Atlantique - LE SITE DE MATHIEU RODRIGUEZ

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La géologie de l’Océan Atlantique.
Leçon de contre option - Université d’Orsay
Proposition de correction par : Mathieu Rodriguez, Agrégé préparateur Ens.
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Définition:
-L’Océan Atlantique s’étend sur une superficie de 106 000 000 km2, depuis la mer du Labrador autour
de 60°N, jusqu’au détroit de Drake (Amérique du Sud) où il se connecte à l’Océan Pacifique, et au
Cap des Aiguilles (Afrique du Sud) où il se connecte à l’Océan Indien. L’Océan Atlantique a une
profondeur d’environ 3900-4000 m en moyenne. Le nom Atlantique trouve son étymologie dans la
mythologie grecque, et fait référence au titan Atlas. L’Océan Atlantique est connecté à plusieurs mers
(golfe de Gascogne, mer des Caraïbes, etc…) et est ici étudié dans son acceptation géographique la
plus large.
-La définition d’un océan dépend du point de vue adopté : pour le pétrographe ou le structuraliste, le
domaine océanique démarre dès que de la lithosphère océanique est rencontrée ; pour l’océanographe
ou le géographe, il s’agit du domaine recouvert par les eaux.
Historique des découvertes & enjeux sociaux/économiques:
-Aléa tsunamis, ex. Lisbonne 1755. Naissance de la sismologie suite à cet évènement. Nécessité de
connaître les structures actives pour mieux contraindre l’aléa tsunami.
-Navigateurs entre l’Amérique et l’Europe découvrent les courants dès le 18°siècle. En 1770 B.
Franklin dresse la première carte du Gulf Stream. Il a d’abord collecté des informations auprès de
pêcheurs et de capitaines de navires, puis il a établi des relevés de données de vent et de température
lors de sa traversée de l’Atlantique.
La première carte de circulation du gulf stream par B. Franklin
-L’Océan Atlantique est au cœur de la théorie de la dérive des continents de Wegener
(complémentarité des formes des continents lorsque regroupés en un super continent, la pangée ;
correspondance des formations sédimentaires et de la biostratigraphie pour les couches déposées avant
l’ouverture de l’océan ; correspondance des boucliers africain/sud américain, etc…).
-Seconde partie du XX° siècle : La circulation océanique dans l’Océan Atlantique est reconnue comme
une composante clef du système climatique actuel (circulation thermohaline).
-Importants gisements pétroliers (Brésil, Afrique W, Norvège, Golfe du Mexique…) : nécessité de
comprendre la formation de l’Océan, la structure des marges, pour en exploiter les ressources.
Problématique et limites du sujet:
L’Océan Atlantique s’est formé dans le contexte de la fragmentation d’un super continent, la Pangée.
Il s’agit d’un des océans les plus étudiés au monde, tant pour les aspects géologiques
qu’océanographiques. Il ne s’agit pas ici de détailler en profondeur les processus de rifting et
d’océanisation sous peine de risquer le hors-sujet (ce n’est pas la leçon ‘rifting et ouverture
océanique’, ni la leçon ‘la lithosphère océanique’), en revanche, il faut à partir d’exemples bien
justifiés montrer comment l’étude de l’Océan Atlantique a permis de mieux comprendre la formation
et l’évolution d’un océan. Il faut aussi illustrer les particularités de cet océan par rapport aux autres. De
même pour la partie océanographique : tous les océans ont une topographie dynamique, une
circulation affectée par Coriolis, des processus de transport d’Ekman etc…points qu’il faut aborder de
façon générale ici. En revanche, l’Atlantique possède une circulation thermohaline complexe, sur
laquelle il faut insister.
Il ne s’agit pas de traiter en détail une région particulière de l’Océan Atlantique (par ex. ne pas passer
10 min sur l’ouverture de Gascogne), mais d’identifier ce que chaque région a d’intéressant, de
particulier, et ce qu’elle apporte à la compréhension du ‘système Océan Atlantique’ (ex. pour le Golfe
de Gascogne, identification d’un point triple fossile, d’une réorganisation cinématique majeure au
moment de l’anomalie 34, qui correspond au début de la migration vers le Nord de l’Afrique…)
-Configuration et Dynamique actuelles de l’Océan ?
-Processus impliqués dans la formation de l’Océan ? Reconstruction de l’ouverture de l’océan ?
-Interactions entre l’ouverture et l’évolution de l’océan, et les processus océanographiques ?
1/La configuration actuelle de l’Océan Atlantique
1.1./ Méthodes d’étude de l’Océan Atlantique
-L’Océan Atlantique vu de l’espace : les apports de l’altimétrie spatiale pour cartographier les fonds
des océans, estimer le niveau marin et sa topographie dynamique, étudier la circulation océanique
-Les campagnes océanographiques : bathymétrie, sismique, carottages et forages ; mesure in situ des
paramètres physico-chimiques des masses d’eau, prélèvement des faunes et flores.
