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Damien Theillier
www.nicomaque.com
La situation de la philosophie aujourd’hui
a) Philosophie et histoire
La philosophie est la moins utile des sciences, contrairement aux autres
connaissances scientifiques et techniques, elle ne comporte pas d’applications
notables, ni de véritable progrès. Les sciences, en tant qu’elles libèrent des nécessités
naturelles paraissent contribuer plus efficacement que la spéculation philosophique à
la libération effective de l’humanité.
De plus, la philosophie se caractérise non seulement par son incapacité au niveau
pratique mais par ses contradictions au niveau spéculatif. Les systèmes
philosophiques sont multiples et discordant, voués à la subjectivité et aux passions.
En revanche les conclusions scientifiques s’imposent à tous les esprits et le modèle
mathématique apparait comme le type même de la connaissance.
La science expérimentale a exercé une telle influence sur la pensée moderne que
certains philosophes depuis Descartes tentent d’intégrer dans leur propre discipline sa
méthode constitutive. Une telle entreprise ne pouvait que dénaturer la philosophie, lui
faire perdre son âme et contribuer à la discréditer, à la rendre obscure et sans intérêt.
On peut donc distinguer deux grandes périodes de l’histoire de la philosophie, qui se
divisent chacune en deux :
- L’Antiquité
La philosophie est née en Grèce au VIème siècle avant Jésus Christ. Toute la tradition
ultérieure voudra se référer à cette origine historique pour retrouver sa pureté.
D’ailleurs toutes les époques de renouveau de la philosophie, sont des époques de
redécouverte de la philosophie grecque. Platon a nourri toute la philosophie jusqu’au
XIIème siècle, puis ce fut Aristote, traduit et commenté qui donna lieu a de grandes
œuvres comme celles des arabes : Maïmonide, Averroès et Avicenne ou des latins:
Boèce, Abélard, saint Albert le Grand et Saint Thomas d’Aquin. La Renaissance, avec
Thomas More, Erasme et Montaigne mais aussi Ronsard et Du Bellay dans les lettres,
sera une période d’intense et fervente étude de l’Antiquité grecque. Au XVIII ème
siècle, le “siècle des Lumières”, les philosophes : Montesquieu, Voltaire, Rousseau,
Diderot seront pétris des grecs. Le grand philosophe du XIXème siècle : Hegel voudra
renouer avec la tradition grecque en construisant une œuvre encyclopédique touchant
à tous les domaines du savoir. Et enfin, faut-il le rappeler, Nietzsche fut un fervent
admirateur de cette tradition qu’il connaissait à fond et à passé toute sa vie à tenter de
saisir la clé du génie grec.
La philosophie grecque, comme son nom l’indique, se caractérise essentiellement par
une quête de la sagesse. On ne peut pas expliquer autrement la naissance de la
philosophie que par le désir de savoir pour savoir, de ne pas se contenter de l’utile et
du besoin ni de la superstition, mais de trouver des raisons.
Les conditions étaient sans doute favorables à une telle innovation intellectuelle. La
beauté des îles grecques et de la méditerranée devaient porter à la contemplation et
c’est pourquoi les grecs furent les premiers à penser que l’univers n’est pas une
énigme indéchiffrable mais qu’il possède un ordre et une harmonie. D’autre part les
grecs étaient des hommes de la mer, contrairement aux Egyptiens ou aux Perses. La
mer exige une certaine audace, un goût du risque, de l’aventure. Enfin les grecs
avaient des esclaves, ce qui leur permettaient de se consacrer à des activités libérales
comme la politique, la science ou la philosophie.
Celle-ci était considérée comme le plus haut degré du savoir, un savoir total c’est-à-
dire capable de conduire non seulement à la rité mais aussi au bonheur par une vie
de sagesse. Parmi ces novateurs, retenons surtout trois grandes figures : Socrate,
Platon et Aristote.
