4e rencontres de l`innovation

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4 rencontres
de l’innovation
sociale
e
Bordeaux,
29 et 30 janvier 2014
économie circulaire
et développement durable
sommaire
Le tour de France
de l’innovation sociale
et de l’économie circulaire
les introductions
02
Serge Guérin,
03
directeur du Fonds d'innovation sociale
Fédération nationale des ESH
Économie circulaire, le mot interpelle et
chacun comprend que la construction d'un
périphérique n'est pas, malgré les apparences,
de l'économie circulaire… Nous avons retenu
ce thème pour 2014 parce qu'il émerge, de fait
dans les projets soutenus par le Fonds.
Des quatre vies des draps de nos grandsmères évoquées par Véronique Fayet à la
philosophie grecque, on peut voir le lien :
nous vivons dans un monde fini. Dans Noces,
Albert Camus écrit en 1937 que si le monde
est fini, il faut se préoccuper de l'avenir. Sans
le savoir, les projets visités le 29 janvier tout
le long de la Garonne font le lien avec nos
origines grecques. Or dans un monde fini, ce
qui fait la dynamique c'est la circularité.
Je vois aussi la relation entre économie circulaire et habitat social car ce sont là, dans
les initiatives encouragées par le Fonds, des
manières de retrouver du pouvoir d'achat,
question majeure pour les locataires. En
réutilisant ou en transformant
des objets, chacun s’engage
Elinor Ostrom (1933-2012)
dans une économie positive,
Prix Nobel d'économie 2009,
se réapproprie ses décisions,
elle a mené des travaux
redevient acteur de son avesur « les arrangements éconir. Dans tous les projets, les
nomiques hors-marché »,
personnes gagnent directesur la polycentricité qui
ment quelque chose au plan
prend en compte l'ensemble
économique et matériel et,
des gains d'une activité.
au-delà, elles parlent de la
Le vélo par exemple, induit
reconnaissance et de l'esdes gains en matière
de qualité de l'air, de liberté
de déplacement pour
les personnes modestes,
de retour à l'emploi,
de santé, etc.
d'une économie de coupures
à une économie de liens
Véronique Fayet, adjointe au maire chargée
des politiques de solidarité, santé et seniors
les projets
12
L’aire de compostage
de port de la lune
Mésolia Habitat et la régie de quartier
Habiter Bacalan
16
R3 : la coopération au coeur
d'un nouveau modèle économique
Domofrance et l’association
de préfiguration R3
20
Insertion par le beau
SHLMR et l’association Agidesu
24
Décorons nos meubles,
ça change la vie !
Sodineuf Habitat normand,
et la Croix-Rouge de Dieppe,
les visites
du mercredi
28
RE cycle solidarité
Pierres et Lumières et l’association
1-Terre-Actions
08
09
10
11
la mise
en perspective
time de soi, retrouvées à l'occasion de leur
action. Cela n’a pas de prix mais de la valeur.
Cela peut aller plus loin, comme avec l'expérience « re-cycle » à Orléans, où la récupération des vélos favorise l'utilisation d'un
moyen de transport économique.
Toute génération, toute situation sociale et
économique confondues, la question centrale
est bien, en effet, celle de l'estime de soi : estce-que je vaux quelque chose, alors que j'entends que je suis à la charge de la société
puisque je n’ai pas d’emploi ? Quand je fais
moi-même des choses, quand je montre à mes
enfants que j’agis alors que je suis au chômage, je retrouve ma dignité. La raison première de l'habitat social est aussi de rendre
aux habitants leur dignité. Les cinq expériences présentées durant ces 4e rencontres de
l'innovation sociale ont toute cette dimension
mais chacune, avec un regard particulier.
Chaque année, les rencontres contribuent à
faire connaître ce qui se passe dans différents
endroits du territoire. Soutenir les projets va
de pair, pour nous, avec la diffusion des expériences afin que d’autres acteurs se les
approprient à leur façon. A Bordeaux, les 29
et 30 janvier 2014, avec l'appui des équipes
de Domofrance et de Mésolia Habitat, nous
avons fait un « tour de France » de l'innovation sociale et de l'économie circulaire. Nous
vous invitons dans la présente publication à
le revivre en texte et en images.
Le fonds soutient
des projets profitant
aux habitants des quartiers
Michel Ceyrac, président de la Fédération
nationale des ESH
05
06
Nous saluons la création du Fonds
d'innovation sociale
Clément Rossignol, vice-président en charge
de l'économie sociale et solidaire
Communauté urbaine de Bordeaux
L'innovation sociale concourt
à la lutte contre l'exclusion
Norbert Hiéramente, président
de Domofrance
La ressourcerie de Cenon Palmer
R3 : réseau de réemploi des deux rives
L’aire de compostage du Port de la lune
Les chantiers Tramasset
31
L’économie circulaire
et le développement durable
François-Michel Lambert, président de
l’institut de l’économie circulaire, député
des Bouches-du-Rhône, vice-président
de la commission Développement durable
à l’Assemblée nationale
la conclusion
35
01
c'est en créant les rêves
que l'on changera la réalité
Valérie Fournier, présidente du Fonds
d’innovation sociale
introduction
réduction de la pollution de l’environnement,
la régulation de la production. L’économie
circulaire cherche les meilleures conditions
d’usage et la longévité des objets du quotidien. Depuis plusieurs années les ESH sont
investies sur ce thème et le Fonds soutient des
projets développés autour de cette problématique qui concerne autant la qualité de vie des
habitants que le développement économique.
Hier une centaine de participants a visité des
projets initiés par Mésolia et Domofrance et
soutenus par le Fonds. Aujourd’hui nous
continuons à rencontrer les acteurs du développement social à travers les échanges
d’expériences et le débat avec la salle.
Je me félicite que tant de personnalités du
monde HLM, associatif, d’élus, de représentants d’institution soient présents : JeanLouis Dumont, président de l’USH ; Norbert
Hiéramente, président de Domofrance, Emmanuel Picard, directeur général de Mésolia,
François Cornuz, directeur général de Do-
Michel Ceyrac,
président de la Fédération nationale des ESH
Le fonds
soutient des projets
profitant aux habitants
des quartiers
Notre Fédération fait preuve de beaucoup
de dynamisme, représentant avec près de
270 sociétés, 60 % de la construction de logement social, peut-être plus dans les Dom.
Mais la responsabilité de notre secteur ne se
borne pas à la construction ni à la gestion des
immeubles. Elle évolue en prenant en compte
les mutations de la société tant sur un plan
tant démographique (vieillissement de la population, flux migratoires, familles mono parentales), qu’économique et sociétal. Nous
devons aussi construire au moindre coût tout
en étant contraints par les normes environnementales, les règles liées à l’accessibilité et le
coût du foncier. Nous relevons ces défis ainsi
que celui de mener une politique volontariste
de construction tout en poursuivant l’accompagnement social des publics fragilisés dont
nous constatons l’augmentation depuis
quelques années.
La création par notre Fédération du Fonds pour
l’innovation sociale en 2007, s’inscrit dans une
perspective de soutien des actions innovantes
portées par les bailleurs et les associations
pour favoriser l’accueil, l’intégration, la qualité
de vie des habitants dans leur logement et dans
le quartier ; renforcer l’inclusion par l’économie
des populations, notamment des jeunes et
soutenir le développement local.
Les projets soutenus par les Fonds, le sont
au profit des locataires, plus largement des
habitants de nos quartiers. Ils contribuent,
en zone urbaine et rurale, à redynamiser les
il est possible
de conjuguer utilité
sociale, efficacité
et innovation.
mofrance ; François-Michel Lambert ;
Clément Rossignol, Véronique Fayet.
Je remercie l’ensemble des participants aux
tables-rondes, les représentants des
ESH -Pierres et Lumières à Orléans, Sodineuf
Habitat Normand à Dieppe et SHLMR à Saint
Denis de la Réunion, les dirigeants des collectivités locales et des associations ainsi
que les salariés des ESH et des associations
pour leur engagement constant. Véronique Fayet,
adjointe au maire chargée
des politiques de solidarité, santé et seniors
territoires dans les quartiers d’habitat social
classé ou non en « zone urbaine sensible ».
Le Fonds est alimenté par un apport volontaire des ESH à raison d’un euro par logement chaque année. Plus de 55 % de nos ESH
dotent le Fonds et concourent ainsi à créer
du lien social dans les quartiers.
