Imagerie de l`ostéoporose

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Imagerie de l’ostéoporose
Karine Briot*
L’
ostéoporose est considérée comme un enjeu
de santé publique compte tenu de sa prévalence, de l’incidence des fractures en constante
augmentation, et des conséquences potentiellement
graves qui en découlent. Il existe des traitements
antiostéoporotiques efficaces pour réduire le risque
de fracture. Toute la problématique est d’identifier
les sujets à risque de fracture devant bénéficier de
ces traitements. L’absorptiométrie biphotonique à
rayons X (DXA) est la méthode de référence pour
mesurer la densité minérale osseuse (DMO), mais
elle est insuffisante pour prédire le risque de fracture.
Ce que l’on savait
Importance de l’évaluation
de la qualité osseuse
L’ostéoporose est définie comme une diminution de
la résistance osseuse, entraînant un risque accru de
fracture (1). D’après cette définition, la résistance
osseuse dépend de plusieurs paramètres qui reflètent
la “qualité osseuse” : la géométrie ou “macroarchitecture”, la microarchitecture, la minéralisation
osseuse, l’accumulation de microlésions, le niveau
de remodelage osseux et les propriétés mécaniques
du tissu osseux. Une meilleure évaluation du risque
de fracture passe donc par une approche plus fine
de l’évaluation de la résistance osseuse, qui peut
être réalisée en utilisant des paramètres reflétant la
qualité de l’os. Parmi ces paramètres, la microarchitecture trabéculaire et corticale et la macroarchitecture ont été particulièrement étudiées.
Importance de la microarchitecture
trabéculaire et corticale
et méthodes d’évaluation en imagerie
* Service de rhumatologie, hôpital
Cochin, AP-HP, Paris.
Indépendamment de la diminution de la densité
osseuse, évaluée par la mesure de la DMO, l’altéra-
14 | La Lettre du Rhumatologue • Supplément 4 au no 370 - mars 2011
tion de la microarchitecture osseuse trabéculaire et
corticale est un facteur de risque de fracture (2, 3).
La méthode de référence est l’histomorphométrie
sur des biopsies de crêtes iliaques. Outre le caractère
invasif, les résultats obtenus ne reflètent la microarchitecture qu’en 2 dimensions. Des études comparatives ont montré que des mesures de microscanner
peuvent se substituer à l’analyse histomorphométrique pour l’évaluation de la microarchitecture
osseuse.
Il est possible d’évaluer la microarchitecture de
manière non invasive avec les techniques de tomodensitométrie, d’IRM et de microarchitecture en 3D.
Les tomographies ont des résolutions qui vont de
quelques millimètres pour le scanner clinique à une
centaine de nanomètres pour le nano-CT et le rayon
synchrotron. Des appareils de scanner dédiés aux
sites périphériques (pQCT et HR-pQCT) permettent
de mesurer la microarchitecture en 3D au tibia et
au radius, avec une résolution de l’ordre de 80 μm
pour une faible irradiation (figure 1) [4].
Importance de la macroarchitecture
et méthodes d’évaluation
La macroarchitecture des pièces osseuses joue
un rôle important dans leur résistance. Le rôle
de la géométrie sur le risque de fracture a été
particulièrement bien étudié pour l’extrémité supérieure du fémur, en 2 dimensions sur radiographie
ou sur image de scanner de DXA, à partir d’un
outil automatisé comme le Hip Structural Analysis
(HSA) [5]. Différents paramètres géo métriques
influencent la résistance osseuse et le risque de
fracture (taille des os, diamètre, distribution de la
masse osseuse : moment d’inertie polaire, angle
cervico-diaphysaire, longueur de l’axe de la hanche
et épaisseur corticale) [6, 7]. Les traitements antiostéoporotiques ont également un effet bénéfique
sur les propriétés géométriques, et cet effet sur la
géométrie pourrait expliquer en partie l’efficacité
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antifracturaire de ces traitements. Mais les études
antérieures sont discordantes quant à l’apport et
au choix de ces paramètres.
