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A
UTOUR DE
ÇA IRA (1) FIN DE LOUIS
DE JOËL POMMERAT
COMPAGNIE LOUIS BROUILLARD
Le spectateur daujourdhui na pas envie quon réfléchisse à sa place.
Il a envie quon lui laisse un espace.
JOËL POMMERAT (ENTRETIEN AVEC ALTERNATIVES THEATRALES, 2011)
RESSOURCES A DESTINATION DES ENSEIGNANTS, ELEVES ET ETUDIANTS
Ces documents visent à ouvrir des pistes de réflexion et à expliquer le travail de
création sans imposer, si possible, une lecture du spectacle, dont le sens se veut ouvert
à la réception de chaque spectateur.
DOSSIER REALISE PAR MARION BOUDIER ET LA COMPAGNIE LOUIS BROUILLARD.
Remerciements aux élèves de khâgne du Lycée Fénelon et à leur professeur Bertrand
Schiro pour leur contribution.
Toutes les photos de ce dossier ont été prises par Elisabeth Carecchio.
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SOMMAIRE
Une fiction inspirée de la Révolution française ..................................................................... 3
Déroulé du spectacle .......................................................................................................... 3
Dramaturgie : reconstruire une histoire complexe ............................................................ 5
Une époe ? ...................................................................................................................... 7
Rendre le passé présent .......................................................................................................... 9
Dhier à aujourdhui : résonnances et filiations ................................................................ 13
Une histoire sensible ........................................................................................................... 13
La parole et son lieu ............................................................................................................... 15
La parole est laction ......................................................................................................... 15
Espace théâtral, espace démocratique ......................................................................... 17
Le processus de création ...................................................................................................... 20
Ecrire avec la scène .......................................................................................................... 20
Ecrire lHistoire ..................................................................................................................... 21
Un tournant dans l’œuvre de Joël Pommerat ? ................................................................... 24
Annexes .................................................................................................................................. 26
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UNE FICTION INSPIREE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE
Documents proposés en annexe :
- dialogue de présentation du spectacle
- plan scène à scène
- descriptif des personnages
- chronologie historique
Ça ira (1) Fin de Louis est une fiction politique inspirée du processus révolutionnaire de
1787 à 1791. Le spectacle représente ce moment dinvention démocratique,
fondement de nos représentations politiques contemporaines.
Joël Pommerat décrit son spectacle comme une « épopée » historique et une « fiction
vraie ».
Ça ira (1) Fin de Louis nest pas une reconstitution historique de la Révolution française,
mais une création fictionnelle. Cest une fiction documentée, « vraie » en ce sens, mais
qui sautorise des licences poétiques. On retrouve ce mélange entre réalité et fiction
dans la plupart des spectacles de Joël Pommerat.
DEROULE DU SPECTACLE
Les événements de Ça ira (1) Fin de Louis sinspirent de la période 1787-1791.
La première partie du spectacle introduit le contexte de crise économique et politique,
depuis la tentative de réforme fiscale voulue par le roi jusquau « coup détat » des
députés du tiers-état qui se déclarent Assemblée Nationale.
Cest la première fois depuis très longtemps que la population est autorisée et même
invitée à sexprimer et se réunir pour élire ses représentants. Mais la réunion du
parlement des Etats généraux est « bloquée » : le tiers-état, qui représente la majorité
de la population, refuse de travailler selon lusage de trois chambres séparées ayant
chacune une voix, car les deux partis privilégiés de la noblesse et de lEglise risquent de
sallier pour créer une majorité alors quils ne représentent quune minorité des Français.
La présence de militaires autour de Versailles et de Paris fait courir des rumeurs de
massacre général. Les premières violences éclatent.
La deuxième partie du spectacle représente le travail concret de lAssemblée et
lirruption de la violence jusquà ce que des députés nobles proposent la suppression
de leurs avantages.
