Un voyage musical avec Carole Mon coin à moi ? L’atelier de musicothérapie à l’espace Intervalle ! J’ai toujours une mélodie, un air qui me trotte dans la tête. Et parfois vous pourrez me surprendre à le chanter… La musique est là depuis le début…L’envie de travailler avec des personnes en difficulté aussi… Depuis toujours… J’ai passé les dix premières années de ma vie en Zambie, dans la brousse, accompagnant mes parents qui travaillaient pour la mission protestante. Mon enfance fut rythmée par le son des tambours des cérémonies traditionnelles et j’y percevais déjà toute la complexité de nos différences et ressemblances culturelles… De retour en Suisse, (si vous tendez l’oreille, quand je parle avec passion, vous entendrez un reste d’accent vaudois !) mes parents devinrent directeurs d’un foyer d’accueil pour adolescentes en difficulté ; j’y ai vécu 8 ans. Le choc fut rude, la transition difficile : société policée et aseptisée avec peu de place pour la différence et la tolérance. J’y ai aussi découvert la musique, celle « d’ici », le piano, le violoncelle… Dès la fin des mes études secondaires, j’ai travaillé quelques temps à l’hôpital psycho - gériatrique de Cery à Lausanne pour me rendre ensuite à Boston au Mass Mental Hospital. J’y ai découvert l’importance de soutenir ce qui est de « sain » chez les patients, de percevoir la part d’humanité derrière chaque symptôme, convaincue qu’en chacun de nous existe de la créativité… De retour en Europe, j’ai entrepris des études d’ergothérapie en Belgique, à Bruxelles pour enfin acquérir des « outils », apprendre la théorie, mettre des concepts sur mes intuitions… J’ai obtenu mon diplôme d’ergothérapeute en 86 et déposé mes valises en Belgique ! J’ai tout d’abord pratiqué dans une maison de retraite puis dans un centre pour enfants polyhandicapés. Je suis arrivée à Saint-Bernard en 92 au Service 11 (l’observation).Apprivoisant la maladie mentale la plus aiguë, les soins sous la contrainte. J’ai tenté dans l’atelier d’ergothérapie d’offrir aux patients un moment de pause, un lieu de choix, un espace de créativité… d’accueil, d’apaisement des tensions, d’expression de son mal-être ; un endroit où la lourdeur hospitalière pouvait être mise de coté. Mais la musique était toujours là…dans ma tête, dans mes passions…apaisante et stimulante ! Objet transitionnel tellement simple, à la portée de chacun, riche de diversités… C’est donc tout naturellement que j’ai suivi une formation de deux ans à L’AREAM (association francophone pour la recherche, l’enseignement et les applications de la musicothérapie en Belgique) et en 96, je proposais avec deux autres collègues, Isabelle Mazy et Chantal Floréani, des ateliers de musicothérapie active et réceptive ouverts à tous les patients de l’hôpital. Ces ateliers se sont mis en place, ont évolué, soutenus par la direction, qui nous a aidé à chercher les locaux, à les rafraîchir, acceptant l’achat d’instruments hétéroclites (12 djembés !) et des projets parfois peu compatibles avec la logique institutionnelle de l’époque… Il y a plusieurs approches de la musicothérapie ; celle qui m’a accrochée, avec laquelle je me sens en adéquation, c’est celle d’Edith Lecourt, d’inspiration analytique. Définition selon Edith Lecourt : « La musicothérapie est une forme de psychothérapie qui utilise le son et la musique sous toutes ses formes comme moyen d’expression, de communication, de structuration et d’analyse de la relation. » Cela libère la musicothérapie de ceux qui la confondent avec une sorte de médecine douce, de potion de bonheur ou de crème de bien-être. La musique en elle-même n’a jamais soigné personne. C’est le patient qui est au centre, qui est l’acteur principal, le sujet de sa thérapie. L’utilisation de la musique est un moyen pour lui, et dans la relation thérapeutique qu’il établit avec le thérapeute : -de s’ouvrir à une plus grande expressivité ; -de s’ouvrir à une meilleure communication avec son entourage ; -de développer ses potentialités créatrices ; -d’analyser, au travers de ses liens intimes avec la musique (l’iso ; identité sonore ; concept développé par R Benenzon) son propre rapport à lui-même, au corps, aux affects, au langage, aux autres, au monde. Ainsi, lorsque je propose au patient d’écouter un extrait de musique, d’exprimer ce qu’il ressent ; ou encore d’utiliser un instrument de musique, sa voix, son corps, je ne me pose pas tant la question de savoir ce que la musique « fait » mais plutôt ce que le patient fait de la musique qui lui est donnée d’entendre ou de produire. Il s’agit donc de proposer, dans un cadre thérapeutique, une expérience musicale au travers de laquelle, avec l’aide du thérapeute, il pourra élaborer à son rythme, une manière de comprendre, puis de transformer son rapport à lui-même, aux autres et au monde. La musique ou les instruments sont l’intermédiaire, le médiateur entre le patient et le thérapeute. C’est donner au patient les moyens, « les outils » pour devenir « sujet de ce qui lui arrive », sujet de sa parole, de son ressenti, sujet de son histoire, de son corps, de sa pensée. Et maintenant ? Depuis 2000, je travaille à temps plein comme musicothérapeute, proposant des ateliers transversaux à tous les services de l’hôpital. Il y a deux ans, Emmeline Baillieu m’a rejoint comme art - thérapeute, animant divers ateliers utilisant les arts plastiques comme média. Un formidable projet s’est concrétisé : la rénovation complète de nos locaux avec le développement d’un centre d’activités transversal, l’Espace Intervalle, fonctionnant par ateliers : musicothérapie, art- thérapie, atelier terre, soins infirmiers esthétiques, bien-être, informatique…et c’est une autre histoire qui commence ! Mon moteur : l’enthousiasme, la passion, la motivation qui me poussent à toujours réfléchir à d’autres projets, à d’autres enjeux en sachant que c’est l’humanité de nos rencontres qui font la richesse de notre travail. Dans mon coin à moi, il y a ceux qui viennent chercher un apaisement, un rythme, une mélodie, des mots, et parfois même le silence… En terminant cet article, j’ai ce brin de mélodie extraite d’une chanson d’ Anne Sylvestre qui me trotte dans la tête : «… J’aime les gens qui doutent, Les gens qui trop écoutent Leur cœur se balancer… » Carole a 48 ans Mariée, 3 enfants de 23,21 et 11 ans Elle aime lire, lire, lire, L’ornithologie, la cueillette des champignons, Et la musique ! Carole Bolanz le 27 juillet 2011