4 rencontres de l’innovation sociale e Bordeaux, 29 et 30 janvier 2014 économie circulaire et développement durable sommaire Le tour de France de l’innovation sociale et de l’économie circulaire les introductions 02 Serge Guérin, 03 directeur du Fonds d'innovation sociale Fédération nationale des ESH Économie circulaire, le mot interpelle et chacun comprend que la construction d'un périphérique n'est pas, malgré les apparences, de l'économie circulaire… Nous avons retenu ce thème pour 2014 parce qu'il émerge, de fait dans les projets soutenus par le Fonds. Des quatre vies des draps de nos grandsmères évoquées par Véronique Fayet à la philosophie grecque, on peut voir le lien : nous vivons dans un monde fini. Dans Noces, Albert Camus écrit en 1937 que si le monde est fini, il faut se préoccuper de l'avenir. Sans le savoir, les projets visités le 29 janvier tout le long de la Garonne font le lien avec nos origines grecques. Or dans un monde fini, ce qui fait la dynamique c'est la circularité. Je vois aussi la relation entre économie circulaire et habitat social car ce sont là, dans les initiatives encouragées par le Fonds, des manières de retrouver du pouvoir d'achat, question majeure pour les locataires. En réutilisant ou en transformant des objets, chacun s’engage Elinor Ostrom (1933-2012) dans une économie positive, Prix Nobel d'économie 2009, se réapproprie ses décisions, elle a mené des travaux redevient acteur de son avesur « les arrangements éconir. Dans tous les projets, les nomiques hors-marché », personnes gagnent directesur la polycentricité qui ment quelque chose au plan prend en compte l'ensemble économique et matériel et, des gains d'une activité. au-delà, elles parlent de la Le vélo par exemple, induit reconnaissance et de l'esdes gains en matière de qualité de l'air, de liberté de déplacement pour les personnes modestes, de retour à l'emploi, de santé, etc. d'une économie de coupures à une économie de liens Véronique Fayet, adjointe au maire chargée des politiques de solidarité, santé et seniors les projets 12 L’aire de compostage de port de la lune Mésolia Habitat et la régie de quartier Habiter Bacalan 16 R3 : la coopération au coeur d'un nouveau modèle économique Domofrance et l’association de préfiguration R3 20 Insertion par le beau SHLMR et l’association Agidesu 24 Décorons nos meubles, ça change la vie ! Sodineuf Habitat normand, et la Croix-Rouge de Dieppe, les visites du mercredi 28 RE cycle solidarité Pierres et Lumières et l’association 1-Terre-Actions 08 09 10 11 la mise en perspective time de soi, retrouvées à l'occasion de leur action. Cela n’a pas de prix mais de la valeur. Cela peut aller plus loin, comme avec l'expérience « re-cycle » à Orléans, où la récupération des vélos favorise l'utilisation d'un moyen de transport économique. Toute génération, toute situation sociale et économique confondues, la question centrale est bien, en effet, celle de l'estime de soi : estce-que je vaux quelque chose, alors que j'entends que je suis à la charge de la société puisque je n’ai pas d’emploi ? Quand je fais moi-même des choses, quand je montre à mes enfants que j’agis alors que je suis au chômage, je retrouve ma dignité. La raison première de l'habitat social est aussi de rendre aux habitants leur dignité. Les cinq expériences présentées durant ces 4e rencontres de l'innovation sociale ont toute cette dimension mais chacune, avec un regard particulier. Chaque année, les rencontres contribuent à faire connaître ce qui se passe dans différents endroits du territoire. Soutenir les projets va de pair, pour nous, avec la diffusion des expériences afin que d’autres acteurs se les approprient à leur façon. A Bordeaux, les 29 et 30 janvier 2014, avec l'appui des équipes de Domofrance et de Mésolia Habitat, nous avons fait un « tour de France » de l'innovation sociale et de l'économie circulaire. Nous vous invitons dans la présente publication à le revivre en texte et en images. Le fonds soutient des projets profitant aux habitants des quartiers Michel Ceyrac, président de la Fédération nationale des ESH 05 06 Nous saluons la création du Fonds d'innovation sociale Clément Rossignol, vice-président en charge de l'économie sociale et solidaire Communauté urbaine de Bordeaux L'innovation sociale concourt à la lutte contre l'exclusion Norbert Hiéramente, président de Domofrance La ressourcerie de Cenon Palmer R3 : réseau de réemploi des deux rives L’aire de compostage du Port de la lune Les chantiers Tramasset 31 L’économie circulaire et le développement durable François-Michel Lambert, président de l’institut de l’économie circulaire, député des Bouches-du-Rhône, vice-président de la commission Développement durable à l’Assemblée nationale la conclusion 35 01 c'est en créant les rêves que l'on changera la réalité Valérie Fournier, présidente du Fonds d’innovation sociale introduction réduction de la pollution de l’environnement, la régulation de la production. L’économie circulaire cherche les meilleures conditions d’usage et la longévité des objets du quotidien. Depuis plusieurs années les ESH sont investies sur ce thème et le Fonds soutient des projets développés autour de cette problématique qui concerne autant la qualité de vie des habitants que le développement économique. Hier une centaine de participants a visité des projets initiés par Mésolia et Domofrance et soutenus par le Fonds. Aujourd’hui nous continuons à rencontrer les acteurs du développement social à travers les échanges d’expériences et le débat avec la salle. Je me félicite que tant de personnalités du monde HLM, associatif, d’élus, de représentants d’institution soient présents : JeanLouis Dumont, président de l’USH ; Norbert Hiéramente, président de Domofrance, Emmanuel Picard, directeur général de Mésolia, François Cornuz, directeur général de Do- Michel Ceyrac, président de la Fédération nationale des ESH Le fonds soutient des projets profitant aux habitants des quartiers Notre Fédération fait preuve de beaucoup de dynamisme, représentant avec près de 270 sociétés, 60 % de la construction de logement social, peut-être plus dans les Dom. Mais la responsabilité de notre secteur ne se borne pas à la construction ni à la gestion des immeubles. Elle évolue en prenant en compte les mutations de la société tant sur un plan tant démographique (vieillissement de la population, flux migratoires, familles mono parentales), qu’économique et sociétal. Nous devons aussi construire au moindre coût tout en étant contraints par les normes environnementales, les règles liées à l’accessibilité et le coût du foncier. Nous relevons ces défis ainsi que celui de mener une politique volontariste de construction tout en poursuivant l’accompagnement social des publics fragilisés dont nous constatons l’augmentation depuis quelques années. La création par notre Fédération du Fonds pour l’innovation sociale en 2007, s’inscrit dans une perspective de soutien des actions innovantes portées par les bailleurs et les associations pour favoriser l’accueil, l’intégration, la qualité de vie des habitants dans leur logement et dans le quartier ; renforcer l’inclusion par l’économie des populations, notamment des jeunes et soutenir le développement local. Les projets soutenus par les Fonds, le sont au profit des locataires, plus largement des habitants de nos quartiers. Ils contribuent, en zone urbaine et rurale, à redynamiser les il est possible de conjuguer utilité sociale, efficacité et innovation. mofrance ; François-Michel Lambert ; Clément Rossignol, Véronique Fayet. Je remercie l’ensemble des participants aux tables-rondes, les représentants des ESH -Pierres et Lumières à Orléans, Sodineuf Habitat Normand à Dieppe et SHLMR à Saint Denis de la Réunion, les dirigeants des collectivités locales et des associations ainsi que les salariés des ESH et des associations pour leur engagement constant. Véronique Fayet, adjointe au maire chargée des politiques de solidarité, santé et seniors territoires dans les quartiers d’habitat social classé ou non en « zone urbaine sensible ». Le Fonds est alimenté par un apport volontaire des ESH à raison d’un euro par logement chaque année. Plus de 55 % de nos ESH dotent le Fonds et concourent ainsi à créer du lien social dans les quartiers. Chaque projet est soutenu par une ESH et portée par une association qui ainsi, réfléchissent et travaillent ensemble autour d’un objectif commun : accompagner la requalification d’un patrimoine, impliquer les habitants pour lutter contre la précarité énergétique, améliorer les conditions de vie des locataires, participer au changement d’image d’un quartier pour briser les ghettos…. Plus de 150 actions ont été soutenues. Toutes démontrent qu’il est possible de conjuguer utilité sociale efficacité et innovation. Ainsi les ESH sont de véritables acteurs locaux aux côtés des associations. Pour la quatrième année, le Fonds organise ces rencontres de l’innovation sociale, moment privilégié pour les débats ainsi que pour la mise en perspectives des actions menées dans les territoires. Pour la deuxième fois, elles se déroulent en région après Rennes en 2012. Cette année à Bordeaux, elles sont dédiées au thème Économie circulaire et développement durable. Le député François-Michel Lambert nous expliquera ce qu’est précisément l’économie circulaire. Elle a à voir avec la sobriété, la récupération d’objets jetés, la D’une économie de coupures à une économie de liens Je salue tous les présidents et prési- dentes, les honorables membres de cette assemblée. Je suis très heureuse que l’une de mes dernières apparitions politiques se fasse auprès des ESH et de ce Fonds pour l’innovation sociale car cela est symbolique de mon action menée tout au long des 25 ans de mandat d’élue que j’ai accompli. Merci d’avoir Choisi Bordeaux car il y a des ESH formidables en Gironde. Je salue leur engagement, la qualité de leur travail et leur rôle de locomotive dans le logement social girondin. Bordeaux aussi, a le goût et le talent de l’in- 02 03 novation. Alain Juppé nous invite à aller toujours plus loin. Nous avons créé en 2010 un projet social destiné à promouvoir l’innovation sociale, nous organisons un Forum social avec pour thème les deux dernières années : « l’économie du partage ». Des actions concrètes vont aussi dans ce sens : la pépinière Darwin dans une ancienne caserne, une pépinière éco-créative, l’aire de compostage de Bacalan, l’atelier d’Eco solidaire, R3, Récupère, et un peu partout, des micro-initiatives d’associations qui font de l’économie circulaire sans le savoir. introduction Comment traverser le plafond de verre ? Face à ce fourmillement d’idées, je pense à l’analyse d’Hugues Sibille président de l’Avise, agence de valorisation des initiatives socio-économiques. Au niveau local, observe t-il, il y a une ruche bourdonnante d’initiatives et d’imagination et des réseaux horizontaux de proximité, tandis qu’au niveau national, le top-down est toujours à l’œuvre. Entre les deux, c’est un plafond de verre ! Les politiques nationales ne tirent pas