2004, Ibidem.).
Classiquement, elles se définissent comme un « ensemble de terrains acquis et regroupés par
un maître d’ouvrage, généralement public, parfois privé, pour faciliter l’installation, le
fonctionnement et le développement d’établissements à caractère économique » (Moatti,
1968). Dans son principe, la réalisation des zones d’activités répond à un double objectif de
développement et d’aménagement du territoire.
La ville de Douala ne se détache pas de ce contexte. Premier centre industriel du Cameroun,
c’est également la principale porte d’entrée des pays de la CEMAC1. Avec une population
estimée à 3,2 millions d’habitants, elle réalise environ 65% du PIB national et 25% de celui
de la sous-région et concentre quelques 35% des entreprises du pays (dont 32,1% des activités
industrielles du Cameroun) (INS/RGE, 2010). Dans une optique d’aménagement du territoire,
cette ville s’est dotée, depuis les années 70, de deux zones industrielles : Bonabéri (Douala 4e)
et Bassa (Douala 3e). Dans ce dernier arrondissement d’ailleurs, deux autres centres de
fabrication industrielle, respectivement dénommés "Centre St Michel" et "Ndokotti", se sont
formés peu à peu. Ces dispositions industrielles sont gérées par la MAGZI2 et proposent un
certain nombre d’avantages, notamment les dessertes maritimes, ferroviaires, aéroportuaires
et routières (CUD, 2008, 2009). Pendant des décennies, l’activité industrielle était concentrée
1
CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, qui est constituée du Cameroun,
Tchad, République Centrafricaine, Guinée Equatoriale, Gabon et Congo,
2
MAGZI : Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles,
2
dans ces arrondissements et les entreprises, surtout industrielles, s’installaient soit dans ces
zones, soit à la lisière de celles-ci. Depuis quelques années, l’on observe un "glissement" des
activités des arrondissements susmentionnés vers celui de Douala 5e qui, peu à peu, est
devenu un pôle émergent de localisation périphérique des activités industrielles. De cette
localisation diffuse apparaît distinctement une surcharge territoriale des activités industrielles
dans la ville de Douala. Faute de prévision et de prospective, la ville donne l’impression de se
façonner elle-même, de façon anarchique, informelle, incontrôlée (Essombè Edimo, 2007a,
2007b, Ibidem)3. Cependant, il ressort des analyses ici la nécessité de prendre en compte les
liens territoriaux et leur impact sur la structuration urbaine. (Guglielmo, 2008 ; Prager et
Thissé, 2009).
L’article s’intéresse, précisément, aux liens que peuvent entretenir les arrondissements
constituant la ville de Douala. Cette situation pose donc le problème de l’incidence spatiale
dans les décisions de localisation des entreprises industrielles dans cette ville. Car l’espace
agit comme un facteur et/ou acteur de la répartition et de la diffusion des activités
économiques, surtout industrielles. Il s’agira alors de déterminer le degré d’influence de la
variable spatiale dans les décisions de localisation des entreprises industrielles dans cette ville
et, plus spécifiquement, de mettre en évidence les effets de débordement spatiaux liés à la
localisation diffuse des entreprises industrielles. L’analyse repose sur l’hypothèse que les
valeurs en un lieu sont fonction des valeurs dans le voisinage c’est-à-dire, que l’on est en
présence d’une autocorrélation spatiale4. Tobler (1970) le fait remarquer en suggérant la
première loi de la géographie suivante : « Everything is related to everything else, but closer
things more so ». L’idée étant d’exprimer, pour une variable, une relation fonctionnelle entre
les phénomènes d’un point de l’espace vis-à-vis des autres points de l’espace. Ce qui traduit la
saisie, par l’analyse spatiale, de la répartition des entreprises industrielles dans l’espace
doualais5.
L’étude se structure de la manière suivante : après un bref examen des principales théories sur
lesquelles s’appuie la localisation des entreprises, notamment celles de "l’économie urbaine"
et de "l’économie régionale", et qui prennent en compte les dépendances spatiales dans cette
localisation. Cette revue montre comment l’espace est source de déséquilibre dans la
répartition des activités et est transformé par la diffusion (I). Une présentation de l’approche
méthodologique et de celle de l’importance de la matrice d’interactions spatiales est ensuite
3
L’auteur montre aussi comment la problématique de la localisation des activités à Douala fonctionne sur la base
d'une "dilatation par processus ségrégatifs" et qui aboutit à une double conséquence, à savoir d'une part,
l'obligation pour la ville de distribuer sa « centralité » et à fonctionner comme un "mille-feuille" et, d'autre part,
la nécessité pour elle de s'occuper au plus près des problèmes de mobilité urbaine. Il conclut en proposant les
différentes caractéristiques spatiales de la concentration des entreprises à Douala, ainsi que les effets symétriques
de la localisation de celles-ci sur le territoire.