Chaque projet est soutenu par une ESH et
portée par une association qui ainsi, réfléchissent et travaillent ensemble autour d’un
objectif commun : accompagner la requalification d’un patrimoine, impliquer les habitants pour lutter contre la précarité énergétique, améliorer les conditions de vie des
locataires, participer au changement d’image
d’un quartier pour briser les ghettos…. Plus
de 150 actions ont été soutenues. Toutes démontrent qu’il est possible de conjuguer
utilité sociale efficacité et innovation. Ainsi
les ESH sont de véritables acteurs locaux aux
côtés des associations.
Pour la quatrième année, le Fonds organise
ces rencontres de l’innovation sociale, moment privilégié pour les débats ainsi que pour
la mise en perspectives des actions menées
dans les territoires. Pour la deuxième fois,
elles se déroulent en région après Rennes en
2012. Cette année à Bordeaux, elles sont dédiées au thème Économie circulaire et développement durable. Le député François-Michel
Lambert nous expliquera ce qu’est précisément l’économie circulaire. Elle a à voir avec
la sobriété, la récupération d’objets jetés, la
D’une économie
de coupures
à une économie
de liens
Je salue tous les présidents et prési-
dentes, les honorables membres de cette
assemblée. Je suis très heureuse que l’une de
mes dernières apparitions politiques se fasse
auprès des ESH et de ce Fonds pour l’innovation sociale car cela est symbolique de mon
action menée tout au long des 25 ans de mandat d’élue que j’ai accompli. Merci d’avoir
Choisi Bordeaux car il y a des ESH formidables en Gironde. Je salue leur engagement,
la qualité de leur travail et leur rôle de locomotive dans le logement social girondin.
Bordeaux aussi, a le goût et le talent de l’in-
02
03
novation. Alain Juppé nous invite à aller
toujours plus loin. Nous avons créé en 2010
un projet social destiné à promouvoir l’innovation sociale, nous organisons un Forum
social avec pour thème les deux dernières
années : « l’économie du partage ». Des actions concrètes vont aussi dans ce sens : la
pépinière Darwin dans une ancienne caserne,
une pépinière éco-créative, l’aire de compostage de Bacalan, l’atelier d’Eco solidaire, R3,
Récupère, et un peu partout, des micro-initiatives d’associations qui font de l’économie
circulaire sans le savoir.
introduction
Comment traverser
le plafond de verre ?
Face à ce fourmillement d’idées, je pense à
l’analyse d’Hugues Sibille président de
l’Avise, agence de valorisation des initiatives
socio-économiques. Au niveau local, observe
t-il, il y a une ruche bourdonnante d’initiatives et d’imagination et des réseaux horizontaux de proximité, tandis qu’au niveau
national, le top-down est toujours à l’œuvre.
Entre les deux, c’est un plafond de verre ! Les
politiques nationales ne tirent pas profit de
cette richesse locale. Hugues Sibille résume :
Il y a une fertilité locale incroyable et une stérilité centrale. Comment ces expériences pourraient casser ce plafond de verre ? Comment
des expérimentations depuis 25 ans pourraient entrer dans le droit commun pour
devenir le cœur d’une nouvelle croissance
inclusive ? Ma conviction est que cela va passer par les entreprises, notamment à travers
la RSE. Une étude récente d’Axentur rapporte
que 48% des dirigeants d’entreprises considèrent
que l’empreinte sociale de leur entreprise est
prioritaire. Il existe une vraie prise de
conscience des chefs d’entreprise qu’il faut
changer de modèle parce que l’économie
actuelle est négative du fait qu’elle s’appuie
sur des coupures. Coupures entre l’entreprise
et son environnement ; entre les logiques à
court terme de rendement obligatoire et le
long terme ; entre le monde de la finance qui
spécule et l’économie réelle ; entre les très
riches et les très pauvres…
Une autre voie :
l’économie positive
Il existe une autre voie, celle de l’économie
positive dans laquelle on compte l’économie
collaborative qui crée des liens entre les personnes, l’économie circulaire qui fait des
liens entre les biens (la fin de la vie d’un bien
est le début d’une autre), l’économie sociale
et solidaire qui crée des liens sociaux et réin-
l’économie
positive est l’économie
de demain.
Nous saluons
la création du Fonds
d’innovation sociale
tègrent les plus pauvres dans l’économie
réelle. Il est temps de passer d’une logique
de coupure, de développement séparé à une
logique de liens. L’économie positive est
l’économie de demain, elle produira plus de
liens que de biens, elle transformera les bénéficiaires en acteurs responsables. Nous en
avons eu hier à l’aire de compostage de Bacalan, un exemple merveilleux avec les papys
composteurs ou les ateliers participatifs de
Cenon. Ces activités ont une valeur humaine
largement supérieure à la valeur marchande.
Nous savons bien que nous n’avons pas encore trouvé le modèle économique de l’aire
de compostage alors que sa valeur humaine
est énorme. Cette activité ne sera certes pas
comptabilisée dans le PIB mais en matière
de prévention du vieillissement, c’est supérieur à tout ce que l’on peut imaginer comme
action très élaborée et plus coûteuse !
Les entreprises sur tous ces sujets, avancent
beaucoup plus vite que les politiques car
elles posent des actes. A travers la RSE, on
le voit dans les ESH, on sent l’intime conviction des dirigeants et je suis sûre que l’économie positive va contaminer l’économie
mondiale à travers les entreprises.
Clément Rossignol,
vice-président en charge de l'économie sociale
et solidaire Communauté urbaine de Bordeaux
Je salue les présidents de la Fédération
nationale des ESH, de Domofrance, la présidente du Fonds d’innovation sociale, les
responsables des ESH, des associations, les
acteurs bordelais, Véronique Fayet, mes
chers collègues. Au nom de Vincent Feltesse,
président de la CUB, que je représente, je
vous dis notre satisfaction de voir ces 4e rencontres de l’innovation sociale organisées à
Bordeaux. C’est une forme de reconnaissance
des initiatives, privées et publiques, prises
sur notre territoire en la matière.
L’innovation sociale est salutaire et nécessaire
dans le contexte des quatre crises que nous
vivons : économique, écologique, sociale, démocratique. Certains disent qu’en matière
d’économie et d’environnement, il ne s’agit
pas simplement de crise mais de changement
de modèle, de mutations profondes de nos
sociétés. L’économie circulaire et le développement durable, thème de vos journées, vont
apporter des réponses aux questions que nous
nous posons tous relativement à ces crises.
Nous devons trouver des solutions économiques plus inclusives, plus soutenables, plus
coopératives. En ce sens nous saluons la création du Fonds d’innovation sociale.
J’ai beaucoup apprécié le commentaire de
monsieur Hiéramente : les solutions ne sont
pas seulement techniques mais aussi sociales. Au pays de Jacques Ellul (né à Bordeaux en 1912, mort à Pessac en 1994), un des
premiers critiques de la technique, le message est fort et important. Dans nos sociétés
technophiles en effet, on peut penser que
toutes les solutions nous seront données par
les nouvelles technologies et les outils, mais
rien ne remplacera les rapports humains, la
proximité et l’inclusion.
La Communauté urbaine de Bordeaux, établissement de coopération entre les 28 communes qui la compose (métropole le 1er janvier 2015) a des compétences multiples : eau,
Le Fonds valorise et donne
des ailes à ses bénéficiaires
Je félicite donc les ESH et le Fonds pour l’innovation sociale qui montre la voie, ouvre
des possibles, l’équipe du Fonds de quitter
Paris pour soutenir les acteurs locaux plein
d’idées et de talents. Je me souviens avoir
planché devant le Fonds pour défendre l’aire
de compostage : nous avons été accueillis
avec beaucoup d’humanité, nous avons senti que l’équipe était là pour nous aider et faire
grandir le projet. Tous les bénéficiaires du
Fonds sentent cette valorisation qui leur
donne des ailes.
En conclusion, je veux partager un souvenir
de ma grand-mère qui faisait de l’économie
circulaire sans le savoir… Je la vois recoudre
des draps pendant des soirées entières en
même temps qu’elle nous racontait des histoires. D’abord pièces de lin magnifiques, le
drap, après quelques années était retourné et
cousu devenant un nouveau drap, avant d’entamer une vie de serviettes de tables et finalement, une fin de vie de chiffons. Aussi je vous
invite à être ringards, c’est l’avenir ! 04
05
déchets, urbanisme, mobilité, logement, économie.
À l’échelle de la région, l’agglomération bordelaise dispose de tous les atouts pour initier, aider la diffusion des initiatives et innovations entrepreunariales, sociales,
solidaires au bénéfice de tous.