Ce que l’on a appris
Pertinence des paramètres
de microarchitecture mesurés
par les méthodes d’imagerie en 3D
Plusieurs études cliniques ont montré que la microarchitecture trabéculaire et corticale mesurée par
pQCT et HR-pQCT était altérée chez des femmes
ménopausées ayant eu une fracture comparativement à des témoins appariés pour l’âge n’ayant
pas eu de fracture, indépendamment de la densité
osseuse (8). Dans une étude conduite chez des
femmes ostéopéniques, les paramètres de microarchitecture trabéculaire mesurés par HR-pQCT
(diminution du nombre de travées, de l’espace entre
elles et de leur distribution dans l’espace) permettent de différencier les femmes avec ou sans fracture,
ce qui n’est pas possible avec la DMO mesurée au
rachis et à la hanche (9).
L’étude des paramètres par pQCT et HR-pQCT a
montré que les anomalies de la microarchitecture
sont différentes selon le sexe : une perforation des
travées et une perte de connectivité sont observées
chez les femmes, alors que les travées sont amincies
et non perforées chez les hommes. Ces résultats
pourraient expliquer la survenue plus tardive des
fractures chez l’homme.
Il est possible d’évaluer la résistance osseuse à partir
de l’analyse en éléments finis réalisée d’après les
données de HR-pQCT. Les paramètres de microarchitecture et les données biomécaniques obtenues
par HR-pQCT sont significativement associés à la
présence de fractures chez la femme ménopausée
et chez l’homme (10). Ces techniques d’évaluation
en 3D sont pour l’instant réservées à la recherche
clinique dans des centres spécialisés, mais semblent
les mieux appropriées pour mesurer la microarchitecture osseuse.
Évaluation de la microarchitecture
par les méthodes en 2D
Il est possible d’avoir une approche non invasive
de la microarchitecture à partir des images de DXA
par un procédé appelé “Trabecular Bone Structure”
(TBS). Le logiciel TBS exploite automatiquement
Figure 1. Évaluation de la microarchitecture en 3D au tibia par HR-pQCT.
l’information de l’image DXA et réanalyse les
variations de niveaux de gris de l’image DXA. Les
paramètres obtenus en 2D semblent corrélés aux
paramètres 3D de microarchitecture. Dans une
étude comportant des patients fracturés (n = 45)
et des patients non fracturés (n = 155), Pothuaud
et al. (11) ont montré que le score TBS permet de
différencier les 2 groupes en complément de la
DMO. L’évaluation de cette technique est en cours.
La géométrie osseuse est un paramètre
à ne pas négliger
Des études transversales et prospectives ont montré
que l’âge avancé est associé à une augmentation
du diamètre des os tubulaires. Des données prospectives récentes suggèrent que la taille des corps
vertébraux thoraciques et lombaires mesurée sur
radiographie augmente sur 3 ans chez les femmes
ménopausées ostéoporotiques. Ces modifications
géométriques pourraient être liées à l’apposition
périostée qui survient au cours du vieillissement pour
compenser la perte osseuse (12).
À partir de mesures géométriques réalisées à l’extrémité supérieure du fémur avec le score HSA chez les
7 474 femmes suivies en moyenne pendant 13 ans
dans le cadre de l’étude SOF (Study of Osteoporotic
Fracture), Kaptoge et al. ont montré que l’épaisseur
corticale et le buckling ratio (qui reflète le degré
d’instabilité corticale) sont les paramètres géométriques les plus fortement associés au risque de
fracture de l’extrémité supérieure du fémur, indépendamment de la densité osseuse. Ces résultats
suggèrent que la prise en compte de l’épaisseur
corticale fémorale pourrait améliorer la prédiction
du risque de fracture de l’extrémité supérieure du
fémur (13).
