d'Aix à Avignon, alors infestée de brigands, une chapelle. En 1320 les bâtiments furent confiés aux
chartreux qui lui donnèrent leur nom.
En cet hiver 1806 les murs de l'hostellerie du couvent se reflétaient dans l'eau calme de la Durance.
L'imposant édifice mi-monastère par son isolement, mi-château par ses fortifications, s'ordonnait
autour d'une cour centrale: la cour d'honneur. Il avait reçu de nombreux pèlerins, voyageurs et hôtes
de marque; Madame de Sévigné en visite dans la famille de sa fille (1) appréciait les haltes dans
l'hostellerie du couvent. Mais les chartreux ayant été chassés en 1792, les superbes bâtiments
n'étaient plus aussi bien entretenus.
La chapelle pourtant, dressée au sud-est de l'ancienne hostellerie, dominait le port des bacs qui
assuraient le passage de la rivière.
C'est là que naquit, le 5 janvier 1806 à trois heures du soir, un enfant de sexe masculin dont le
premier prénom fut Almentaire, mais que l'on appela Adolphe. Dans un recueil de poèmes intitulé
PROVENCE, Adolphe Dumas évoque ainsi le lieu de sa naissance:
Regarde à ta fenêtre, ami; ne vois-tu pas
Ce pont sur la Durance et ce bourg? C'est BON-PAS.
Et làèhaut, ce coteau d’oliviers d'où l'œil plane
Au val de Cavaillon, de Nove et de Cabanne, (2)
Enfin sur ce rocher, ce cloître eice saint lieu,
Battu comme Sina, par les foudres de Dieu?
C'est là que je suis né.
(1) Le 29 janvier 1669 Madame de Sévigné maria sa fille Françoise au comte de Grignan. Dès 1671
les jeunes époux sinstallèrent au château de Grignan. Madame de Sévigné leur rendit visite à trois
reprises: de juillet 1672 à octobre 1673; d'octobre 1690 à décembre 1691 et de mai 1694 à sa mort en
avril 1696.
(2) Cabanne: petite agglomération sur la rive droite de la Durance. L’orthographe moderne est
Cabannes. La carte dite de Cassini achevée d'imprimer en 18 15 porte Cabane.
Bien des années plus tard revenant sur ces lieux, le poète ne retrouva plus que l'ombre de son passé:
J'ai revu sur son roc, vieille, nue, appauvrie,
La maison des parents, la première patrie,
L'ombre du vieux mûrier, le banc de pierre étroit,
Le nid que l'hirondelle avait au bord du toit,
Et la treille, à présent, sur les murs égarée,
Qui regrette son maître et retombe éplorée. (1)
C'est que vers 1830, en effet, l'église abbatiale, les cloîtres et les nombreux édifices furent détruits.
Mais en 1806 lorsque naquit l'enfant, l'activité était grande encore au pied de l'imposant bâtiment.
Certes ce n'était plus le prévenant empressement des chartreux mais la bruyante agitation des
passeurs du bac qui emplissaient le silence de leur faconde provençale. C'est à cet endroit en effet, au
pied de la chapelle, que se trouvait le port des bacs qui permettait de traverser la Durance. Nul pont,
à cette époque, ne franchissait à cette hauteur le fleuve. Ce passage pourtant était essentiel car il
permettait la communication entre les lointains villages de Haute Provence, ceux, plus proches du
Lubéron, les pays d'Apt et de Forcalquier avec les plaines fertiles du Rhône et plus encore les
marchés privilégiés qui avaient nom Beaucaire et Tarascon. Il avait donc fallu faciliter le passage; or à
BONPAS, la Durance particulièrement étale, est souvent calme; son débit s'épuise dans la largeur de
son lit et les dangers de la traversée diminuent en conséquence. C'étaient des bacs, guidés par des
passeurs qui permettaient donc de traverser le fleuve.
(1) in PROVENCE La maison sur le roc. v 1 et sqts.