1 dependance spatiale et localisation des entreprises industrielles a

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DEPENDANCE SPATIALE ET LOCALISATION DES ENTREPRISES
INDUSTRIELLES A DOUALA
RESUME
La présente étude porte sur un aspect essentiel de l’analyse de la localisation industrielle : l’analyse
du degré de dépendance spatiale dans la ville de Douala. Il propose une réponse au problème de
l’incidence spatiale dans la répartition des entreprises industrielles dans cette ville. L’espace est donc
perçu comme source de répartition et de diffusion des activités. L’hypothèse sous-jacente étant que les
valeurs en un lieu sont dépendantes des valeurs des territoires voisins. C’est l’autocorrélation
spatiale. La démarche méthodologique a consisté en la construction d’une matrice de contiguïté qui a
permis de conceptualiser et de prendre en compte ces liens. Le degré de dépendance spatiale est saisi
à partir des indices spatiaux globaux et locaux de Moran. Les principaux résultats de l’étude
montrent, en utilisant la configuration "centre-périphérie", l’existence d’une distribution aléatoire des
activités industrielles qui influence négativement leur localisation. Les analyses spatiales locales
dévoilent un effet de diffusion industrielle, qui est un débordement par rapport à la politique de
localisation industrielle, et l’émergence de Douala 5ecomme nouveau pôle de localisation industrielle.
Ces résultats suggèrent la redéfinition de la politique de localisation industrielle dans cette ville et la
prise en compte des interactions territoriales ou effets de voisinage.
Mots clés : Entreprises industrielles, Localisation spatiale, Matrice de voisinage, Dépendance
spatiale, Indice de Moran
Classification JEL : R14, R58
SPATIAL DEPENDENCE AND LOCALIZATION OF INDUSTRIAL ENTERPRISES IN
DOUALA
ABSTRACT
This research carries on an important aspect of industrial localization that is, an analysis of the
degree of spatial dependency in the city of Douala. It suggests a solution to the problem of spatial
incidence in the distribution of industrial enterprises in the city. In fact, the area is seen as a source of
activities distribution and diffusion. The underlying hypothesis is that, the importance of a given spot
depends on that of the neighboring territories. This is known as spatial autocorrelation. The
methodological approach consisted on the construction of weight matrix that enables to conceptualize
and consider these relationships. The degree of spatial dependency is gotten from Moran’s global and
local spatial indicators. The main results show, using the "center-periphery" configuration, the
existence of a random distribution of industrial activities that negatively affect their localization. The
local spatial analysis make state of an industrial diffusion effect, which seems to be an overflow
considering the industrial policies implemented in this town, and the emergence of Douala 5th as the
new cluster of industrial localization. These results suggest redefining the industrial policy of
localization in this city and considering the territories interactions or neighborhood effects.
Key words: Industrial enterprises, Spatial localization, Weight matrix, Spatial dependence, Moran’s
index
JEL classification : R14, R58
2
INTRODUCTION
Les comportements des entreprises en matière de localisation ont connu d’énormes
transformations depuis la fin du XXe siècle. Leurs choix de localisation, avec l’accélération de
la mondialisation, ont pris un caractère stratégique important. Ce qui oblige chercheurs et
théoriciens à reconsidérer les fondements de l’analyse gionale et les principes de la
localisation des entreprises industrielles.
Caractérisée par la suppression progressive des barrières commerciales et des obstacles liés à
la mobilité des facteurs, la mondialisation des économies guide, dans tous les espaces et à des
échelles différentes, les filières et les spécialisations. Aux échelles plus réduites comme les
villes, la vitalité des espaces (qu’il s’agisse de ceux qui "gagnent" ou qui "perdent" et dont les
dynamiques divergent), alimente les débats sur l’aménagement et la gestion du territoire
(Benko et Liepietz, 1992 ; Victor, 2004). Dans l’espace urbain, les activités économiques, et
surtout industrielles, se répartissent de manière très hétérogène (Aguilera-Belanger et al,
2004 ; Million, 2004 ; Essombè Edimo, 2007a, 2007b). Il s’observe ainsi la poursuite d’un
double phénomène de concentration et d’étalement urbain des activités au profit d’un nombre
réduit de sites périphériques ou centraux. Pour les pouvoirs publics, cette situation soulève
d’importants enjeux urbains. Car, les collectivités locales ayant la charge de l’aménagement et
de la gestion du territoire supportent les coûts induits par ces dynamiques. Aussi souhaitent-
elles disposer des moyens susceptibles de maitriser et d’influencer l’organisation de ces
localisations (Million, 2004, Op.cit.).