- Moyen-Âge
La doctrine des grecs concernant les grandes questions de la philosophie : l’origine du
monde, la nature humaine, le sens de sa destinée... fut pendant de longs siècles
reprise et approfondie. La logique, cest-à-dire l’art de raisonner (ou dialectique) fut
sans doute le point le plus travaillé par les médiévaux. (comme en témoigne la
fameuse “querelle des universaux”.) Mais surtout, cette époque fut dominée par le
soucis d’une grande synthèse entre la pensée grecque et la Révélation chrétienne. Au
XIIIe siècle, Saint Thomas d’Aquin laissa ainsi une œuvre philosophique immense,
émaillée de commentaires des œuvres d’Aristote. Son mérite fut de montrer la
possibilité d’une harmonie entre la raison et la foi, c’est-à-dire de montrer que rien de
ce que la raison peut démontrer n’est en contradiction avec ce que la foi peut révéler.
- Période moderne
Le XIVe siècle fut une époque de décadence du Moyen-Âge et à partir du XVe siècle on
vit naître le grand mouvement culturel de l’humanisme et de la Renaissance. C’est le
début des grands voyages autour du monde avec Colomb, Magellan. Avec les
découvertes scientifiques (Copernic et la révolution de la terre autour du soleil en
1543), au contact des peuples étrangers, des mœurs et des cultures nouvelles, cest
une véritable crise intellectuelle qui commence à poindre et qui trouvera son apogée
au “Siècle des Lumières”.
Mais c’est au XVIIe siècle que se produit la véritable rupture avec Galilée (1643) puis
avec Newton (1727). Des certitudes qui étaient immuables depuis des siècles volent en
éclats. Galilée déclare que “Le grand livre de l’Univers est écrit en langage
mathématique” et Newton réclame un scepticisme absolu à l’égard de tout ce qui n’est
pas mesurable et quantifiable. La possibilité de connaître la raison dernière des
choses est niée mais c’est aussi le fondement même de la connaissance qui est remis
en question. On substitue à l’imprécision de l’évidence sensible la rigueur de l’analyse
mathématique. Descartes sera le premier à transposer cette petite révolution dans le
domaine de la philosophie et il sera suivi de manière encore plus scrupuleuse par
Hume puis par Kant. Mais désormais la métaphysique, qui constituait le cœur de la
philosophie, devient inexistante. (cf. A. Comte et le positivisme)
- Période contemporaine
Certaines tentatives ont été faites pour rétablir la philosophie dans ses droits, en
particulier Bergson, Husserl ou Merleau-Ponty. Mais en réalité la philosophie semble
aujourd’hui appartenir au passé et notre siècle a été le siècle des sciences humaines :
sociologie, psychologie expérimentale, ethnologie, anthropologie, droit, économie. On
assiste au morcellement du savoir, à la spécialisation à outrance et l’homme, l’objet
privilégié de la philosophie, est étudié à travers des statistiques comme une chose,
sans âme, sans volonté.
b) Philosophie et religion
Prédominance actuelle de la religion
Aujourd’hui, la situation semble changer et on assiste à un retour en force de la
religion (cf. la prolifération des sectes ou l'apparition d'un Nouvel Age qui prédit
l'instauration d’une religion mondiale, fondée sur le passage d’une conscience
individuelle et limitée à une conscience cosmique et infinie par le développement des
potentialités du cerveau), par le biais des spiritualités orientales ou de l’ésotérisme (cf.
Da Vinci Code). La montée d'un islam légaliste et non éclairé, particulièrement dans
les pays d'immigration en est aussi un symptôme. Face aux impasses du rationalisme
et du scientisme, c’est à la religion qu’on demande de répondre aux aspirations de
l’âme à l’infini et à la totalité. Quand la philosophie doute de sa capacité à dépasser le
savoir scientifique, c’est souvent vers la religion qu’elle cherche secours et appui.
