2
édito
De L’Assommoir décrit hier par Zola aux colonnes
de nos quotidiens d’aujourd’hui, la Goutte d’Or est
sans doute le quartier de Paris qui jouit le plus d’une
« mauvaise réputation ». Criminalité, trac de dro-
gues, insalubrité, prostitution, prières dans la rue,
tels sont les mots qui reviennent en boucle à son évo-
cation, quitte à oublier la beauté de ce nom hérité du
vin qui y était cultivé au XIXe siècle. Pourtant, faut-il
encore le rappeler, ce quartier en pleine évolution
est irréductible à ces représentations qui habitent
l’imaginaire collectif, quand bien même beaucoup
de parisiens n’ont encore jamais eu l’occasion de
franchir la barrière symbolique du boulevard Barbès
pour découvrir par eux-mêmes un monde cosmopo-
lite et attachant qui mérite d’être connu au-delà de
stéréotypes sulfureux.
La Nuit Blanche, cette manifestation populaire qui
permet de (re)découvrir la ville à travers le regard
des artistes contemporains avait initié avec succès
ce point de vue décalé en 2006. L’émergence d’un
lieu comme l’Institut des cultures d’Islam, aux côté
des nombreux autres acteurs culturels qui vivent la
Goutte d’or au quotidien, poursuit cette démarche
en mettant en avant la création contemporaine d’ar-
tistes issus de cultures musulmanes ou portant sur
ces cultures un regard éclairant.
Martin Parr et la Goutte d’Or ou encore Martin Parr
et l’islam, … Quelle association curieuse au premier
abord ! Et risquée aux yeux de certains qui crai-
“gnaient son œil parfois sans concession. Pourtant,
comme il le dit lui-même à juste titre, il est avant tout
un humaniste et c’est cet aspect de sa personnalité
artistique qui ressort particulièrement ICI.
Lorsque j’ai proposé ce projet à Martin Parr il y a
un an, il l’a d’emblée accepté avec un enthousiasme
au-delà de mes espérances, alors même qu’il refuse
bien des propositions en France en raison d’un dis-
positif de droit à l’image très contraignant.
Pendant une semaine n janvier, le célèbre photo-
graphe anglais à fait sien le quartier, est allé à la ren-
contre de ses habitants, ses commerçants, ses lieux
de vie et en a saisi avec l’humour et le décalage qui
le caractérisent des images contrastant bien sou-
vent avec les clichés usuels. Son regard anglo-saxon
qui perçoit la place du religieux dans la ville sous
un angle différent du nôtre permet d’apporter un
soufe d’air frais dans un débat souvent étouffant.
Une résidence de Martin Parr est déjà en soi un
événement. Qu’elle se soit passée « chez nous », à
la Goutte d’Or est un signe très fort. Dans un ques-
tionnement qui dépasse nos frontières, la réponse
qu’apporte l’Institut des Cultures d’Islam suscitera
certainement des regards curieux. Elle accompagne
aussi merveilleusement et sans parti pris le change-
ment positif des mentalités que nous vivons actuel-
lement
”