La CUB est labellisée territoire de commerce
équitable ; nous réfléchissons à la création
d’un label local RSE ; nous développons les
heures d’insertion, passées grâce aux travaux du tramway de 25 000 à 70 000 heures
en un an, chiffre que nous souhaitons augmenter. Nous avons organisé en juillet 2013,
les premières rencontres sur l’économie collaborative. À ce sujet, il y aura sans doute
besoin d’éclaircir le vocabulaire entre tous
ces termes d’économie positive, circulaire,
collaborative, fonctionnelle…
Concrètement en termes d’économie circulaire, la Communauté urbaine y travaille avec
deux entrées : dans le cadre de sa politique
d’économie sociale et solidaire, aide aux projets qui revêtent un caractère social avec, par
exemple, l’insertion socio économique des
personnes et dans le cadre du plan local de
introduction
prévention des déchets, soutien aux actions en faveur de la réduction des déchets.
La Communauté urbaine, très volontaire
pour que se développe sur son territoire, un
maillage de recycleries et ressourceries, accompagnent les nombreux projets de réemploi des déchets : R3, la ressourcerie de Cenon, de Lormont, l’atelier d’Eco-solidaire…
En 2014, nous poursuivons cette politique,
notamment en permettant au projet R 3 de
monter en puissance par la coopération et
la mutualisation avec d’autres acteurs du
territoire ; à terme en encourageant les acteurs de l’économie sociale et solidaire à des
regroupements, des mutualisations, des
formes diverses de coopération avec, par
exemple, la création de sociétés coopératives d’intérêt collectif dans le capital desquelles les collectivités locales peuvent
entrer. Inventer de nouvelles gouvernances
représente aussi « innovation » et nous
croyons aux formes coopératives qui permettent une meilleure gouvernance, une
participation des collaborateurs aux prises
de décisions, une meilleure répartition des
richesses et une pérennisation.
Mais l’économie circulaire ne se réduit pas
aux déchets, elle représente plus largement
un moyen d’optimiser les ressources, dans
un monde fini où celles-ci sont limitées et où
l’on ne peut pas être dans une société d’abondance. Ainsi, nous devons « désinventer » ce
que nous avons inventé. En matière de déchets, le XXe siècle les a inventé, le XXIe siècle
doit inventer leur disparition.
L’innovation sociale a également à voir avec
le logement, politique importante de la communauté urbaine. Deux opérations à titre
d’exemple : 50 000 logements autour des axes
de transports en commun (2 milliards d’euros
investis avec le tramway) pour répondre à
l’augmentation de la population et proposer
aux Bordelais des logements à un prix abordable ainsi que de nouvelles formes d’habiter.
Le logement participatif ou coopératif est un
autre axe innovant développé par la CUB. nous créons
de véritables leviers
qui placent nos actions
au cœur du développement
économique local.
L’innovation sociale
concourt à la lutte
contre l’exclusion
sociaux des projets d’insertion par l’économique et par la formation. Je veux dire ici,
combien je suis fier de présider Domofrance
dont les équipes, que je remercie à cette occasion, sont extrêmement motivées. Elles
ont largement anticipé cet engagement de
Domofrance dans des réalisations comme La
Ressourcerie ou R3 que certains d’entre vous
ont visité hier.
Je salue également l’aire de compostage, le
projet de Mésolia au Port de la lune, qui
contribue à apporter du lien aux personnes
qui en ont tant besoin. Domofrance et Mésolia ainsi que les associations ont travaillé en
parfaite collaboration pour organiser ces
visites. Je fais le vœu que ces projets essaiment autant que possible.
Je suis aussi très attaché aux « suites de parcours ». Notre mobilisation à tous, associations, collectivités locales, financeurs, doit
ouvrir des perspectives d’embauche ou des
qualifications avec, à terme, un emploi durable. Pour cela, nous associons toujours les
entreprises à nos projets. Grâce à elles,
chaque année, 100 000 heures de clause d’insertion sont réalisées et les personnes inscrites dans nos chantiers d’insertion béné‑­
ficient de passerelles vers la sphère
économique et la réalité du travail. Nombreux sont ceux qui ont continué leur parcours au-delà de nos projets : il suffit parfois
de faire la courte échelle et les personnes
poursuivent leur chemin.
Norbert Hiéramente,
président de Domofrance
Monsieur le président Michel Ceyrac,
monsieur le représentant de la Communauté
urbaine de Bordeaux Clément Rossignol,
chère Véronique Fayet maire-adjointe de
Bordeaux, madame la présidente du Fonds,
Valérie Fournier, mesdames et messieurs,
L’innovation doit être au cœur de la démarche des bailleurs sociaux ; elle peut revêtir différentes formes. Depuis plusieurs
années, c’est devenu une évidence : il ne
suffit pas de construire des logements sociaux, nous nous sommes penchés sur tous
les problèmes liés à l’habitat.
Ainsi, naturellement, la Fédération a eu une
idée très riche avec la création du Fonds pour
l’innovation sociale. L’innovation n’est pas
seulement technologique car la technologie
seule n’aidera pas nos locataires à payer leur
loyer et à vivre mieux dans nos résidences.
L’innovation peut être sociologique : repenser les modes d’habiter, les usages du logement est intéressant mais ne suffit pas non
plus. L’innovation peut être sociale en imaginant de nouvelles façons de répondre aux
besoins pour une inclusion sociale réussie.
La réintégration dans la sphère sociale est
fondamentale parce qu’elle est une manière
de lutter contre l’exclusion.
Domofrance est engagée depuis longtemps
dans les différents dispositifs d’insertion et
dans le montage de projets innovants. Notre
volonté est de proposer aux personnes les
plus éloignées de l’emploi et qui occupent
nos résidences et celles des autres bailleurs
06
07
Nous avons également un rôle à jouer comme
acteurs d’un développement économique
responsable qui conjugue insertion par l’économique et développement d’une économie
circulaire. Remettre dans le circuit des
échanges, des objets qui ne vivent plus : nous
l’avons fait chez Domofrance avec La Ressourcerie, quelques dizaines d’emploi ont été
créés. Aujourd’hui, ce projet ne nous appartient plus et ceux qui l’ont en charge le développent de façon très pertinente. Nous
créons de véritables leviers qui placent nos
actions au cœur du développement économique local, c’est bien là, désormais notre
tâche. Nous sommes des bailleurs sociaux,
mais du fait du lien étroit qu’il y a entre emploi et logement, nous avons été amenés à
explorer d’autres champs. Nous devons, au
niveau national, développer cette tendance.
Je suis convaincu que les présentations faites
au cours de la journée seront enrichissantes
et vous guideront pour mettre en œuvre les
conditions d’une inclusion sociale réussie.
Je tiens aussi à saluer Véronique Fayet qui a
tellement donné au logement social : ton
implication a beaucoup apporté à l’agglomération bordelaise. Merci encore ! les visites du mercredi
La Ressourcerie
{ quartier Cenon Palmer}
Agissant dans le cadre de l’économie circulaire et du développement durable, la Ressourcerie propose un service éco-citoyen
pour gérer autrement les encombrants et arrêter le gaspillage.
Elle donne la priorité à : la collecte séparative des déchets
« encombrants ménagers » en préservant leur état le tri,
contrôle, nettoyage et réparation des objets afin de leur rendre
toute leur valeur la revente de ces objets revalorisés
à des personnes qui en ont besoin le démontage et la dépollution des objets non réutilisables et leur orientation vers les filières
adéquates l’éducation à l’environnement.
Atelier chantier d’insertion, la Ressourcerie répond
aux objectifs des régies de quartier : développement social,
mieux-vivre ensemble, insertion des personnes éloignées
de l’emploi sur un territoire.
Avec Cenon, Région Aquitaine,
le Conseil Général de Gironde,
le Fonds d'innovation sociale,
Garie (groupement aquitain
des réseaux de l'insertion
par l'activité économique),
Réseau des ressourceries
éco-mobilier, La CUB
(Communauté urbaine de
Bordeaux), les ESH, Véolia,
Fondation Vinci.
R 3,
Réseau de Réemploi
des deux Rives
{ Bordeaux }
Nouveau réseau de l’économie sociale et solidaire,
R3 répond à plusieurs objectifs : Recherche d’une plus-value
environnementale Création d’une activité économique
avec de nouveaux emplois Développement du lien social.
Prestataire des bailleurs sociaux, R3 collecte les encombrants
au pied des immeubles, tandis que les particuliers peuvent aussi
appeler l’équipe mobile de la recyclerie. Objectifs : favoriser
la sensibilisation des publics, réduire les déchets, collecter
des objets en bon état.
