Situations-Types et Évolutions de la Place de la Logistique dans l

Nathalie FABBE-COSTES
Professeur des Universités, Université de la Méditerranée (Aix-Marseille II)
CRET-LOG (Centre de Recherche sur le Transport et la Logistique)
Pierre-Xavier MESCHI
Professeur des Universités, Université de Valenciennes
CRET-LOG (Centre de Recherche sur le Transport et la Logistique)
E-mail : pxmeschi@univ-aix.fr
Depuis son émergence en France au début des années 1980, la fonction logistique
s’est développée et est reconnue comme une fonction-clé pour les sociétés indus-
trielles et commerciales. Mais quelle est la place de la logistique dans les organisa-
tions ? Cette question intéresse autant les managers que les chercheurs en Sciences
de Gestion. Est-ce une grande fonction opérationnelle plutôt centralisée ou une
fonction stratégique de conception/contrôle d’un dispositif global de pilotage des
flux (ce qu’on appelle aujourd’hui la supply chain) ? Est-il possible de dégager une
typologie des situations actuelles ? Au-delà de la place dans la structure, quelle est
la place de la logistique dans l’organisation ? dans la stratégie des firmes ?
L’expérience du CRET-LOG et notre connaissance approfondie du milieu de la lo-
gistique nous conduisait à formuler certaines hypothèses que nous avons souhaité
confronter à la réalité des pratiques. Aussi avons-nous engagé un programme de re-
cherche sur ce sujet impliquant successivement une recherche bibliographique et
exploratoire, puis une recherche empirique auprès d’entreprises industrielles et
commerciales françaises.
L’article présente les principaux résultats de cette recherche qui d’une part confirme
le statut “stratégique” de la logistique et d’autre part atteste qu’il n’existe pas “une”
place pour la fonction logistique, mais des places possibles. Nous présentons la ty-
pologie empirique qui se dégage de notre enquête et la confrontons à la typologie
exploratoire initialement envisagée.
L’intérêt des entreprises industrielles et com-
merciales pour la gestion des flux a émergé
dès la fin des années 1970. Avec la prise de
conscience qu’il devenait nécessaire de déve-
lopper une réflexion globale sur le pilotage
des flux, un nouveau métier s’est affirmé :
celui de logisticien. Les années 1980 ont vu se
multiplier les services, départements ou direc-
tions « logistique » et la fonction du même
nom trouvait progressivement sa place dans
les entreprises. La reconnaissance de la logis-
tique ne s’est néanmoins pas faite sans conflits
ni sans remises en question régulière. Pour
véhiculer le changement proposé, la logis-
tique (et donc les responsables logistiques)
devait être en « position » de le faire ; elle
Logistique & Management
Vol. 8 – N°1, 2000 101
Situations-Types et Évolutions
de la Place de la Logistique
dans l’Organisation
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devait être visible dans l’organisation et occu-
per une place qui lui permettait légitimement
de faire état de ses idées, points de vue et pro-
positions. Dans de nombreux cas, la logis-
tique a suscité des réticences, voire une
franche hostilité, au sein des organisations, ce
qui a ralenti et parfois bloqué son évolution.
Elle est longtemps restée dans une position où
il lui était difficile, voire impossible de réali-
ser la nécessaire connexion entre les fonc-
tions-clés de l’organisation : malgré la
volonté de ses champions dans les entrepri-
ses, la logistique reste parfois un processus
brisé (Fabbe-Costes, 1994, p. 3). Mais si la
logistique est encore dans certaines entrepri-
ses au stade opérationnel « primitif », dans de
nombreux cas, les directions générales ont
décelé le potentiel stratégique de cette
démarche et la logistique est réellement
reconnue comme une fonction-clé qui a toute
sa place dans l’organisation.