4
L’autocorrélation spatiale est la corrélation d’une variable avec elle-même attribuable à l’organisation
géographique des données. Elle se réfère à l’absence d’indépendance entre les observations géographiques tandis
l’hétérogénéité spatiale est liée à la différenciation des variables et des comportements dans l’espace. Par
ailleurs, La mesure de ces effets spatiaux se justifie par le fait que les observations sont mesurées en des
localisations différentes reparties dans l’espace (Le Gallo, 2000, 2001, Ibidem. ; Beaumont, Ertur et Le Gallo,
2001 ; Laffite & Marc, 2010, Bourdin, 2010, 2011).
5
Qualificatif utilisé pour désigner tout ce qui relève de la ville de Douala (habitants, …).
3
proposée (II). Puis s’ensuivent la présentation des données et des résultats obtenus ainsi que
leur analyse (III) et, enfin, les conclusions à tirer des analyses effectuées (IV).
I. FONDEMENTS THEORIQUES ET TRAVAUX EMPIRIQUES LIES
A l’échelle urbaine, la théorie économique a longtemps entretenu des rapports ambigus avec
la localisation des activités, surtout industrielle. La ville a été formalisée de façon abstraite, au
point que cela a conduit à un rejet de ses spécificités comme elle l’a fait, de façon plus
générale, avec l’espace géographique (Chabault, 2006).
1. Le positionnement de l’espace dans l’analyse de la localisation urbaine
C’est à partir des travaux de Von Thünen (1826) que s’élabore la première théorie de la
localisation spatiale, avec son modèle de localisation des activités agraire. Il est, à ce titre,
considéré comme le "père de la théorie de la localisation" (Ponsard, 1988). Cependant, les
travaux de Alfred Weber (1909) vont constituer le premier corpus théorique de la localisation
industrielle avec prise en compte de l’espace comme facteur influençant cette localisation. Il
esquisse une première réponse au problème de localisation optimale dans l’espace et montre
l’importance d’une "force agglomérative" dans le succès des localisations industrielles et qui
fait plus que compenser l’augmentation des coûts liés à l’encombrement.
L’analyse de l’auteur s’inspire fortement de celle de Alfred Marshall (1890) qui, dans le cadre
des "districts industriels" dont il est l’initiateur, va définir la ville comme lieu producteur
d’avantages externes à la firme. Il met en évidence un effet "d’atmosphère industrielle"
généré par un jeu d’économies d’échelle et producteur d’externalités. Ensuite, il montre
l’existence d’agencements spatiaux permettant aux firmes de bénéficier d’économies externes
positives issues des interactions productives et techniques, lorsqu’elles se co-localisent au sein
des "districts industriels".
Ces analyses vont donner forme au modèle standard de l’économie urbaine qui va contribuer
à théoriser la ville dont la question de la physionomie fait référence à la problématique de la
localisation des ménages et des activités. Ainsi, Jean Rémy (1966) va décrire la ville comme
source "d’économie d’agglomération", description qui trouve son explication dans la théorie
de la base économique de Douglas North (1955). Dans une perspective d’aménagement du
territoire, la répartition des activités dans l’espace urbain a été tentée, pour la première fois,
par Alonso (1964). Celui-ci propose une approche générale d’affectation du sol, via une
transposition du système de Von Thünen à la localisation résidentielle et à celle des firmes
urbaines. Il aboutit ainsi à l’équilibre spatial du consommateur généralement appelé " modèle
de localisation résidentielle " (Huriot, 1994). C’est un modèle de ville mono centrique où
résidents et entrepreneurs se livrent une libre concurrence pour l’occupation de l’espace
(Derycke, 1996).
2. L’espace comme source de déséquilibre : le phénomène de centralité
Samir Amin (1973) utilise la configuration "centre-périphérie" pour décrire les inégalités
mondiales du développement économique. Cette association de termes est alors pensée dans
un cadre économique, proche du marxisme, où le centre est exploitant et la périphérie
4
exploitée. La dimension spatiale est encore secondaire mais ouvre tout de même la voie à une
réflexion plus globale sur les rapports entre sociétés (et espaces) dominantes et dominées,
mettant en place un transfert social du capital (Di Méo, 1991). La configuration "centrepériphérie" a été reprise en géographie, du fait de sa puissance évocatrice et de sa capacité à
décrire de façon binaire les phénomènes observés, quelle que soit l’échelle d’analyse
(Krugman, 1991a, 1991b).
Dans un contexte plus large, cette configuration est un cas particulier de la notion de
centralité. La centralité est une perception subjective de l’espace, à partir de laquelle est défini
un point, le centre, comme étant particulier, se différenciant des points qui l’entourent et
servant à structurer l’espace (Huriot & Perreur, 1994a, 1994b, 1997). Cette notion est relative
par le jeu d’échelle et contextualisée car le point central est défini en fonction de l’étude. Dans