Pour la communauté urbaine de Bordeaux, R3 est un projet
innovant en ce qu’il encourage les acteurs dans la voie
de la coopération économique, qu’il les accompagne
dans des dynamiques de mutualisation.
Objectif : renforcer le poids économique des acteurs
afin de pérenniser leur action.
08
09
Avec Domofrance, le Fonds pour l’innovation sociale, Cenon, la fondation
Véolia, Grand projet des Villes, Atis,
les Scop, la CUB, l’ARQC, la régie de
quartier Génivert, la régie de quartier
de Bacalan.
les visites du mercredi
Les chantiers
Tramasset
{ Le Tourne }
Association et organisme de formation, “Demain le fleuve”
propose une formation de neuf mois qui permet, chaque année,
à une dizaine de personnes éloignées de l’emploi ou peu qualifiées,
d’obtenir le titre professionnel de charpentier bois.
Grâce à la construction du coureau, bateau traditionnel
de la Garonne et à la réhabilitation des Chantiers Tramasset,
les stagiaires acquièrent des compétences techniques.
Le chantier-formation permet à la fois le développement
économique local et touristique ainsi que la sauvegarde
et la valorisation du patrimoine 90 % des stagiaires ont validé
a minima un premier niveau de qualification pendant
les deux premières saisons.
Avec Mésolia Habitat, le Fonds pour l’innovation
sociale, la Fondation de France, la CUB, l’Ademe,
le Conseil général de Gironde, la Ville de Bordeaux,
la Région Aquitaine, la fondation Caisse d’Epargne,
l’Acsè, l’amicale des locataires, Salut Terre,
EnRGEthic.
Aire de compostage
du Port de la Lune
{ quartier Bacalan }
En concertation avec les habitants volontaires,
l'aire de compostage collective au pied de la résidence
le Port de la Lune (365 logements) accueille les déchets
verts des résidents et de l'ensemble du quartier, et participe
ainsi au désenclavement social du groupe d'habitations.
Sensibiliser les habitants au compostage collectif
est une première étape, par la suite, l'interêt et de faire
évoluer les mentalités pour adopter des pratiques vertes
telles que le tri des déchets et ainsi respecter
et améliorer leur cadre de vie.
10
11
Avec la Région Aquitaine,
le Conseil général de Gironde,
l’Europe, la Fondation
de France, Leader, le Crepi,
Domofrance, le Fonds
d’innovation sociale, Vallon
de l’Artolie, le Fonjep, la mairie
de Tourne, l’office du tourisme
du Cadillacais et Langoiran,
Vinci construction, Eiffage
construction…
Projets
L’aire
de compostage
du Port de la Lune
projet •• 1
{ Bordeaux }
Inaugurée en 2011, l’aire de compostage collective
est située au pied de la résidence du Port de la Lune
et associe les habitants volontaires. En accueillant
les déchets verts de l’ensemble du quartier,
elle contribue au désenclavement de la résidence.
L’aire de compostage est une première étape
pour faire évoluer les mentalités et déclencher
des pratiques de tri des déchets.
Emmanuel Picard,
Directeur général de Mésolia Habitat
Dans la mutation actuelle du mouvement
HLM, réaffirmons l’utilité sociale de nos sociétés : les logements construits, les attributions de logements pour les personnes modestes, la réhabilitation qui représente près
de 50 millions d’euros de travaux injectés
dans l’économie locale. Le Port de la Lune est
un ensemble de 360 logements situé à Bacalan, un quartier en profonde mutation.
Construits dans les années soixante (50 % de
vacance il y a 20 ans), ces bâtiments ont bénéficié d’une première réhabilitation, avec
résidentialisation, puis d’une deuxième réhabilitation orientée sur l’isolation thermique et le confort d’usage des logements.
Cela ne suffit pas, nous devons aussi nous
occuper des personnes en finançant divers
projets : un tournoi de foot, Bacalan Aventures par exemple, plus récemment l’aire de
compostage. Les besoins de nos locataires
légitiment notre contribution aux projets
d’innovation sociale.
L’aire de compostage m’a encouragé
à trier davantage et
à consommer de façon
plus responsable.
un habitant
Stéphane Calt,
responsable Habitat locatif,
clientèle et qualité de service (Mésolia Habitat)
A l’origine, un double constat : d’un côté, la
régie de quartier de Bacalan (7 000 habitants) qui assume les contrats d’espaces
verts et jette les déchets verts sans revalorisation. De l’autre, notre travail de gestion
locative à travers lequel nous sentions les
besoins de s’occuper des locataires. Nous
avons imaginé ensemble l’aire de compostage qui répond à nos objectifs : sensibiliser
les habitants à jeter plus intelligemment,
désenclaver le Port de la Lune en construisant un projet à l’échelle de l’ensemble du
quartier, recréer du lien social.
Cyril Beaune,
responsable d’agence de Bordeaux (Mésolia Habitat)
Pour augmenter le nombre de personnes qui
apportent leurs déchets verts, nous agissons
au quotidien : information dans le journal
trimestriel adressé aux locataires, rencontres
entre les habitants et la régie de quartier.
Selon moi, l’éducation des parents passe par
les enfants. Il est donc très important que les
écoles fassent des visites sur site, participent
à des plantations, aux fêtes que nous organisons. Festicompost en novembre 2013 a
rencontré un très grand succès en proposant
des jeux autour du tri et de la revalorisation
des déchets.
22
13
Les acteurs
Mésolia Habitat
Régie de quartier
Habiter Bacalan
Communauté urbaine
de Bordeaux
Projets
1
J’apporte mes déchets
verts à l’aire de compostage
et en échange le compost que
je reçois me permet de réaliser
des économies et de jardiner
de façon durable.
L’enjeu :
trouver un modèle
économique
La pérennité du projet,
comme celle de nombreux
projets soutenus par le
Fonds d’innovation sociale
interroge sur le modèle
économique. Crowdfunding
sur internet, arrondi solidaire dans les commerces
ou dans les entreprises…
À n’en pas douter, l’innovation à venir sera celle des
modes de financement.
Mésolia Habitat
Groupe Toit girondin
Arcade
3 ESH engagées dans
la RSE, responsabilité
sociale des entreprises
14 000 logements
en région Aquitaine.
un habitant
Marina Birilit,
Robert Venturi,
Chaque habitant du quartier peut, grâce au
bio seau que nous leur avons fourni, déposer
ses matières organiques 24 h/24 dans le bio
collecteur ou venir aux heures d’ouverture
pour discuter, aider par quelques heures de
bénévolat : vidage du bio collecteur, brassage des composteurs. Journées portes
ouvertes, rencontres autour d’un café
contribuent aussi à la sensibilisation des
personnes. Quant au jardin qui mobilise
actuellement, l’un des papys composteurs,
ces retraités bénévoles qui se sont impliqués dans le projet, venu m’aider régulièrement, son origine vient du compost restant
après la distribution aux habitants. À l’occasion d’un atelier lasagnes* organisé par
notre partenaire Les jardins d’aujourd’hui, a
germée l’idée du jardin. Actuellement, trois
personnes préparent le sol selon la technique des lasagnes pour des plantations
réalisées par les enfants au printemps.
Bacalan représente une quarantaine d’associations qui fonctionnent en parfaite intelligence : quand il se passe quelque chose
quelque part, toutes participent à la démarche. A l’origine de l’aire de compostage :
une initiative de Mésolia Habitat et de son
responsable de l’environnement et de protection de la nature, Nicolas Houdré. Notre
volonté était de gérer les déchets de la résidence et de faire du lien social. Nous avions
pensé à une ressourcerie avec un atelier associatif de menuiserie. N’ayant pas trouvé de
local, nous avons délaissé cette idée pour
celle de l’aire de compostage. Faire du compost au Port de la Lune n’est pas concurrentiel avec les grandes aires de compostage de
Bordeaux, mais il s’agit de créer du lien social
via de nombreux vecteurs : les réunions associatives, le journal de Bacalan, les directeurs d’école, l’amicale des locataires très
active au Port de la Lune… Les trois papyscomposteurs sont membres de l’amicale et en
relation avec les locataires et les enfants.
Plus largement, l’aire de compostage nourrit
une réflexion du citoyen sur le traitement de
tous les déchets : récupération de planches
animatrice
* La culture en lasagne
est une manière de faire
un jardin qui consiste
à déposer sur le sol
des couches de matières
organiques puis une couche de terre dans laquelle
on plante.
