Barrière et stimuli à l`exportation perçus par les entrepreneurs d`un

Barrière et stimuli à l’exportation perçus par les entrepreneurs
d’un pays en transition : le cas des PME du Vietnam
Quan LE
Professeur
École supérieure de Commerce de Hanoi, Vietnam
Minh Huan LUONG
Doctorant
Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III
RÉSUMÉ
Du fait de leurs ressources limitées, l’engagement à l’exportation est une décision difficile
pour les dirigeants de PME. Pour cette raison, leur perception des barrières et des stimuli à
l’exportation est particulièrement importante et a été identifiée par plusieurs études comme
facteur essentiel du succès à l’exportation des PME. C’est particulièrement vrai dans les pays
en transition où l’environnement reste mal adapté aux besoins des PME. Une enquête
exploratoire auprès des PME exportatrices du Vietnam a permis d’identifier quelles barrières
et stimuli à l’exportation sont perçus par les entrepreneurs. Cette enquête montre que
l’environnement peut inhiber le développement international de certaines entreprises mais
qu’il peut aussi fournir un point d’appui face à la concurrence internationale.
MOTS CLÉS
Entrepreneur - stimuli à l’exportation - barrière à l’exportation - PME, pays en transition
« La vulnérabilité des TPE et des PME dans un environnement mondialisé », 11es Journées
scientifiques du Réseau Entrepreneuriat, 27, 28 et 29 mai 2009, INRPME, Trois-Rivières, Canada
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le cas des PME du Vietnam 2
INTRODUCTION
L'internationalisation apparaît comme le changement le plus important qui a affecté la gestion
des PME au cours des deux dernières décennies. Les marchés internationaux ont longtemps
été considérés comme réservés aux grandes entreprises multinationales. Être fort sur son
marché domestique est souvent présenté comme une condition préalable au développement
international. Cependant, la mondialisation ne profite pas qu'aux grandes entreprises, elle est
aussi très utile aux PME. L’OCDE (2002) souligne que si les multinationales disposent
d'avantages d'échelle, les PME ont d'autres atouts à faire valoir : la spécialisation poussée
ouvre aussi des possibilités de développement insoupçonnées sur des marchés assez étendus
et différenciés. Les recherches sur l’exportation ou, plus généralement, sur le développement
international des PME sont de plus en plus nombreuses et viennent confirmer l’importance de
cette évolution. Un des sujets qui focalise l’attention de nombreux chercheurs est la
performance à l’exportation des PME. Cavusgil et Zou (1994) définissent la performance à
l'exportation comme le degré auquel sont atteints les objectifs de l’entreprise quand elle
exporte ses produits. Sans résoudre le problème de la mesure, cette définition a le mérite de
placer d’emblée l’évaluation de la performance au niveau du dirigeant, personne la mieux
placée pour connaître les objectifs fixés à l’exportation. Les chercheurs ont identifié plusieurs
facteurs déterminants de la performance à l’exportation des PME. Au travers de ces facteurs,
apparaît l’importance du rôle joué par l’entrepreneur. A cause de leurs ressources limitées, les
PME peuvent parvenir à réaliser leur objectif de croissance sur leur seul marché domestique.
L’exportation paraît donc moins s’imposer aux PME qu’aux grandes entreprises à la
recherche de marchés étendus. Pour ces raisons, l’engagement à l’exportation de
l’entrepreneur et sa perception des marchés internationaux sont particulièrement importants et
ont été identifiés par plusieurs études (Aaby et Slater, 1989; Walters et Samiee, 1990;
Cavusgil et Zou, 1994; Boyer, 1994; Zou et Stan, 1998) comme facteurs essentiels du succès
à l’exportation des PME.