profit de cette richesse locale. Hugues Sibille résume : Il y a une fertilité locale incroyable et une stérilité centrale. Comment ces expériences pourraient casser ce plafond de verre ? Comment des expérimentations depuis 25 ans pourraient entrer dans le droit commun pour devenir le cœur d’une nouvelle croissance inclusive ? Ma conviction est que cela va passer par les entreprises, notamment à travers la RSE. Une étude récente d’Axentur rapporte que 48% des dirigeants d’entreprises considèrent que l’empreinte sociale de leur entreprise est prioritaire. Il existe une vraie prise de conscience des chefs d’entreprise qu’il faut changer de modèle parce que l’économie actuelle est négative du fait qu’elle s’appuie sur des coupures. Coupures entre l’entreprise et son environnement ; entre les logiques à court terme de rendement obligatoire et le long terme ; entre le monde de la finance qui spécule et l’économie réelle ; entre les très riches et les très pauvres… Une autre voie : l’économie positive Il existe une autre voie, celle de l’économie positive dans laquelle on compte l’économie collaborative qui crée des liens entre les personnes, l’économie circulaire qui fait des liens entre les biens (la fin de la vie d’un bien est le début d’une autre), l’économie sociale et solidaire qui crée des liens sociaux et réin- l’économie positive est l’économie de demain. Nous saluons la création du Fonds d’innovation sociale tègrent les plus pauvres dans l’économie réelle. Il est temps de passer d’une logique de coupure, de développement séparé à une logique de liens. L’économie positive est l’économie de demain, elle produira plus de liens que de biens, elle transformera les bénéficiaires en acteurs responsables. Nous en avons eu hier à l’aire de compostage de Bacalan, un exemple merveilleux avec les papys composteurs ou les ateliers participatifs de Cenon. Ces activités ont une valeur humaine largement supérieure à la valeur marchande. Nous savons bien que nous n’avons pas encore trouvé le modèle économique de l’aire de compostage alors que sa valeur humaine est énorme. Cette activité ne sera certes pas comptabilisée dans le PIB mais en matière de prévention du vieillissement, c’est supérieur à tout ce que l’on peut imaginer comme action très élaborée et plus coûteuse ! Les entreprises sur tous ces sujets, avancent beaucoup plus vite que les politiques car elles posent des actes. A travers la RSE, on le voit dans les ESH, on sent l’intime conviction des dirigeants et je suis sûre que l’économie positive va contaminer l’économie mondiale à travers les entreprises. Clément Rossignol, vice-président en charge de l'économie sociale et solidaire Communauté urbaine de Bordeaux Je salue les présidents de la Fédération nationale des ESH, de Domofrance, la présidente du Fonds d’innovation sociale, les responsables des ESH, des associations, les acteurs bordelais, Véronique Fayet, mes chers collègues. Au nom de Vincent Feltesse, président de la CUB, que je représente, je vous dis notre satisfaction de voir ces 4e rencontres de l’innovation sociale organisées à Bordeaux. C’est une forme de reconnaissance des initiatives, privées et publiques, prises sur notre territoire en la matière. L’innovation sociale est salutaire et nécessaire dans le contexte des quatre crises que nous vivons : économique, écologique, sociale, démocratique. Certains disent qu’en matière d’économie et d’environnement, il ne s’agit pas simplement de crise mais de changement de modèle, de mutations profondes de nos sociétés. L’économie circulaire et le développement durable, thème de vos journées, vont apporter des réponses aux questions que nous nous posons tous relativement à ces crises. Nous devons trouver des solutions économiques plus inclusives, plus soutenables, plus coopératives. En ce sens nous saluons la création du Fonds d’innovation sociale. J’ai beaucoup apprécié le commentaire de monsieur Hiéramente : les solutions ne sont pas seulement techniques mais aussi sociales. Au pays de Jacques Ellul (né à Bordeaux en 1912, mort à Pessac en 1994), un des premiers critiques de la technique, le message est fort et important. Dans nos sociétés technophiles en effet, on peut penser que toutes les solutions nous seront données par les nouvelles technologies et les outils, mais rien ne remplacera les rapports humains, la proximité et l’inclusion. La Communauté urbaine de Bordeaux, établissement de coopération entre les 28 communes qui la compose (métropole le 1er janvier 2015) a des compétences multiples : eau, Le Fonds valorise et donne des ailes à ses bénéficiaires Je félicite donc les ESH et le Fonds pour l’innovation sociale qui montre la voie, ouvre des possibles, l’équipe du Fonds de quitter Paris pour soutenir les acteurs locaux plein d’idées et de talents. Je me souviens avoir planché devant le Fonds pour défendre l’aire de compostage : nous avons été accueillis avec beaucoup d’humanité, nous avons senti que l’équipe était là pour nous aider et faire grandir le projet. Tous les bénéficiaires du Fonds sentent cette valorisation qui leur donne des ailes. En conclusion, je veux partager un souvenir de ma grand-mère qui faisait de l’économie circulaire sans le savoir… Je la vois recoudre des draps pendant des soirées entières en même temps qu’elle nous racontait des histoires. D’abord pièces de lin magnifiques, le drap, après quelques années était retourné et cousu devenant un nouveau drap, avant d’entamer une vie de serviettes de tables et finalement, une fin de vie de chiffons. Aussi je vous invite à être ringards, c’est l’avenir ! 04 05 déchets, urbanisme, mobilité, logement, économie. À l’échelle de la région, l’agglomération bordelaise dispose de tous les atouts pour initier, aider la diffusion des initiatives et innovations entrepreunariales, sociales, solidaires au bénéfice de tous. La CUB est labellisée territoire de commerce équitable ; nous réfléchissons à la création d’un label local RSE ; nous développons les heures d’insertion, passées grâce aux travaux du tramway de 25 000 à 70 000 heures en un an, chiffre que nous souhaitons augmenter. Nous avons organisé en juillet 2013, les premières rencontres sur l’économie collaborative. À ce sujet, il y aura sans doute besoin d’éclaircir le vocabulaire entre tous ces termes d’économie positive, circulaire, collaborative, fonctionnelle… Concrètement en termes d’économie circulaire, la Communauté urbaine y travaille avec deux entrées : dans le cadre de sa politique d’économie sociale et solidaire, aide aux projets qui revêtent un caractère social avec, par exemple, l’insertion socio économique des personnes et dans le cadre du plan local de introduction prévention des déchets, soutien aux actions en faveur de la réduction des déchets. La Communauté urbaine, très volontaire pour que se développe sur son territoire, un maillage de recycleries et ressourceries, accompagnent les nombreux projets de réemploi des déchets : R3, la ressourcerie de Cenon, de Lormont, l’atelier d’Eco-solidaire… En 2014, nous poursuivons cette politique, notamment en permettant au projet R 3 de monter en puissance par la coopération et la mutualisation avec d’autres acteurs du territoire ; à terme en encourageant les acteurs de l’économie sociale et solidaire à des regroupements, des mutualisations, des formes diverses de coopération avec, par exemple, la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif dans le capital desquelles les collectivités locales peuvent entrer. Inventer de nouvelles gouvernances représente aussi « innovation » et nous croyons aux formes coopératives qui permettent une meilleure gouvernance, une participation des collaborateurs aux prises de décisions, une meilleure répartition des richesses et une pérennisation. Mais l’économie circulaire ne se réduit pas aux déchets, elle représente plus largement un moyen d’optimiser les ressources, dans un monde fini où celles-ci sont limitées et où l’on ne peut pas être dans une société d’abondance. Ainsi, nous devons « désinventer » ce que nous avons inventé. En matière de déchets, le XXe siècle les a inventé, le XXIe siècle doit inventer leur disparition. L’innovation sociale a également à voir avec le logement, politique importante de la communauté urbaine. Deux opérations à titre d’exemple : 50 000 logements autour des axes de transports en commun (2 milliards d’euros investis avec le tramway) pour répondre à l’augmentation de la population et proposer aux Bordelais des logements à un prix abordable ainsi que de nouvelles formes d’habiter. Le logement participatif ou coopératif est un autre axe innovant développé par la CUB. nous créons de véritables leviers qui placent nos actions au cœur du développement économique local. L’innovation sociale concourt à la lutte contre l’exclusion sociaux des projets d’insertion par l’économique et par la formation. Je veux dire ici, combien je suis fier de présider Domofrance dont les équipes, que je remercie à cette occasion, sont extrêmement motivées. Elles ont largement anticipé cet engagement de Domofrance dans des réalisations comme La Ressourcerie ou R3 que certains d’entre vous ont visité hier. Je salue également l’aire de compostage, le projet de Mésolia au Port de la lune, qui contribue à apporter du lien aux personnes qui en ont tant besoin. Domofrance et Mésolia ainsi que les associations ont travaillé en parfaite collaboration pour organiser ces visites. Je fais le vœu que ces projets essaiment autant que possible. Je suis aussi très attaché aux « suites de parcours ». Notre mobilisation à tous, associations, collectivités locales, financeurs, doit ouvrir des perspectives d’embauche ou des qualifications avec, à terme, un emploi durable. Pour cela, nous associons toujours les entreprises à nos projets. Grâce à elles, chaque année, 100 000 heures de clause d’insertion sont réalisées et les personnes inscrites dans nos chantiers d’insertion béné‑­ ficient de passerelles vers la sphère économique et la réalité du travail. Nombreux sont ceux qui ont continué leur parcours au-delà de nos projets : il suffit parfois de faire la courte échelle et les personnes poursuivent leur chemin. Norbert Hiéramente, président de Domofrance Monsieur le président Michel Ceyrac, monsieur le représentant de la Communauté urbaine de Bordeaux Clément Rossignol, chère Véronique Fayet maire-adjointe de Bordeaux, madame la présidente du Fonds, Valérie Fournier, mesdames et messieurs, L’innovation doit être au cœur de la démarche des bailleurs sociaux ; elle peut revêtir différentes formes. Depuis plusieurs années, c’est devenu une évidence : il ne suffit pas de construire des logements sociaux, nous nous sommes penchés sur tous les problèmes liés à l’habitat. Ainsi, naturellement, la Fédération a eu une idée très riche avec la création du Fonds pour l’innovation sociale. L’innovation n’est pas seulement technologique car la technologie seule n’aidera pas nos locataires à payer leur loyer et à vivre mieux dans nos résidences. L’innovation peut être sociologique : repenser les modes