1er secrétaire, régie de quartier Habiter Bacalan
de meubles, utilisation du compost récupéré
pour de futures jardinières ou des jardins au
carré. Marina conseille et accompagne ces
initiatives. Selon moi, ces activités permettent à la CUB de réaliser des économies
puisqu’il y a moins de déchets à collecter.
J’espère pouvoir leur démontrer qu’ils peuvent ainsi poursuivre leur contribution, notamment pour financer la suite du contrat
d’avenir de Marina.
Véronique Fayet,
adjointe au maire chargée
des politiques de solidarité, santé et seniors
Ce genre d’initiative naît sur un terreau de
travail en commun construit à Bordeaux depuis 1995. Je me souviens, du premier conseil
communal de la délinquance, au cours duquel le président de Maison girondine, ancêtre
de Mésolia, nous faisait part de son projet de
démolition du Port de la Lune n’ayant plus
de solution à la vacance. Nous avons appliqué la méthode de développement social
intégré : tout le monde autour de la table
(bailleur, associations locales, police, Ville,
éducateurs de prévention…), prise en considération de chaque problème, prise de décisions ensemble et chacun agissant dans son
métier. Ceci a débouché sur la création d’une
maison de la Justice et du Droit, d’un bureau
de police de proximité, tandis que Maison
girondine a fait la résidentialisation. Nous
avons aussi créé la régie de quartier, fonda-
14
15
trice de la paix retrouvée. Dans ce quartier
de Bacalan de forte tradition ouvrière, politique et syndicale avec des personnalités de
caractère, un méchant bailleur, une méchante
municipalité de droite, l’ambiance était très
tendue. Vingt ans après, nous nous sommes
apprivoisés et sommes fiers du chemin parcouru ensemble. C’est le rôle d’une municipalité de fédérer tous les acteurs pour accompagner le développement social local,
permettre de faire ensemble. Cette aire de
compostage est un bel aboutissement, avec
des initiatives prometteuses (contribution
des enfants, échanges inter générationnels),
mais aussi un enjeu économique fort pour
rendre pérenne cette animation territoriale
qui redonne aux habitants un vrai pouvoir
d’agir. Regardons du côté des modes de financement innovants qui commencent à
fonctionner : un fonds de dotation solidaire
à Bordeaux, le crowdfunding sur internet,
l’arrondi solidaire dans les commerces ou
dans les entreprises… Les résultats
depuis 2011
Amélioration
de la qualité de vie
des habitants
Création de nouveaux
liens entre les résidents
De plus en plus
de visites de l’aire
de compostage
Réduction des déchets
ménagers incinérés
et des déchets verts
déposés en déchetterie
Production de compost :
5 tonnes en 2012
Nouvelle activité
et compétences pour
la régie de quartier
Réduction des coûts
de manutention
et de transports liés
aux déchets verts
Projets
R3,
la coopération
au cœur d’un nouveau
modèle économique
projet •• 2
{ Bordeaux }
Commencée en 2006 chez Domofrance, accompagnée
par le Fonds d’innovation sociale depuis 2008, la réflexion sur
le traitement des encombrants débouche sur la préfiguration
d’une future société coopérative d’intérêt collectif (Scic)
aux objectifs ambitieux pour l’agglomération bordelaise.
François Cornuz,
directeur général Domofrance
Tout d’abord, je salue les équipes sans lesquelles nous ne sommes pas grand-chose.
Toutes ces réalisations sont le fruit de plusieurs années d’investissement en réflexions
et en actions, pour R3 et pour la Ressourcerie,
par exemple. Autre point essentiel de notre
stratégie, la pérennité des projets.
Nous estimons que notre rôle ne s’arrête pas
à la construction. Dans le contexte économique complexe que nous connaissons, le
sens de notre action est de contribuer à ce que
les personnes que nous logeons, vivent dans
de meilleures conditions, aient une envie de
vivre, de vivre mieux, de vivre l’avenir. La démarche R3 s’inscrit complètement dans cette
philosophie. Elle est aussi caractéristique du
travail partenarial que nous élaborons. Domofrance contribue aux actions avec les associations, les collectivités, la communauté
urbaine, et avant tout, avec nos habitants.
David Seys,
directeur maîtrise d’ouvrage,
études et financement Domofrance
Oui, R3 résulte d’un cheminement qui a commencé en 2006-2007 autour de la question :
que faire des encombrants qui gênent tout le
monde ? Il y a eu des rencontres -le bailleur,
la collectivité et une régie de quartier-, puis
le déclencheur en 2008-2009 : le Fonds d’innovation sociale. Deux ans d’ingénierie et de
mobilisation des équipes ont été nécessaires
pour inaugurer la Ressourcerie. Aussitôt,
nous avons, comme nous nous y étions engagés auprès du Fonds, travaillé sur le modèle économique car nous sommes bien dans
l’économie positive et réelle.
17
Si les premiers résultats étaient encourageants avec un pic de 11 emplois nets créés,
il s’avérait que la Ressourcerie, basée sur
l’économie aidée, trouvait ses limites. Nous
nous sommes alors tournés vers un expert,
Atis, pour travailler sur les conditions d’essaimage de ce projet. La mutualisation au
niveau du territoire a conduit la communauté urbaine de Bordeaux à rejoindre le projet.
Nous innovons dans le montage de la future
Scic en ce qu’elle s’appuie sur les réseaux de
l’insertion par l’économique et sur le réseau
local de l’économie sociale et solidaire.
Frédéric Petit,
chargé du développement
[association de préfiguration R3]
La collecte des encombrants est réalisée par
les 3 régies de quartier de Lormont, Cenon et
Bacalan dans les dépôts sauvages et les zones
de collectes. Les camions sont déchargés
dans l’entrepôt, puis les valoristes interviennent pour trier, séparant ce qui est récupérable, réparable ou réutilisable, de ce qui est
démantelé (bois, métaux, plastiques). Des
repreneurs présents un peu partout sur le
territoire reprennent ce qui a été trié pour une
revalorisation, tandis que les meubles, canapés et autres accessoires pouvant faire l’objet
d’une réparation partent à l’atelier mutualisé
de la Ressourcerie pour retrouver une deuxième vie. On est dans une dynamique économique : apporter des métiers nouveaux à
ceux qui étaient éloignés de l’emploi. Nommer le métier – trieur, sur-trieur, dépollueura un fort impact sur les personnes car cela
donne du sens à ce qu’elles font.
Les acteurs
Domofrance
Atis
La Fabrique
à initiatives
Communauté
urbaine de Bordeaux
Projets
2
David Seys
Nous avons fait un travail d’information sur
le projet auprès des bailleurs, administrateurs des régies (Mésolia Habitat, Aquitanis,
Gironde Habitat, Clairsienne, Logévie, ICF
Habitat et offices), pour créer les conditions
de l’adhésion ; auprès des services de l’Etat
pour flécher les financements. Domofrance,
engagé depuis 2006, a gardé l’ingénierie, et
a travaillé avec les bailleurs qui seront les
clients de R3. Nous sommes actuellement en
phase de lancement par Domofrance avec
5 000 logements, puis Aquitanis, Logévie,
Clairsienne, Mésolia entreront progressivement dans le dispositif. Notre objectif : 10 à
12 000 logements concernés en 2015.
R3 ,
modèle à fort
potentiel
Ce type d’organisation
peut apporter aux
industriels une réponse,
notamment par rapport
aux matériaux, tels que
les bois, qui contiennent
des polluants et des
colles. Nous pourrions
travailler avec eux sur
des processus d’écoconception permettant
de trouver des matériaux
moins polluants, et
mieux démantelables.
Les échanges
avec la salle
Delphine Depaix [Emmaus Habitat] Avez-vous prévu
d’ouvrir d’autres boutiques, notamment en centre-ville ?
Projetez-vous de contacter des copropriétés qui gèrent
ces problématiques d’encombrants ?
Clément Rossignol,
vice-président en charge de l’économie sociale
et solidaire, Communauté urbaine de Bordeaux
Jérémy Brémaud,
responsable d’Atis [La Fabrique à initiatives]
Les trois régies de quartier sont engagées
dans une coopération qui représente une véritable révolution de leurs pratiques. De fait,
coopérer implique d’abandonner une partie
de soi, de faire un bout du chemin pour les
autres et de redéfinir ses priorités, son organisation et son fonctionnement. Ce travail est
possible car les trois régies acceptent qu’aucune ne peut réaliser, seule, l’ensemble du
processus. Aujourd’hui, la coopération s’incarne dans l’atelier mutualisé qui donne une
cohérence économique grâce à l’effet de seuil.