Si la démarche logistique a acquis ses lettres
de noblesse (il suffit pour s’en convaincre de
constater la place aujourd’hui accordée au
Supply Chain Management), la fonction
logistique reste encore pour beaucoup une
énigme. Quelle est « la place » de la logistique
dans la structure des entreprises ? Au-delà de
la place dans la structure, qui est souvent
réduite à sa position dans l’organigramme,
quelle est la place de la logistique dans
l’organisation ? Est-il possible de déceler des
parcours d’évolution du statut de la logis-
tique ? Quelles perspectives futures cela nous
permet-il de pronostiquer ? Telles sont les
questions que l’évolution de la logistique sus-
cite depuis de nombreuses années dans la
communauté universitaire et dans le monde
professionnel.
Sollicitée par l’ASLOG (principale associa-
tion française de professionnels de la logis-
tique) pour animer une journée de réflexion
sur ces sujets (Fabbe-Costes, 1996) et sti-
mulée par les fructueux échanges avec les pro-
fessionnels, nous avons engagé une recherche
s’intéressant à la place de la logistique dans
l’organisation des entreprises industrielles et
commerciales. Après une phase bibliogra-
phique et exploratoire (Fabbe-Costes & Mes-
chi, 1996), nous avons réalisé une étude
empirique auprès d’entreprises industrielles
et commerciales implantées en France. Notre
article qui présente les résultats de cette
recherche, précise (§.2) la problématique de la
recherche, puis la méthodologie (§.3) et enfin
les résultats obtenus (§.4). La conclusion
envisage les prolongements que nous souhai-
tons donner à cette recherche.
Problématique
L’énigme de la place d’une fonction
transversale telle que la logistique
La logistique est une démarche dont l’objectif
principal est d’assurer la qualité, fiabilité,
réactivité, flexibilité et le moindre coût du
processus de circulation physique en vue de
satisfaire un ensemble de clients/acheteurs /
utilisateurs et/ou consommateurs (le bon pro-
duit, au bon endroit, au bon moment et au
meilleur coût). Ce processus logistique, qui
est très largement visible et tangible, présente
la caractéristique de traverser/transgresser les
frontières organisationnelles traditionnelles,
aussi bien entre fonctions qu’entre entrepri-
ses. Car l’idée logistique vise fondamentale-
ment à supprimer les dysfonctionnements
résultant d’approches fractionnées des pro-
cessus de circulation de produits, informa-
tions et compétences (Mathe & Tixier, 1987,
p. 13). Si le processus est concret, et si les opé-
rations qui le composent ont toujours existé (il
a toujours fallu faire circuler les marchandi-
ses), les notions de « chaîne logistique », de
« maîtrise de la chaîne logistique » (Tixier et
al., 1983, pp. 157-163) sont des représenta-
tions, des abstractions. La plus moins grande
intégration de la chaîne logistique dépend de
la volonté d’adopter une approche globale de
la circulation physique et d’améliorer la ges-
tion des interfaces tant intra-entreprise
qu’inter-entreprises. Ces principales caracté-
ristiques de la logistique, rapidement résu-
mées, expliquent, selon nous, les difficultés à
positionner la fonction logistique, que nous
préférons d’ailleurs appeler domaine fonc-
tionnel, dont la mission est de concevoir la
chaîne logistique souhaitée par l’entreprise et
ses partenaires, de construire le dispositif
logistique approprié et d’en garantir le bon
fonctionnement.
Compte tenu de son métier et de ses missions,
la fonction logistique présente deux caracté-
ristiques principales. D’une part, elle procède
d’une dialectique permanente entre
l’opérationnel (la « bonne » gestion des flux)
et le stratégique (la conception des dispositifs
logistiques adéquats aux objectifs de la firme,
voire la formulation de stratégies fondées sur
la logistique). Elle ne peut d’ailleurs réussir
qu’en connectant en permanence pensée et
action. C’est donc une fonction qui traverse
«verticalement » la hiérarchie. D’autre part,
pour faire son métier, elle doit s’interfacer
avec la plupart des autres fonctions de
l’entreprise (notamment le commercial, le
marketing, la production, et l’informatique),
Logistique & Management
Vol. 8 – N°1, 2000 103
ainsi qu’avec de nombreux partenaires exté-
rieurs (clients, fournisseurs, prestataires
logistiques). C’est donc une fonction trans-
versale qui mobilise « horizontalement »de
multiples compétences. Compte tenu de ces
deux caractéristiques : quelle peut être la
place d’un tel domaine fonctionnel dans la
structure d’une entreprise et plus largement
dans son organisation ? C’est à cette question
que notre recherche tente d’apporter quelques
éléments de réponse.
