SUIVI SANITAIRE
DES GALLIFORMES DE MONTAGNE
DANS LES ALPES FRANCAISES
RESULTATS des TRAVAUX EFFECTUES de
2009
à
2011
Eric BELLEAU
Année 2012
2
INTRODUCTION
Dans le cadre du programme Alcotra, un suivi sanitaire de plusieurs populations de galliformes
de montagne des Alpes françaises a été réalià partir de l’examen nécropsique de plus d’une
centaine de tractus digestifs collectés entre 2008 et 2012 pour la plupart auprès de
chasseurs volontaires. Pour compléter ces résultats, près de 1700 échantillons de fientes
fraîches ont été récoltés au cours de la même période et analysés par coproscopie
microscopique (tableau n°1).En mesurant le parasitisme,ce suivi est destiné à dresser un nouvel
état de santé des populations soumises au changement climatique et à de nombreuses
perturbations humaines.
ESPECE TRACTUS DIGESTIFS COPROSCOPIES
TETRAS-LYRE 55 539
LAGOPEDE ALPIN 15 583
PERDRIX BARTAVELLE 30 421
GELINOTTE DES BOIS 7 128
TOTAL 107 1671
Tableau n°1 : Répartition des prélèvements en fonction de l’espèce de Galliforme étudiée
RESULTATS concernant le TETRAS-LYRE
Les espèces de parasites identifiées au cours de cette étude sont celles classiquement
rencontrées lors des études précédentes réalisées en France et en Italie (tableaux 2 et 3).
Les prévalences et intensités moyennes d’infestation sont plus faibles que dans celles réalisées
sur le versant italien des Alpes. Elles sont également plus faibles que dans nos travaux réalisés
avant 2008 pour les parasites à cycle direct dans les Alpes et Préalpes du Nord.
Capillariacaudinflata
, nématode très fin parasitant le duodénum, est l’helminthe le plus
fréquemment rencontré chez les tétras-lyres étudiés. 44% des bilans parasitaires et 16% des
coproscopies sont positifs. Ce parasite est surtout présent dans la partie nord des Alpes.
Ascaridiacompar
, gros ver rond parasite de l’intestin grêle est quant à lui présent dans 13%
des bilans parasitaires et dans 6% des coproscopies. Comme
Capillaria
, il est présent dans le
nord des Alpes dont le climat froid et humide favorise l’accomplissement de son cycle direct.
Les
Cestodes
, vers plats et segmentés vivant dans l’intestin, non détectés par la méthode
coproscopique, se rencontrent dans 18% des intestins examinés. On les retrouve dans tous les
secteurs surtout chez les oiseaux de l’année et les infestations les plus fortes sont constatées
dans les Alpes du Sud.
Enfin, les
Coccidies
sont les seuls Protozoaires parasites dépistés dans cette étude, on les
rencontre dans moins de 10% des analyses à des taux souvent très faibles.
SECTEUR NOMBRE ASCARIDIA
CAPILLARIA
COCCIDIES
3
PREALPES DU NORD 8 13% 13% 25%
BELLEVILLE
NON SKIE
54 28% 17% 6%
BELLEVILLE
SKIE
102 12% 57% 2%
BELLEDONNE
NON SKIE
5 0% 0% 20%
BELLEDONNE
SKIE
26 8% 58%
AUTRES SECTEURS ALPES DU NORD 181 0% 1% 2%
CHAMPSAUR 51 0% 0% 69%
PREALPESDU SUD 18 6% 11% 11%
ALPES DU SUD 94 0% 0% 4%
TOTAL 539 6% 16% 10%
Tableau n°2 : Résultats des coproscopies réalisées chez le Tétras-lyre : fréquence d’excrétion pour
chaque parasite dans les différentes zones d’étude.
SECTEUR NOMBRE ASCARIDIA CAPILLARIA CESTODES COCCIDIES
PREALPES DU NORD 8 0 25% (3,5) 13% (2) 0
BELLEVILLE 5 80% (13) 100% (24) 40% (2,5) 0
BELLEDONNE 8 38% (1) 88% (20) 13% (2) 13%
AUTRES SECTEURS
ALPES DU NORD
21 0 48% (4) 10% (1,5) 14%
CHAMPSAUR 2 0 0 50% (5) 0
ALPES DU SUD 11 0 0 27% (31) 9%
TOTAL 55 13% (8)
1
45 ex.