ce cadre, la théorie des lieux centraux définit comme un ensemble hiérarchisé de centre, dont
la centralité est relative au niveau d’observation (qui définit le niveau de centralité) et
dépendante du contexte (des fonctions urbaines) (Christaller 1933), se comprend aisément.
La théorie des économies d’agglomération permet d’expliquer la création des centres (Catin,
1994). Elle considère l’agglomération comme un facteur d’économie, permettant un avantage
relatif par rapport aux zones non-agglomérées. L’agglomération, en se différenciant des zones
non-agglomérées, se définit ainsi comme un centre. De plus, elle se place comme un objet
concurrent et compétitif des autres, ce qui lui permet d’attirer encore plus et de renforcer sa
position : c’est la "centralité-attractivité" (Huriot & Perreur, 1994a, 1994b, Op.cit.).
La capacité attractive du centre est limitée, car elle ne peut tout accueillir. Les objets
accueillis au centre sont hiérarchisés, les autres s’organisant autour de lui, de façon non
nécessairement concentrique (Thisse, 2002). Le centre aura donc une fonction de
redistribution des objets (effet back wash) et accroit son rôle dans l’organisation géographique
de l’espace. Outre sa fonction attractive, le centre peut aussi être un point de départ : c’est la
"centralité-diffusion" (Huriot & Perreur, 1994b, Ibidem). La théorie des pôles de croissance,
énoncée par François Perroux (1950), se base sur ce concept et explique que "la croissance
n’apparait pas partout à la fois ; elle se manifeste en certains points, ou pôles de croissance,
avec des intensités variables ; elle se repend par divers canaux avec des effets terminaux
variables pour l’ensemble de l’économie".
3. La diffusion comme élément de transformation de l’espace
Dans l’optique de Thérèse Saint Julien (1992), la diffusion correspond à "tous les
déplacements qui, quelle qu’en soit la force motrice, cherchent à se répandre de manière
homogène dans un système, et tendent à faire passer celui-ci d’un état d’équilibre à un autre
état d’équilibre". Les déplacements peuvent être à la fois dans l’espace ou, de façon imagée, à
l’intérieur d’un territoire. Il est nécessaire de distinguer les différents éléments et évaluer leur
rôle, pour comprendre le fonctionnement du phénomène de diffusion spatiale. Six
phénomènes (Saint Julien, 1992, Op.cit.) sont distingués :
-
Les facteurs exogènes. Ils constituent la base du processus d’innovation ;
5
-
-
-
-
La force de la combinaison innovante. Il s’agit de l’innovation observée et des
phénomènes associés6 ;
L’aptitude au déplacement. C’est la capacité du phénomène à se propager dans
l’espace. Elle dépend de deux facteurs : la distance (physique, sociale, économique,
culturelle, …) et les canaux (réseaux routiers, réseaux sociaux, …). Ces deux facteurs
expliquent fortement une bonne part des vitesses différentielles de propagation de
l’innovation ;
La force de propagation. Elle ne doit pas être confondue avec l’aptitude au
déplacement car elle marque surtout le rôle des foyers émetteurs. Plus ce foyer est
puissant, plus la diffusion peut aller loin, et vite ;
Le temps de propagation. Il permet de comprendre la vitesse de diffusion du
phénomène. Pour sa mesure, il s’agit de compter le temps écoulé entre l’amorce de la
diffusion et la saturation su système. Cependant, l’échelle n’est pas unique et la
comparaison de plusieurs phénomènes est subjective ;
Le milieu d’accueil. Il n’est pas à négliger puisqu’il marque le rôle des récepteurs (la
population) adoptant ou non les nouvelles normes. Il permet de mettre en valeur la
structure du système de peuplement, l’innovation se déplaçant généralement plus vite
quand la population est dense.
La diffusion spatiale reste très liée à la notion d’échelle et de niveau d’agrégation. Cependant,
une analyse régionale désagrégée, qui prend les communes comme référant, semble la
meilleur échelle pour mettre en valeur les objets suscitant la diffusion ainsi que les structures
spatiales du milieu d’accueil. L’échelle macro permet d’identifier les grands réseaux de
communication et les formes des systèmes de peuplement (Guilmoto, 2005, Op.cit.)7.
4. Les apports de l’économie géographique dans la compréhension de la répartition
Compte tenu du fait que l’espace est hétérogène, l’économie géographique va chercher de
comprendre les disparités de localisation des activités industrielles et les causes de
concentration industrielle. Paul Krugman (1991a, 1991b, 1998) propose une réflexion basée
sur des forces (complémentaires ou antagonistes) qui s’affrontent dans le temps et dans
l’espace. Leur résultante détermine la localisation géographique des industries. Elles peuvent
être classées en deux catégories. Des forces centripètes (forces d’agglomération) qui poussent
à la concentration des activités et des forces centrifuges (forces de dispersion) conduisant à
une dispersion des industries. L’enjeu est de connaitre la dominance de ces ensembles de
forces (Darrigues & Montaud, 2001, 2003).