Bien sûr, cette organisation change la nature
de la relation entre les responsables d’antennes des bailleurs et les salariés des régies
de quartier. Ils sont en lien dans le cadre de
R3 dont la cohérence économique et organisationnelle a pour but d’assurer la pérennité
de l’activité et la qualité du service à l’échelle
du territoire. Le rôle des bailleurs, Domofrance notamment, dans la structuration
de cette relation a été important : ils ont
montré aux régies leur intérêt à travailler
ensemble tandis que nous avons joué un rôle
de médiateur entre les trois régies. Enfin, les
dirigeants des régies partagent la gouvernance de R3 avec les bailleurs et les collectivités locales, le président de R3 est également
le représentant d’une des régies de quartier.
La CUB a, très concrètement, apporté une
aide financière à Domofrance qui est à l’origine du projet. Nous y trouvons plusieurs
intérêts : la gestion des déchets est dans nos
compétences et elle intéresse le cadre de vie
de nos habitants. Nous sommes favorables
à l’association de préfiguration de la coopérative et très conscients qu’il faut poursuivre,
durablement, cet effort financier pour pérenniser la structure. Quant à l’économie circulaire, nous travaillons (en associant les industriels) sur la fin de vie des déchets et
aussi sur leur réduction à la source, à travers
une autre manière de concevoir en amont,
les objets. Vous avez
dit “valoriste” ?
Le terme existe bel et
bien dans les codes
métiers, englobant les
fonctions de trier, surtrier, redonner vie à un
produit, remettre dans
une meilleure filière.
En revanche, le “valoriste” n’est pas repris
dans les conventions
collectives.
L’enjeu pour R3 ?
Collecter 2 000 tonnes
d’encombrants par an
avec revalorisation
ou réutilisation de 65 %
d’entre eux.
David Seys Ceux qui ont visité la Ressourcerie ont vu la boutique, lieu de revente des objets, situé dans le quartier à des prix
modiques dans l’esprit de l’économie solidaire. Mais les boutiques
constituent le point de déséquilibre de R3 : nous n’en n’avons pas
les moyens considérant le chiffre d’affaires projeté, tandis que
le lien social très lié à la boutique est important dans le projet R3.
Nous trouvons pas à pas, des réponses sans mettre en péril
le schéma économique. À Lormont par exemple, nous préparons
l’ouverture d’un espace au cœur du quartier, partagé avec d’autres
structures. Nous réfléchissons aussi à des boutiques mutualisées
autour de la revalorisation et du réemploi.
Les copropriétés sont effectivement une cible pour R3, d’autant
plus que certaines d’entre elles ont des problématiques similaires
à celles du logement social.
François Cornuz En tant que bailleur social, nous devons
mettre une limite à notre apport car nous sommes redevables
devant nos locataires. Domofrance va donc alléger son investissement tout en poursuivant l’accompagnement.
Témoignage
Hélas,
la création de valeurs
de l’innovation sociale
n’est pas comptabilisée
dans notre monde
économique.
Fabrice Caillé [Atelier d’éco solidaire]
Nous cherchons à apporter de l’intelligence au système qui gâche beaucoup de matières réutilisables,
tant chez les particuliers que dans les entreprises.
Comment se réapproprier des matières qui peuvent
avoir plusieurs vies ? Comment ces déchets peuventils être utiles ? Nous avons par exemple une boutique
dans un centre commercial du quartier du Grand parc.
C’est de l’économie circulaire en circuit court : les objets laissés par les uns profitent à d’autres, ce qui débouche aussi sur un dialogue entre les gens, autour
de leurs pratiques des déchets et du développement
durable. Nous apportons aussi de l’intelligence design, de l’intelligence d’organisation avec des jeunes
très compétents. Notre logique est complémentaire
à la démarche R3.
www.atelierdecosolidaire.com
18
19
Tessa Coeffé [Logement francilien] Par rapport au ramassage
des encombrants, quid de la substitution des rôles entre collectivités et bailleurs ?
Clément Rossignol Pour la CUB il n’y a pas de désengagement,
mais en travaillant à plusieurs, nous ne pouvons que faire mieux.
Financièrement, nous participons au volet économie sociale
et solidaire et aussi sur les déchets. Projets
Insertion
par le beau
projet •• 3
{ la réunion }
ou comment agir
pour gagner en estime de soi
De nombreux partenaires ont permis
que cette action en faveur de la professionnalisation
des femmes, devienne réalité. Au-delà des
compétences acquises, elles retrouvent l’estime
d’elles-mêmes et l’élan pour agir, des qualités
encouragées par le Fonds d’innovation sociale.
Jean-François Moser,
Jessica Langevilliers,
Depuis plusieurs siècles, nos destins entre
Bordeaux et l'île de La Réunion sont liés, ce
qui contribue à la richesse de nos cultures
outremer. Dans le contexte socio-économique de La Réunion - 60 % des jeunes de
moins de 25 ans au chômage, 32 % de la population active au chômage-, le sens de notre
action et notre engagement s'imposent d'évidence. Mon pays bato fou chante un poète
réunionnais : dans une île, nous avons, audelà des clivages, vocation à conduire nos
destins communs dans la durée.
La SHLMR a pour vocation de mettre en place
des projets avec les locataires, des projets
construits à partir des besoins pour répondre
réellement à ceux-ci. 24 femmes locataires
de la société ont accepté d'expérimenter ce
projet de décoration d'intérieur de leur logement. Nous les avons rencontrées avec l'Agidesu et le pôle Emploi. Fathia, la formatrice,
les a accompagné tout au long du chantier,
leur a transmis les techniques de peintre en
bâtiment. Notre idée : commencer avec des
personnes réellement motivées ne cherchant
pas à consommer une proposition.
directeur général [SHLMR ]
Charles Grondin,
Les acteurs
SHLMR
Association Agidesu
Pôle Emploi
directeur de l’Agidesu
Insertion par le beau a rencontré des difficultés pour se mettre en place et a pu exister
grâce à un partenariat avec la SHLMR, pôle
emploi, Agidesu, la délégation des droits de
la femme, la Caf, le CCAS, des entreprises,
des associations. Le projet est né d'une idée,
d'un constat : l’Agidesu qui vend des prestations à l'Etat constate que la parité est
absente sur nos chantiers, d'où notre volonté de permettre à des femmes d'exercer
ces métiers trop souvent réservés à des
hommes. Sur une idée de Fathia Benazout,
formatrice conseil en peinture et dans le
cadre d’un partenariat large avec des liens
forts depuis la création de notre association
en 1997, nous avons pu aboutir.
1 .
1 . Une vidéo explique le projet
et donne la parole aux femmes
réunionnaises qui participent
à l’action.
chargée de développement local [SHLMR]
2 .
2 . Michel Ceyrac, président
de la Fédération des ESH
et Dominique Chauvet,
directrice générale.
21
Les voyages
de mille lieux
ont tous commencé
par un pas.
Lao Tseu
Projets
3
Mohamed Patel,
directeur du pôle Emploi [ville du Port]
Amartya Sen
Fathia Benazout,
animatrice Conseil Peinture
Avec Insertion par le beau, nous partageons
un rêve. Depuis toujours, peindre représente
pour moi, ma palette, mon ciel, un art à partager. Après 28 années de peinture en bâtiment, j'ai voulu transmettre mon parcours à
des personnes qui me ressemblent parce
qu'elles sont à la place d'où je viens. Avec la
transmission, je donne à des mères de familles qui rencontrent de nombreuses difficultés, une opportunité d'être et de devenir.
Bénila de Boisvilliers,
Prix Nobel d'économie
1998, Amartya Sen considérait qu'il faut sortir des
capacités habituellement
reconnues, que beaucoup
de personnes ont des capacités qu'elles ne
connaissent pas.
Le maillage entre les secteurs marchands et
non marchands nous a particulièrement intéressés dans ce projet pour lequel le cheminement a été long et parfois difficile. Alors que
l'action se termine, nous avons signé avec
plusieurs personnes des contrats d'immersion dans les entreprises, et nous espérons
que plusieurs d'entre elles auront un contrat
de travail. Avec Insertion par le beau, il s'agit
de la beauté des murs certes, mais au-delà de
la beauté intérieure de ces femmes qui revivent à travers cette action de peinture.
Le Fonds d’innovation
sociale représente pour nous
une reconnaissance, un partage
de nos valeurs, le non isolement.
Fathia Benazout
L'acceptation de ces femmes par les autres
n'est pas simple. De plus, dans la culture de
La Réunion, elles ne sont que des femmes !
