Un réseau d’aires marines protégées en Méditerranée pour une meilleur gestion des ressources marines côtières Océans et mers à travers le monde sont menacés par de nombreuses activités anthropiques qui s’ajoutent au changement climatique. Parmi les activités anthropiques, la pêche et l’expansion des agglomérations côtières détruisent les habitats marins et nuisent irrémédiablement non seulement aux populations de nombreuses espèces marines, mais plus globalement aux écosystèmes dans leurs intégrités et de fait contraignent les biens et les services que ceux-ci offrent aux hommes. Les Aires Marines Protégées (ci-après abrégées AMP) ont été promues pour apporter une solution aux problèmes de conservation et de gestions de la pêche au cours des dernières décennies. La France n’est pas en reste dans cette stratégie et le président de la république lui-même a fixé l’objectif de 20% du littoral français qui devra être sous la dénomination de parc marin sous 10 ans. Certainement parce que c’est le bassin marin le plus ancien et le plus peuplé, qui fait face à des situations de dégradation marquées, la Méditerranée est actuellement la région au monde avec la plus grande concentration d’AMP. Les AMP favorisent la restauration d’espèces et d’écosystèmes au sein de leurs limites, dit effet réserve, tout simplement en éliminant la mortalité directe de la pêche sur les espèces cibles mais aussi indirectement en reconstruisant les chaines trophiques, les équilibres dans l’écosystème. Ainsi, les espèces fortement ciblées par la pêche, le plus souvent des carnivores supérieurs, se augmente en nombre et en taille. Dans la continuité, les écosystèmes associés se transforment car les carnivores vont contrôler les herbivores et les fonds sont recolonisés par les algues et permettent le développement de toute une nouvelle diversité (Fig. 1). Outre ces effets directs dans le périmètre de l’AMP, du fait même des cycles biologiques des espèces marines, la reproduction en augmentation dans la réserve sera bénéfique pour les zones avoisinantes à l'extérieur des AMP. On parle alors d'effet de débordement car les réserves vont exporter des œufs et des larves vers les zones voisines au profit de la pêche. La clé pour atteindre et maximiser ces effets positifs, c’est la conception même de chaque réserve en terme de taille, de type d'habitats protégés, de règles de protection, etc... Dans ce contexte, certaines études théoriques ou comparatives suggèrent que les réseaux d'AMP peuvent augmenter les effets de chaque AMP grâce aux échanges écologiques entres les AMP. Ces connexions peuvent produire des bénéfices mutuels entre les AMP qui font partie d'un réseau. La dispersion d’oeufs et de larves de poisson entre deux AMP, ce qui permettra le maintient des stocks locaux de chaque AMP. Les études empiriques qui peuvent démontrer tels potentiels ou fournir des informations sur la création d’un réseau efficace sont en revanche très limitées, et en particulier pour le bassin méditerranéen. Or il est indispensable dans le contexte actuel de : - déterminer l'échelle spatiale à laquelle les populations locales d'espèces marines sont connectées entre elles ; - savoir si les AMP déjà existantes sont connectées entre elles et ; - donner les indications sur l’échelle spatiale nécessaire pour la création de réseaux d’AMP plus efficaces. La création d’AMP est un investissement coûteux pour la société, mais qui peut engendrer des bénéfices pour l'environnement et pour la société sur du moyen et du long terme. C’est aussi un engagement pour de nombreux pays européens qui ont signé la Convention sur la biodiversité. C’est dans ce contexte qu’un nouveau projet franco-italien, intitulé «Création de réseaux d'aires marines protégées (AMP) dans un contexte méditerranéen», réalisé en collaboration entre l’USR 3278 (CNRS-EPHE), sous la direction de Serge Planes ([email protected]) et l’unité locale de recherche du CoNISMa (Consortium National Interuniversitaire pour les Sciences de la Mer, c/o DiSTeBA, Université du Salento, Italie) coordonnée par Paolo Guidetti ([email protected]), a pour but de caractériser les paramètres essentiels favorisant l’efficacité d’une réserve en terme d’exportation de poissons vers les zones avoisinantes. Ce projet reçoit un financement du CONISMA, du CNRS et de la Fondation Total (http://foundation.total.com). Le projet, d'une durée de deux ans, a pour but d’évaluer la connectivité et la zone d’influence d’une AMP hors des limites. Le modèle d’étude générique et généralisable est une espèce de poisson, cible de la pêche récréative et commerciale, le sar à tête noire Diplodus vulgaris (Fig. 2) qui sera étudié dans l’AMP de Torre Guaceto (sud des Pouilles, Italie; Mer Adriatique). Ce poisson est un prédateur efficace des oursins, qui, à leur tour, sont d’importants brouteurs de macroalgues. Quand la pêche est intense et que les poissons prédateurs sont en grande partie éliminés, les oursins augmentent de façon spectaculaire en abondance et peuvent former des déserts rocheux mentionné ci-dessus (Guidetti, 2006). Cet état de transition provoque une réduction de la production primaire, de la structure tridimensionnelle de l'habitat entrainant une perte importante de la biodiversité locale. Dans ce contexte, on peut voir cette espèces (et les espèces très proches) comme des espèces clés dans la structure de l’écosystème. Le projet intégrera une approche pluridisciplinaire avec : - une étude de la distribution des adultes et des juvéniles à l’intérieur et à l’extérieur de l'AMP pour quantifier les variations d'abondance et de taille induites par la protection de l'AMP ; - une étude du potentiel de reproduction pour évaluer l’impact de l'AMP en terme de production de propagules capable d’approvisionner les zones adjacentes ; - une étude de la structure génétique des populations pour quantifier spatialement la dispersion des propagules vers l’extérieur de la réserve ; - une étude complémentaire de la composition chimique des otolithes également la dispersion larvaire et les mouvements des juvéniles après la métamorphose. Les données préliminaires montre que l'AMP est efficace sur la population du sar à tête noire et en terme d’augmentation de sa taille et de son abondance au sein de ses limites. Les données sur le potentiel de reproduction et l’échelle spatiale de la connectivité seront extrêmement importantes dans cette région de la Méditerranée afin d’aider à la création de nouvelles AMP et des réseaux efficaces d’AMP, mais aussi dans une perspective plus globale de politiques de parc marins telles que l’Europe le préconise. Fig. 1 – Fonds rocheux recouverts de macroalghes (à gauche) et un désert rocheux (à droite) (photo P. Guidetti). Fig. 2 – Exemplaires de sar à tête noire, Diplodus vulgaris (photo E. Trainito).