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❚La musique est une médiation thérapeutique,
dont l’action entraîne une modulation des com-
posantes pathologiques par facteurs interactifs.
Faisant partie intégrante de notre vie, elle est apai-
sante et présente une action physio-biologique
reconnue sur les sécrétions hormonales, le
rythme cardiaque, la respiration, la détente mus-
culaire et cérébrale…
❚La musique agit également
«par stimuli multifac-
toriels grâce à sa composition. L’harmonie de la musique
a une action sur ce qui relève du sensoriel, le timbre sur
le cognitif, la mélodie sur l’affectif, et le rythme sur le
comportemental », explique Suzanne Ogay6.
La musicothérapie a donc tout son sens dans la
prise en charge d’une personne âgée démente.
LES BIENFAITS DE LA MUSICOTHÉRAPIE
EN INSTITUTION
❚La musicothérapie a des vertus manifestes chez
les personnes démentes.
Ainsi par exemple, à l’é-
coute d’une chanson ancienne, une personne
âgée démente peut raconter, les yeux pétillants,
avec une joie immense et le visage rayonnant, son
premier bal et son premier baiser avec celui qui
plus tard est devenu son époux. Chaque détail est
conservé, qu’il s’agisse de la couleur de sa robe ou
de celle des yeux de son bien-aimé, de la sensa-
tion de son corps contre le sien lorsqu’ils ont
dansé amoureusement toute la nuit, du goût de
ses lèvres… Parfois ce bonheur est accompagné
de larmes de joie, mais aussi de rires, dans un bon-
heur intense. Même s’il s’agit d’un souvenir du
passé, celui-ci est encore bien présent et lui
redonne alors toute sa dignité d’être vivant, ayant
vécu et ressenti nombre d’émotions.
Si cette personne présente des difficultés à com-
muniquer, elle exprimera très clairement l’inten-
sité de ces moments retrouvés par des gestes, des
mimiques faciales, une crispation des mains, des
petits cris, une sudation, une augmentation de
son rythme cardiaque ou une variation de sa res-
piration que l’on pourra très bien ressentir grâce
au lien “toucher-tendresse” et visuel établi avec
elle pendant toute la séance.
❚Les bienfaits de la musicothérapie peuvent
aussi se percevoir chez une personne âgée
démente, très agitée, errante et pouvant être
considérée comme agressive vis-à-vis des autres,
soignants ou non, ou dans une angoisse perma-
nente de mort.
Après une séance d’hypnose
sonore, celle-ci aura retrouvé son calme, se sen-
tira apaisée et l’exprimera. Enveloppée dans un
bain sonore de musiques choisies et combinées
par le musicothérapeute selon la méthode des
bandes en “U”7, dans un “lâcher prise” sans effort,
SOiNS GÉRONTOLOGIE - n° 72 - juillet/août 2008
dossier
elle sera pour la première fois depuis longtemps
totalement détendue.
❚Grâce à une prise en charge en musicothérapie,
la
personne âgée démente va ainsi vaincre ses
angoisses et ses peurs anciennes. L’une des actions
des séances de musicothérapie vise à dynamiser le
psychisme et à réduire les tensions internes du
patient. La musicothérapie peut le conduire à
exprimer des émotions refoulées permettant la revi-
viscence de souvenirs à visée auto-thérapeutique.
❚Une autre action visera à redynamiser l’expres-
sion vocale,
par des chants de l’enfance ou de la
jeunesse, pouvant être assortie d’une action cor-
porelle rythmée afin d’accroître la stimulation
vocale du patient. Elle favorisera aussi une tra-
duction des affects – ressentis grâce à l’improvisa-
tion instrumentale – conscients et inconscients
pouvant entraîner le corps dans cette expression.
Cette communication non verbale s’adresse à
toute personne, quels que soient le niveau d’au-
tonomie, de handicap et de souffrance.
LE MUSICOTHÉRAPEUTE
ET L’ÉQUIPE PLURIDISCIPLINAIRE
❚Le musicothérapeute est un professionnel de
santé
ayant reçu une formation spécifique de
trois à cinq ans. Il se réfère à un code de déonto-
logie et il est soumis à une supervision de ses pra-
tiques. Enfin, il connaît et applique les règles de
de sa profession de soignant.
❚La prise en charge musicothérapeutique est réa-
lisée sous prescription médicale
avec un objectif
de soins précis qui s’inscrit dans le cadre d’une
prise en charge pluridisciplinaire. La musicothé-
rapie n’a de véritable sens que lorsqu’elle s’inclut
dans le projet de vie de la personne démente en
institution. L’action en équipe, au travers des
échanges lors des synthèses ou des transmissions,
sert à prévenir le “glissement” du résident dans
“l’ombre de la vie”. Le travail en équipe renforce
ses “forces de vie”, l’aide à améliorer et à mainte-
nir sa santé, et permet également de l’accompa-
gner en fin de vie. Toutes les informations cli-
niques sont recueillies après chaque séance pour
chaque patient par le thérapeute qui fera ensuite
une synthèse à l’équipe soignante.
CONCLUSION
La musicothérapie, avec son approche spécifique
au sein d’un travail d’équipe, fédère l’adhésion
des personnes âgées démentes dans l’institution,
en leur permettant de partager des émotions et
une culture commune forgée de musiques ou de
chansons qu’elles partagent en voix chantée lors
des séances de musicothérapie de groupe. ■
L’AUTEUR
Madeleine Beyer,
musicothérapeute,
psychothérapeute,
Hennebont (56)
madeleine.beyer@orange.fr
NOTES
3. La démarche
Snoezelen a été
dévelopée dans les
années 1970 par deux
jeunes hollandais.
Le terme “Snoezelen”
est la contraction de
snueffelen (renifler, sentir)
et de doezelen
(somnoler), que l’on
pourrait traduire autour
des notions d’exploration
sensorielle, de détente
et de plaisir.
Voir Quentin O.
La démarche Snoezelen,
un autre accompagnement.
Soins Gérontologie,
mai/juin 2007 ; 65 : 5.
4. Guétin S.
Évaluation de l’effet de
la musicothérapie sur les
manifestations anxieuses
et psycho-
comportementales
chez des patients atteints
de démence de type
Alzheimer. Projet présenté
par S. Guétin (Inserm E361
à Montpellier), lauréat
2006 bourse Institut
Alzheimer.
5. Ploton L. In Ogay S.
Alzheimer : Communiquer
grace à la musicothérapie.
Paris: L’Harmattan, 1996.
6. Ogay S. Ibid.
7. Bande sonore réalisée
par le musicothérapeute
selon un protocole
particulier permettant
de commencer avec
un rythme similaire à celui
du rythme cardiaque de la
personne qui arrive (120),
de le descendre à 50,
de le remonter à 80 et de
créer une hypnose sonore
(d'où la forme de “u”),
technique très spécifique,
utilisée pour les
anesthésies ou le
traitement de la douleur
et les crises d'angoisse.
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