Parmi les diverses interventions en direction des entreprises à leur disposition, la mise en
place des zones d’activités industrielles est devenue l’une des actions les plus répandues et les
plus importantes par les investissements qu’elles représentent (Million, 2004, Ibidem.).
Classiquement, elles se définissent comme un « ensemble de terrains acquis et regroupés par
un maître d’ouvrage, généralement public, parfois privé, pour faciliter l’installation, le
fonctionnement et le développement d’établissements à caractère économique » (Moatti,
1968). Dans son principe, la réalisation des zones d’activités répond à un double objectif de
développement et d’aménagement du territoire.
La ville de Douala ne se détache pas de ce contexte. Premier centre industriel du Cameroun,
c’est également la principale porte d’entrée des pays de la CEMAC1. Avec une population
estimée à 3,2 millions d’habitants, elle réalise environ 65% du PIB national et 25% de celui
de la sous-région et concentre quelques 35% des entreprises du pays (dont 32,1% des activités
industrielles du Cameroun) (INS/RGE, 2010). Dans une optique d’aménagement du territoire,
cette ville s’est dotée, depuis les années 70, de deux zones industrielles : Bonabéri (Douala 4e)
et Bassa (Douala 3e). Dans ce dernier arrondissement d’ailleurs, deux autres centres de
fabrication industrielle, respectivement dénommés "Centre St Michel" et "Ndokotti", se sont
formés peu à peu. Ces dispositions industrielles sont gérées par la MAGZI2 et proposent un
certain nombre d’avantages, notamment les dessertes maritimes, ferroviaires, aéroportuaires
et routières (CUD, 2008, 2009). Pendant des décennies, l’activité industrielle était concentrée
1 CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, qui est constituée du Cameroun,
Tchad, République Centrafricaine, Guinée Equatoriale, Gabon et Congo,
2 MAGZI : Mission d’Aménagement et de Gestion des Zones Industrielles,
3
dans ces arrondissements et les entreprises, surtout industrielles, s’installaient soit dans ces
zones, soit à la lisière de celles-ci. Depuis quelques années, l’on observe un "glissement" des
activités des arrondissements susmentionnés vers celui de Douala 5e qui, peu à peu, est
devenu un pôle émergent de localisation périphérique des activités industrielles. De cette
localisation diffuse apparaît distinctement une surcharge territoriale des activités industrielles
dans la ville de Douala. Faute de prévision et de prospective, la ville donne l’impression de se
façonner elle-même, de façon anarchique, informelle, incontrôlée (Essombè Edimo, 2007a,
2007b, Ibidem)3. Cependant, il ressort des analyses ici la nécessité de prendre en compte les
liens territoriaux et leur impact sur la structuration urbaine. (Guglielmo, 2008 ; Prager et
Thissé, 2009).
L’article s’intéresse, précisément, aux liens que peuvent entretenir les arrondissements
constituant la ville de Douala. Cette situation pose donc le problème de l’incidence spatiale
dans les décisions de localisation des entreprises industrielles dans cette ville. Car l’espace
agit comme un facteur et/ou acteur de la répartition et de la diffusion des activités
économiques, surtout industrielles. Il s’agira alors de déterminer le degré d’influence de la
variable spatiale dans les décisions de localisation des entreprises industrielles dans cette ville
et, plus spécifiquement, de mettre en évidence les effets de débordement spatiaux liés à la
localisation diffuse des entreprises industrielles. L’analyse repose sur l’hypothèse que les
valeurs en un lieu sont fonction des valeurs dans le voisinage c’est-à-dire, que l’on est en
présence d’une autocorrélation spatiale4. Tobler (1970) le fait remarquer en suggérant la
première loi de la géographie suivante : « Everything is related to everything else, but closer
things more so ». L’idée étant d’exprimer, pour une variable, une relation fonctionnelle entre
les phénomènes d’un point de l’espace vis-à-vis des autres points de l’espace. Ce qui traduit la
saisie, par l’analyse spatiale, de la répartition des entreprises industrielles dans l’espace
doualais5.