Dans ce monde masculin du bâtiment, elles
doivent faire leurs preuves. Mères de familles
monoparentales et isolées, certaines m'ont
dit ne plus rester dans leur logement, sortir
sans cesse tellement il était sale ! Notre logique est de leur donner l'autonomie et les
moyens de rendre leur logement beau, de
disposer d’une pièce de vie que la famille
puisse partager. Aujourd’hui elles ont de
l’ambition.
lire. L’une d’entre elles m’a dit il y a peu :
avant je pensais qu’une femme devait seulement
s’occuper de ses enfants, et puis l’un de mes six
enfants m’a dit : maman qu’est ce que tu es belle
aujourd’hui pour aller travailler ! Et cet enfant
aujourd’hui, travaille mieux à l’école.
Jean-François Moser, directeur général de la SHLMR.
Mohamed Patel
Quand nous avons écrit les courriers, l’une
d’entre elles est arrivée dans le quart
d’heure pour nous demander : comment
m’avez-vous trouvée ? tellement étonnée de
recevoir un courrier personnel la prenant
en considération.
Jessica Langevilliers
Aujourd’hui, ces dames ont retrouvé l'estime
d'elles-mêmes. Elles s’impliquent dans leur
quartier et sont forces de proposition. Elles
ouvrent leur maison et donnent des conseils
à leurs voisins et leurs familles. Certaines ont
créé une entreprise avec leur mari.
Jean-François Moser
Nous avons l’ambition que cette goutte d’eau
fasse tâche d’huile, que cette expérience
modeste et exemplaire soit reproductible. La
fierté des femmes, le regard de leurs enfants,
la considération sociale ainsi gagnés sont
essentiels. Dans la société réunionnaise forte
de systèmes sociaux fondés sur la solidarité,
nous avons montré avec Insertion par le beau
qu’il est possible de dépasser les codes sociaux, de révéler ces personnes à ellesmêmes et à leur entourage, de démontrer
leur capabilité. Pourquoi finançons-nous de
tels projets ? Parce que nous sommes des
fabricants de sens pour nos clients et pour
nos équipes. Ce projet a émergé du terrain et
en tant que directeur général d’ESH, j’ai
choisi de créer les conditions pour qu’il devienne une réalité.
Bénila de Boisvilliers
Au-delà de l’estime de soi retrouvée, le partenariat a cette force d’offrir à ces personnes
un accompagnement global, essentielle pour
les hommes et les femmes qui souvent, ont
peur de passer à l’action. Certaines femmes
ont maintenant obtenu leur permis de
conduire, pris des cours pour apprendre à
conseillère pôle Emploi
Le pôle Emploi est présent car nous sommes
engagés dans l'insertion des personnes en
difficulté. L'originalité ici est que les personnes ne sont pas venues vers nous. C'est
nous tous, grâce à ce partenariat, qui nous
sommes déplacés chez ces femmes pour leur
proposer de devenir peintres en bâtiment. La
difficulté résidait là : la création puis la pérennisation du projet. Nous préparons maintenant l’avenir avec un titre professionnel
qu’elles passeront en avril puis leur insertion
dans les entreprises de bâtiment.
Pas kapab
lé mor sans essayé.…
Charles Grondin
Avec la SHLMR, nous fonctionnons à travers
des relations humaines et, dans le cadre
imposé, cela crée une dynamique. Aujourd’hui des gens demandent à entrer dans
le dispositif. Pas capable, est mort sans essayer.…
proverbe créole
22
23
Les échanges
avec la salle
Fabienne Jouart [directrice des Compagnons bâtisseurs
d'Aquitaine] opérateur d'auto-réhabilitation accompagnée,
de chantiers d’insertion, formation et qualification en milieu
urbain et rural : en métropole aussi les femmes isolées en milieu
rural ont perdu l'estime d'elles-mêmes. Je formule un vœu : que
votre expérience arrive ici et que mes collaborateurs prennent
exemple sur elle.
Fabrice Caillé [atelier d'éco solidaire] J’ajoute que l’on peut
créer des passerelles entre toutes ces actions. Utiliser des matières au rebut, former les personnes à les transformer en objets
de décoration : entre déchets, créativité, insertion, de très nombreux projets pourraient devenir réalité.
Bénila de Boisvilliers À La Réunion, nous avons fait de l'économie circulaire sans le savoir. La récupération de bois flotté sur les
plages, de carreaux dans des magasins de bricolage a permis aux
femmes de créer de très beaux objets de décoration
et des mosaïques intégrées sur le chantier. La SHLMR
350 collaborateurs
1/3 du patrimoine social
de La Réunion
10% de la population
de l’île logée
Projets
Décorons
nos meubles,
ça nous change la vie
projet •• 4
Françoise Gagnaire,
présidente de la Croix-Rouge Dieppe
Depuis les années 90, la Croix-Rouge est
entrée dans l'économie sociale et solidaire
avec Vestiboutique et elle poursuit avec un
local de récupération de mobilier. Ces
meubles sont donnés ou vendus à très bas
coût. Nous avons constaté que beaucoup de
familles préféraient s'endetter pour acheter
des meubles. De son côté, Sodineuf Habitat
Normand avait observé que certains de ses
locataires étaient peu ou mal meublés. Nous
avons donc construit le projet ensemble. De
bonne qualité, nos meubles n'avaient pas la
vertu de la modernité et en parallèle, nous
avons observé l'impact sur les personnes des
émissions TV de décoration. Nous avons eu
alors l'idée de customiser nous-mêmes les
meubles. Avec l'ESH Sodineuf Habitat Normand, nous avons finalement pensé qu'il
était plus judicieux de le faire faire par les
utilisateurs eux-mêmes.
{ dieppe }
L’action favorise la professionnalisation
des associations et apporte du bien-être
aux locataires.
Claire Mulonnière,
Qui peut décorer
ses meubles ?
Flyers, affiches,
travailleurs sociaux…
Les canaux d’information
qui conduisent les personnes vers la Croix-Rouge
de Dieppe pour participer
à l’action Décorons nos
meubles sont multiples.
Les retours très positifs
conduisent les personnes
à faire elles-mêmes la
promotion de la démarche.
Seules ou accompagnées,
orientées par une association d’hébergement
temporaire ou par les
travailleurs sociaux :
tout le monde peut venir
décorer ses meubles.
directrice du développement commercial et social
[Sodineuf Habitat Normand]
Cette action est issue de Nouveaux décors, une
démarche menée avec l’appui technique de
Forjecnor, afin de conduire nos locataires à
s'investir dans leur logement en faisant les
papiers peints et peintures, notamment. Au
regard de l'intervention à grande échelle que
nous avons dans les quartiers, Décorons nos
meubles est une démarche de proximité qui
concerne l'intimité des personnes et permet
de rendre les habitants réellement acteurs
du changement de leur cadre de vie.
1 .
Madeleine Telle,
directrice du développement social
Alors que Nouveaux décors avait conduit à une
réelle amélioration du bien-être, au point
qu'un locataire a pu dire : le soleil est entré
dans la maison, nous cherchions comment
poursuivre sur cette voie. Comment changer
de meubles à moindre coût ? a été une bonne
question et le ça nous change la vie est devenu
une réalité. Des enfants ont, par exemple,
remarqué que leur mère s’habillait différemment, plus tout en noir. Au delà des meubles,
les personnes gagnent bien-être et mieuxvivre. Pour Sodineuf Habitat Normand, il
s'agit de connaître les besoins des locataires
pour proposer des services au-delà du métier
classique du bailleur. Nous avons déjà soutenu 5 projets dans le cadre du FIS ! Nous
sommes volontaires et pugnaces !
2 .
1 . La vidéo diffusée à Bordeaux donne la parole
aux initiateurs du projet et aux habitants
qui décorent leurs meubles.
3 .
2 . Henry Gagnaire, directeur général de Sodineuf Habitat
Normand, se félicite des exigences du Fonds d’innovation
sociale : « il nous donne de l’argent mais nous devons,
en échange, nous et l’association, expliquer ce que nous
faisons et les résultats de cette action ».
3 . Marie Barbier, trésorière, responsable bénévole
des inscriptions Croix-Rouge Dieppe.
25
Les acteurs
ESH Sodineuf
Habitat Normand
Ville de Dieppe
Croix-Rouge
de Dieppe
Association Les Nids
Forjecnor 2000
Projets
4
Marie-Christine Eponville,
directrice de l’association Les Nids
Pour moi, il était important de monter un projet avec des familles de manière ludique et
sans discours moralisateur. Travailler sur les
meubles est aussi nouveau par rapport à nos
actions sur la santé ou la recherche d'emploi.