1.2./ Morphologie sous-marine de l’Océan Atlantique
-Les Dorsales de l’Océan Atlantique : de façon générale, morphologie de dorsale lente, avec vallée
axiale. Cas particulier du segment de Reykjanes, qui ne dispose pas de vallée axiale du fait de
l’influence du point chaud islandais. Découverte de ‘core complexes’ océaniques sur la dorsale midatlantique, où le manteau est exhumé le long de détachement d’échelle lithosphérique. Identification
de cheminées hydrothermales au niveau de la dorsale, ou parfois à quelques centaines de km de la
dorsale, comme au point triple des Açores.
Structure de l’Océan Atlantique Nord à partir de la gravimétrie mesurée par altimétrie satellitaire.
Notez la configuration particulière du segment de Reykjanes, ‘en fuseau’, qui mime la forme d’un
propagateur océanique, et dont la dorsale ne montre pas la vallée axiale typique des dorsales lentes.
Cartographie multifaisceaux d’un oceanic core complex identifié le long de la transformante
d’Atlantis. Il s’agit de zones où le manteau a été exhumé. La bathymétrie montre clairement des stries
sur le détachement, appelées corrugations.
-Les transformantes de l’Atlantique/ plusieurs milliers de km de long. La sismicité n’est localisée
qu’entre les segments de dorsales, la transformante fossile est appelée la zone de fracture. Ex.
Romanche, Vema, etc…Au niveau de la Romanche, présence d’un segment ‘diffus’, avec une zone
cisaillée sur 100 km de large, assez atypique pour l’Océan Atlantique. Les transformantes forment des
reliefs liés en majeure partie au différentiel d’âge, et donc au différentiel de subsidence thermique, de
la lithosphère de part et d’autre de la faille. De plus, la lithosphère océanique a des propriétés
rhéologiques (élastiques) telles que lors d’épisodes de déformation intraplaque, des rides de plus de
4000 m de haut peuvent se soulever en seulement une poignée de millions d’années (flexure). Il s’agit
des rides transverses (ex. au niveau de Vema).
Cartographie de l’Océan Atlantique Central, montrant les transformantes et leurs zones de fracture,
ainsi que la morphologie particulière des marges transformantes.
Distribution de la sismicité au niveau de la Romanche ; la sismicité est concentrée entre les 2 segments
de dorsale connectés par la transformante.
Cartographie du segment diffus de la transformante de la Romanche
-Marges continentales : essentiellement passives et transformantes ; Peu de zones de subduction :
seulement au niveau des Antilles (Fosse de Puerto Rico est profonde de 8000 m env.), et de Scotia
entre l’Amérique du sud et l’Antarctique. Notez le prisme d’accrétion de la Barbade, un des seuls
prismes émergé au monde (avec Makran et Taiwan). Lié aux abondants apports sédimentaires de
l’Orénoque.
-De nombreux points chauds atlantiques, qui forment souvent des chaînes d’îles volcaniques : Islande,
Açores, Canaries, Cap vert, Fernando, Saint Hélène, Trinidad, Tristan, Vema, Météor …Islande : un
point chaud émergé ! Les points chauds trouvent ici leur source autour de 400-600 km de profondeur,
selon les études tomographiques (assez superficiels).
1.3./ Sismicité et Cinématique récente (3.16 Ma)
-La carte de la sismicité trace les frontières des plaques impliquées dans le système atlantique. Il s’agit
des plaques : Nord Amérique, Sud Amérique, Nubie, Eurasie pour les principales. Microplaques :
Caraïbes, Scotia… Présence de zones de déformation diffuse ; ex. la zone de Tiburon au niveau de la
limite de plaque Nord Amérique/ Sud Amérique. Notez que les zones de déformation diffuse sont
situées à la même latitude que les deux seules zones de subduction de l’Océan Atlantique.
Carte de la sismicité et des frontières de plaque (modèle cinématique MORVEL)
-Vitesse mesurée VLBI/ou à partir des anomalies magnétiques (2A) (rappeler brièvement le principe,
voir leçon sur l’Océan Indien). Vitesse d'ouverture actuelle allant de 17 mm.an-1 dans l’Atlantique Sud
à 6,3 mm.an-1 au Nord de l’Islande.
-Les points triples : Açores, Bouvret, configurations discutées/ interactions avec les points chauds.
Configuration des points triple des Açores (gauche) et de Bouvet (droite). Le point triple des Açores a
une configuration débattue, la connexion avec la transformante des açores se faisant sous la forme
d’une zone de rifting distribuée, le rift de Terceira. Le point triple de Bouvet correspond en fait à un
propagateur océanique.