Krugman utilise l’approche "centre-périphérie" qui lui permet d’aborder, outre les questions
de localisation celles de développement. Cette approche lui permet également de comprendre
6
Par exemple, si l’on observe la baisse de la fécondité comme innovation, la combinaison innovante est
l’alphabétisation, le statut de la femme, etc. (Saint Julien, 1992, Ibidem.)
7
L’explication d’un phénomène géographique par la diffusion nécessite de rappeler qu’outre la diffusion par
contagion (de proche en proche), il peut exister un phénomène de diffusion hiérarchique. Cette dernière n’agit
pas en fonction de la proximité spatiale mais d’une organisation hiérarchique (système de ville par exemple)
(Guilmoto, 2005, Ibidem.).
6
la cause de la concentration industrielle au "centre" et la présence de l’inégalité en
"périphérie" en faisant apparaître les grandes forces de polarisation et de dispersion urbaine.
Deux effets d’entrainement sont mis en évidence et expliquent l’agglomération des
entreprises industrielles (Catin et Al., 2007, Ibidem. ; Catin & Van Huffel, 2003, Ibidem. ;
Darrigues & Montaud, 2001, 2003, Op.cit. ; Essombè Edimo, 2007a, 2007b, Ibidem.).
-
L’effet aval (forward linkages), provoqué par le comportement des consommateurs
dont l’effet d’entrainement suffit à attirer de nouveaux consommateurs et à créer un
cercle vertueux ;
-
L’effet amont (backward linkages), induit par le comportement des firmes, qui aiment
se polariser là où la demande est la plus forte. Et dont l’effet permet de comprendre la
logique d’agglomération et la dynamique d’attraction.
Paul Krugman arrive à la conclusion selon laquelle la concentration industrielle (et son
importance) en un lieu est un processus autoentretenu, à travers l’existence d’une dynamique
cumulative ("processus d’autorégulation"). Lorsque cette dynamique est vérifiée, la
concentration d’activités en un lieu, même minimale, est susceptible d’entraîner des
agglomérations supplémentaires d’activités. Cependant, elle peut générer ses propres limites
en développant des forces de dispersion, dont la conséquence sera de freiner le processus, de
limiter la taille de la concentration et/ou de favoriser de la polycentrique. (Fujita et Thissé,
1997, 2003 ; Essombè Edimo, 2007b, Ibidem.).
La nouvelle économie géographique apporte à la fois une tentative de synthèse sur les grands
mécanismes de localisation, de concentration et de spécialisation spatiales et un cadre de
modélisation privilégié pouvant lier théories micro et macroéconomiques.
5. Travaux empiriques sur la ville de Douala
C’est dans cette optique que des travaux empiriques, bien que peu nombreux jusque-là, ont
été effectués dans la ville Douala. Ceux-ci ont tenté de comprendre la distribution des
activités dans cette ville. Certains ont mis en évidence le rôle des acteurs locaux, celui des
différents dispositifs institutionnels, voire la mise en place d’une structure industrielle
polycentrique dans la localisation dans la capitale économique du Cameroun (Essombè
Edimo, 2005, 2007a, 2007b, Ibidem.). Plus récemment encore, des analyses ont même mis en
avant les externalités générées (en particulier, le phénomène de congestion urbaine) par la
localisation diffuse des activités industrielles (Essombè Edimo et Ngo Balépa, 2013).
D’autres études ont mis en évidence le rôle de la gouvernance locale et de l’effet territoire
dans le processus du développement économique à Douala (Djatcho, 2012). Tout comme
d’autres encore ont mis l’accent sur des avantages territoriaux, structurels et économiques de
chacun des arrondissements de la ville dans les décisions de localisation industrielle
(Ndamcheu Bamen, 2012). Pour différents qu’ils soient, leurs résultats ne sont nullement
7
contradictoires et plaident pour une compréhension des phénomènes de localisation
industrielle à l’échelle de l’espace urbain de Douala. Ils mettent en lumière les effets des
changements d’échelle sur les dynamiques territoriales.
Cependant, la plupart de ces travaux empiriques n’appréhendent pas explicitement le rôle des
effets spatiaux, dont la prise en compte intégrerait l’autocorrélation spatiale. Car la répartition
géographique des activités économiques et industrielles est rarement aléatoire (Cliff et Ord,
1981, Anselin, 1988, 1995). La prise en compte de l’autocorrélation spatiale permet de mettre
en évidence les effets de débordements dans la distribution des activités dans la ville de
Douala.
II. PRESENTATION DE LA METHODOLOGIE
L’élément fondamental de l’analyse est la matrice d’interactions spatiales, déterminée à partir
de la distance entre les unités spatiales (Anselin, 1988, 1995, Op.cit.).
1. Matrice de pondération spatiale
En règle générale, La dépendance spatiale est modélisée à l’aide d’une matrice de
pondérations spatiales, notée W , dont le terme générique W ij traduit la force du lien spatial
existant entre deux observations i et j localisées. Pour N observations localisées, la
matrice W , de dimension N x N, est définie de manière exogène en établissant des