d’habiter, les usages du logement est intéressant mais ne suffit pas non plus. L’innovation peut être sociale en imaginant de nouvelles façons de répondre aux besoins pour une inclusion sociale réussie. La réintégration dans la sphère sociale est fondamentale parce qu’elle est une manière de lutter contre l’exclusion. Domofrance est engagée depuis longtemps dans les différents dispositifs d’insertion et dans le montage de projets innovants. Notre volonté est de proposer aux personnes les plus éloignées de l’emploi et qui occupent nos résidences et celles des autres bailleurs 06 07 Nous avons également un rôle à jouer comme acteurs d’un développement économique responsable qui conjugue insertion par l’économique et développement d’une économie circulaire. Remettre dans le circuit des échanges, des objets qui ne vivent plus : nous l’avons fait chez Domofrance avec La Ressourcerie, quelques dizaines d’emploi ont été créés. Aujourd’hui, ce projet ne nous appartient plus et ceux qui l’ont en charge le développent de façon très pertinente. Nous créons de véritables leviers qui placent nos actions au cœur du développement économique local, c’est bien là, désormais notre tâche. Nous sommes des bailleurs sociaux, mais du fait du lien étroit qu’il y a entre emploi et logement, nous avons été amenés à explorer d’autres champs. Nous devons, au niveau national, développer cette tendance. Je suis convaincu que les présentations faites au cours de la journée seront enrichissantes et vous guideront pour mettre en œuvre les conditions d’une inclusion sociale réussie. Je tiens aussi à saluer Véronique Fayet qui a tellement donné au logement social : ton implication a beaucoup apporté à l’agglomération bordelaise. Merci encore ! les visites du mercredi La Ressourcerie { quartier Cenon Palmer} Agissant dans le cadre de l’économie circulaire et du développement durable, la Ressourcerie propose un service éco-citoyen pour gérer autrement les encombrants et arrêter le gaspillage. Elle donne la priorité à : la collecte séparative des déchets « encombrants ménagers » en préservant leur état le tri, contrôle, nettoyage et réparation des objets afin de leur rendre toute leur valeur la revente de ces objets revalorisés à des personnes qui en ont besoin le démontage et la dépollution des objets non réutilisables et leur orientation vers les filières adéquates l’éducation à l’environnement. Atelier chantier d’insertion, la Ressourcerie répond aux objectifs des régies de quartier : développement social, mieux-vivre ensemble, insertion des personnes éloignées de l’emploi sur un territoire. Avec Cenon, Région Aquitaine, le Conseil Général de Gironde, le Fonds d'innovation sociale, Garie (groupement aquitain des réseaux de l'insertion par l'activité économique), Réseau des ressourceries éco-mobilier, La CUB (Communauté urbaine de Bordeaux), les ESH, Véolia, Fondation Vinci. R 3, Réseau de Réemploi des deux Rives { Bordeaux } Nouveau réseau de l’économie sociale et solidaire, R3 répond à plusieurs objectifs : Recherche d’une plus-value environnementale Création d’une activité économique avec de nouveaux emplois Développement du lien social. Prestataire des bailleurs sociaux, R3 collecte les encombrants au pied des immeubles, tandis que les particuliers peuvent aussi appeler l’équipe mobile de la recyclerie. Objectifs : favoriser la sensibilisation des publics, réduire les déchets, collecter des objets en bon état. Pour la communauté urbaine de Bordeaux, R3 est un projet innovant en ce qu’il encourage les acteurs dans la voie de la coopération économique, qu’il les accompagne dans des dynamiques de mutualisation. Objectif : renforcer le poids économique des acteurs afin de pérenniser leur action. 08 09 Avec Domofrance, le Fonds pour l’innovation sociale, Cenon, la fondation Véolia, Grand projet des Villes, Atis, les Scop, la CUB, l’ARQC, la régie de quartier Génivert, la régie de quartier de Bacalan. les visites du mercredi Les chantiers Tramasset { Le Tourne } Association et organisme de formation, “Demain le fleuve” propose une formation de neuf mois qui permet, chaque année, à une dizaine de personnes éloignées de l’emploi ou peu qualifiées, d’obtenir le titre professionnel de charpentier bois. Grâce à la construction du coureau, bateau traditionnel de la Garonne et à la réhabilitation des Chantiers Tramasset, les stagiaires acquièrent des compétences techniques. Le chantier-formation permet à la fois le développement économique local et touristique ainsi que la sauvegarde et la valorisation du patrimoine 90 % des stagiaires ont validé a minima un premier niveau de qualification pendant les deux premières saisons. Avec Mésolia Habitat, le Fonds pour l’innovation sociale, la Fondation de France, la CUB, l’Ademe, le Conseil général de Gironde, la Ville de Bordeaux, la Région Aquitaine, la fondation Caisse d’Epargne, l’Acsè, l’amicale des locataires, Salut Terre, EnRGEthic. Aire de compostage du Port de la Lune { quartier Bacalan } En concertation avec les habitants volontaires, l'aire de compostage collective au pied de la résidence le Port de la Lune (365 logements) accueille les déchets verts des résidents et de l'ensemble du quartier, et participe ainsi au désenclavement social du groupe d'habitations. Sensibiliser les habitants au compostage collectif est une première étape, par la suite, l'interêt et de faire évoluer les mentalités pour adopter des pratiques vertes telles que le tri des déchets et ainsi respecter et améliorer leur cadre de vie. 10 11 Avec la Région Aquitaine, le Conseil général de Gironde, l’Europe, la Fondation de France, Leader, le Crepi, Domofrance, le Fonds d’innovation sociale, Vallon de l’Artolie, le Fonjep, la mairie de Tourne, l’office du tourisme du Cadillacais et Langoiran, Vinci construction, Eiffage construction… Projets L’aire de compostage du Port de la Lune projet •• 1 { Bordeaux } Inaugurée en 2011, l’aire de compostage collective est située au pied de la résidence du Port de la Lune et associe les habitants volontaires. En accueillant les déchets verts de l’ensemble du quartier, elle contribue au désenclavement de la résidence. L’aire de compostage est une première étape pour faire évoluer les mentalités et déclencher des pratiques de tri des déchets. Emmanuel Picard, Directeur général de Mésolia Habitat Dans la mutation actuelle du mouvement HLM, réaffirmons l’utilité sociale de nos sociétés : les logements construits, les attributions de logements pour les personnes modestes, la réhabilitation qui représente près de 50 millions d’euros de travaux injectés dans l’économie locale. Le Port de la Lune est un ensemble de 360 logements situé à Bacalan, un quartier en profonde mutation. Construits dans les années soixante (50 % de vacance il y a 20 ans), ces bâtiments ont bénéficié d’une première réhabilitation, avec résidentialisation, puis d’une deuxième réhabilitation orientée sur l’isolation thermique et le confort d’usage des logements. Cela ne suffit pas, nous devons aussi nous occuper des personnes en finançant divers projets : un tournoi de foot, Bacalan Aventures par exemple, plus récemment l’aire de compostage. Les besoins de nos locataires légitiment notre contribution aux projets d’innovation sociale. L’aire de compostage m’a encouragé à trier davantage et à consommer de façon plus responsable. un habitant Stéphane Calt, responsable Habitat locatif, clientèle et qualité de service (Mésolia Habitat) A l’origine, un double constat : d’un côté, la régie de quartier de Bacalan (7 000 habitants) qui assume les contrats d’espaces verts et jette les déchets verts sans revalorisation. De l’autre, notre travail de gestion locative à travers lequel nous sentions les besoins de s’occuper des locataires. Nous avons imaginé ensemble l’aire de compostage qui répond à nos objectifs : sensibiliser les habitants à jeter plus intelligemment, désenclaver le Port de la Lune en construisant un projet à l’échelle de l’ensemble du quartier, recréer du lien social. Cyril Beaune, responsable d’agence de Bordeaux (Mésolia Habitat) Pour augmenter le nombre de personnes qui apportent leurs déchets verts, nous agissons au quotidien : information dans le journal trimestriel adressé aux locataires, rencontres entre les habitants et la régie de quartier. Selon moi, l’éducation des parents passe par les enfants. Il est donc très important que les écoles fassent des visites sur site, participent à des plantations, aux fêtes que nous organisons. Festicompost en novembre 2013 a rencontré un très grand succès en proposant des jeux autour du tri et de la revalorisation des déchets. 22 13 Les acteurs Mésolia Habitat Régie de quartier Habiter Bacalan Communauté urbaine de Bordeaux Projets 1 J’apporte mes déchets verts à l’aire de compostage et en échange le compost que je reçois me permet de réaliser des économies et de jardiner de façon durable. L’enjeu : trouver un modèle économique La pérennité du projet, comme celle de nombreux projets soutenus par le Fonds d’innovation sociale interroge sur le modèle économique. Crowdfunding sur internet, arrondi solidaire dans les commerces ou dans les entreprises… À n’en pas douter, l’innovation à venir sera celle des modes de financement. Mésolia Habitat Groupe Toit girondin Arcade 3 ESH engagées dans la RSE, responsabilité sociale des entreprises 14 000 logements en région Aquitaine. un habitant Marina Birilit, Robert Venturi, Chaque habitant du quartier peut, grâce au bio seau que nous leur avons fourni, déposer ses matières organiques 24 h/24 dans le bio collecteur ou venir aux heures d’ouverture pour discuter, aider par quelques heures de bénévolat : vidage du bio collecteur, brassage des composteurs. Journées portes ouvertes, rencontres autour d’un café contribuent aussi à la sensibilisation des personnes. Quant au jardin qui mobilise actuellement, l’un des papys composteurs, ces retraités bénévoles qui se sont impliqués dans le projet, venu m’aider régulièrement, son origine vient du compost restant après la distribution aux habitants. À l’occasion d’un atelier lasagnes* organisé par notre partenaire Les jardins d’aujourd’hui, a germée l’idée du jardin. Actuellement, trois personnes préparent le sol selon la technique des lasagnes pour des plantations réalisées par les enfants au printemps. Bacalan représente une quarantaine d’associations qui fonctionnent en parfaite intelligence : quand il se passe quelque chose quelque part, toutes participent à la démarche. A l’origine de l’aire de compostage : une initiative de Mésolia Habitat et de son responsable de l’environnement et de protection de la nature, Nicolas Houdré. Notre volonté était de gérer les déchets de la résidence et de faire du lien social. Nous avions pensé à une ressourcerie avec un atelier associatif de menuiserie. N’ayant pas trouvé de local, nous avons délaissé cette idée pour celle de l’aire de compostage. Faire du compost au Port de la Lune n’est pas concurrentiel avec les grandes aires de compostage de Bordeaux, mais il s’agit de créer du lien social via de nombreux vecteurs : les réunions associatives, le journal de Bacalan, les directeurs d’école, l’amicale des locataires très active au Port de la Lune… Les trois papyscomposteurs sont membres de l’amicale et en relation avec les locataires et les enfants. Plus largement, l’aire de compostage nourrit une réflexion du citoyen sur le traitement de tous les déchets : récupération de planches animatrice * La culture en lasagne est une manière de faire un jardin qui consiste à déposer sur le sol des couches de matières organiques puis une couche de terre dans laquelle on plante. 