Questions pour un champion en réanimation 437
1-Des études récentes en postopératoire de chirurgie cardiaque n’ont pas permis de mon-
trer que le rémifentanil était supérieur au fentanyl en termes de durée d’intubation, de
score de douleur, de durée de séjour en soins intensifs et à l’hôpital [17].
2- L’administration peropératoire de rémifentanil peut induire un état de tolérance et
d’hyperalgésie postopératoire, dose-dépendant, marqué par des scores plus élevés de
douleur et par une augmentation de la consommation de morphine [18]. L’hypothèse
est celle d’une activation des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) induite par le
traumatisme chirurgical, ampliée par l’emploi peropératoire des dérivés morphiniques
liposolubles, et prévenu par la kétamine à faible dose [19]. Il n’existe pas de données
à l’heure actuelle en faveur d’un état d’hyperalgésie en réanimation induit par les
morphiniques. Cependant, une tachyphylaxie au fentanyl et au sufentanil est fréquem-
ment observée [20]. Il est probable que le rémifentanil n’échappe pas à cette règle.
En somme, ces résultats soulignent que le choix du dérivé morphinique n’est pas en
soi déterminant, mais qu’il faudra privilégier l’adaptation permanente de l’analgésie aux
besoins du patient : évaluation régulière du niveau d’analgésie au repos et au cours de
stimuli douloureux (par exemple, aspiration trachéale), emploi d’algorithmes de prescrip-
tion des analgésiques. En optimisant l’analgésie (et la sédation), le bénéce attendu sera
un meilleur confort pour le patient, et une éventuelle réduction de la durée de ventilation
mécanique et de la durée de séjour [21]. Cela dit, le rémifentanil conserve une place de
choix, par exemple dans l’évaluation neurologique après agression cérébrale.
Quant aux antalgiques non morphiniques, on peut utiliser le paracétamol, le
néfopam, et les agonistes alpha2 centraux (clonidine, dexmedetomidine). Ces derniers
offrent l’avantage d’avoir un effet sédatif associé et de réduire la consommation des
morphiniques, mais peuvent être mal tolérés sur le plan hémodynamique. La place
des anti-inammatoires non stéroïdiens (AINS) est réduite en raison des troubles de
l’hémostase fréquents chez le polytraumatisé. Pour des raisons semblables, l’analgésie
locorégionale est peu développée en réanimation. Les blocs périphériques sont toujours
possibles, à condition dinstaller un cathéter pour permettre une administration continue
d’anesthésiques locaux et/ou de produits morphiniques. Quant aux blocs centraux, ils
sont utiles pour les traumatismes thoraciques peu sévères, responsables d’une atteinte
unilatérale ou peu étendue [22].
3.2. QUELS MODES D’ADMINISTRATION ?
La plupart du temps, l’analgésie est administrée de manière continue, par voie
systémique, à l’aide d’une seringue auto-pousseuse. Comme évoqué ci-dessus, ceci ne
correspond pas forcément à la réalité (pics de douleur déclenchés par les soins) et peut
conduire à un risque de surdosage. Il faut pouvoir titrer l’analgésie ; pour cela, on peut
proposer deux approches :
1- La manière la plus simple est de réaliser une analgésie continue minimale à laquelle
on ajoute des bolus d’un morphinique (de préférence d’action courte) au moment des
gestes douloureux.
2-
La manière la plus élégante sera d’appliquer le concept d’analgésie à objectif de
concentration. Ce concept commence à être étudié pour la sédation en réanimation
(propofol, midazolam) [23]. Il s’agit de décrire pour chaque produit un modèle liant
la pharmacocinétique et la pharmacodynamie (PK/PD) en fonction de la profondeur
de la sédation et de sa durée d’administration. Choisir une gamme de concentration
plasmatique d’un agent sédatif, responsable d’un effet clinique recherché (par exemple,
score de Ramsay à 2 ou à 5), devient alors possible à l’aide d’une seringue auto-
pousseuse munie du modèle pharmacocinétique. Pour l’analgésie, tout reste à faire
puisqu’il n’existe pas de modèle pharmacologique pour les morphiniques en réani-
mation.