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23 mars 2011 0
d’urine plus faible, sensation de ne pas avoir vidé la ves-
sie. Tandis qu’une rétention aiguë de l’urine est constatée
chez 20% des patients, l’incontinence urinaire, elle, est plus
rare. Au fur et à mesure que la tumeur augmente de vo-
lume, surviennent l’impuissance, l’hématurie, des douleurs
dans la région pelvienne et périnéale, ainsi que… des in-
fections urinaires. Des réactions psycho-émotionnelles peu-
vent aller d’états anxieux jusqu’à des dépressions caracté-
risées.
Les troubles sexuels associés au cancer de la prostate,
et surtout aux hyperplasies bénignes, ont été observés lors
des changements au niveau de la prostate, mais aussi
comme faisant partie du processus physiologique normal
du vieillissement. On a pu constater une diminution de la
qualité et de la fréquence de l’érection, une diminution du
désir sexuel, ainsi que des troubles de l’éjaculation (plus
rapide, plus lente, rétro-éjaculation, anéjaculation).
Malgré le fait que les troubles de la libido et de la puis-
sance sexuelle soient des symptômes intrinsèques à la
maladie principale, aucun trouble n’a été identifié chez onze
sujets. Chez ces derniers, des troubles psycho-émotionnels
associés à des troubles sexuels se sont néanmoins manifes-
tés à l’annonce du diagnostic du cancer. Dans ces cas, nous
avons considéré la diminution du désir sexuel et de la puis-
sance sexuelle comme une manifestation des symptômes
sexuels liés à une dépression nosogène (induite justement
par l’annonce du diagnostic de la maladie).
Chez 30 patients atteints d’un cancer de la prostate, une
orchidectomie (ablation chirurgicale des testicules) a été
effectuée dans le but d’une déprivation androgénique. Tous
les sujets de ce groupe ont présenté des troubles psychi-
ques non psychotiques, avec un développement et une
psychodynamique dépendant d’une complexité de facteurs
psychogènes et somatiques. Chez les hommes qui ont subi
une orchidectomie bilatérale, nous avons observé des souf-
frances communes à la plupart des malades sur la base de
facteurs psychogènes actuels dus à la maladie et non dé-
pendants de syndromes psychopathologiques, telles que :
1. La compréhension de l’aspect mutilant de l’opération. Il
est important de remarquer que, dans la plupart des cas,
les malades n’ont pas partagé leurs impressions sur l’opé-
ration, ni avec leurs proches, ni avec leurs médecins. Les
émotions ressenties sont restées cachées ou fréquemment
exprimées sous la forme d’anecdotes ou de vulgaires plai-
santeries.
2. L’incertitude concernant l’avenir des relations familiales
et sociales. Les patients ont présenté des doutes sur la fa-
çon dont ils allaient être acceptés «ainsi», sur la réaction
de leur épouse et des autres membres de la famille, ainsi
que des préoccupations quant à savoir qui allait être au
courant du type d’opération subie. Deviendraient-ils l’objet
de risées ou de plaisanteries ? Quatre malades ont refusé
l’opération pour ces raisons malgré l’indication médicale.
3. L’incertitude du développement futur de la maladie. La
prise de décision concernant l’orchidectomie a été très si-
gnificative. Pour les patients atteints du cancer de la pros-
tate, leur accord était accompagné d’un sentiment d’impor-
tance, vécu comme une «étape» du processus. Même si les
patients avaient connaissance du caractère palliatif de cette
intervention, ils essayaient de ne pas donner trop d’impor-
tance à cet aspect. L’intérêt des patients était focalisé sur
la préparation à l’opération et aux problèmes consécutifs.
La période postopératoire apportait la conviction que l’or-
chidectomie ne garantissait ni une amélioration de l’état, ni
même une stabilisation du processus. Le facteur psycho-
gène le plus important était la contradiction entre l’impor-
tance subjective dans la prise de décision en faveur de
l’opération et le constat que cette opération n’avait pas une
influence majeure sur le développement de la maladie.
4. Pour de nombreux patients, l’opération a engendré aussi
des inquiétudes de type symbolique, comme celui de «la
fin du cycle de vie» associée à la fin de la période de re-
production. Ces préoccupations étaient également présen-
tes chez des patients qui n’avaient plus de vie sexuelle ac-
tive et qui ne ressentaient aucun besoin sexuel. Cette po-
sition a nécessité un grand courage de la part des patients,
en leur donnant la possibilité d’expérimenter une position
passive face à la maladie, ce qui a alors laissé place à l’ap-
parition de problèmes psychopathologiques ultérieurs. Les
patients traités par thérapie hormonale ont présenté à peu
près les mêmes problèmes, mais à des degrés moins mar-
qués. L’absence du facteur «mutilant» de l’opération n’a pas
empêché que les patients traités avec un traitement hor-
monal – pour diminuer la production d’hormones mascu-
lines – ressentent ce traitement comme une humiliation
d’être presque «transformés en femme». Leurs inquiétu-
des se sont concentrées autour des relations familiales fu-
tures et de la perte de la libido et de la puissance sexuelle,
c’est-à-dire la perte de «la masculinité».
hyperplasie bénigne de la prostate
Chez les patients atteints d’une hyperplasie bénigne de
la prostate, la base psychogène dans la formation des trou-
bles psychiques se situe dans la connaissance du «cadre
interne» de la maladie. Dans la majorité des cas, on a ob-
servé les facteurs suivants :
1. Le statut socioculturel particulièrement important des
maladies de la sphère urogénitale, les symptômes de la
maladie principale appartenant à la catégorie de ceux dont
il est «gênant d’en parler ou de s’en plaindre et qu’il vaut
mieux cacher, en raison d’un fort sentiment de honte». Les
patients atteints d’une hyperplasie bénigne de la prostate
ont en outre été contraints à certaines restrictions dans leur
manière de vivre qui, malgré leurs efforts pour les dissimu-
ler, ont semblé évidentes pour l’entourage socio-familial.
La restriction de l’activité physique et par conséquent de
la sociabilité, l’impossibilité de se déplacer à de grandes
distances, la préoccupation constante de se situer à proxi-
mité des toilettes, l’inconfort du désir permanent d’uriner, la
crainte de se retrouver dans des situations «honteuses»
(peur de l’incontinence), ainsi que d’être l’objet de risée
réelle ou dissimulée de l’entourage. Des troubles psycho-
pathologiques sont apparus au cours des années comme
le résultat de ces situations et de ces craintes chroniques.
2. Il est nécessaire de signaler un puissant facteur psycho-
gène en relation avec l’apparition des troubles du fonction-
nement sexuel, symptôme principal dans l’hyperplasie bé-
nigne de la prostate, qui a pu être observé dans certains
cas. Il s’agit du sentiment d’«infériorité» apparu chez cer-
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