1er secrétaire, régie de quartier Habiter Bacalan de meubles, utilisation du compost récupéré pour de futures jardinières ou des jardins au carré. Marina conseille et accompagne ces initiatives. Selon moi, ces activités permettent à la CUB de réaliser des économies puisqu’il y a moins de déchets à collecter. J’espère pouvoir leur démontrer qu’ils peuvent ainsi poursuivre leur contribution, notamment pour financer la suite du contrat d’avenir de Marina. Véronique Fayet, adjointe au maire chargée des politiques de solidarité, santé et seniors Ce genre d’initiative naît sur un terreau de travail en commun construit à Bordeaux depuis 1995. Je me souviens, du premier conseil communal de la délinquance, au cours duquel le président de Maison girondine, ancêtre de Mésolia, nous faisait part de son projet de démolition du Port de la Lune n’ayant plus de solution à la vacance. Nous avons appliqué la méthode de développement social intégré : tout le monde autour de la table (bailleur, associations locales, police, Ville, éducateurs de prévention…), prise en considération de chaque problème, prise de décisions ensemble et chacun agissant dans son métier. Ceci a débouché sur la création d’une maison de la Justice et du Droit, d’un bureau de police de proximité, tandis que Maison girondine a fait la résidentialisation. Nous avons aussi créé la régie de quartier, fonda- 14 15 trice de la paix retrouvée. Dans ce quartier de Bacalan de forte tradition ouvrière, politique et syndicale avec des personnalités de caractère, un méchant bailleur, une méchante municipalité de droite, l’ambiance était très tendue. Vingt ans après, nous nous sommes apprivoisés et sommes fiers du chemin parcouru ensemble. C’est le rôle d’une municipalité de fédérer tous les acteurs pour accompagner le développement social local, permettre de faire ensemble. Cette aire de compostage est un bel aboutissement, avec des initiatives prometteuses (contribution des enfants, échanges inter générationnels), mais aussi un enjeu économique fort pour rendre pérenne cette animation territoriale qui redonne aux habitants un vrai pouvoir d’agir. Regardons du côté des modes de financement innovants qui commencent à fonctionner : un fonds de dotation solidaire à Bordeaux, le crowdfunding sur internet, l’arrondi solidaire dans les commerces ou dans les entreprises… Les résultats depuis 2011 Amélioration de la qualité de vie des habitants Création de nouveaux liens entre les résidents De plus en plus de visites de l’aire de compostage Réduction des déchets ménagers incinérés et des déchets verts déposés en déchetterie Production de compost : 5 tonnes en 2012 Nouvelle activité et compétences pour la régie de quartier Réduction des coûts de manutention et de transports liés aux déchets verts Projets R3, la coopération au cœur d’un nouveau modèle économique projet •• 2 { Bordeaux } Commencée en 2006 chez Domofrance, accompagnée par le Fonds d’innovation sociale depuis 2008, la réflexion sur le traitement des encombrants débouche sur la préfiguration d’une future société coopérative d’intérêt collectif (Scic) aux objectifs ambitieux pour l’agglomération bordelaise. François Cornuz, directeur général Domofrance Tout d’abord, je salue les équipes sans lesquelles nous ne sommes pas grand-chose. Toutes ces réalisations sont le fruit de plusieurs années d’investissement en réflexions et en actions, pour R3 et pour la Ressourcerie, par exemple. Autre point essentiel de notre stratégie, la pérennité des projets. Nous estimons que notre rôle ne s’arrête pas à la construction. Dans le contexte économique complexe que nous connaissons, le sens de notre action est de contribuer à ce que les personnes que nous logeons, vivent dans de meilleures conditions, aient une envie de vivre, de vivre mieux, de vivre l’avenir. La démarche R3 s’inscrit complètement dans cette philosophie. Elle est aussi caractéristique du travail partenarial que nous élaborons. Domofrance contribue aux actions avec les associations, les collectivités, la communauté urbaine, et avant tout, avec nos habitants. David Seys, directeur maîtrise d’ouvrage, études et financement Domofrance Oui, R3 résulte d’un cheminement qui a commencé en 2006-2007 autour de la question : que faire des encombrants qui gênent tout le monde ? Il y a eu des rencontres -le bailleur, la collectivité et une régie de quartier-, puis le déclencheur en 2008-2009 : le Fonds d’innovation sociale. Deux ans d’ingénierie et de mobilisation des équipes ont été nécessaires pour inaugurer la Ressourcerie. Aussitôt, nous avons, comme nous nous y étions engagés auprès du Fonds, travaillé sur le modèle économique car nous sommes bien dans l’économie positive et réelle. 17 Si les premiers résultats étaient encourageants avec un pic de 11 emplois nets créés, il s’avérait que la Ressourcerie, basée sur l’économie aidée, trouvait ses limites. Nous nous sommes alors tournés vers un expert, Atis, pour travailler sur les conditions d’essaimage de ce projet. La mutualisation au niveau du territoire a conduit la communauté urbaine de Bordeaux à rejoindre le projet. Nous innovons dans le montage de la future Scic en ce qu’elle s’appuie sur les réseaux de l’insertion par l’économique et sur le réseau local de l’économie sociale et solidaire. Frédéric Petit, chargé du développement [association de préfiguration R3] La collecte des encombrants est réalisée par les 3 régies de quartier de Lormont, Cenon et Bacalan dans les dépôts sauvages et les zones de collectes. Les camions sont déchargés dans l’entrepôt, puis les valoristes interviennent pour trier, séparant ce qui est récupérable, réparable ou réutilisable, de ce qui est démantelé (bois, métaux, plastiques). Des repreneurs présents un peu partout sur le territoire reprennent ce qui a été trié pour une revalorisation, tandis que les meubles, canapés et autres accessoires pouvant faire l’objet d’une réparation partent à l’atelier mutualisé de la Ressourcerie pour retrouver une deuxième vie. On est dans une dynamique économique : apporter des métiers nouveaux à ceux qui étaient éloignés de l’emploi. Nommer le métier – trieur, sur-trieur, dépollueura un fort impact sur les personnes car cela donne du sens à ce qu’elles font. Les acteurs Domofrance Atis La Fabrique à initiatives Communauté urbaine de Bordeaux Projets 2 David Seys Nous avons fait un travail d’information sur le projet auprès des bailleurs, administrateurs des régies (Mésolia Habitat, Aquitanis, Gironde Habitat, Clairsienne, Logévie, ICF Habitat et offices), pour créer les conditions de l’adhésion ; auprès des services de l’Etat pour flécher les financements. Domofrance, engagé depuis 2006, a gardé l’ingénierie, et a travaillé avec les bailleurs qui seront les clients de R3. Nous sommes actuellement en phase de lancement par Domofrance avec 5 000 logements, puis Aquitanis, Logévie, Clairsienne, Mésolia entreront progressivement dans le dispositif. Notre objectif : 10 à 12 000 logements concernés en 2015. R3 , modèle à fort potentiel Ce type d’organisation peut apporter aux industriels une réponse, notamment par rapport aux matériaux, tels que les bois, qui contiennent des polluants et des colles. Nous pourrions travailler avec eux sur des processus d’écoconception permettant de trouver des matériaux moins polluants, et mieux démantelables. Les échanges avec la salle Delphine Depaix [Emmaus Habitat] Avez-vous prévu d’ouvrir d’autres boutiques, notamment en centre-ville ? Projetez-vous de contacter des copropriétés qui gèrent ces problématiques d’encombrants ? Clément Rossignol, vice-président en charge de l’économie sociale et solidaire, Communauté urbaine de Bordeaux Jérémy Brémaud, responsable d’Atis [La Fabrique à initiatives] Les trois régies de quartier sont engagées dans une coopération qui représente une véritable révolution de leurs pratiques. De fait, coopérer implique d’abandonner une partie de soi, de faire un bout du chemin pour les autres et de redéfinir ses priorités, son organisation et son fonctionnement. Ce travail est possible car les trois régies acceptent qu’aucune ne peut réaliser, seule, l’ensemble du processus. Aujourd’hui, la coopération s’incarne dans l’atelier mutualisé qui donne une cohérence économique grâce à l’effet de seuil. Bien sûr, cette organisation change la nature de la relation entre les responsables d’antennes des bailleurs et les salariés des régies de quartier. Ils sont en lien dans le cadre de R3 dont la cohérence économique et organisationnelle a pour but d’assurer la pérennité de l’activité et la qualité du service à l’échelle du territoire. Le rôle des bailleurs, Domofrance notamment, dans la structuration de cette relation a été important : ils ont montré aux régies leur intérêt à travailler ensemble tandis que nous avons joué un rôle de médiateur entre les trois régies. Enfin, les dirigeants des régies partagent la gouvernance de R3 avec les bailleurs et les collectivités locales, le président de R3 est également le représentant d’une des régies de quartier. La CUB a, très concrètement, apporté une aide financière à Domofrance qui est à l’origine du projet. Nous y trouvons plusieurs intérêts : la gestion des déchets est dans nos compétences et elle intéresse le cadre de vie de nos habitants. Nous sommes favorables à l’association de préfiguration de la coopérative et très conscients qu’il faut poursuivre, durablement, cet effort financier pour pérenniser la structure. Quant à l’économie circulaire, nous travaillons (en associant les industriels) sur la fin de vie des déchets et aussi sur leur réduction à la source, à travers une autre manière de concevoir en amont, les objets. Vous avez dit “valoriste” ? Le terme existe bel et bien dans les codes métiers, englobant les fonctions de trier, surtrier, redonner vie à un produit, remettre dans une meilleure filière. En revanche, le “valoriste” n’est pas repris dans les conventions collectives. L’enjeu pour R3 ? Collecter 2 000 tonnes d’encombrants par an avec revalorisation ou réutilisation de 65 % d’entre eux. David Seys Ceux qui ont visité la Ressourcerie ont vu la boutique, lieu de revente des objets, situé dans le quartier à des prix modiques dans l’esprit de l’économie solidaire. Mais les boutiques constituent le point de déséquilibre de R3 : nous n’en n’avons pas les moyens considérant le chiffre d’affaires projeté, tandis que le lien social très lié à la boutique est important dans le projet R3. Nous trouvons pas à pas, des réponses sans mettre en péril