pondérations issues d’une relation mathématique permettant de traduire, pour toutes les paires
d’observations, l’idée de proximité spatiale entre les observations i et j ainsi que leur
intensité (Dube et al., 2011 ; Le Gallo, 2000, 2001, Ibidem.).
2. Importance de la matrice de pondération spatiale
La matrice d’interactions spatiales est l’instrument utilisé pour représenter ces interactions.
Avec N observations, on utilise la matrice carrée W à N lignes et N colonnes, dont les
termes diagonaux sont nuls et les termes non-diagonaux sont d’autant plus élevés que l’effet
de l’observation j sur l’observation i est important. Si W est une matrice d’interactions et
Y  ( y1 ,..., yN ) ' est un vecteur colonne de N observations d’une variable spatialisée, le
produit matriciel WY a pour terme courant : (WY )i   wij yij . Ce terme mesure l’intensité de
i
ème
l’effet global de la i observation des valeurs prises par la variable Y ailleurs dans l’espace.
Cette variable sera utilisée ensuite dans les modèles statistiques pour représenter les effets que
les localisations exercent les unes sur les autres.
Cependant, pour utiliser une matrice d’interactions, il est nécessaire de lui donner une forme à
priori. Dans le cadre d’un modèle purement spatial, il est difficile d’estimer avec N
observations chacun des N ( N  1) / 2 coefficients de la matrice d’interactions. En choisissant
une définition particulière des distances entre observations et une forme fonctionnelle
spécifique pour la relation entre la distance et l’intensité de l’interaction, nous déterminons
8
une famille de matrices d’interactions dépendant d’un nombre faible de paramètres dont la
valeur sera déterminée par estimation.
La méthode la plus usitée est celle des matrices de contiguïté, fréquemment utilisées lorsque
les données portent sur des zones géographiques. Deux zones sont contiguës quand elles ont
une frontière commune. De façon générale, la contiguïté entre deux zones est définie comme
le nombre minimal de frontières qu’il faut franchir pour aller de l’intérieur de l’une à
l’intérieur de l’autre. Deux zones sont contiguës à l’ordre k quand leur distance de contiguïté
est égale à k . Pour un ensemble de N zones géographiques, la matrice de contiguïté sera
C ( k ) à l’ordre k . La matrice de contiguïté peut être éventuellement normalisée en divisant
chacune de ses lignes par la somme de ses éléments. La normalisation de la matrice permet
d’affecter le même poids aux observations. Pour une unité spatiale i considérée en ligne, le
terme Wij prendra la valeur 1 si les unités i et j partagent une frontière commune et la
valeur 0 sinon. En fonction de la méthode de calcul de cette matrice de pondération, cette
configuration est la conséquence d’une standardisation en ligne qui s’obtient par la
1 si i est voisin de j
Wij
relation Wij* 
où Wij*  
 0 sinon
 Wij
.
i
Le résultat de la normalisation peut être, entre autres, une matrice stochastique8.
Une famille de matrices d’interactions spatiales est alors définie sur la base des contiguïtés
K
d’ordre au plus égal à K tel que W ( 1 ,...,  K )    k C ( k ) où 1 ,...,  K sont les paramètres à
k 1
estimer. En pratique, la plupart des études se restreignent généralement au cas où K  1 et
donc W(  )   C (1) . L’interaction se retreint donc à l’influence des zones contiguës.
Les matrices de contiguïté usuelles ont cependant pour inconvénient que, lorsque Cij( k ) et Cilk
diffèrent tous deux de zéro, Cij( k )  Cilk . Autrement dit, toutes les observations contiguës à une
zone donnée influencent de la même manière. On retrouve une homogénéité des interactions
qui n’est pas plus vraisemblable que l’homogénéité des observations elles-mêmes. Le
correcteur classiquement employé est l’utilisation de coefficients proportionnels à la longueur
des frontières communes. Il permet de résoudre le problème posé en faisant des Cij( k ) des
fonctions caractéristiques des zones j qui influencent i . D’autres déterminants de l’intensité
des interactions peuvent également être utilisés. Il s’agit notamment de la distance entre les
centres des deux zones, de la taille de la zone émettrice de l’interaction, de la capacité des
réseaux de transport entre les zones, etc.
8
(k )
C’est-à-dire une matrice dont la somme des éléments de chaque ligne est égale à l’unité. On a Cij
 1 / mi( k ) ,
où mi( k ) est le nombre d’observations contiguës à la zone i à l’ordre n .
9
Cependant, il existe de nombreuses analyses où l’utilisation de la contiguïté s’avère inadaptée
ou impossible. C’est le cas particulier des données portant sur des points. Ces points sont plus
ou moins éloignés les uns des autres, et la détermination de la contiguïté entre eux n’a pas de
sens. Les fonctions les plus utilisées, dans ce cas, sont f (dij )  e
 dij
, f ( d ij )  d ij1 et, dans le
prolongement des modèles gravitaires, f ( d ij )  d ij2 .
Celle la plus
usitée est
f ( d ij )  d
1
ij
Avec
1
 d ij si i  j
Wij  
0 sinon
et la distance
euclidienne dij  ( xi  x j )²  ( yi  y j )²
 0 d121
 1
d