Les multiples dimensions
de la problématique
À l’issue d’un travail exploratoire tant biblio-
graphique que de terrain, il nous est rapide-
ment apparu indispensable d’attaquer le
problème selon deux perspectives combinées.
La première est celle de l’officialisation de la
logistique dans la structure de l’entreprise. Or
la structure est l’ensemble des fonctions et des
relations déterminant formellement les mis-
sions que chaque unité de l’organisation doit
accomplir, et les modes de collaboration entre
ces unités (Stratégor, 1988, p. 210). La place
de la logistique dans la structure peut donc
effectivement faciliter ou au contraire limiter
sa capacité à construire une chaîne cohérente
et à piloter globalement la circulation. La pré-
sence, ou non, de la logistique dans
l’organigramme et, lorsqu’elle existe, sa loca-
lisation ont longtemps été considérées révéla-
trices de sa place dans l’entreprise.
Considérer la place dans la structure présente
l’avantage d’être facilement observable. Mais
compte tenu de l’émergence de nouvelles for-
mes organisationnelles (par exemple les cer-
cles de qualité, les groupes ou unités
entreprenantes) qui ne figurent pas toujours
sur les organigrammes, cette perspective nous
semble très réductrice et mérite selon nous
d’être complétée.
L’approche par la structure a permis à quel-
ques auteurs, parmi lesquels nous citerons
Ballou (1978), Tixier et al. (1983), Mathe &
Tixier (1987), Colin & Paché (1988),
d’identifier quelques archétypes de configu-
rations. La logistique fragmentée présence de
multiples services logistiques subalternes, à
vocation strictement opérationnelle, intégrés
aux grandes fonctions classiques. La logis-
tique opérationnelle centralisée se traduit par
une grande direction logistique chargée
d’élaborer le plan logistique et de contrôler les
opérations logistiques qu’elle dirige hiérar-
chiquement. La logistique intégrée combine
une division opérationnelle responsable des
moyens logistiques et un département fonc-
tionnel chargé d’élaborer les méthodes, règles
et procédures. D’autres formes comme la
logistique fonctionnelle ou matricielle ont
aussi été présentées. Certains (Colin & Paché,
1988, p. 162) n’ont pas hésité à envisager sa
disparition : son destin n’est-il pas qu’elle dis-
paraisse justement parce qu’elle a réussi ? La
rapide présentation de ces formes structurel-
les incite à s’interroger d’une part sur
l’orientation dominante conférée à la logis-
tique (une orientation plutôt stratégique, plu-
tôt opérationnelle ou « équilibrée »), d’autre
part sur le degré de centralisation de la fonc-
tion et son niveau de dépendance hiérarchique
vis-à-vis d’autres fonctions.
L’étude, aussi bien sous l’angle théorique que
pratique, des « formes structurelles », leurs
insuffisances, les difficultés qu’elles créent
aux promoteurs et acteurs de la démarche
logistique montrent la limite de l’approche
par la structure, surtout si elle est réduite à
l’étude de la présence et de la position de la
logistique dans l’organigramme des firmes.
C’est ce qui nous a incités à compléter la pers-
pective « officialisation » par une seconde
perspective qui est celle des « pratiques de
gestion logistiques » dans l’entreprise, sa réa-
lité organisationnelle au-delà de la structure
« visible ». C’est la dimension coordination
soulignée par Paché (1994, pp. 34-40).