le schéma économique. À Lormont par exemple, nous préparons l’ouverture d’un espace au cœur du quartier, partagé avec d’autres structures. Nous réfléchissons aussi à des boutiques mutualisées autour de la revalorisation et du réemploi. Les copropriétés sont effectivement une cible pour R3, d’autant plus que certaines d’entre elles ont des problématiques similaires à celles du logement social. François Cornuz En tant que bailleur social, nous devons mettre une limite à notre apport car nous sommes redevables devant nos locataires. Domofrance va donc alléger son investissement tout en poursuivant l’accompagnement. Témoignage Hélas, la création de valeurs de l’innovation sociale n’est pas comptabilisée dans notre monde économique. Fabrice Caillé [Atelier d’éco solidaire] Nous cherchons à apporter de l’intelligence au système qui gâche beaucoup de matières réutilisables, tant chez les particuliers que dans les entreprises. Comment se réapproprier des matières qui peuvent avoir plusieurs vies ? Comment ces déchets peuventils être utiles ? Nous avons par exemple une boutique dans un centre commercial du quartier du Grand parc. C’est de l’économie circulaire en circuit court : les objets laissés par les uns profitent à d’autres, ce qui débouche aussi sur un dialogue entre les gens, autour de leurs pratiques des déchets et du développement durable. Nous apportons aussi de l’intelligence design, de l’intelligence d’organisation avec des jeunes très compétents. Notre logique est complémentaire à la démarche R3. www.atelierdecosolidaire.com 18 19 Tessa Coeffé [Logement francilien] Par rapport au ramassage des encombrants, quid de la substitution des rôles entre collectivités et bailleurs ? Clément Rossignol Pour la CUB il n’y a pas de désengagement, mais en travaillant à plusieurs, nous ne pouvons que faire mieux. Financièrement, nous participons au volet économie sociale et solidaire et aussi sur les déchets. Projets Insertion par le beau projet •• 3 { la réunion } ou comment agir pour gagner en estime de soi De nombreux partenaires ont permis que cette action en faveur de la professionnalisation des femmes, devienne réalité. Au-delà des compétences acquises, elles retrouvent l’estime d’elles-mêmes et l’élan pour agir, des qualités encouragées par le Fonds d’innovation sociale. Jean-François Moser, Jessica Langevilliers, Depuis plusieurs siècles, nos destins entre Bordeaux et l'île de La Réunion sont liés, ce qui contribue à la richesse de nos cultures outremer. Dans le contexte socio-économique de La Réunion - 60 % des jeunes de moins de 25 ans au chômage, 32 % de la population active au chômage-, le sens de notre action et notre engagement s'imposent d'évidence. Mon pays bato fou chante un poète réunionnais : dans une île, nous avons, audelà des clivages, vocation à conduire nos destins communs dans la durée. La SHLMR a pour vocation de mettre en place des projets avec les locataires, des projets construits à partir des besoins pour répondre réellement à ceux-ci. 24 femmes locataires de la société ont accepté d'expérimenter ce projet de décoration d'intérieur de leur logement. Nous les avons rencontrées avec l'Agidesu et le pôle Emploi. Fathia, la formatrice, les a accompagné tout au long du chantier, leur a transmis les techniques de peintre en bâtiment. Notre idée : commencer avec des personnes réellement motivées ne cherchant pas à consommer une proposition. directeur général [SHLMR ] Charles Grondin, Les acteurs SHLMR Association Agidesu Pôle Emploi directeur de l’Agidesu Insertion par le beau a rencontré des difficultés pour se mettre en place et a pu exister grâce à un partenariat avec la SHLMR, pôle emploi, Agidesu, la délégation des droits de la femme, la Caf, le CCAS, des entreprises, des associations. Le projet est né d'une idée, d'un constat : l’Agidesu qui vend des prestations à l'Etat constate que la parité est absente sur nos chantiers, d'où notre volonté de permettre à des femmes d'exercer ces métiers trop souvent réservés à des hommes. Sur une idée de Fathia Benazout, formatrice conseil en peinture et dans le cadre d’un partenariat large avec des liens forts depuis la création de notre association en 1997, nous avons pu aboutir. 1 . 1 . Une vidéo explique le projet et donne la parole aux femmes réunionnaises qui participent à l’action. chargée de développement local [SHLMR] 2 . 2 . Michel Ceyrac, président de la Fédération des ESH et Dominique Chauvet, directrice générale. 21 Les voyages de mille lieux ont tous commencé par un pas. Lao Tseu Projets 3 Mohamed Patel, directeur du pôle Emploi [ville du Port] Amartya Sen Fathia Benazout, animatrice Conseil Peinture Avec Insertion par le beau, nous partageons un rêve. Depuis toujours, peindre représente pour moi, ma palette, mon ciel, un art à partager. Après 28 années de peinture en bâtiment, j'ai voulu transmettre mon parcours à des personnes qui me ressemblent parce qu'elles sont à la place d'où je viens. Avec la transmission, je donne à des mères de familles qui rencontrent de nombreuses difficultés, une opportunité d'être et de devenir. Bénila de Boisvilliers, Prix Nobel d'économie 1998, Amartya Sen considérait qu'il faut sortir des capacités habituellement reconnues, que beaucoup de personnes ont des capacités qu'elles ne connaissent pas. Le maillage entre les secteurs marchands et non marchands nous a particulièrement intéressés dans ce projet pour lequel le cheminement a été long et parfois difficile. Alors que l'action se termine, nous avons signé avec plusieurs personnes des contrats d'immersion dans les entreprises, et nous espérons que plusieurs d'entre elles auront un contrat de travail. Avec Insertion par le beau, il s'agit de la beauté des murs certes, mais au-delà de la beauté intérieure de ces femmes qui revivent à travers cette action de peinture. Le Fonds d’innovation sociale représente pour nous une reconnaissance, un partage de nos valeurs, le non isolement. Fathia Benazout L'acceptation de ces femmes par les autres n'est pas simple. De plus, dans la culture de La Réunion, elles ne sont que des femmes ! Dans ce monde masculin du bâtiment, elles doivent faire leurs preuves. Mères de familles monoparentales et isolées, certaines m'ont dit ne plus rester dans leur logement, sortir sans cesse tellement il était sale ! Notre logique est de leur donner l'autonomie et les moyens de rendre leur logement beau, de disposer d’une pièce de vie que la famille puisse partager. Aujourd’hui elles ont de l’ambition. lire. L’une d’entre elles m’a dit il y a peu : avant je pensais qu’une femme devait seulement s’occuper de ses enfants, et puis l’un de mes six enfants m’a dit : maman qu’est ce que tu es belle aujourd’hui pour aller travailler ! Et cet enfant aujourd’hui, travaille mieux à l’école. Jean-François Moser, directeur général de la SHLMR. Mohamed Patel Quand nous avons écrit les courriers, l’une d’entre elles est arrivée dans le quart d’heure pour nous demander : comment m’avez-vous trouvée ? tellement étonnée de recevoir un courrier personnel la prenant en considération. Jessica Langevilliers Aujourd’hui, ces dames ont retrouvé l'estime d'elles-mêmes. Elles s’impliquent dans leur quartier et sont forces de proposition. Elles ouvrent leur maison et donnent des conseils à leurs voisins et leurs familles. Certaines ont créé une entreprise avec leur mari. Jean-François Moser Nous avons l’ambition que cette goutte d’eau fasse tâche d’huile, que cette expérience modeste et exemplaire soit reproductible. La fierté des femmes, le regard de leurs enfants, la considération sociale ainsi gagnés sont essentiels. Dans la société réunionnaise forte de systèmes sociaux fondés sur la solidarité, nous avons montré avec Insertion par le beau qu’il est possible de dépasser les codes sociaux, de révéler ces personnes à ellesmêmes et à leur entourage, de démontrer leur capabilité. Pourquoi finançons-nous de tels projets ? Parce que nous sommes des fabricants de sens pour nos clients et pour nos équipes. Ce projet a émergé du terrain et en tant que directeur général d’ESH, j’ai choisi de créer les conditions pour qu’il devienne une réalité. Bénila de Boisvilliers Au-delà de l’estime de soi retrouvée, le partenariat a cette force d’offrir à ces personnes un accompagnement global, essentielle pour les hommes et les femmes qui souvent, ont peur de passer à l’action. Certaines femmes ont maintenant obtenu leur permis de conduire, pris des cours pour apprendre à conseillère pôle Emploi Le pôle Emploi est présent car nous sommes engagés dans l'insertion des personnes en difficulté. L'originalité ici est que les personnes ne sont pas venues vers nous. C'est nous tous, grâce à ce partenariat, qui nous sommes déplacés chez ces femmes pour leur proposer de devenir peintres en bâtiment. La difficulté résidait là : la création puis la pérennisation du projet. Nous préparons maintenant l’avenir avec un titre professionnel qu’elles passeront en avril puis leur insertion dans les entreprises de bâtiment. Pas kapab lé mor sans essayé. Charles Grondin Avec la SHLMR, nous fonctionnons à travers des relations humaines et, dans le cadre imposé, cela crée une dynamique. Aujourd’hui des gens demandent à entrer dans le dispositif. Pas capable, est mort sans essayer. proverbe créole 22 23 Les échanges avec la salle Fabienne Jouart [directrice des Compagnons bâtisseurs d'Aquitaine] opérateur d'auto-réhabilitation accompagnée, de chantiers d’insertion, formation et qualification en milieu urbain et rural : en métropole aussi les femmes isolées en milieu rural ont perdu l'estime d'elles-mêmes. Je formule un vœu : que votre expérience arrive ici et que mes collaborateurs prennent exemple sur elle. Fabrice Caillé [atelier d'éco solidaire] J’ajoute que l’on peut créer des passerelles entre toutes ces actions. Utiliser des matières au rebut, former les personnes à les transformer en objets de décoration : entre déchets, créativité, insertion, de très nombreux projets pourraient devenir réalité. Bénila de Boisvilliers À La Réunion, nous avons fait de l'économie circulaire sans le savoir. La récupération de bois flotté sur les plages, de carreaux dans des magasins de bricolage a permis aux femmes de créer de très beaux objets de décoration et des mosaïques intégrées sur le chantier. La SHLMR 350 collaborateurs 1/3 du patrimoine social de La Réunion 10% de la population de l’île logée Projets Décorons nos meubles, ça nous change la vie projet •• 4 Françoise Gagnaire, présidente de la Croix-Rouge Dieppe Depuis les années 90, la Croix-Rouge est entrée dans l'économie sociale et solidaire avec Vestiboutique et elle poursuit avec un local de récupération de mobilier. Ces meubles sont donnés ou vendus à très bas coût. Nous avons constaté que beaucoup de familles préféraient s'endetter pour acheter des meubles. De son côté, Sodineuf Habitat Normand avait observé que certains de ses locataires étaient peu ou mal meublés. Nous avons donc construit le projet ensemble. De bonne qualité, nos meubles n'avaient pas la vertu de la modernité et en parallèle, nous