44% (13)
1
85 ex.
18% (11)
1
62 ex.
9%
Tableau n°3 : Résultats des bilans parasitaires sur tractus digestifs réalisés chez le tétras-lyre :
Prévalence (intensité moyenne d’infestation) et infestations maximales pour chaque parasite dans les
différents secteurs d’étude.
Les résultats les plus marquants chez le tétras-lyre concernent
capillaria
dans deux secteurs
d’étude : le massif de BELLEDONNE et la vallée des BELLEVILLE, tous deux situés dans les
Alpes du Nord et présentant comme caractéristiques communes de bonnes densités en tétras-
lyre, de fortes prévalences pour
capillaria
et la présence d’importants domaines skiables ayant
une emprise considérable sur le biotope à tétras.
Dans ces deux zones, les résultats obtenus montrent une différence très importante
d’excrétion d’œufs de
capillaria
dans les fientes entre les secteurs skiés très dérangés et les
secteurs témoins peu perturbés : la fréquence d’excrétion est presque multipliée par 4 dans
les zones fortement skiées (57% contre 15%)(tableau n°2).
Cette différence s’accentue encore si l’on s’intéresse aux résultats hivernaux et printaniers
(tableau n°4) : les fréquences d’excrétion des secteurs skiés et des secteurs témoins sont
basses à l’automne à la période les oiseaux sont au mieux de leur condition physique mais
alors que celles des secteurs témoins restent stables, celles des secteurs skiés augmentent
fortement en hiver et au printemps.
AUTOMNE HIVER PRINTEMPS
4
SECTEURS NON SKIES 10%(n=10) 21% (n=29) 10% (n=20)
SECTEURS SKIES 13% (n=23) 68%(n=65) 65% (n=40)
Tableau n°4 : Fréquence d’excrétion saisonnière pour capillaria chez le tétras-lyre dans les secteurs
skiés et non skiés de BELLEDONNE et des BELLEVILLE
Ce phénomène peut aussi être illustré par le suivi effectué au cours de l’hiver 2010-2011 sur un
groupe d’une douzaine de tétras-lyres hivernant en plein milieu du domaine skiable des
Ménuires dans la vallée des BELLEVILLE en Savoie. Nulle en automne, la fréquence d’excrétion
de
capillaria
grimpe peu après le début du dérangement hivernal et reste très élevée jusqu’au
printemps (tableau n°5)
DATE NOMBRE PRELEVEMENTS FREQ. EXCRETION CAPILLARIA
2/11/2010 11 (chant automnal) 0%
Début du dérangement hivernal
21/12/2010 11 (igloos) 82%
11/01/2011 8 63%
14/01/2011 9 56%
8/03/2011 12 83%
8/03/2011 29 (secteurs moins dérangés) 21%
Tableau n°5 : Résultats du suivi coproscopique effectué en hiver 2010-2011 sur un groupe d’une
douzaine de tétras-lyres hivernant dans le secteur skié de La Masse (Les Ménuires). La dernière ligne
concerne des oiseaux hivernant dans un secteur moins perturbé (Plan du Genièvre et Croix Jean-Claude).
Ces résultats sont très proches de ceux déjà obtenus lors de nos études précédentes à la fin
des années 80 dans le massif de BELLEDONNE et depuis 1998 dans le cadre du suivi sanitaire
de la faune sauvage du Parc National de la Vanoise dans la vallée des BELLEVILLE. La seule
différence a concerné la difficulté à trouver des secteurs témoins non dérangés car la
pratique du ski hors-piste et des raquettes a pris beaucoup d’ampleur sur les deux sites
étudiés et déborde désormais de façon très importante des domaines skiables proprement
dits.