1.4./ la circulation océanique actuelle/ Plio-Quaternaire
-Les courants de surface, cartographie :
-Les masses d’eaux intermédiaires et profondes, leurs caractéristiques physico chimiques : Le Nord de
l’Océan Atlantique est, avec l’Antarctique, l’un des rares sites de formation d’eaux profondes, au
niveau de la mer de Norvège, et dans une moindre mesure dans les mers du Groenland et du Labrador.
La formation d’eaux profondes peut être suivie et mise en évidence par les isotopes radioactifs comme
le tritium, issus des centrales nucléaires, qui servent de marqueur.
Le moteur de la circulation thermohaline est la variation de densité des eaux, induite par des
changements de température et de salinité. Lorsque les eaux portées par le gulf stream arrivent au nord
de l’océan, elles ont une salinité de 35,25‰ (du fait de l’évaporation subie aux basses latitudes) et sont
déjà denses. Le piégeage d’eau douce au niveau des glaciers augmente la salinité. Le refroidissement
des eaux favorise aussi le plongement des eaux. Ce phénomène génère le North Atlantic Deep Water ,
ou Eau Atlantique Profonde (NADW), caractérisée par une forte salinité, entre 2.000 et 3.500 mètres
de profondeur, dans tout l'océan Atlantique. Cette circulation méridienne (N-S) favorise le transport
d’humidité vers l’hémisphère nord et ainsi la croissance des inlandsis. La circulation thermohaline est
régie par la cyclicité de Dansgaar-Oeschger (de l’ordre de 800-1500 ans).
-Les zones d’upwelling : Afrique de l’ouest.
Mise en évidence du plongement de la NADW dans l’Océan Atlantique Nord
Suivi des variations d’intensité de la circulation des masses d’eaux intermédiaries/profondes à partir
des traceurs géochimiques ( δ 13C)
1.5./ Diversité et distribution spatiale des systèmes sédimentaires
-Les grands systèmes turbiditiques et leurs dimensions : les systèmes de l’Amazone, du Zaïre…env.
330 000 km² de superficie chacun.
Cartographie multifaisceaux du système turbiditique du Zaïre. Notez le canyon, et les multiples
systèmes de chenaux-levées en partie distale
-De grands glissements de terrain sur les marges atlantiques : Storegga (2500 à 3000 km3), Terre
Neuve (200 km3).
Cartographie multifaisceaux du glissement du Storegga.
-Les drifts contouritiques, contrôlés par la circulation océanique : contourite de la marge de l’Algarve
à la sortie du détroit de Gibraltar, Ride d’Erik à l’entrée de la Mer du Labrador ; ride de Blake au large
des USA…
Carte de la distribution des contourites au niveau de l’Océan Atlantique
-La distribution des sédiments carbonatés, au dessus de la CCD & Lysocline, i.e. sur les dorsales, les
îles.
-Les Ice Rafted Detritus ; issus des débâcles glaciaires. Jusqu’à env. 60°N dans la configuration
actuelle.
2/ Déchirure continentale, formation et évolution de l’Océan Atlantique
En quoi l’étude de l’Océan Atlantique a permis de mieux comprendre les modalités de la déchirure
continentale et de la formation des océans ?
2.1./ Structure des marges passives
-Présence de marges volcaniques avec des SDR (ex. Norvège, Brésil, etc…) et de marges appauvries
en magma (ex. Galice), avec exhumation du manteau, et parfois présence de rides de péridotites.
Distribution des marges volcaniques, assez communes dans l’Océan Atlantique ; en lien avec l’activité
des points chauds.
-Diversité des structures des marges passives selon la configuration initiale des niveaux de
décollements. Les marges sont segmentées par les failles de transfert. Les marges conjuguées sont
souvent dissymétriques.
Schéma illustrant la notion de segmentation des marges passives, et la diversité des structures que l’on
peut rencontrer le long des marges d’un même océan.
-Les failles de transfert, localisées dans le prolongement des failles transformantes/zones de fracture,
segmentent les marges et autorisent une grande diversité de structures le long d’un même océan. Selon
le segment considéré, il peut y avoir un degré d’étirement différent ; une configuration différente des
détachements et une inversion de l’asymétrie.
-Un exemple de marge conjuguée : Ibérie et Terre Neuve.
Reconstruction du rifting Grand banks/Ibérie au Crétacé inf, lors des tous premiers stades de
l’océanisation. Notez que la zone de rifting est diffuse (rift large).
-Marges transformantes (Ghana-Côte d’Ivoire ; Guyane), avec rides marginales, et transition
continent-océan étroites (<100-150 km), qui se sont développées dans les premiers stades d’ouverture
de l’océan.
-Des niveaux de sel déposés dans les premiers stades du rifting jouent le rôle de niveaux de
décollements au sein de la pile sédimentaire, et favorisent la mise en place de tectonique gravitaire sur
de nombreuses marges de l’Atlantique.