avons observé l'impact sur les personnes des émissions TV de décoration. Nous avons eu alors l'idée de customiser nous-mêmes les meubles. Avec l'ESH Sodineuf Habitat Normand, nous avons finalement pensé qu'il était plus judicieux de le faire faire par les utilisateurs eux-mêmes. { dieppe } L’action favorise la professionnalisation des associations et apporte du bien-être aux locataires. Claire Mulonnière, Qui peut décorer ses meubles ? Flyers, affiches, travailleurs sociaux… Les canaux d’information qui conduisent les personnes vers la Croix-Rouge de Dieppe pour participer à l’action Décorons nos meubles sont multiples. Les retours très positifs conduisent les personnes à faire elles-mêmes la promotion de la démarche. Seules ou accompagnées, orientées par une association d’hébergement temporaire ou par les travailleurs sociaux : tout le monde peut venir décorer ses meubles. directrice du développement commercial et social [Sodineuf Habitat Normand] Cette action est issue de Nouveaux décors, une démarche menée avec l’appui technique de Forjecnor, afin de conduire nos locataires à s'investir dans leur logement en faisant les papiers peints et peintures, notamment. Au regard de l'intervention à grande échelle que nous avons dans les quartiers, Décorons nos meubles est une démarche de proximité qui concerne l'intimité des personnes et permet de rendre les habitants réellement acteurs du changement de leur cadre de vie. 1 . Madeleine Telle, directrice du développement social Alors que Nouveaux décors avait conduit à une réelle amélioration du bien-être, au point qu'un locataire a pu dire : le soleil est entré dans la maison, nous cherchions comment poursuivre sur cette voie. Comment changer de meubles à moindre coût ? a été une bonne question et le ça nous change la vie est devenu une réalité. Des enfants ont, par exemple, remarqué que leur mère s’habillait différemment, plus tout en noir. Au delà des meubles, les personnes gagnent bien-être et mieuxvivre. Pour Sodineuf Habitat Normand, il s'agit de connaître les besoins des locataires pour proposer des services au-delà du métier classique du bailleur. Nous avons déjà soutenu 5 projets dans le cadre du FIS ! Nous sommes volontaires et pugnaces ! 2 . 1 . La vidéo diffusée à Bordeaux donne la parole aux initiateurs du projet et aux habitants qui décorent leurs meubles. 3 . 2 . Henry Gagnaire, directeur général de Sodineuf Habitat Normand, se félicite des exigences du Fonds d’innovation sociale : « il nous donne de l’argent mais nous devons, en échange, nous et l’association, expliquer ce que nous faisons et les résultats de cette action ». 3 . Marie Barbier, trésorière, responsable bénévole des inscriptions Croix-Rouge Dieppe. 25 Les acteurs ESH Sodineuf Habitat Normand Ville de Dieppe Croix-Rouge de Dieppe Association Les Nids Forjecnor 2000 Projets 4 Marie-Christine Eponville, directrice de l’association Les Nids Pour moi, il était important de monter un projet avec des familles de manière ludique et sans discours moralisateur. Travailler sur les meubles est aussi nouveau par rapport à nos actions sur la santé ou la recherche d'emploi. Se sentir bien chez soi est un bon point de départ. Autour de la notion de décoration, il y a vraiment de l'échange, du partage. C’est un moment très attendu par les bénéficiaires de l'atelier qui se déroule deux demi-journées par semaine. Les ateliers existent depuis six mois et l'osmose, le réseau se sont fait très rapidement, tandis que le bouche-à-oreille fonctionne sur toute la région dieppoise. Pour nous, les ateliers sont la continuité de l'accompagnement social lié au logement quand la famille est installée dans son logement. Paulette Lomo a décoré ses meubles : Je m’ennuyais à la maison. L’association Les Nids m’a indiqué la Croix-Rouge. J’ai essayé sur mes meubles et maintenant je continue, ça me plaît. On rigole bien, j’ai appris à travailler et à rencontrer les gens. Maintenant, Paulette veut apprendre l’anglais et l’informatique. Elle continue à faire des meubles qui seront exposés (mairie, mission locale) pour faire connaître l’action. François Lefevre, maire-adjoint de Dieppe en charge de la solidarité, l'habitat et la politique de la ville Gérard Macré, moniteur travaux [Forjecnor 2000] L’entreprise sociale pour l’habitat Sodineuf Habitat Normand gère en 2014 un patrimoine de 8000 logements dans 85 communes en Seine-Maritime. Elle loge 18 000 personnes. Après Nouveaux décors individuels dont je m'occupe depuis une dizaine d'années, refaire les meubles est, pour moi, une continuité. Je suis toujours émerveillé des résultats et en plus ça marche ! En laissant travailler les gens, en les écoutant, en amenant les bons matériaux, le meuble avant et après a beaucoup changé, ce qui montre que la personne a évolué, qu'elle voit les choses autrement. Cela serait sans doute une très bonne idée d'équiper les services municipaux avec les meubles décorés ! À Dieppe (50 000 habitants sur l'agglomération), le tissu associatif est très fort. Lorsque Françoise est venue me parler de ce projet, j'ai immédiatement vu une suite logique de l'action Nouveaux décors, du partenariat déjà existant et de l’intérêt pour tous les habitants : nouveaux arrivants ou locataires en place. L’atelier Décorons nos meubles relève bel et bien de l'économie circulaire. Nous voulons continuer et pour cela, se pose la question du financement avec des points de vue différents entendus depuis ce matin quant à la réponse à y apporter. Selon moi, certaines actions peuvent générer de l'autofinancement tandis que d'autres, très intéressantes ont besoin de l’appui des collectivités locales. Il faut trouver des solutions en plus de l'argent public qui se raréfie bien sûr. L'idée de l'arrondi social est une option intéressante si elle est bien maîtrisée pour profiter à plusieurs structures. Sur l'économie circulaire, existe l'épicerie solidaire qui récupère des denrées auparavant jetées. Elles fonctionnent bien, avec l'appui des pouvoirs publics : du temps est nécessaire pour trouver un équilibre financier. À propos d'un dispositif qui m'a choqué il y a quelques années : la prime à la casse pour relancer la commande de voitures. Résultat : des véhicules en très bon état partis à la casse alors qu'ils auraient pu servir à des personnes ayant de faibles ressources et vivant en milieu rural où, sans voiture, il est impossible d’aller travailler, par exemple. Le Fonds d’innovation sociale et Sodineuf Habitat financent les 2/3 du projet. Françoise Gagnaire J'ai présenté cette action au niveau régional de la Croix-Rouge à Amiens où elle a été reconnue comme innovante et j'ai incité mes collègues à se rapprocher du bailleur social de leur ville ou de leur département. 26 27 Les échanges avec la salle Sabrina Nadji [Immobilière 3 F] Avez-vous remarqué un changement de comportement des locataires : une autre façon de gérer leur budget, une meilleure implication dans la vie du quartier ? Madeleine Telle Au sein du service de développement social, nous nous appuyons sur le partenariat qui fonctionne très bien depuis une dizaine d’années. Nous faisons des visites à domicile chez des personnes en difficulté et nous les adressons aux associations spécialisées. Nous avons remarqué par exemple, des problèmes liés au comportement alimentaire avec très peu à manger dans les assiettes. Claire Mulonnière Oui les comportements évoluent. Réparer et décorer son meuble est devenu un réflexe qui, de plus, se diffuse. Fathia Banazout [formatrice et conseil en peinture] Merci pour ce que vous faites. Nous avons eu cette idée mais à La Réunion, hélas, il ne reste plus de vieux meubles pouvant supporter une rénovation. Projets Re’Cycle solidarité projet •• 5 Marcel Membribe, directeur général de l’ESH Pierres et Lumières Au départ se posait à notre société un problème d’accumulation de deux roues dans les caves. L’opportunité de résoudre cette question grâce à une action durable qui crée du lien entre nos locataires nous a séduit, d'autant plus qu'elle est particulièrement cohérente avec la mission sociale de notre actionnaire de référence, l'association Aprodel. Les personnes se retrouvent pour réparer leur vélo, partagent une expérience, s’inscrivent dans un tissu social qui se développe. Si toutes les difficultés ne sont bien entendu pas résolues, la fraternité entre les gens est très importante. Autre dynamique intéressante, des habitants d'autres quartiers viennent à l'atelier Re'Cycle. Pour moi, le lien social n'a pas de frontières. { Orléans } Ne jetez plus vos vieux vélos ! Ce mot d'ordre est à l'origine de Re-Cycle Solidarité, projet de réparation des vieux vélos entreposés dans les caves. Grâce au Fonds d'innovation sociale, un camion a permis de créer un atelier mobile de réparation de vélos. Anne-Laure Mercier, conseillère en économie sociale et familiale [Pierres et Lumières] Nous avons demandé aux locataires d'étiqueter leurs vélos qui ont ensuite été prélevés par François. Vélo +, le service de location de la ville d'Orléans ne vient pas jusqu'à la Source. L’atelier permet donc, non seulement aux étudiants du campus universitaire installé dans le quartier de La Source, d’acheter des vélos, mais aussi à tous ceux qui le souhaitent de circuler à de faibles coûts. Pour nous, ESH, le partenariat avec Re'Cycle est très innovant et le FIS a contribué par ses encouragements et son soutien, à poursuivre dans cette voie. La réparation mobile avec le camion est un plus, mais sur le site lui-même (1 300 logements dans le quartier), cela n'a pas fonctionné car les gens vont directement à l’atelier installé au pied d’un immeuble. Par contre au-delà de l'Argonne et de La Source, l’atelier mobile a beaucoup de succès. Le FIS a permis de salarier le poste à plein temps plus 2 postes en insertion alors qu’aupara- 1 . 2 . La vidéo diffusée pendant la journée bordelaise donne la parole aux acteurs. 1 . Lucile Daubignard, conseillère en économie sociale et familiale pour Pierres et Lumières. 3 . 2 . Pierre Allorant, vice-président de l’université, chargé de l’intégration régionale. 