L’observation de certains cas d’entreprise
nous conduit à identifier deux situations extrê-
mes. En écho à certains auteurs en manage-
ment stratégique (Mintzberg, 1990 ; Martinet,
1991 ; ou Koenig & Thietart, 1995 ; Avenier et
al., 1997 ; pour n’en citer que quelques-uns),
nous distinguons coordination logistique
émergente, et délibérée. Dans le premier cas,
la pratique logistique, l’articulation des com-
pétences, la synchronisation des opérations
sont quasi spontanées, se font par ajustement
mutuel. Elles résultent d’une volonté « émer-
geant de l’action » des acteurs impliqués dans
le processus à se coordonner, que ce soit par
opportunisme, bon sens, par intelligence
organisationnelle ou par éducation (le niveau
de formation à - ou par - la logistique paraît
être un facteur facilitant la coordination émer-
gente). Le succès d’une coordination émer-
gente semble par ailleurs reposer sur la
diffusion dans l’entreprise d’une culture
logistique, au-delà des seuls logisticiens en
titre. Dans le second cas, une démarche inten-
tionnelle, volontaire, consciente, et générale-
ment planifiée d’organisation assure une
coordination délibérée. Généralement
impulsée par un acteur (souvent qualifié de
champion) ou un groupe d’acteurs, elle est
soutenue par un dispositif de coordination qui
associe des règles de gestion, des systèmes
d’information et de communication, des pro-
cédures... Dans un autre registre, le principe
de coordination renvoie aussi au niveau
d’optimisation adopté (plutôt des optimisa-
tions locales ou une volonté d’optimisation
globale) ainsi qu’à une idée de ce qu’est, ou
doit être, la qualité principale de la logistique :
faire respecter les procédures, savoir organi-
ser, ou stimuler l’innovation. Pour finir, le
niveau de coordination et d’optimisation tra-
duit le niveau de maîtrise de la chaîne logis-
tique, mais n’indique en rien qui exécute les
opérations logistiques. Celles-ci peuvent en
effet être réalisées en interne (soit par des per-
sonnes officiellement rattachées à la logis-
tique, soit par d’autres services) ou en externe
par des prestataires.
Tel est l’ensemble des dimensions auxquelles
nous nous sommes intéressés dans notre
recherche. La confrontation à des situations
réelles nous a conduits, à l’issue de la phase
exploratoire, à formuler l’hypothèse qu’il
n’existe pas « une place » pour la logistique,
mais « des » places possibles. En nous
appuyant aussi sur l’expérience de l’équipe du
CRET-LOG qui travaille sur la logistique
depuis la fin des années 1970, nous avons pro-
posé une première typologie et avons tracé des
parcours d’évolution de la logistique (obser-
vés ou possibles).
Typologie exploratoire et questions
de recherche
La typologie exploratoire proposée (voir
figure 1) croise les deux principales perspecti-
ves précédemment évoquées : officialisation
de la fonction et démarche de coordination.
Elle appelle quelques commentaires rapides
que nous ferons dans les encadrés suivants en
retraçant ce qui nous semble a posteriori le
parcours-type d’évolution de la logistique.
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Figure 1. Situations-types et évolutions de la place de la logistique.
Situation 1 : Personne n’est officiellement responsable
de la logistique qui n’est pas officiellement reconnue.
La circulation physique « se fait », mais avec des optimi-
sations locales, une vision technicienne des opérations,
des améliorations partielles des processus. Une certaine
coordination existe, par nécessité.
Passage de1à2:Dans certains cas, une personne s’est
(a été) sensibilisée à la problématique de la gestion des
flux et s’en est faite le « champion ». Il peut s’agir d’un
responsable industriel, commercial, export ou même
du PDG lui-même dans des structures de taille réduite.
Bien que la logistique ne soit pas officialisée dans la
structure, le champion parvient à construire une cohé-
rence de pilotage logistique dans l’entreprise et en de-
vient le leader, souvent charismatique.
Les situations 1 et 2 sont deux cas très différents de logis-
tique fragmentée.
Passage de2à3:Selon les difficultés rencontrées, no-
tamment vis-à-vis d’autres fonctions, le champion de la
logistique a souvent milité pour que soit « construite »
une fonction logistique visible dans la structure et ayant
une position lui permettant de négocier avec les acteurs
concernés par le pilotage logistique.