La structure de la matrice d’interactions est donc la suivante : Wij   21
 

 1
1
 d n1 d n 2
 d1n1 

 d 2n1 
  

 0 
Les postulats pour la construction de cette matrice sont :
(1) d ij1  0 : La matrice contient des nombres positifs
(2) d ij1  0  i  j : La matrice a des éléments nuls sur la diagonale
(3) d ij1  d ji1 : La matrice est symétrique
(4) d ij1  d ik1  d kj1
La matrice des distances est une matrice carrée contenant une dissimilarité observée.
3. Tests de dépendance spatiale : l’indice de Moran
Les indices d’autocorrélation spatiale permettent de mettre en évidence des lieux qui
présentent des relations par rapport à deux critères simultanés : la proximité spatiale et la
ressemblance (ou opposition) entre les valeurs d’une même variable en différents points de la
région d’étude (Le Gallo, 2000a, 2000b ; Oliveau, 2005, Op.cit. ; Bourdin, 2010, 2011,
Ibidem). Le test de dépendance spatiale permet de rendre compte, globalement et localement,
de l’ensemble des lieux appartenant à la région d’étude qui présente l’autocorrélation spatiale
(Laffite & Marc, 2010, Op.cit.).
Sous sa forme globale, l’indice de Moran présenté est de la façon suivante :
N
Ig 
i
W
ij
( X i  X )( X j  X )
j
M
 ( X  X )²
i
i
  1  présence d ' autocorrélation spatiale positive

I ou IL   0  distribution aléatoire
1  présence d ' une autocorrélation spatiale négative

Le numérateur s’interprète comme la covariance pondérée entre les unités spatiales voisines,
et le dénominateur représente la variance totale observée. (Anselin, 1995, Ibidem ; Le Gallo,
2000, 2001, Ibidem).
10
Afin de mieux comprendre la structure du phénomène étudié, il est nécessaire de pouvoir
accéder à une information plus locale. En effet, les indices généraux peuvent être "aveugles"
face à des phénomènes très fortement structurés, mais pas sur des petites zones au sein d’un
espace peu structuré.
L’indice local de Moran, mesuré au lieu i , permet d’identifier les zones de concentration à
l’échelle locale. Il mesure le degré de ressemblance d’une unité spatiale avec ses voisines et
révèle les tendances régionales tout en conservant les valeurs et l’information relative à
l’hétérogénéité interne de ces zones. Cet indice permet également de localiser les dynamiques
positives et négatives (Anselin, 1995, Ibidem ; Oliveau, 2004, 2005, Ibidem).
Le LISA9 se présente de la façon suivante :
N  Wij ( Xi  X )( Xj  X )
Ii 
j
M  ( Xi  X )²
Avec
N
1
M
i
xi = valeur de la variable au point i et de moyenne x ; i = unité de référence et j = unité
voisine du point i , définie par la matrice Wij ; n = nombre total d’individu dans l’échantillon ;
m = nombre total des paires de voisins (  wij ) et wij = matrice d’interactions spatiales
i
j
III. PRESENTATION DES RESULTATS
1. Sources de données
Notre travail utilise principalement les données du RGE10 réalisé par l’INS11 en 2009. Ce
recensement a conduit à identifier et à localiser 3760 entreprises industrielles en activité dans
la ville de Douala. Le choix de cette base de données s’est fait en raison de son caractère
récent12.
2. Construction de la matrice d’interactions spatiale de la ville de Douala
La méthode utilisée pour construire la matrice d’interactions spatiale de la ville de Douala est
celle recourant à la distance spatiale euclidienne. La distance entre le CBD13 de chaque
arrondissement est ainsi mesurée.
9
LISA = Local Indicators of Spatial Association (Indicateurs Locaux d’Associations Spatiales)
RGE : Recensement Général des Entreprises
11
INS : Institut National de la Statistique
12
Mais aussi en raison de la rigueur avec laquelle ces données ont été collectées et également du fait de la
disponibilité des informations sur la localisation des entreprises au Cameroun.
13
CBD : Central Business District (Centre des affaires). Dans la littérature, le CBD désigne souvent le centre des
affaires d’une ville. Ainsi, au sens de Christaller (1933), le CBD, le centre des affaires et le centre-ville sont
synonymes.
10
11
1
 d ij si i  j
De façon analytique, W  
avec dij  ( xi  x j )²  ( yi  y j )² (distance euclidienne)
 0 sinon
La matrice des distances euclidiennes et celle d’interactions spatiales sont entre les
arrondissements de la ville de Douala sont :
 0

