l’existence initiale d’une peur ou
d’une phobie sociale multiplie
par deux à trois le risque de deve-
nir un fumeur dépendant (10).
Les adolescents,
particulièrement
vulnérables
La notion de phobie sociale a des
conséquences importantes aux
différentes phases de l’évolution
de la dépendance tabagique.
Chez les adolescents, à la phase
d’installation de la dépendance, ce
trouble psychologique constitue
indiscutablement un facteur de vul-
nérabilité favorisant l’installation
rapide d’une consommation impor-
tante avec, en quelques semaines ou
mois, la perte du contrôle de la
consommation (3). Il est donc
important de dépister chez l’adoles-
cent cette vulnérabilité psycholo-
gique qui est souvent associée à des
affects négatifs, avec diverses mani-
festations de neuroticisme : pessi-
misme, hyperémotivité, fragilité
psychologique. Il faut rechercher
ces états chez les adolescents qui se
disent stressés, timides, avec des
difficultés d’affirmation de soi. Ce
sont, en effet, des facteurs impor-
tants, à la fois pour l’utilisation du
tabac et aussi pour celle du cannabis
et de l’alcool de façon aiguë. Des
difficultés scolaires et des troubles
des conduites sont souvent associés.
De nouvelles stratégies de préven-
tion sont donc indispensables chez
les adolescents. Elles doivent être
fondées sur le dépistage et le traite-
ment spécifique de ces troubles, en
particulier par l’utilisation large des
stratégies comportementales et
cognitives. Malheureusement, jus-
qu’alors, “l’art d’être à l’aise avec
les autres n’est pas enseigné à
l’école” (1).
Dépister et traiter ces
troubles anxieux
Chez le fumeur adulte, ces troubles
anxieux doivent donc être systéma-
tiquement dépistés principalement
chez ceux qui ont échoué dans de
multiples tentatives de sevrage, a
fortiori si une consommation d’al-
cool est associée. Ce dépistage est
d’autant plus indispensable qu’il
existe un traitement efficace. Celui-
ci repose sur l’association des inhi-
biteurs de recapture de la sérotonine
(IRS) et des thérapies comporte-
mentales et cognitives (TCC) (2, 5).
Lors du sevrage tabagique, à la sub-
stitution nicotinique présente, à
dose et pour une durée suffisantes,
il convient donc d’associer les IRS
ou les IR sérotonine noradrénaline,
dont certains ont la phobie sociale
comme indication dans leur autori-
sation de mise sur le marché (2). En
effet, il est fréquent que les antécé-
dents anxio-dépressifs d’avant le
sevrage s’accentuent, que les syn-
dromes de sevrage soient très
intenses, et que des épisodes
dépressifs apparaissent…
Ce traitement pharmacologique ne
doit pas être systématique pour tous
les fumeurs dépendants : il peut être
proposé lorsque des troubles
anxieux et dépressifs existent, ce
qui, bien évidemment, ne représen-
te pas la majorité des fumeurs !
Mais si l’on considère le groupe des
fumeurs dépendants, les divers
troubles anxieux sont présents dans
environ un tiers des cas.
Pour la prévention des rechutes, les
TCC sont indispensables pour
apprendre à ces sujets la gestion du
stress, l’affirmation de soi et pour
les aider à la restructuration cogniti-
ve. Cela peut être fait dans des
séances de postcure, en groupes de
8 à 10 personnes, sur une durée de
trois mois. Un tel programme est
maintenant réalisé au Centre de
tabacologie de l’hôpital Albert-
Chenevier, à Créteil. Les bénéfices
sont essentiels : confirmation de
l’arrêt du tabac et, parallèlement,
amélioration de la qualité de vie
psychologique.
Références
bibliographiques
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Psychiatry 2000 ; 15 : 46-58.
Définition
La phobie sociale est un concept récent, introduit dans les
années 1970 par les psychiatres américains. C’est un des
troubles anxieux dans la classification américaine du DSM-
IV. Quatre critères principaux caractérisent cette affection :
•la peur du regard et du jugement des autres, ainsi que des
situations où la performance est importante (examens, vie
professionnelle…) ;
•l’anxiété anticipatoire (“j’ai peur d’avoir peur de…”) ;
•la conscience du caractère exagéré, déraisonnable de la
crainte ;
•l’évitement des situations générant ces craintes.
En fonction de l’importance des troubles, on parlera soit
d’anxiété sociale, soit de phobie sociale simple ou complète
(4 critères présents) (2, 7, 9 ).