La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 5 - mai 2012 | 275
Points forts
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L’arrivée des anticorps monoclonaux a bouleversé le traitement du cancer. L’identification de nouvelles
cibles et les avancées dans l’ingénierie des anticorps ouvrent la voie à de nouvelles applications.
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Les anticorps conjugués sont composés d’un anticorps monoclonal dirigé contre un antigène spécifique
et d’un agent cytotoxique, connectés par une liaison stable. Un anticorps conjugué optimal combine les
meilleures caractéristiques de chacun de ses composants.
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Alors qu’un nouvel immunoconjugué, le brentuximab védotine, a récemment été approuvé pour le
traitement des lymphomes CD30+ réfractaires, un grand nombre d’anticorps conjugués est en cours de
développement, notamment dans le cancer du sein HER2-positif, où le trastuzumab emtansine (T-DM1) a
déjà obtenu des résultats prometteurs.
Mots-clés
Thérapie ciblée
Anticorps conjugués
Cancer
Cytotoxicité
Antigène
Highlights
»
Despite significant prog-
ress in the development
of anticancer drugs, novel
compounds with improved
therapeutic indexes are still
needed. Advances in antibody
engineering and the under-
standing of cellular mecha-
nisms give new perspectives
in cancer treatment. Among
the most advanced applica-
tions, antibody-drug conjugates
(ADC) are designed to provide,
selectively, a potent cytotox-
icity in tumor cells expressing
surface antigen. ADCs are
composed of one or several
cytotoxic agents connected to
a monoclonal antibody through
a stable linker.
»
Early ADCs were composed
of murine monoclonal anti-
bodies covalently linked to
anticancer drugs, such as doxo-
rubicin, vinblastine, and metho-
trexate. These conjugates were
evaluated in human clinical
trials but had limited success
due to immunogenicity, lack of
potency, and insuffi cient selec-
tivity. Lessons learned from
these early explorations led
to improvements in antibody
conjugate therapeutics and
hence to renewed interest in
this technology.
Keywords
Targeted therapy
Antibody-drug conjugates
Cancer
Cytotoxicity
Antigen
internalisés est inférieur au nombre de complexes
fi xés sur la cellule. L’internalisation de l’anticorps
est une étape primordiale (4).
Agents cytotoxiques
La puissance de l’agent cytotoxique est détermi-
nante pour l’effi cacité des anticorps conjugués.
La première génération d’anticorps conjugués
comportait des agents cytotoxiques approuvés dans
le traitement du cancer, comme la doxo rubicine,
le méthotrexate et le 5 fl uoro-uracile (5-FU). Mais
l’effi cacité de ces anticorps était limitée, en partie
du fait de la faible puissance des agents cyto-
toxiques (4). En effet, la concentration des anti-
corps conjugués retrouvée dans les tumeurs ciblées
représente 0,01 % de la dose injectée par gramme
de tumeur. Par conséquent, la cytotoxicité de l’anti-
corps conjugué doit être de 100 à 1 000 fois plus
élevée que celle des agents utilisés dans la chimio-
thérapie conventionnelle pour atteindre l’effi cacité
thérapeutique (4, 5).
Des cytotoxines beaucoup plus puissantes ont
récemment été testées, comme les maitansinoïdes,
les auristatines et la calichéamycine.
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Les maitansinoïdes sont des produits naturels de
structure macrocyclique. Leur mécanisme d’action
consiste à inhiber la polymérisation de la tubuline et
induire par la suite la mort cellulaire. Ils ont une puis-
sante cytotoxicité in vitro. Les anticorps conjugués
aux maitansinoïdes sont en cours de développement
clinique (6, 7).
➤
Les auristatines sont des analogues synthétiques
d’un pentapeptide cyclique. Cette famille de toxines
partage le mécanisme d’action des maitansinoïdes
dans la mort cellulaire. Des évaluations cliniques
des anticorps conjugués aux auristatines sont en
cours (8, 9).
➤
La troisième classe de toxine récemment
étudiée est celle dérivée de la calichéamycine (10).
Elle appartient à la classe des ènediynes, composés
naturels 4 000 fois plus cytotoxiques que la doxo-
rubicine. Cette famille est responsable du clivage
oxydatif de l’ADN, entraînant ainsi la mort
cellulaire.
D’autre part, le nombre des toxines liées au mAb est
critique dans l’optimisation de l’anticorps conjugué.
Les études montrent que 2 à 4 molécules de toxines
par anticorps semblent offrir l’effet thérapeutique
optimal (11). Un nombre plus élevé de toxines par
anticorps peut stimuler le système immunitaire,
puis provoquer leur élimination avant même qu’elles
atteignent leur cible.
Les agents cytotoxiques utilisés doivent être suffi -
samment hydrosolubles et stables dans les solu-
tions aqueuses et dans le plasma, car les anticorps
conjugués peuvent rester en circulation pendant
plusieurs jours. Enfi n, ces composés doivent avoir
un groupe fonctionnel approprié pour la conjugaison
avec l’agent de liaison sans être rapidement dégra-
dables par l’activité enzymatique lysosomale (12).
Il faut noter toutefois que certains mécanismes de
résistance s’appliquant aux chimiothérapies conven-
tionnelles, telles que les pompes d’effl ux ABC ou
les barrières physiopathologiques à la pénétration
intratumorale des molécules (13), sont également
susceptibles de réduire l’activité cytotoxique des
anticorps conjugués.
Agents de liaison
La séquence liant le mAb à la toxine doit être stable
dans la circulation sanguine, tout en permettant un
relargage rapide de la toxine après l’internalisation
du complexe dans la cellule cancéreuse. Plusieurs
types de séquences ont été testés dans les anticorps
conjugués. C’est probablement la partie clé dans la
conception des anticorps conjugués.
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Les hydrazones ont été les premières séquences
testées. Elles peuvent être hydrolysées dans les lyso-
somes, et sont relativement stables dans le sang à
un pH compris entre 7,3 et 7,5, mais peut-être pas
suffi samment pour maintenir l’agent cytotoxique
dans la circulation sanguine (14).
➤
Après l’échec des hydrazones, les séquences
disulfures ont été développées. Ce type de séquence
est suffi samment stable dans la circulation. Le relar-
gage de la toxine fait suite à un échange avec un
groupe thiol présent dans le milieu intracellulaire,
comme le glutathion. L’avantage de cette méthode
est que la concen tration du glutathion est bien plus