 2, 22
D   8,33

 3,33
 8,33

2, 22 8,33 3, 03 8,33 

0
5,88 4,55 7, 69 
5,88
0
9,10 6, 25  et

4,55 9,10
0
7,14 
7, 69 6, 25 7,14
0 
 0

 0, 45
W   0,12

 0,33
 0,12

0, 45 0,12 0,33 0,12 

0
0,17 0, 22 0,13 
0,17
0
0,11 0,16 

0, 22 0,11
0
0,14 
0,13 0,16 0,14
0 
3. Tests de dépendance spatiale des activités industrielles dans la ville de Douala
-
Test global de Moran
L’indicateur de Moran global se présente sous la formule.
IM 
n

m
w (x  x)(x
ij
i
i
j
j
 x)
 w ( x  x)( x
ij
Puisque n
(x  x)²
i
i
 m  5 
n
m
 1
, IM 
i
i
j
 x)
j
 ( x  x)²
i
i
Nous calculons le rapport de covariance spatiale sur la variance entre chaque arrondissement
et son voisin. Le degré d’autocorrélation spatiale global de Moran peut se déterminer en
utilisant la configuration "centre-périphérie" des activités industrielles dans la ville de Douala.
L’indice global de Moran entre le centre et la périphérie de la ville de Douala que nous avons
calculé est I M  0,0235 et traduit une distribution aléatoire des activités industrielles dans
cette ville.
Ce résultat trouve une explication dans le fait que la structure spatiale industrielle de la ville
de Douala est dispersée et la dynamique industrielle locale, qui se développe en périphérie,
influence négativement celle qui s’effectue au centre et inversement.
Cette dispersion des activités industrielles naît de la prolifération des PME (surtout les PE et
TPE) dans cette ville, qui se localise, pour la plupart, en marge des dispositions
institutionnelles et d’aménagement du territoire. Ces unités industrielles sont généralement
mono-régionales, du fait que sur le même lieu d’implantation se localisent le centre de
décision, les activités de production, de stockage, de distribution et de commercialisation.
-
Test local de Moran
L’indice local de Moran apporte des précisions sur les autocorrélations spatiales industrielles
entre les différents arrondissements de cette ville. Les résultats sont présentés ci-dessous.
12
Tableau 1 : Résultats du test local de Moran dans la ville de Douala
Douala 1
Douala 2
Douala 3
Douala 4
Douala 5
Douala 1
0,00
0,21
0,11
0,06
0,11
Douala 2
0,93
0,00
0,33
0,08
0,25
Douala 3
0,13
0,09
0,00
0,02
0,16
Douala 4
1,76
0,57
0,55
0,00
0,70
Douala 5
0,13
0,07
0,16
0,03
0,00
Source : INS/RGE, 2009 et traitement des auteurs
4. Interprétations et analyse des résultats
Le test local de dépendance spatiale permet alors de faire l’analyse suivante :
-
L’arrondissement de Douala 4e est influencé par les arrondissements de Douala 1er et
de Douala 2e de 1,76 et 0,57 respectivement par les activités industrielles. Il est
important de noter que le plan d’aménagement industriel de la ville de Douala, institué
dans les années 70, dotait l’arrondissement de Douala 4e d’une zone industrielle en
1968 à Bonabéri dont les entreprises industrielles (surtout les activités de production,
stockage, manutention) y ont été installées et leur siège social (centre de décision,
administration) dans les arrondissements de Douala 1er et Douala 2e. Ces derniers
arrondissements disposent également des structures bancaires et d’assurances, des
marchés d’envergure nationale et sous-régionale (les marchés Congo, Mboppi et
Central, les plus grand d’Afrique Centrale) ainsi que du port autonome et un aéroport
international. De plus, l’arrondissement de Douala 4e est aussi influencé par les
arrondissements de Douala 3e et Douala 5e de 0,55 et 0,70 respectivement par les
activités industrielles. Ces fortes dépendances s’expliquent par une concurrence
infrastructurelle avec Douala 3e (cet arrondissement dispose aussi d’une zone
industrielle à Bassa et de deux centres de fabrication industrielle à St Michel et
Ndokoti) et confirme l’émergence industrielle de l’arrondissement de Douala 5e. En
effet, la position ce dernier s’explique par différents facteurs attractifs notamment
l’existence d’une main-d’œuvre abondante, le prix accessible du foncier, ou encore la
démographie galopante (environ 300 hbts/km²) pouvant être convertie en bassin
d’emplois ou en marché potentiel ;
-
L’arrondissement de Douala 5e est faiblement influencé par les autres arrondissements
de la ville de Douala, tant pour les activités industrielles que de services. Ce
phénomène s’explique par le fait que les entreprises qui s’y installent sont très peu
dépendantes des autres arrondissements. On y enregistre une forte croissance des PME
familiales, dont le lien direct avec les autres arrondissements est essentiellement
commercial (cet arrondissement ne dispose que des marchés d’envergure locale) et
dont la plupart sont enregistrées sous la forme juridique "Entreprises Individuelles".
De plus, c’est en fonction des filières d’activités et en tenant compte des besoins et des
"réalités locales" que s’installent la plupart des entreprises dans cette partie de la ville.