Ces résultats peuvent s’expliquer de la façon suivante : dans les 2 zones, les prévalences pour
capillaria
sont très fortes (100% et 88%) (tableau n°3) et les intensités d’infestation sont
moyennes, de l’ordre d’une vingtaine de vers par intestin, à la limite d’une détection régulière
des œufs dans les crottes (fréquence d’excrétion d’environ 10% comme celle constatée en
automne). Face au stress répété et excessif lié au dérangement hivernal dans les zones skiées,
les oiseaux utilisent un surcroît d’énergie et puisent dans leurs réserves, au détriment de
leurs défenses immunitaires qui diminuent et ne permettent plus de lutter efficacement
contre le développement de certains parasites comme
capillaria
. Ces parasites se reproduisent
alors plus facilement, ce qui explique les fortes excrétions d’œufs enregistrées en hiver et au
printemps dans les zones skiées.
RESULTATS concernant le LAGOPEDE ALPIN
5
Comme chez le tétras-lyre, les espèces de parasites identifiées sont régulièrement
rencontrées en France et en Italie. L’exception est constituée par la découverte d’un
trématode hépatique du genre
Amphimerus
responsable de la mort d’un lagopède du massif du
BARGY dans les Préalpes du Nord.
Les prévalences et intensités d’infestation globales semblent plus fortes qu’en Italie mais sont
surévaluées du fait du parasitisme très important enregistré dans les Préalpes du Nord et du
Sud (tableaux n°6 et 7).
Capillariacaudinflata
constitue comme chez les autres tétraonidés l’helminthe le plus souvent
rencontré chez les lagopèdes étudiés. 53% des bilans parasitaires et 33% des coproscopies
sont positifs. Ce nématode est présent dans tous les secteurs étudiés avec de grosses
variations de fréquence d’excrétion.
Ascaridiacompar
est quant à lui présent dans 7% des intestins et 14% des échantillons de
crottes. Il est essentiellement rencontré dans les Préalpes du Nord.
Les
Cestodes
sont présents dans 13% des intestins.
Les
Trématodes
sont retrouvés dans 13% des bilans parasitaires et dans 6% des coproscopies
presque exclusivement dans les Préalpes du Nord. Si ces trématodes sont responsables de la
mortalité d’un oiseau par lyse du foie, il est difficile de déterminer leur impact dans les zones
où les coproscopies sont positives.
Les
Coccidies
sont quant à elles présentes dans près du tiers des prélèvements et dans tous
les secteurs d’étude.
Deux résultats concernant l’étude chez le lagopède méritent l’attention :
Les analyses coproscopiques effectuées sur 18 oiseaux suivis par télémétrie sur le domaine
skiable de Flaine et sa périphérie dans le massif du Haut-Giffre montrent comme chez le
tétras-lyre une forte différence d’excrétion d’œufs de
capillaria
entre oiseaux dérangés
et non dérangés en hiver (84% contre 22%). La télémétrie et l’important travail accompli
sur le terrain fournissent des données encore plus précises que celles obtenues chez le
tétras-lyre et apportent la confirmation de l’importance de l’impact du dérangement
hivernal chez les tétraonidés vivant au sein des domaines skiables.
Un autre phénomène remarquable est constitué par les fortes infestations enregistrées
dans les massifs préalpins (tableau n°6). Dans les Préalpes du Nord (Tournette, Bargy,
Aravis et Giffre), les prévalences et fréquences d’excrétion pour
Ascaridia, Capillaria
et
Trématodes sont exceptionnellement élevées et inhabituelles chez le lagopède. Dans les
Préalpes du Sud (Dévoluy et Vercors), la fréquence d’excrétion pour
capillaria
est
également extrêmement forte, disproportionnée par rapport à la faible densité en oiseaux.
Même si nous disposons de trop peu de données anciennes pour affirmer qu’il s’agit d’un
phénomène récent, il est possible de suspecter un effet du changement climatique
favorisant l’infestation parasitaire dans les populations de basse altitude. Un argument en
faveur de cette hypothèse est fourni par les résultats des Alpes du Sud
capillaria
était
rarissime avant 2003 et progresse régulièrement depuis pour être présent dans 10% des
prélèvements à l’heure actuelle.
SECTEUR NOMBRE
ASCARIDIA CAPILLARIA TREMATODES
COCCIDIES
PREALPES DU NORD
(sauf GIFFRE)
53 43% 66% 13% 26%
1 / 9 100%
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