L’étude se structure de la manière suivante : après un bref examen des principales théories sur
lesquelles s’appuie la localisation des entreprises, notamment celles de "l’économie urbaine"
et de "l’économie régionale", et qui prennent en compte les dépendances spatiales dans cette
localisation. Cette revue montre comment l’espace est source de déséquilibre dans la
répartition des activités et est transformé par la diffusion (I). Une présentation de l’approche
méthodologique et de celle de l’importance de la matrice d’interactions spatiales est ensuite
3 L’auteur montre aussi comment la problématique de la localisation des activités à Douala fonctionne sur la base
d'une "dilatation par processus ségrégatifs" et qui aboutit à une double conséquence, à savoir d'une part,
l'obligation pour la ville de distribuer sa « centralité » et à fonctionner comme un "mille-feuille" et, d'autre part,
la nécessité pour elle de s'occuper au plus près des problèmes de mobilité urbaine. Il conclut en proposant les
différentes caractéristiques spatiales de la concentration des entreprises à Douala, ainsi que les effets symétriques
de la localisation de celles-ci sur le territoire.
4 L’autocorrélation spatiale est la corrélation d’une variable avec elle-même attribuable à l’organisation
géographique des données. Elle se réfère à l’absence d’indépendance entre les observations géographiques tandis
l’hétérogénéité spatiale est liée à la différenciation des variables et des comportements dans l’espace. Par
ailleurs, La mesure de ces effets spatiaux se justifie par le fait que les observations sont mesurées en des
localisations différentes reparties dans l’espace (Le Gallo, 2000, 2001, Ibidem. ; Beaumont, Ertur et Le Gallo,
2001 ; Laffite & Marc, 2010, Bourdin, 2010, 2011).
5 Qualificatif utilisé pour désigner tout ce qui relève de la ville de Douala (habitants, …).
4
proposée (II). Puis s’ensuivent la présentation des données et des résultats obtenus ainsi que
leur analyse (III) et, enfin, les conclusions à tirer des analyses effectuées (IV).
I. FONDEMENTS THEORIQUES ET TRAVAUX EMPIRIQUES LIES
A l’échelle urbaine, la théorie économique a longtemps entretenu des rapports ambigus avec
la localisation des activités, surtout industrielle. La ville a été formalisée de façon abstraite, au
point que cela a conduit à un rejet de ses spécificités comme elle l’a fait, de façon plus
générale, avec l’espace géographique (Chabault, 2006).
1. Le positionnement de l’espace dans l’analyse de la localisation urbaine
C’est à partir des travaux de Von Thünen (1826) que s’élabore la première théorie de la
localisation spatiale, avec son modèle de localisation des activités agraire. Il est, à ce titre,
considéré comme le "père de la théorie de la localisation" (Ponsard, 1988). Cependant, les
travaux de Alfred Weber (1909) vont constituer le premier corpus théorique de la localisation
industrielle avec prise en compte de l’espace comme facteur influençant cette localisation. Il
esquisse une première ponse au problème de localisation optimale dans l’espace et montre
l’importance d’une "force agglomérative" dans le succès des localisations industrielles et qui
fait plus que compenser l’augmentation des coûts liés à l’encombrement.
L’analyse de l’auteur s’inspire fortement de celle de Alfred Marshall (1890) qui, dans le cadre
des "districts industriels" dont il est l’initiateur, va définir la ville comme lieu producteur
d’avantages externes à la firme. Il met en évidence un effet "d’atmosphère industrielle"
généré par un jeu d’économies d’échelle et producteur d’externalités. Ensuite, il montre
l’existence d’agencements spatiaux permettant aux firmes de bénéficier d’économies externes
positives issues des interactions productives et techniques, lorsqu’elles se co-localisent au sein
des "districts industriels".