La plupart de ces recherches ont cependant été réalisées dans les pays développés. L’objectif à
terme de notre recherche est de vérifier l’existence de ce lien entre perception de
l’entrepreneur et performance à l’exportation dans un contexte particulier, celui d’un pays en
transition. Dans un premier temps, il faut s’interroger sur les stimuli et les barrières qu’un
dirigeant de PME perçoit à l’exportation? Va-t-il voir sur les marchés étrangers plus
d’avantages que d’inconvénients pour vendre ses produits? Le contexte du pays origine peut
avoir un impact sur la perception de l’entrepreneur. Pour répondre à ces questions, nous avons
réalisé une enquête exploratoire auprès des PME exportatrices du Vietnam, un pays dont la
transition vers l’économie de marché a mis depuis quelques années les PME locales en
contact avec l’économie mondiale. Cette enquête se propose d’identifier les stimuli et les
barrières à l’exportation que rencontrent les PME vietnamiennes. Elle nous permet aussi
d’analyser les liens qui existent entre la perception des différents stimuli et des différentes
barrières à l’exportation. Les résultats de cette enquête exploratoire serviront de base à
l’enquête confirmatoire que nous réaliserons dans un deuxième temps. Cette seconde enquête
aura pour but de vérifier les hypothèses sur le lien entre la perception de l’entrepreneur et la
performance à l’exportation de son entreprise. Dans le cadre de cette communication, nous
allons présenter les résultats de notre enquête exploratoire mais il convient d’abord de faire le
point des travaux de recherche en PME qui ont été conduits d’une part sur la perception des
stimuli et des barrières à l’exportation, et d’autre part sur le contexte particulier que
représentent les pays en transition vers l’économie de marché.
« La vulnérabilité des TPE et des PME dans un environnement mondialisé », 11es Journées
scientifiques du Réseau Entrepreneuriat, 27, 28 et 29 mai 2009, INRPME, Trois-Rivières, Canada
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1. BARRIERES ET STIMULI DETERMINANT LA DECISION D’EXPORTER
L’idée communément admise qu’il faut avoir atteint une certaine taille pour pouvoir se lancer
à l’exportation est largement contredite par l’observation statistique : de nombreuses PME
exportent malgré le handicap constitué par leur faible dimension. Les explications avancées
proposent de diviser les facteurs explicatifs en deux catégories. Certains facteurs
constitueraient des barrières empêchant certaines PME d’exporter ou les en dissuadant.
D’autres facteurs encouragent au contraire certaines PME à exporter et peuvent être
considérés comme de véritables stimuli à l’exportation. Chaque PME fait face à une
combinaison de barrières et de stimuli qui lui est propre et c’est la façon dont l’entrepreneur
les perçoit qui va déterminer sa décision d’engager ou non son entreprise sur des marchés
extérieurs.
1.1. Perception des barrières à l’exportation
Le marché international recèle de nombreuses opportunités pour les entreprises en général
mais aussi pour les PME. Cependant, un certain nombre de facteurs empêchent les entreprises
d’exporter. Ces facteurs sont communément appelés barrières à l’exportation. Du fait de leurs
ressources limitées, les PME y sont particulièrement sensibles : se développer à l’international
suppose de pouvoir consacrer des ressources plus élevées que sur le marché domestique. Les
recherches dans ce domaine se sont attelées d’abord à repérer quelles étaient ces barrières,
puis à essayer de mieux les comprendre en les regroupant.
1.1.1. Barrières à l’exportation
En général, les barrières à l’exportation sont des contraintes structurelles, opérationnelles,
attitudinales ou autres qui font obstacle à la capacité de l'entreprise pour commencer,
développer ou soutenir les exportations (Leonidou, 1995a, 2004). Dès l’apparition des
théories de l’internationalisation de la firme, comme le modèle Uppsala (Johanson et Vahlne,
1977) et I-Modèle (Bilkey et Tesar, 1977), des recherches sur les barrières à l’exportation ont
été entreprises. En construisant leur théorie du processus d’internationalisation de la firme,
Bilkey et Tesar (1977) ont identifié un certain nombre de barrières à l’exportation : difficulté
de comprendre certaines pratiques commerciales, différences de normes, de standards de
qualité et des habitudes de consommation, difficulté d’encaisser des paiements étrangers et
difficulté de trouver de bons représentants sur le marché étranger. Barrett et Willkinson
(1985), étudient 19 barrières à l’exportation pour les PME australiennes et relèvent que l’offre
d’un prix compétitif et le coût de transport sont les deux freins les plus importants. Ce dernier
classement peut s’expliquer par la position géographique de l’Australie.