3 . François Gallier, fondateur dirigeant d’1-Terre Actions 29 vant l'association ne fonctionnait qu'avec des bénévoles. Cet engagement du bailleur pour autre chose que la construction et la location a changé la vision des locataires et a créé une émulation pour d'autres associations. Aujourd'hui, Pierres et Lumières n'a plus de mètres carrés sociaux vacants. Les acteurs ESH Pierres et Lumières Association 1-Terre-Actions Ville d'Orléans François Gallier, fondateur dirigeant d’1-Terre-Actions Au départ, nous avons constaté que des vélos partaient en déchetterie pour être broyés et transformés en ferraille, tandis que beaucoup de gens manquaient de vélo, que les plus modestes d'entre eux rencontraient de réelles difficultés pour se déplacer. Commencée dans ma cave avec quelques amis, notre entreprise a pris de l’ampleur et nous nous sommes retrouvés avec 400 vélos. Bénévolat et militantisme ne suffisaient plus ! Nous nous sommes alors tournés vers les partenaires : avec AnneLaure et Lucile de Pierres et Lumières, notre convergence d’intérêt et de convictions ont été évidents. Un atelier d’auto-réparation de vélo dans le quartier de La Source trouvait pleinement son sens tant dans le fait de redonner une vie à la matière que de créer l’occasion du lien social au pied des immeubles. La notoriété des ateliers conduit des personnes venues de différents quartiers à 10 ou 15 km de là, à nous apporter des vélos ou à venir en acheter un. Il y a ainsi un brassage de population et des rencontres entre des gens très différents : étudiants, enfants, habitants de La Source. Dans le cadre de la quinzaine du développement durable au quartier de La Source en 2013, l’ESH a proposé deux activités : les salariés pouvaient emprunter un vélo à 1 Terre-Actions et un atelier de réparation leur était dédié. L’entreprise sociale pour l’habitat Pierres et Lumières, héritière du mouvement coopératif, gère en 2014 un patrimoine de plus de 5 500 logements, situés en région Ile-de-France et dans le Loiret. Projets 5 Les échanges avec la salle L’auto-réparation : autonomie et solidarité L’idée de l’auto-réparation est d’aider la personne à devenir autonome avec son vélo. Ce principe en pleine expansion est en cours de structuration autour d’un réseau national. Par rapport au marché du vélo neuf auquel nous sommes attentifs, les analyses montrent qu’il n’y a pas de concurrence. Nous touchons des gens qui ne veulent pas acheter un vélo neuf par manque de moyens financiers ou parce que c’est une deuxième bicyclette ou bien qui ne se déplaçaient pas à vélo jusque là. Nous avons donc plutôt de bonnes relations avec les marchands de cycles et nous savons rester à notre place. Au-delà des difficultés parfois rencontrées, des solidarités fortes se créent dans nos ateliers. Ainsi de jeunes bénévoles de 13 à 14 ans dépannent les grands-mères désemparées par une crevaison ; des papys qui s’ennuient chez eux viennent apprendre aux gamins à réparer. Quand on met les mains dans le même cambouis, respect et reconnaissance s’installent. Autre intérêt : un chantier d’insertion permet à des jeunes de réparer les vélos. Trouver un modèle économique L’atelier mobile nous a donné l’occasion de rencontrer un public de nous faire connaître d’avoir une visibilité auprès des élus, des médias, du public. Ne jetez plus vos vieux vélos a été un slogan efficace ! Avec le camion, nous travaillons beaucoup plus facilement et cela nous permet de répondre à de nouvelles demandes. Nous nous déplaçons par exemple, dans des centres pour personnes handicapées. Cela nous permet ainsi de développer l’activité pour équilibrer les budgets car vendre les vélos à 30 euros n’est pas très lucratif. Grâce aux ateliers mobiles, on passe aussi dans les écoles pour un contrôle technique, voire une sensibilisation à l’usage en sécurité du vélo. En Chine… Parmi les 260 villes chinoises, plusieurs régressent parce qu'elles n'ont plus accès aux ressources qui avaient permis l'élévation de leur niveau de vie. Le pays lance un plan sur 100 villes autour de l'économie circulaire pour un mode de développement fondé sur une autre utilisation des ressources locales. Hélène Baril [association pour les équipements sociaux] Je trouve cette expérience très intéressante, notamment pour permettre à des habitants de rejoindre leur lieu de travail ou un transport en commun. Avez-vous pensé à donner des cours de vélo ? François Gallier Nous avons été sollicités et nous y pensons, mais pour l'instant nous restons sur les cours de mécanique de vélo car on se rend compte qu'entre le coût de la main d'œuvre des professionnels, l'absence de savoir-faire des gens et le manque de matériel et de lieu pour réparer, il y a vraiment beaucoup d'empêchements à l'utilisation du vélo. Jean-François Moser fait une suggestion quant au modèle économique pour stabiliser les projets soutenus par la Fonds d’innovation sociale : il s'agit de produire de la valeur, celle du sens est là, mais il faut aussi de la valeur économique. Ne pourriez-vous pas vendre à des chaines de magasins de sports comme Décathlon, le SAV des vélos qu'ils vendent ? Soit en contractualisant avec eux, soit en proposant le service directement à leurs clients ? François Gallier pourquoi pas. Cela dit, le projet s'autofinance à 30 % et s'approche de la viabilité économique sous réserve des salaires. Nous vendons environ 300 vélos par an et des prestations (une quarantaine de dates dans l'année) aux collectivités. Mais nous avons encore besoin de compétences dans le domaine commercial ! Économie circulaire et développement durable Serge Guérin Les étudiants en communication pourraient peut-être vous aider pour la promotion ? François Gallier Cela fait partie de nos projets de motiver les étudiants. Notre objectif actuellement est surtout de créer un réseau d'acteurs et de partenaires qui peuvent aider les projets ou payer le service que nous apportons. Nous visons les collectivités locales, les prestataires dans le domaine de la mobilité. Nous avons été approchés par l'agglomération et son prestataire Kéolis, exploitant des transports en commun d'Orléans, pour ouvrir un troisième atelier en centre-ville autour de l’autoréparation, des services autour du vélo et de la mobilité. François-Michel Lambert, président de l'institut de l’économie circulaire, député des Bouches-du-Rhône, vice-président de la commission Développement durable à l'Assemblée nationale L’institut de l’Économie circulaire fondé en février 2013 a pour vocation de mettre en dynamique tous les acteurs, pour ambition d’aboutir d’ici 2017 à un projet de loi permettant d’optimiser le recyclage. Au-delà, l’économie circulaire nous invite à un changement profond de modèle de société porté par des innovations dans tous les secteurs : technologique, économique, comptable... Pas à pas mais en profondeur, le bouleversement qui nous est proposé semble être de changer 30 31 notre regard sur nos modes de fonctionnement, individuels et collectifs, afin de transformer notre système. Économie de la fonctionnalité, économie solidaire Politiquement, nous avons pu convaincre des élus de tout bord : Chantal Jouanno, Jean-Luc Benhamias, Christophe Bouillon et Dominique Potier. Des entreprises telles que La Poste, le syndicat français de l’Industrie la mise en perspective Qu’est-ce-que l'économie circulaire ? Pour une autre mesure du PIB Un projet de loi est en préparation pour de nouveaux indicateurs de la richesse réellement créée afin de compléter le PIB qui, par exemple, comptabilise les accidents de voiture, comme un surcroît d'activités donc un gain économique… L’institut de l'économie circulaire exprime la volonté de sortir du modèle linéaire que nous connaissons depuis la révolution industrielle fondé sur l'accès facile aux ressources (prélever, transformer, jeter, gaspiller) pour aller vers une économie du bon sens : réparer, réutiliser, préserver la matière, transmettre les ressources de génération en génération, pour éviter la pénurie qui est devant nous. cimentière, GRDF, Ecofolio, Ecoemballage ; des ONG (fondation Nicolas Hulot) ; des universités comme Euromed Management et Kedge Business School l’ont rejoint. Depuis un an, l'institut fait du lobbying, crée de la visibilité, permet à ceux qui n'échangeait pas de se rencontrer, de faire émerger des initiatives (ateliers), met la question des ressources au cœur du débat politique. A la conférence environnementale de septembre 2013, l'économie circulaire était le sujet de la principale table-ronde. La Conférence de mise en œuvre sur l'économie circulaire de décembre 2013 à Gardanne (13) a, quant à elle, débouché sur des axes d’action : L'éco-système : un modèle d'organisation circulaire L'enjeu de l'économie circulaire est de remettre en question notre modèle de société de consommation telle que développée depuis 50 ans, tout en continuant à vivre avec lui, un peu comme changer la roue en roulant. Le changement se fera pas à pas, dans une démarche d'amélioration continue. Les technologies nouvelles seront au rendez-vous : un jeton de plastique peut être fabriqué à partir de bouts de stations d'épuration, par exemple. L’innovation organisationnelle est aussi nécessaire : l'économie linéaire en silo sur laquelle s’appuient les grandes entreprises, doit être remplacée par une économie de la réutilisation de la matière, de la fonctionnalité. Ce sont là des modèles plus complexes qui s’inspirent de la nature où les organismes vivent en interdépendance dans des enchevêtrements systémiques. A côté des grands Séquoia par exemple, existent de petites plantes qui leur permettent d'être bien enracinés et si l'un disparaît, tout l'écosystème s'effondre. L'économie circulaire a aussi pour objet d'améliorer les échanges entre petits et grands. L'innovation concerne également les éléments financiers : notre comptabilité devra prendre en compte les externalités positives et négatives. Comment pérenniser les expériences présentées ce matin par le Fonds d'innovation sociale sans innover au plan de l'ingénierie financière ? L'association des experts comptables com- Un engagement des secteurs industriels Le Conseil national de l’industrie est chargé de déterminer les actions les plus pertinentes à mettre en œuvre selon les spécificités de chaque secteur. Des stratégies régionales d’économie circulaire En lien avec l’association des Régions de France et l’agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (Ademe), une étude sera lancée pour proposer aux régions qui le souhaitent un cadre et une méthodologie commune. Les retours d’expérience des régions pionnières nourriront cette réflexion, qui permettra à quatre régions au moins, de formaliser leur démarche avant la fin 2014. La région Aquitaine sera l’une d’entre elles. L’ouverture d’une réflexion sur la gestion des ressources Un groupe de travail proposera des pistes pour structurer une stratégie française afin d’être force de proposition dans les débats européens de l’été 2014. Les récentes lois Hamon introduisent la notion d’économie de la fonctionnalité qui inscrit le consommateur dans l’usage du bien plutôt que dans son achat, tandis que la loi sur l’économie sociale et solidaire en préparation intègrera des notions de l’économie circulaire. l’économie circulaire améliore les échanges entre petits et grands. 