La distinction entre raison et foi
Toutefois il faut prendre soin de bien distinguer le domaine religieux du domaine
strictement intellectuel qui est celui de la philosophie. Il n’y a pas de philosophie
chrétienne comme il n’y a pas de philosophie bouddhiste ou new age. Il y a la
Philosophie, c’est-à-dire l’ensemble des vérités que la raison seule (sans l’apport
d’aucune révélation ni d’aucun mythe) est capable de démontrer. Cependant toute
religion comporte un certain nombre de présupposés philosophiques : la croyance en
la réincarnation suppose laffirmation d’un dualisme entre le corps et l’âme (le corps
n’a pas de valeur et ne participe pas à la dignité de la personne.) Ou bien la croyance à
la résurrection de la chair suppose au contraire l’unité indissociable du corps et de
l’âme. Ces présupposés qui se donnent pour des vérités naturelles doivent être soumis
à une critique philosophique rigoureuse car ils ne peuvent être l’objet d’un acte de foi.
La philosophie est une discipline rationnelle, c’est-à-dire qui se fonde sur la capacité
de la raison à connaître le réel. Elle ne fait donc jamais appel à le foi. La raison peut
aller jusqu’à connaître Dieu comme un être nécessaire et premier dans l’ordre de
l’univers, mais jamais comme la Révélation nous le fait connaître par la foi, c’est-à-dire
Dieu-incarné, Dieu-amour, Dieu-sauveur.
La confusion entre la foi et la raison
L’une des caractéristiques du retour du religieux à l’heure actuelle, c’est qu’il tend à
faire passer ses présupposés philosophiques pour des vérités surnaturelles qui exigent
une adhésion de foi ou bien à faire passer ce qui est du domaine révélé pour des
vérités de raison, mesurables et démontrables.
Une telle confusion est proprement irrationnelle, et ne répond pas à l’exigence de
rigueur indispensable à la philosophie comme à la théologie. A terme, elle conduit
irrémédiablement à faire de la religion comme de la philosophie une vague
indétermination sentimentale et poétique.
c) Philosophie et science
Les contradictions de la science
Par ailleurs la science elle-même n’est pas exempte de contradictions. Le moteur du
développement de la civilisation technique a toujours été l’amélioration des conditions
de vie, le bien-être. Cependant, ce nest pas tant la menace éventuelle d’une
destruction thermonucléaire que la dégradation permanente et quotidienne de la vie et
de la nature qui pose question. la réalité est en effet accablante : la couche d’ozone
diminue de 0,8% par an, 40 hectares de forêt tropicale sont détruits par minute (en
2040 il n’y aura plus de forêt tropicale or celle-ci fournit 50% de l’oxygène mondial),
entre 400 000 et 1 millions de cancers auront été générés en 2040 par Tchernobyl
(1986).
Dans le domaine de la recherche médicale, on assiste à une escalade des techniques
de procréation assistée (la procréatique) au point que s’ouvre une ère ou l’enfant
pourra être créé sur mesure grâce à la sélection des embryons et la modification des
chromosomes. Mais dès à présent, quel avenir peut-on espérer pour un enfant conçus
dans une éprouvette, avec les gamètes d’un donneur et né de l’utérus d’une femme qui
n’est pas sa mère (parfois sa propre grand-mère) ?
Le plus souvent la comtition des savoirs et le prestige des innovations ont pris le
pas sur le souci du bien de l’homme et le progrès a valeur d’obligation. Ce qui est
possible techniquement, pourquoi ne pas le faire ?
Une réflexion philosophique sur le statut de la science, sur les conditions de son
exercice est nécessaire. Mais plus encore, c’est une réflexion sur l’homme, sur sa
dignité et sur le sens de sa vie qui manque de nos jours. Il y a beaucoup de savants
mais il manque de sages. C’est précisément le rôle de la philosophie que de dévoiler les
vérités impérissables et essentielles pour l’intelligence humaine.