Passage de1à3:Il représente une voie plus courte que
1->2, puis 2->3. Il traduit généralement une prise de
conscience plus rapide de la direction générale qui res-
sent le besoin d’officialiser la logistique dont elle recon-
naît ainsi l’importance stratégique.
Situation 3 : Elle correspond à la logistique centralisée.
Elle a été la situation logistique la plus classique jus-
qu’au milieu des années 1990, mais les dysfonctionne-
ments sont nombreux. Faire de la logistique une grande
« fonction », c’est la placer dans une situation « natu-
relle » de conflit, alors que la logistique est une fonction
d’interface. De plus elle l’incite à une grande hégé-
monie au plan opérationnel... tout est logistique, dès
qu’on touche aux flux ! Cette situation est en fait contra-
dictoire avec le concept même de démarche logistique.
Elle ne fait que reproduire / renforcer les cloisonne-
ments. Mais le passage par cette situation était (est) pro-
bablement nécessaire dans de nombreux cas pour
contrebalancer le pouvoir de certaines fonctions dont
les objectifs sont parfois contradictoires avec ceux de la
logistique et qui refusent de coopérer tant qu’on ne leur
impose pas.
Deux grandes options qui permettent de réduire les dys-
fonctionnements de la situation 3 ont, souvent successi-
vement, été tentées : intensifier la situation 3, la
logistique devenant la grande fonction opérationnelle,
ou passer à une situation type 4 ou 5, où la logistique est
surtout identifiée comme une fonction stratégique de
conception, de contrôle / évaluation et de veille straté-
gique, les aspects opérationnels étant distribués, et la
cohérence des opérations étant assurée entre autre par
le SICLE (Système d’Information et de Communication
Logistique d’Entreprise), qui serait conçu, maintenu par
les « logisticiens ». Ces deux options traduisent deux vi-
sions assez radicalement différentes : la logistique forte,
« grand chef d’orchestre » des rythmes de l’ensemble de
la circulation physique (courant en vogue fin des années
80, et métaphore abondamment utilisée dans la presse
professionnelle de l’époque), et la logistique « intelli-
gence de la firme » (courant des années 90).
Quelques entreprises qui ont intensifié la situation 3 vi-
vent actuellement, ou viennent de vivre, le passage à la
situation 4. Ce passage de3à4nestpassans inquiéter
les logisticiens qui craignent, outre une perte de pouvoir,
une dilution de leur fonction et donc une régression.
Cet état de nos réflexions nous a incités d’une
part à confronter notre typologie exploratoire
à une approche empirique des situations
actuelles, et d’autre part à affiner notre
connaissance du comment la logistique trouve
sa place dans l’organisation : rôle dans la for-
mulation de la stratégie, dispositifs de pilo-
tage, modes de coordination, compétences
activées... Entre une institutionnalisation
sclérosante et le possible « échec » d’une dilu-
tion, les possibilités d’avenir pour la logis-
tique sont multiples, notamment compte tenu
des nouvelles formes organisationnelles en
cours d’expérimentation dans les entreprises
et compte tenu des technologies de
l’information et de la communication qui
autorisent une « main mise virtuelle » des
logisticiens en titre sur le pilotage logistique,
même si la réalisation des opérations est
répartie entre plusieurs acteurs.
Méthodologie de la Recherche
Modalités de Recherche
Étudier la place de la logistique dans les orga-
nisations nécessite au préalable de définir des
modalités d’action par lesquelles un cher-
cheur en sciences de gestion formalise et tente
de résoudre la problématique qu’il s’est posé
(Avenier, 1986, p. 6). En d’autres termes, il
s’agit de déterminer une méthodologie de
recherche pertinente en regard des questions
posées. Notre choix s’est porté sur des moda-
lités quantitatives d’observation et de descrip-
tion du phénomène étudié plutôt que sur des
modalités qualitatives d’exploration.