L’élément principal dans la stratégie d’implantation de ces entreprises est la fourniture
des produits de "proximité", créant ainsi un marché local capable de répondre aux
attentes des ménages. Ce qui évite à ces derniers d’avoir à parcourir de longues
13
distances pour s’en procurer (Essombè Edimo, 2007b, Ibidem.). Ainsi, le
développement des entreprises dans cet arrondissement conduit à créer un ensemble
de relations entre les unités de production et les agents économiques. L’élément le
plus attractif dans cet arrondissement est le prix du foncier (moins de 20 000 F
CFA/m²)14, qui est beaucoup plus réduit par rapport aux autres arrondissements de la
ville ;
-
L’arrondissement de Douala 3e est, lui aussi, faiblement influencé par les autres
arrondissements. Le dispositif infrastructurel local (tant industriel que de services)
permet de maintenir sa position concurrentielle. Il existe également un vaste réseau de
coopération (sous-traitance surtout) entre les unités formelles et informelles, favorisant
la transmission des connaissances et du savoir-faire ;
-
Les arrondissements centraux, Douala 1er et Douala 2e, sont diversement influencés
par les autres arrondissements. Cependant, l’arrondissement Douala 1er a une influence
spatiale de 0,93 sur l’arrondissement de Douala 2e notamment pour les activités
industrielles. Ces influences peuvent s’expliquer par les problèmes de localisation de
ces unités dans l’arrondissement de Douala 1er, du fait de très la faible disponibilité
foncière et du prix extrêmement élevé du foncier (300 000 FCFA/m², en moyenne, par
endroit)15. Ces éléments ont alors pour conséquence de favoriser l’installation de ces
unités dans l’arrondissement de Douala 2e, où les conditions d’acquisition du foncier
sont nettement favorables.
IV. CONCLUSION
La globalisation n’est pas synonyme de disparition de contraintes spatiales. Tout au contraire,
elle donne aux décisions de localisation un poids stratégique majeur. L’espace structure le
territoire et joue un rôle important dans la répartition des activités économiques, surtout
industrielles. De plus, l’espace engendre naturellement une modification de politiques
publiques dans la mesure où il crée un phénomène de diffusion ou effet de débordement quant
à la stratégie de localisation en vigueur.
Cependant, différents travaux ont jusqu’à présent été effectués sur la ville de Douala en
matière d’occupation de l’espace. Bien qu’ayant des problématiques différentes, ils demeurent
complémentaires, et leurs résultats ne sont en aucun cas divergents. Ces études permettent de
mieux apprécier le phénomène de localisation urbaine et mettent en lumière les effets des
changements d’échelle sur les dynamiques locales. Ces différents résultats, ainsi que ceux
fournis par la présente étude devront permettre aux responsables en charge de l’aménagement
et de la gouvernance urbaine d’affiner la stratégie de développement industriel, et même
urbain, de la ville de Douala.
La politique de localisation industrielle dans la ville de Douala n’intègre pas le paramètre
espace. Pourtant, le processus de localisation diffuse et discriminée des entreprises
14
15
Moins de 30,51 € (40 $)
Environ 457,62 € (600 $)
14
industrielles conduit cette ville à distribuer sa centralité et à repousser ses limites.
Aujourd’hui, il est observé la constitution, lente mais progressive, d’une densification
territoriale des activités industrielles en périphérie de la ville. (Essombè Edimo, 2007b). La
localisation industrielle se « périphérise » davantage, entrainant un problème d’étalement
urbain. L’arrondissement de Douala 5e, jadis résidentiel, est devenu le nouveau pole de
localisation industrielle, conséquence de l’effet de diffusion (débordement) industrielle.
L’analyse spatiale effectuée fait état de forte corrélation spatiale entre cet arrondissement
(Douala 5e) et les arrondissements dit « industriels », (Douala 3e et Douala 4e). Ainsi, en
présence de ce phénomène, il conviendrait, pour les décideurs publics, d’opter pour une
démarche stratégique de développement dans une perspective de prospective territoriale et
industrielle. Elle permettra à la ville de Douala de devenir une vraie "afrocité" et d’accéder au
rang des cités globales en vue d’accroître sa compétitivité territoriale a l’échelle nationale,
voire sous-régionale. Dans le cas contraire, la ville pourrait ne plus offrir les conditions,
même minimales, d’attractivité et de compétitivité. Cela impliquerait, la redéfinition de la
politique de localisation industrielle, pour la faire correspondre aux nouvelles tendances de
localisation dans cette ville. La nouvelle politique de localisation devrait tenir compte, non
seulement de nouvelles évidences de localisation quotidiennement renvoyées par les réalités
de terrain, mais aussi et surtout des interdépendances entre les territoires.
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