2.2./pétrologie de la lithosphère océanique
-Expéditions en submersible sur les zones de fracture, qui fournissent des affleurements de la
lithosphère, et permettent d’en construire la coupe.
-Atlantique : mise en évidence de dorsales de type LOT/ Lherzolite Ophiolite Type.
2.3./ Mécanisme d’ouverture de l’Océan Atlantique
L’Atlantique permet d’illustrer les mécanismes de déchirure continentale par cisaillement simple.
Dessiner au tableau un schéma bilan de ce type en indiquant des lieux où les structures figurées sont
observées (ex. TerreNeuve-Ibérie)
3/ Reconstructions paléogéographiques de l’Océan Atlantique
Reconstructions paléogéographiques de l’ouverture de l’Océan Atlantique
-Rappeler le principe des reconstructions basées sur les anomalies magnétiques du plancher océanique
(Vine & Matthews). Voir correction de la leçon sur l’Océan Indien pour résumé.
Les grandes lignes de l’histoire de l’Océan Atlantique :
L’ouverture de l’Atlantique se fait selon une direction E-W et aboutit à la fragmentation de la Pangée.
*Rifting initié en atlantique du sud autour de 190 Ma mais océanisation dès 170-180 Ma
*Parana-Etendeka à 132 Ma, volume estimé à 2.3 millions de km3.
*Sel déposé à l’Aptien dans l’Atlantique Central durant les premiers stades du rifting, explique la
présence de tectonique gravitaire.
*Problème de la période magnétique calme du Crétacé, localisation de l’anomalie M0 débattue
*Ouverture océan atlantique équatorial claire à l’anomalie 33 mais peut-être initiée un peu avant
*Phase compressive enregistrée autour de 84 Ma (A34) sur les marges (déformation intraplaque) ;
début de la migration vers le nord de l’Afrique
* Depuis 84 Ma accrétion ~symétrique.
*Point chaud islandais se manifeste autour de 55 Ma.
*Changement cinématique autour de 7-8 Ma, mais pas de conséquence majeure sur l’ouverture.
Soulèvement de rides transverses le long de transformantes à cette époque.
Moteur de l’ouverture : les forces de volume principalement. Peu de % de frontières en subduction.
4/Les interactions entre la tectonique, l’hydrosphère et la biosphère au cours de l’histoire de
l’Océan Atlantique
*Au Plio-Pleistocène : Fermeture de Panama et mise en place de la circulation thermohaline N-S.
*Au Messinien/ connexion Méditerranée et océan Atlantique suite à l’ouverture de Gibraltar, la veine
d’eau méditerranéenne entraîne une augmentation de la salinité des eaux dans le Nord de l’Atlantique,
et facilite la formation d’eaux profondes.
* A l’Oligocène : ouverture du passage de Drake permet l’isolement thermique de l’Antarctique (ne
pas trop s’étendre, à la limite géographique du sujet).
* Au Mésozoïque : formation des dorsales entraîne de grandes transgressions (ex. Mer de Craie du
bassin de Paris. L’activité volcanique est telle que l’effet de serre est augmenté, période Green house.
L’Atlantique y contribue fortement.
*Faible/absence de ventilation des océans ; favorise la formation d’OMZ (Oxygen Minimal Zone),
propice à la préservation de matière organique (pas oxydée). Forte productivité planctonique au
Crétacé dans l’Océan Atlantique, favorise aussi la formation de pétrole.
Conclusions :
Particularités de l’Océan Atlantique :
-Peu de frontières en subduction, mais aléa tsunami présent (Lisbonne)
-Elément clef de la circulation thermohaline, l’une des seules régions au monde où des eaux profondes
sont formées.
-Des systèmes turbiditiques imposants, de gros glissements de terrain sous-marins, de vastes drifts
contouritiques : le paradis de la sédimentologie détritique !
-Une grande diversité structurale au niveau des marges (appauvries en magma ou volcaniques,
transformantes, prisme d’accrétion de la Barbade). Tectonique gravitaire assez fréquemment
rencontrée.
-Parana-Etendeka est l’une des provinces magmatiques les plus importantes de l’histoire de la Terre.
-Un Océan de Type LOT
-Des conditions de formation ayant favorisé de grands gisements pétrolifères.
Bon courage et bonne réussite!
Eléments généraux sur les Antilles :
Je ne pense pas qu’il faille consacrer une partie entière à cette subduction dans la leçon, car c’est assez
mineur à l’échelle de tout l’Océan… Une petite coupe pour fixer les éléments essentiels au cas
où…Voir archives du CAPES de 2007 pour réviser.
Thèse de Thibaut Pichot pour synthèse en français :
https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-00846889/document
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