32 33 mence à travailler sur ces sujets. La fiscalité peut aussi innover car nous avons tout intérêt à un transfert des charges pesant sur l'emploi vers les ressources les plus rares. La TVA devrait être moins forte sur un téléphone réparé et revendu ou sur un bien contenant des matériaux recyclés. L’innovation, enfin concerne la gouvernance : transversalité, collaboration, coopération représentent l'avenir défendu par l'institut de l'économie circulaire. Ainsi du modèle des Scic qui réunissent des acteurs très différents et qui co-opèrent. Forbach transforme les déchets en bio-gaz L'éducation est également un enjeu fort pour passer du modèle de la possession et du gaspillage à celui de la réutilisation, du recyclage. A Forbach par exemple, la captation des matières organiques des déchets ménagers a débouché sur la production de biogaz qui alimente en énergie les véhicules municipaux. Une matière négative est ainsi devenue positive, évitant l'importation d'énergie et créant par la même occasion une mobilisation collective de chaque citoyen qui contribue par l'apport de ses déchets. Le cercle vertueux continue actuellement avec la constitution d'une Scop pour fabriquer les sacs biodégradables (jusqu'à maintenant en plastique venu de Chine) utilisés pour la récolte des déchets. Il s'agit d'avoir une vision lointaine et de s’y diriger en franchissant les étapes pas à pas. Chaque génération, chaque acteur peut agir. Nous les politiques devons permettre aux citoyens d’agir sur ces changements. L'habitat : de l'économie circulaire depuis la nuit des temps Quant à la question de la proximité, l'habitat est un bon levier pour engager des logiques d'économie circulaire. Malgré la maison Phénix qui a tenté d'uniformiser le logement, le fait est que, depuis des générations, nous répondons aux besoins d'habitat de multiples façons selon les ressources disponibles, les cultures, les us et coutumes des régions. En matière d'achats publics, le gouvernement commence à réfléchir à privilégier l'achat local, espérons que le législateur s'empare rapidement du sujet. Quant à la valorisation et à la pérennité, la difficulté réside dans l'incapacité de notre système de comptabiliser les gains. A titre d'exemple qui existe en Allemagne et aux Pays-Bas : alors qu’un lave-linge individuel est changé en moyenne tous les sept ans, les lavelinges professionnels (durée de vie de vingt ans environ et restant la propriété du constructeur), installés dans les parties communes d’un immeuble de 21 logements, pour un usage collectif, représenteraient un gain en termes de non gaspillage, de relations sociales, de mètres carrés gagnés dans le logement, sans compter les moindres dégâts des eaux qui permettent des négociations avec les assureurs. Hélas, les bilans comptables ne prennent pas en compte ces gains. Les collectivités locales devraient comprendre tout leur intérêt d'accompagner de telles démarches. Plus d’information www.institut-economie-circulaire.fr la mise en perspective C’est en créant les rêves que l’on changera la réalité Les échanges avec la salle Fabrice Caillé [atelier d'éco solidaire] nous sommes pleinement dans cette logique mais en même temps l'économie circulaire est un process industriel qui induit la collecte de matières à grande échelle et l'exportation de déchets (44% des déchets sont exportés pour recyclage). Comment le législateur peut-il protéger l'économie locale de la réutilisation mise en œuvre par de petites structures, alors qu’il n’a pas, par exemple, réussi à protéger le réemploi du mobilier ? François-Michel Lambert l'économie circulaire signifie beaucoup de proximité et de petites structures comme les ressourceries. S'agissant du législateur, il pourrait agir avec un taux de TVA plus bas pour les objets ré employés. La législation, comme la révolution industrielle et l'économie linéaire datent de près de 150 ans. Il faut bien entendu modifier le modèle dans tous ses aspects pour préserver la matière dans un circuit court. En attendant, les collectivités locales sont à mon avis, les premières à pouvoir agir pour soutenir les organisations de petites tailles qui agissent sur leur territoire. Isabelle Garcia [Habitat Jeunes Levain] j'envoie à M. Lambert et à l'institut tous mes encouragements. Je témoigne aussi qu’Habitat Jeunes (ex foyers de jeunes travailleurs) sont des structures fonctionnant sur ces principes avec partage des laveries et de cuisines ; avec des monnaies locales dans les foyers bordelais ; du libre-échange de livres et DVD. Ce sont ainsi de nouveaux modes de vie qui sont transmis aux Jeunes. Une personne dans la salle Au-delà des taux de TVA et de l'enjeu de la pérennité économique de l'économie sociale et solidaire, il faut pouvoir valoriser ce capital immatériel des entreprises, notamment des ESH, sur leur territoire car cela représente des dépenses en moins, un véritable investissement avec de multiples retours. Quel modèle pour l’économie circulaire ? François-Michel Lambert : Véolia capte toutes les huiles de friture qu’elle ramène en région parisienne pour les transformer en bio-carburant. C’est bien mais ce n’est pas forcément le meilleur modèle. Je connais un entrepreneur marseillais qui en filtrant par gravité les huiles de friture, les rend assez propres pour les intégrer au système de chauffage de l’immeuble qui accueille le restaurant les produisant. La meilleure réponse réside dans ces circuits courts. Valérie Fournier, présidente du Fonds d'innovation sociale François-Michel Lambert Effectivement, il y a une vraie difficulté pour démontrer que ce qui est immatériel, l'ensemble des expériences ici relatées, a une valeur en soi : valeur collective, quartier serein et pérennisé, personnes qui vont mieux, meubles réutilisés. à ce sujet, que chacun est très investi et vit l’audition des projets avec autant de trac que ceux qui les présentent ! Je remercie également vivement les équipes de Domofrance et Mésolia qui nous ont si bien accueilli et aidé dans la préparation de ces journées, ainsi que tous les lauréats qui nous ont fait partager leur passion. Parmi les projets portés par Domofrance, je tiens à saluer Philippe Dejean, un grand dirigeant d'ESH qui a défendu les chantiers Tramasset avec vigueur et conviction. Nous avions, il est vrai, beaucoup de débats au sein du Fonds car nous souhaitions les soutenir mais nous les sentions fragiles et nous leur demandions, notamment, que le projet s’inscrive plus clairement dans une logique économique. Il m'a dit : vous devez comprendre : il faut vraiment faire ce projet, c’est indispensable. Il a eu raison de nous montrer à quel point il était important de soutenir cette démarche qui a si bien réussi, nous l’avons vu hier. Rêver, s'émouvoir, créer des projets Après cette journée sur l'économie cir- culaire, j'ai bien compris que le mot de la fin n’est que le début d'un autre cycle, je peux donc vous parler librement. Je tiens tout d’abord, à excuser l’absence d’une personne très importante pour le Fonds, Nelly Lordemus, qui sera extrêmement intéressée d'entendre et de lire nos retours sur ces journées. Je tiens aussi à remercier les membres du comité de sélection et de l'équipe du Fonds qui sont tous présents : Serge, Ouardia, Isabelle, Marie-Noëlle… Chacun joue un rôle essentiel pour aider les projets à accoucher, bien au-delà de leur simple sélection. Sachez l’habitat est un bon levier d’économie circulaire. 34 35 Le Fonds d'innovation sociale, c'est essentiellement rêver. Il faut garder la capacité de rêver, pas comme des anges incarnés mais bien en lien avec le réel. C’est en créant les rêves que l'on changera la réalité. Le Fonds d’innovation sociale, c’est beaucoup d'émotions. Je l'explique aux élus que je rencontre. Après une journée de sélection des projets, nous sommes persuadés que la France va s'en sortir, qu'il y aura moins de pauvres, que la vie est plus belle, que nous avons plein de bonnes raisons de continuer à faire notre métier, même si c'est difficile. Des émotions, nous en avons eu depuis hier avec ce garçon qui nous expliquait ce que les chantiers Tramasset ont apporté à sa vie, avec Fathia très émue en parlant des femmes de La Réunion, avec les équipes de Sodineuf avec lesquelles nous échangeons depuis longtemps. conclusion Le Fonds porte une manière d'agir l'ingénierie sociale Les ESH sont interpellées sur les métiers de l'ingénierie sociale et nous devons répondre en travaillant ensemble avec tous les acteurs concernés. C'est cette logique que porte Le Fonds d’innovation sociale et que défend la Fédération. Aussi, il est important que chaque société s'approprie le Fonds. Les émotions font partie de ce travail car les équipes elles-mêmes sont investies dans les projets. Le Fonds d’innovation sociale est une démarche communautaire. Nous faisons les rencontres nationales pour montrer que tout se passe partout en France, que des collaborateurs dans les sociétés sont engagés pour monter des projets et en feront d'autres. Si vous avez fait un projet soutenu par le Fonds d'innovation sociale, vous pouvez en présenter un autre. Si vous n'en avez pas encore présenté, n'hésitez pas. Le Fonds d'innovation sociale c'est mettre l'intelligence et l'Homme au cœur du système. C’est une grande ambition ! Pour nous, faire des lois et règlements, c'est très bien mais c'est très français. Faire des choses et démontrer les performances par l'exemplarité est également intéressant, c'est ce que propose le Fonds. En ce sens, nous faisons de l'économie circulaire. Pour moi, il est important que la République vive, que l'ascenseur républicain fonctionne. Dans notre métier, même s'il y a un échec à un moment donné, nous devons continuer et penser à ces personnes qui retrouvent l’estime d'elles-mêmes, la dignité, qui s'autoréparent. Le Fonds existe pour cela. ce-qui est reproductible ? L'objectif est de constituer une boîte à idées au service des ESH et de leurs salariés. Cette étape correspondra à une montée en puissance de la communication car il y a tellement de beaux projets et de belles histoires de vie qu'il serait dommage de ne pas les faire connaître. C'est important également au niveau de l'ensemble du mouvement HLM si souvent interpellé, parfois attaqué, de communiquer sur ce que nous faisons bien. Je rêve d'une communication positive partant du terrain, parlant des hussards de la République que sont les gardiens, le personnel de proximité, les associations. Il y a là un beau projet de communication à faire ensemble et que le Fonds portera. Ces journées ont montré que les projets fonctionnent mais que la question de leur pérennisation se pose. À ses débuts, le fonds pensait soutenir seulement de l'investissement puis il a financé du fonctionnement. Les questions qui nous animent actuellement sont celles-ci : Jusqu'où allons-nous ? Comment pérennisons-nous tout cela ? Je vous souhaite de faire plein de projets et vous donne rendez-vous à Paris en 2015. L'équipe du Fonds d'innovation sociale (Serge Guérin, Ouardia Babour et Isabelle Leleu) remercie toute les personnes et les référents qui ont contribué à l'organisation et au déroulement des journées 2014. Crédit photo : DR, Gilles Massicard Publication réalisée pour le Fonds d'innovation sociale, Fédération nationale des ESH, par Citéscom 01 43 61 11 30 et imprimée sur papier recyclé à 1 400 exemplaires L'avenir du Fonds d'innovation sociale : évaluer, communiquer Beaucoup de projets ont vécu leur cycle de financement et de vie. Nous entrons dans la phase d'évaluation finale pour savoir ce qui a fonctionné et pour quelles raisons. Qu’est- il est important que la République vive, que l’ascenseur républicain fonctionne. 36 Fonds d'innovation sociale Fédération des ESH 14 rue Lord Byron - 75008 Paris tél. : 01 40 75 50 04 - Fax : 01 40 75 68 04