Craignant une répression militaire, les Parisiens se sont armés et ont attaqué la prison
centrale, mais après la venue du roi à Paris pour apaiser la situation, le peuple croit
sincèrement que Louis va accompagner la révolution. Les députés travaillent à
lécriture de la Constitution tout en devant faire face à la généralisation de la violence
dans le pays, à la pénurie alimentaire et à la menace de banqueroute.
La troisième partie du spectacle montre le fossé se creuser entre la population, les
députés et le roi.
Une manifestation de Parisiens menés par des femmes fait irruption à Versailles à
lAssemblée, accuse et malmène les députés, exige de voir le roi et lui demande des
comptes. Un climat de guerre civile sinstalle, certains nobles appelant à une contre-
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révolution violente. Transféré à Paris, le roi garde confiance, convaincu que la majorité
silencieuse de la population le soutient et que les travaux de lAssemblée sont voués à
léchec.
Pourquoi avoir choisi une séquence historique allant de lassemblée des
notables, dès 1787, jusquau printemps 91 ?
Ce choix correspond, je crois, à la volonté de Joël Pommerat de dérouter les
récits dominants de la tradition dramaturgique ainsi quà proposer une histoire
« épaisse », qui restituerait le rôle et lintelligence de chacun des acteurs de la
Révolution. Commencer en 1787, cest-à-dire au moment le roi convoque
lAssemblée des Notables et se retrouve confronté à leur farouche opposition,
déplace lacte de naissance de lévénement, habituellement fixé aux Etats
Généraux de mai 89, ce qui présente un intérêt dramaturgique, mais rend aussi
compte des recherches récentes : une des thèses fortes de lhistorien Jean-
Clément Martin est ainsi de montrer que la Révolution française ne commence
pas par les actions des patriotes mais que ce sont ceux que lon appellera les
« Contre-Révolutionnaires » qui provoquent le blocage initial, menant à
leffondrement de la monarchie absolue. encore, cette tension entre
recherche historique et dramaturgique me semble particulièrement
représentative du travail mené en commun. Quant au choix du printemps 1791,
il sexplique un peu de la même manière. Il est cohérent dun point de vue
historique : la fuite du roi (20 juin 1791) constitue un des principaux tournants de
la Révolution. Il revêt également un sens dramaturgique, le spectacle étant en
partie centré sur la trajectoire de Louis XVI. Pour lévénement révolutionnaire
comme pour la personne du roi elle-même, le printemps 1791 symbolise, de ce
fait, une sorte de point de non-retour.
Guillaume Mazeau (conseiller historique),
Revue dHistoire du Théâtre, n° 268, 2015
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Commencer avant 1789 déporte le spectacle par rapport à un récit schématique et
consensuel de la Révolution tel que la en partie fossilisé le Bicentenaire.
Débuter le spectacle par la crise et les tentatives de réformes des années 1786-1788
établit également un lien entre la politique et léconomie, qui est par ailleurs un motif
récurrent dans les spectacles de Joël Pommerat (par exemple dans Les Marchands,
Ma chambre froide, La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce).
DRAMATURGIE : RECONSTRUIRE UNE HISTOIRE COMPLEXE
Dans lensemble, la dramaturgie du spectacle a été guidée par la volonté de raconter
une histoire qui donne à voir un processus et ses acteurs dans leur variété et sans
préjugés.
Lhistoire est racontée « avec innocence », comme si nous nen connaissions pas la fin
ni les héros. Réécriture de larchive et imagination se sont mêlées pour « rendre
présent » le passé dans toute son imprévisibilité (voir ci dessous « RENDRE LE PASSE PRESENT »
et « LE PROCESSUS DE CREATION »).
En représentant des assemblées, des réunions, des débats, en mettant en
scène la conflictualité révolutionnaire, lavènement de citoyens autonomes et
délibérants, Ça ira (1) Fin de Louis cherche à placer les spectateurs au cœur
de la complexité humaine de lexpérience politique.
Marion Boudier, Avec Pommerat, un monde complexe, Actes Sud, 2015
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