Ces analyses vont donner forme au modèle standard de l’économie urbaine qui va contribuer
à théoriser la ville dont la question de la physionomie fait référence à la problématique de la
localisation des ménages et des activités. Ainsi, Jean Rémy (1966) va décrire la ville comme
source "d’économie d’agglomération", description qui trouve son explication dans la théorie
de la base économique de Douglas North (1955). Dans une perspective d’aménagement du
territoire, la répartition des activités dans l’espace urbain a été tentée, pour la première fois,
par Alonso (1964). Celui-ci propose une approche générale d’affectation du sol, via une
transposition du système de Von Thünen à la localisation résidentielle et à celle des firmes
urbaines. Il aboutit ainsi à l’équilibre spatial du consommateur généralement appelé " modèle
de localisation résidentielle " (Huriot, 1994). C’est un modèle de ville mono centrique
résidents et entrepreneurs se livrent une libre concurrence pour l’occupation de l’espace
(Derycke, 1996).
2. L’espace comme source de déséquilibre : le phénomène de centralité
Samir Amin (1973) utilise la configuration "centre-périphérie" pour crire les inégalités
mondiales du développement économique. Cette association de termes est alors pensée dans
un cadre économique, proche du marxisme, le centre est exploitant et la périphérie
5
exploitée. La dimension spatiale est encore secondaire mais ouvre tout de même la voie à une
réflexion plus globale sur les rapports entre sociétés (et espaces) dominantes et dominées,
mettant en place un transfert social du capital (Di Méo, 1991). La configuration "centre-
périphérie" a été reprise en géographie, du fait de sa puissance évocatrice et de sa capacité à
décrire de façon binaire les phénomènes observés, quelle que soit l’échelle d’analyse
(Krugman, 1991a, 1991b).
Dans un contexte plus large, cette configuration est un cas particulier de la notion de
centralité. La centralité est une perception subjective de l’espace, à partir de laquelle est défini
un point, le centre, comme étant particulier, se différenciant des points qui l’entourent et
servant à structurer l’espace (Huriot & Perreur, 1994a, 1994b, 1997). Cette notion est relative
par le jeu d’échelle et contextualisée car le point central est défini en fonction de l’étude. Dans
ce cadre, la théorie des lieux centraux définit comme un ensemble hiérarchisé de centre, dont
la centralité est relative au niveau d’observation (qui définit le niveau de centralité) et
dépendante du contexte (des fonctions urbaines) (Christaller 1933), se comprend aisément.
La théorie des économies d’agglomération permet d’expliquer la création des centres (Catin,
1994). Elle considère l’agglomération comme un facteur d’économie, permettant un avantage
relatif par rapport aux zones non-agglomérées. L’agglomération, en se différenciant des zones
non-agglomérées, se définit ainsi comme un centre. De plus, elle se place comme un objet
concurrent et compétitif des autres, ce qui lui permet d’attirer encore plus et de renforcer sa
position : c’est la "centralité-attractivité" (Huriot & Perreur, 1994a, 1994b, Op.cit.).
La capacité attractive du centre est limitée, car elle ne peut tout accueillir. Les objets
accueillis au centre sont hiérarchisés, les autres s’organisant autour de lui, de façon non
nécessairement concentrique (Thisse, 2002). Le centre aura donc une fonction de
redistribution des objets (effet back wash) et accroit son rôle dans l’organisation géographique
de l’espace. Outre sa fonction attractive, le centre peut aussi être un point de départ : c’est la
"centralité-diffusion" (Huriot & Perreur, 1994b, Ibidem). La théorie des pôles de croissance,
énoncée par François Perroux (1950), se base sur ce concept et explique que "la croissance
n’apparait pas partout à la fois ; elle se manifeste en certains points, ou pôles de croissance,
avec des intensités variables ; elle se repend par divers canaux avec des effets terminaux
variables pour l’ensemble de l’économie".
3. La diffusion comme élément de transformation de l’espace
Dans l’optique de Thérèse Saint Julien (1992), la diffusion correspond à "tous les
déplacements qui, quelle qu’en soit la force motrice, cherchent à se répandre de manière
homogène dans un système, et tendent à faire passer celui-ci d’un état d’équilibre à un autre
état d’équilibre". Les déplacements peuvent être à la fois dans l’espace ou, de façon imagée, à
l’intérieur d’un territoire. Il est nécessaire de distinguer les différents éléments et évaluer leur
rôle, pour comprendre le fonctionnement du phénomène de diffusion spatiale. Six
phénomènes (Saint Julien, 1992, Op.cit.) sont distingués :
- Les facteurs exogènes. Ils constituent la base du processus d’innovation ;
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