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Imagerie de l’ostéoporose
Ce qui peut changer
La pratique : utilisation
de l’imagerie dérivée de la DXA
Recherche de déformations vertébrales
par Vertebral Fracture Assessment
Figure 2. Technique de Vertebral Fracture Assessment
sur appareil de DXA.
Les fractures vertébrales sont un facteur de risque
majeur de nouvelles fractures, mais elles sont
souvent méconnues. Le Vertebral Fracture Assessment (VFA) permet le diagnostic de déformations
vertébrales lors de la DXA ; la technique est efficace,
faiblement irradiante et de faible coût (figure 2).
Les principaux avantages sont un examen rapide
de quelques minutes, une dose d’irradiation faible
de l’ordre d’une dizaine de μSv et une absence de
distorsion due à la géométrie du rayon X. Les principales limites sont la mauvaise visibilité du rachis
thoracique supérieur (14, 15) et la mise en défaut
s’il existe une scoliose ou une lombarthrose. Le principal résultat est une valeur prédictive négative du
diagnostic de fracture vertébrale importante, de
l’ordre de 90 % (14, 15). Cela signifie, en pratique
clinique, que, si les vertèbres sont analysables
et normales, le risque pris en ne faisant pas de
radiographie de contrôle est faible. La réalisation
d’environ un tiers de radiographies (14) est ainsi
évitée. La réalisation du VFA chez des patients venus
consulter pour une mesure de la DMO permet de
diagnostiquer une déformation vertébrale évoquant
une fracture chez 25 % des patients ; près de 70 %
d’entre eux ne connaissaient pas l’existence de cette
fracture (16).
DXA et composition corporelle
Figure 3. Exemple de mesure de la composition corporelle (masses maigre et
grasse).
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La mesure de la composition corporelle (masse
grasse et masse maigre) de la totalité du corps ou
d’une de ses régions est disponible sur les densitomètres par la réalisation d’un scan “corps entier”
(figure 3). La précision et la reproductibilité sont
bonnes (de 2 à 6 %) et la dose d’irradiation est
de 2,6 à 75 μSv. Il existe des courbes américaines
NHANES de référence pour la masse maigre et la
masse musculaire, avec des résultats présentés en Tet Z-scores (17).
Parmi les applications intéressantes de la mesure de
composition corporelle, il est possible de calculer
l’indice de sarcopénie, qui est le rapport de la masse
musculaire sur la taille au carré selon la formule :
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IMS (index musculaire squelettique) des équations
de Baumgartner = (masse maigre des bras [kg]
+ masse maigre des jambes [kg])/taille [m]2. Des
études prospectives ont montré que la diminution de la masse musculaire est associée à une
augmentation du risque de chute et de fracture et
qu’elle est responsable de la réduction des capacités
physiques (18).
La mesure de la masse grasse pourrait être utile
dans l’évaluation du risque cardio-vasculaire : dans
une cohorte canadienne de 30 252 patients suivis
pendant 5 ans, la masse grasse mesurée au rachis
lombaire mesurée par DXA est significativement
associée au risque de diabète, après ajustement sur
l’âge et l’indice de masse corporelle (19).
Conclusion
La DXA est la méthode de référence pour mesurer
la DMO, mais elle est insuffisante pour prédire le
risque de fracture. Des méthodes d’imagerie en 2D,
à partir de logiciels de DXA, ou d’imagerie en 3D
sont en cours d’évaluation pour améliorer la prédiction du risque de fracture et la prise en charge
de l’ostéoporose.
■
Références bibliographiques
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J Clin Endocrinol Metab 2005;90:6508-15.
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© mai 1983 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution.
Imprimé en France - SPEI - 54272 Essey-lès-Nancy
14. Damiano J, Kolta S, Porcher R, Tournoux C, Dougados M,
Roux C. Diagnosis of vertebral fractures by vertebral fracture
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Illustrations de couverture : © Evgeniy Ivanov (fond), © mecaleha (tracés).
Photographies : © tous droits réservés.
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