Comme l’ont expliqué Pras & Tarondeau
(1979), la recherche exploratoire se prête
davantage à l’éclaircissement d’un problème
mal défini ou trop vaste. Elle s’envisage natu-
rellement lorsque le problème posé est très
ouvert et que les chercheurs en gestion sont
incapables de formuler des questions de
recherche précises. Ce n’est pas le cas de cette
recherche pour deux raisons ; il est important
tout d’abord de noter que la logistique est
aujourd’hui considérée comme un champ de
recherche et d’investigation relativement
« ancien ». Puis, en relation plus étroite avec
notre recherche, les contours et les hypothèses
sous-jacentes de notre problématique ont été
précisés et détaillés dans des observations et
réflexions préliminaires (Fabbe-Costes,
1996 ; Fabbe-Costes & Meschi, 1996). Res-
pectant ainsi la séquence méthodologique de
Lambin (1990, p. 69) pour qui une étude
exploratoire est un préalable indispensable à
toute étude quantitative, les questions de
recherche proposées découlent d’une
recherche exploratoire et ont été traitées à par-
tir d’informations issues d’un questionnaire.
Population de Recherche
Comme indiqué § 1, notre population de
recherche ne comprend que des entreprises
industrielles ou commerciales (distributeurs)
pour lesquelles la logistique est une fonction
support. Un questionnaire qui reprend
l’ensemble des dimensions soulignées § 2 a
Logistique & Management
Vol. 8 – N°1, 2000 105
Situation 5 : La turbulence des marchés, leur instabilité,
le rythme des évolutions pourrait inciter à réduire la di-
mension prescriptive de la logistique, son aspect « nor-
mé » en particulier. Dans une situation 5, un organe
logistique officiel maintiendrait « l’esprit » de la dé-
marche logistique, mais ne présiderait pas (que ce soit
directement ou indirectement) à la coordination. Il se-
rait plutôt chargé de former les acteurs (tous) à cette dé-
marche, de leur fournir des outils « support de
délibération / négociation », puis les laisserait inventer
la circulation adéquate en fonction du contexte. Cette
proposition est notons-le assez contradictoire avec la
tendance « certification » des années 1990.
S’inscrivant dans le cadre d’une approche de gestion
plus globale, fondée sur l’autonomie des acteurs et
conforme à une tendance actuelle de la Gestion des
Ressources Humaines qui accorde une place prépon-
dérante à la gestion et à l’organisation des compétences
(Lawler & Ledford, 1992 ; Zarifian, 1994 ; Meschi & Ro-
ger, 1996), elle nous semble intéressante pour préserver
l’adaptabilité du dispositif logistique et encourager la
capacité d’innovation aujourd’hui reconnue néces-
saire. Cette situation permettrait d’établir une réelle dia-
lectique délibérée / émergent.
Situation 6 : Le « retour»àunesituation 2, voire 1, peut
apparaître comme une provocation. Certains logisti-
ciens redoutent une telle évolution. Compte tenu de
l’actuelle reconnaissance de la logistique, ce ne serait a
priori pas un retour en arrière, mais plutôt une évolution
qui traduirait le fait (probablement illusoire) que chacun
est pleinement conscient de son rôle logistique, que la
culture logistique est acquise par tous, et donc que
l’identification de la fonction n’est plus nécessaire. Elle
pourrait aussi traduire un passage à une quasi-formal
structure (Schoonhoven & Jelinek, 1990, pp.107-109)
plus adaptée aux incessantes adaptations et innovations
logistiques.
Situation 4 : Dans cette situation qui semble se générali-
ser, un organe logistique est clairement identifié (que ce
soit une direction, un comité, une cellule...). Il a une vo-
cation fonctionnelle, avec peu ou sans responsabilité
opérationnelle directe. C’est une logistique de concep-
tion et de coordination, une instance de communica-
tion et de négociation qui vise à favoriser l’échange de
points de vue qui s’accompagnent d’autant de percep-
tions différentes de ce qu’est la logistique, ou de ce
qu’elle devrait être. C’est néanmoins une instance qui
formule le principe de pilotage et en construit les règles
de gestion. Elle a donc aussi une vocation normative. La
configuration de la logistique peut être fonctionnelle
pure, intégrée, ou matricielle (pour reprendre des confi-
gurations précédemment citées).
Deux évolutions « originales » nous semblent pouvoir
être avancées pour un avenir proche.
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