Deux autres barrières viennent ensuite : le manque d’informations sur les marchés étrangers et
le manque de continuité des commandes étrangères. Yaprak (1985), aux États-Unis, aboutit à
un autre classement des facteurs amenant les PME à ne pas exporter : le manque
d’informations sur les marchés étrangers et sur les contacts pour y trouver des acheteurs
viendrait en tête. L’insuffisance de la capacité de production vient ensuite. Quant aux
exportateurs, ils mettent en avant la bureaucratie du gouvernement comme étant la barrière la
plus importante. Leonidou (1995b, 2000) a mené deux études sur les barrières à l’exportation
des PME à Chypre. Dans la première étude, il a identifié des raisons pour lesquelles des PME
ne veulent pas exporter. La raison la plus importante est la forte concurrence sur les marchés
étrangers. Viennent ensuite la difficulté d’offrir un prix compétitif sur les marchés extérieurs,
le manque d'informations concernant le marché étranger, le manque de personnel (ou de
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temps) pour la gestion spécifique de l’exportation et les risques/coûts élevés impliqués par la
vente à l'étranger. Dans la deuxième étude, il s’est intéressé aux PME exportatrices chypriotes
et a constaté que les mêmes difficultés étaient évoquées en premier : forte concurrence et prix.
Quatre barrières sont soulignées ensuite : mauvaise situation économique du pays-marché,
absence d’aide gouvernementale, manque d’informations pour choisir de nouveaux pays-
marchés et risque d’instabilité politique du pays-marché. Crick (2004) a enquêté auprès de
PME britanniques qui ont exporté dans le passé, mais qui ont du y renoncer. Crick a proposé
vingt-quatre raisons à l’origine de ce désengagement. Cinq viennent largement en tête des
réponses des dirigeants : les risques/coûts élevés liés à l’exportation, l’incapacité d’offrir un
prix compétitif, l’absence d’aide gouvernementale, les difficultés ou lenteurs dans
l’encaissement des créances à l'étranger et les difficultés pour y implanter des représentations
adéquates. Ce rapide survol permet de constater l’ampleur de la liste des barrières à
l’exportation qui varie de cinq à trente énoncés (Leonidou, 1995a, 2004). Il n’y a pas d’accord
sur une classification standard des barrières. De plus, si certaines barrières paraissent
importantes à la vue des certaines études, elles se rangent au milieu, ou même au niveau le
plus bas sur d’autres champs. Plus qu’un problème méthodologique, on peut voir là
l’importance du contexte et de l’environnement dans lequel opèrent les PME exportatrices.
1.1.2. Typologie des barrières à l’exportation des PME
En se basant sur l’origine des barrières à l’exportation, Leonidou (1995aetb, 2004) les a
regroupées en quatre catégories par le croisement de deux critères. Les barrières peuvent
provenir de l’intérieur de l’entreprise ou lui être extérieures. A cette distinction
interne/externe, s’ajoute un critère de localisation des barrières qui peuvent se manifester dans
le pays d’origine ou dans les pays-marchés. Les barrières internes/domestiques concernent les
ressources de l’entreprise, les barrières internes/étranger caractérisent ses difficultés à
maîtriser le changement d’environnement lié à l’exportation. Les barrières externes échappent
par contre au contrôle de l’entreprise mais définissent l’environnement auquel elle est sont
contraintes de s’adapter. Cependant, aucune différence statistiquement significative n'a pu être
observée entre ces groupes pour confirmer lequel aurait un impact plus important sur le
comportement à l’exportation (Leonidou, 1995b). Cette typologie ne nous paraît pas
pleinement satisfaisante car elle réduit le rôle de l’environnement du pays d’origine à la seule
politique d’aide du gouvernement. On peut considérer que les difficultés liées aux
infrastructures de transport, à l’accès à l’information internationale, à la garantie des créances,
au financement de l’exportation, au recrutement de personnel formé aux procédures
d’exportation, … dépendent largement de l’environnement du pays d’origine. Le poids de cet
environnement doit être particulièrement sensible pour les PME des pays en transition. Les
barrières internes y sont aussi sans doute très importantes du fait de l’absence ou de la
disparition de toute tradition entrepreneuriale dans ces pays. Une autre typologie des barrières
à l’exportation a été proposée par Arteaga-Ortiz et Fernandez-Ortiz (2008). Selon ces auteurs,
les barrières à l’exportation peuvent être regroupées en quatre catégories : barrières tenant à la
connaissance, barrières tenant aux moyens, barrières tenant au processus et barrières
exogènes. En enquêtant auprès des PME espagnoles, ces deux auteurs ont réussi à confirmer
cette échelle de mesure des barrières. Cette typologie séduisante vient renouveler l’approche
empirique des barrières à l’exportation mais le problème de son opérationnalisation reste posé
car elle aboutit à modifier les formulations en usage jusqu’alors.