Nécessité de la philosophie
a) Une fausse alternative
- Il est clair que la science ne répond pas à toutes les questions que l’homme se pose
et toute pensée qui voudrait ramener la réalité à ce que la science peut en dire serait
réductrice.
- Mais inversement la recherche exclusive de réponses à ces questions dans le
domaine du surnaturel et du merveilleux, témoigne d’un profond mépris pour la
raison humaine.
Il faut donc récuser lalternative, véhiculée sans cesse par les médias comme la seule
vérité, entre un scientisme périmé et une vague religiosité. Plus que jamais
aujourd’hui la philosophie se présente comme la discipline capable de mettre un ordre
dans ce flux anarchique des doctrines et des ies nouvelles qui se présentent à nous
en cette fin de siècle.
Pour Aristote, “le propre du sage est d’ordonner”, c’est-à-dire de structurer ses
connaissances et son intelligence. De même Hegel affirmait que “la scission est à
l’origine du besoin de la philosophie.” (Foi et savoir) La scission c’est cette situation
historique de morcellement du savoir dans les sciences humaines, c’est ce dualisme
entre la science et la religion, mais c’est aussi la confusion qui règne dans nos
intelligences. On ne peut pas se satisfaire de croyances vagues et indéterminées, ni de
courbes, de chiffres et de mesures.
Le mot philosophie vient du grec : amour de la sagesse. La sophia désignait en Grèce
une habileté d’abord manuelle puis intellectuelle, avec un caractère d’excellence. En
latin, sagesse se dit sapientia qui vient de sapere c’est-à-dire avoir du goût, donc plus
largement être connaisseur, bien juger en tout domaine. On rejoint ainsi l’idée grecque
de sagesse : un savoir supérieur à la moyenne.
C’est pourquoi chacun doit se sentir concerné par la philosophie. Acquérir une
capacité de jugement, un esprit critique et apprendre à raisonner n’est pas un luxe
mais une nécessité pour tout homme.
b) Toute intelligence désire posséder la vérité
D’abord, il faut remarquer que tout le monde fait de la philosophie, consciemment ou
pas. La raison en est que l’homme est par nature un animal qui raisonne qui se pose
des questions et qui cherche des réponses. Or philosopher cest poser les questions
fondamentales et tenter d’y répondre. Pour Leibniz, l’interrogation fondamentale de la
philosophie c’est : “Pourquoi y a t il quelque chose plutôt que rien ?” Personne ne peut
dire qu’il ne s’est jamais posé cette question ou qu’il n’a pas une quelconque idée,
même confuse ou douteuse, de ce qu’est lhomme et de ce qu’il fait sur terre. Dire que
l’homme n’est qu’un mécanisme et que l’esprit n’existe pas, c’est faire de la
philosophie et postuler un matérialisme absolu. Dire qu’on ne peut rien connaître de
l’homme et du sens de son existence, c’est aussi faire de la philosophie en postulant
un scepticisme agnostique. Et ne pas faire de philosophie, remarquait Pascal, c’est
encore faire de la philosophie.
Aussi la philosophie est-elle au cœur de toute activité humaine car toute intelligence
aspire au vrai.
- si je vous annonce que tout ce que je vous dis est faux, vous protesterez, non pour le
bac mais pour vous-même. L’erreur est une sorte de viol de l’intelligence.
“L’homme ne peut se passer de faire de la philosophie. Aussi est-elle présente partout et
toujours (...) La seule question qui se pose est de savoir si elle consciente ou non, bonne
ou mauvaise.”
(Karl Jaspers, Introduction à la philosophie, p.10)
c) La vérité est un bien pour l’intelligence
Si la connaissance du vrai est la finalité de l’intelligence, alors cette connaissance est
aussi un bien, c’est-à-dire une perfection pour l’intelligence. En effet, si la finalité d’un
couteau c’est de couper, un bon couteau est un couteau qui coupe bien. De même une
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