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1.2. Perception des stimuli à l’exportation des PME
S’engager à l’exportation est une décision très importante pour les PME. Du fait de leur taille,
elles sont plus vulnérables sur le marché international que sur leur marché domestique.
Quelles motivations poussent des PME à exporter et donc à accepter ce risque
supplémentaire? Comme pour l’analyse des barrières, les chercheurs ont adopté deux
démarches successives : d’abord, identifier ces stimuli en établissant une liste, ensuite trouver
des logiques de regroupement.
1.2.1. Stimuli à l’exportation des PME
L’analyse de la motivation des dirigeants à s’engager à l’exportation conduit à envisager une
série de réponses possibles : le bénéfice est-il la seule ou la principale raison? L’entreprise
exporte-t-elle parce qu’elle croit vendre un produit unique sur le marché ou disposer d’un
avantage technologique par rapport à ses concurrents? Le dirigeant a-t-il en sa possession des
connaissances particulières sur des clients ou des caractéristiques de certains marchés
étrangers? Etc. Ayant commencé dans les années 1970, les recherches sur les stimuli à
l’exportation se sont vite multipliées avec le développement de l’internationalisation des
marchés. Les premières recherches ont été réalisées aux États-Unis, puis elles se sont étendues
progressivement vers d’autres pays. Au total, près de la moitié des recherches recensées par
Katsikeas (1996) et Leonidou (1998) ont été effectuées en Amérique du Nord, tandis qu’ils ne
trouvent que peu d’études portant sur les pays en voie de développement. La majorité des
recherches sur les stimuli ont choisi les PME comme champ d’étude. Les travaux de Bilkey
(1978) viennent confirmer que le bénéfice à court terme n'est pas le principal motif des
dirigeants de PME pour exporter. La motivation première serait plutôt d’éviter des pertes face
à un marché intérieur saturé. Dans leur modèle de « pré-exportation », Wiedersheim-Paul et
al. (1978) ont relevé six stimuli qui ont amené des PME à la phase initiale de l’exportation.
Le fait de disposer d’une compétence exclusive, une sous utilisation de la capacité de
production, l’arrivée fortuite d’une commande émanant d’un client étranger, une opportunité
sur un marché étranger, une concurrence trop forte sur le marché intérieur, ou encore les
politiques d’aide à l’exportation du gouvernement sont les principaux facteurs évoqués par les
PME suédoises enquêtées.
En menant une étude sur les PME canadiennes, Brooks et Rosson (1982) relèvent pas moins
de 14 motivations qui peuvent avoir poussé les PME à décider de vendre à l’étranger. Selon
eux, la motivation première du démarrage à l’export serait l’existence d’une capacité de
production inemployée, bien avant l’arrivée d’une commande étrangère non sollicitée. Ces
auteurs confirment aussi que plusieurs PME ont été motivées par une multiplication des
stimuli à l’exportation. Keynak et Stevenson (1982) ont distingué deux types de stimuli, les
facteurs « push » et les facteurs« pull », les premiers étant les plus importants : saturation du
marché intérieur, intensité de la concurrence qui y règne, contexte économique défavorable
sur ce même marché, réception d’une commande étrangère et existence d’une capacité de
production inexploitée. Une opportunité perçue sur un marché étranger est considérée comme
un facteur « pull » important. Johnston et Czinkota (1982) ont recensé treize stimuli à
l’exportation des PME aux États-Unis. Sept joueraient un rôle important. Les deux principaux
sont l’opportunité de réaliser un meilleur profit à l’étranger et le fait de disposer d’un produit
unique. Les autres stimuli sont, dans l’ordre : l’avance technologique, la volonté du
management, l’aide gouvernementale, la pression de la concurrence sur le marché national et
le fait de disposer d’un avantage en matière de marketing. En Norvège, Joynt (1982) a testé 9
stimuli à l’exportation des PME. Il observe que les motivations les plus citées sont la
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