Se sentir bien chez soi est un bon point de
départ. Autour de la notion de décoration, il y
a vraiment de l'échange, du partage. C’est un
moment très attendu par les bénéficiaires de
l'atelier qui se déroule deux demi-journées par
semaine. Les ateliers existent depuis six mois
et l'osmose, le réseau se sont fait très rapidement, tandis que le bouche-à-oreille fonctionne sur toute la région dieppoise. Pour
nous, les ateliers sont la continuité de l'accompagnement social lié au logement quand
la famille est installée dans son logement.
Paulette Lomo a décoré
ses meubles : Je m’ennuyais à la maison. L’association Les Nids m’a indiqué la Croix-Rouge. J’ai
essayé sur mes meubles et
maintenant je continue, ça
me plaît. On rigole bien,
j’ai appris à travailler et à
rencontrer les gens. Maintenant, Paulette veut apprendre l’anglais et l’informatique. Elle continue
à faire des meubles qui
seront exposés (mairie,
mission locale) pour faire
connaître l’action.
François Lefevre,
maire-adjoint de Dieppe en charge de la solidarité,
l'habitat et la politique de la ville
Gérard Macré,
moniteur travaux [Forjecnor 2000]
L’entreprise sociale
pour l’habitat Sodineuf
Habitat Normand gère
en 2014 un patrimoine
de 8000 logements
dans 85 communes en
Seine-Maritime. Elle loge
18 000 personnes.
Après Nouveaux décors individuels dont je
m'occupe depuis une dizaine d'années, refaire les meubles est, pour moi, une continuité. Je suis toujours émerveillé des résultats et en plus ça marche ! En laissant
travailler les gens, en les écoutant, en amenant les bons matériaux, le meuble avant
et après a beaucoup changé, ce qui montre
que la personne a évolué, qu'elle voit les
choses autrement.
Cela serait sans doute une très bonne idée
d'équiper les services municipaux avec les
meubles décorés ! À Dieppe (50 000 habitants
sur l'agglomération), le tissu associatif est
très fort. Lorsque Françoise est venue me
parler de ce projet, j'ai immédiatement vu
une suite logique de l'action Nouveaux décors,
du partenariat déjà existant et de l’intérêt
pour tous les habitants : nouveaux arrivants
ou locataires en place. L’atelier Décorons nos
meubles relève bel et bien de l'économie circulaire. Nous voulons continuer et pour cela,
se pose la question du financement avec des
points de vue différents entendus depuis ce
matin quant à la réponse à y apporter. Selon
moi, certaines actions peuvent générer de
l'autofinancement tandis que d'autres, très
intéressantes ont besoin de l’appui des collectivités locales. Il faut trouver des solutions en plus de l'argent public qui se raréfie
bien sûr. L'idée de l'arrondi social est une
option intéressante si elle est bien maîtrisée
pour profiter à plusieurs structures.
Sur l'économie circulaire, existe l'épicerie
solidaire qui récupère des denrées auparavant jetées. Elles fonctionnent bien, avec
l'appui des pouvoirs publics : du temps est
nécessaire pour trouver un équilibre financier. À propos d'un dispositif qui m'a choqué
il y a quelques années : la prime à la casse
pour relancer la commande de voitures. Résultat : des véhicules en très bon état partis
à la casse alors qu'ils auraient pu servir à des
personnes ayant de faibles ressources et vivant en milieu rural où, sans voiture, il est
impossible d’aller travailler, par exemple.
Le Fonds
d’innovation sociale
et Sodineuf Habitat
financent les 2/3
du projet.
Françoise Gagnaire
J'ai présenté cette action au niveau régional
de la Croix-Rouge à Amiens où elle a été reconnue comme innovante et j'ai incité mes
collègues à se rapprocher du bailleur social
de leur ville ou de leur département. 26
27
Les échanges
avec la salle
Sabrina Nadji [Immobilière 3 F] Avez-vous remarqué un changement de comportement des locataires : une autre façon de gérer
leur budget, une meilleure implication dans la vie du quartier ?
Madeleine Telle Au sein du service de développement social,
nous nous appuyons sur le partenariat qui fonctionne très bien
depuis une dizaine d’années. Nous faisons des visites à domicile
chez des personnes en difficulté et nous les adressons aux associations spécialisées. Nous avons remarqué par exemple, des problèmes liés au comportement alimentaire avec très peu à manger
dans les assiettes.
Claire Mulonnière Oui les comportements évoluent.
Réparer et décorer son meuble est devenu un réflexe qui, de plus,
se diffuse.
Fathia Banazout [formatrice et conseil en peinture]
Merci pour ce que vous faites. Nous avons eu cette idée mais
à La Réunion, hélas, il ne reste plus de vieux meubles pouvant
supporter une rénovation. Projets
Re’Cycle
solidarité
projet •• 5
Marcel Membribe,
directeur général de l’ESH Pierres et Lumières
Au départ se posait à notre société un problème d’accumulation de deux roues dans les
caves. L’opportunité de résoudre cette question grâce à une action durable qui crée du
lien entre nos locataires nous a séduit, d'autant plus qu'elle est particulièrement cohérente avec la mission sociale de notre actionnaire de référence, l'association Aprodel. Les
personnes se retrouvent pour réparer leur
vélo, partagent une expérience, s’inscrivent
dans un tissu social qui se développe. Si
toutes les difficultés ne sont bien entendu
pas résolues, la fraternité entre les gens est
très importante. Autre dynamique intéressante, des habitants d'autres quartiers viennent à l'atelier Re'Cycle. Pour moi, le lien
social n'a pas de frontières.
{ Orléans }
Ne jetez plus vos vieux vélos ! Ce mot d'ordre
est à l'origine de Re-Cycle Solidarité, projet
de réparation des vieux vélos entreposés dans
les caves. Grâce au Fonds d'innovation sociale,
un camion a permis de créer un atelier mobile
de réparation de vélos.
Anne-Laure Mercier,
conseillère en économie sociale et familiale
[Pierres et Lumières]
Nous avons demandé aux locataires d'étiqueter leurs vélos qui ont ensuite été prélevés par François. Vélo +, le service de location
de la ville d'Orléans ne vient pas jusqu'à la
Source. L’atelier permet donc, non seulement
aux étudiants du campus universitaire installé dans le quartier de La Source, d’acheter
des vélos, mais aussi à tous ceux qui le souhaitent de circuler à de faibles coûts. Pour
nous, ESH, le partenariat avec Re'Cycle est
très innovant et le FIS a contribué par ses
encouragements et son soutien, à poursuivre
dans cette voie. La réparation mobile avec le
camion est un plus, mais sur le site lui-même
(1 300 logements dans le quartier), cela n'a
pas fonctionné car les gens vont directement
à l’atelier installé au pied d’un immeuble. Par
contre au-delà de l'Argonne et de La Source,
l’atelier mobile a beaucoup de succès. Le FIS
a permis de salarier le poste à plein temps
plus 2 postes en insertion alors qu’aupara-
1 .
2 .
La vidéo diffusée pendant la journée bordelaise donne
la parole aux acteurs.
1 . Lucile Daubignard, conseillère en économie sociale
et familiale pour Pierres et Lumières.
3 .
2 . Pierre Allorant, vice-président de l’université,
chargé de l’intégration régionale.
3 . François Gallier, fondateur dirigeant d’1-Terre Actions
29
vant l'association ne fonctionnait qu'avec
des bénévoles.
Cet engagement du bailleur pour autre chose
que la construction et la location a changé la
vision des locataires et a créé une émulation
pour d'autres associations. Aujourd'hui,
Pierres et Lumières n'a plus de mètres carrés
sociaux vacants.
Les acteurs
ESH Pierres et Lumières
Association 1-Terre-Actions
Ville d'Orléans
François Gallier,
fondateur dirigeant d’1-Terre-Actions
Au départ, nous avons constaté que des vélos
partaient en déchetterie pour être broyés et
transformés en ferraille, tandis que beaucoup
de gens manquaient de vélo, que les plus modestes d'entre eux rencontraient de réelles
difficultés pour se déplacer. Commencée dans
ma cave avec quelques amis, notre entreprise
a pris de l’ampleur et nous nous sommes retrouvés avec 400 vélos. Bénévolat et militantisme ne suffisaient plus ! Nous nous sommes
alors tournés vers les partenaires : avec AnneLaure et Lucile de Pierres et Lumières, notre
convergence d’intérêt et de convictions ont
été évidents. Un atelier d’auto-réparation de
vélo dans le quartier de La Source trouvait
pleinement son sens tant dans le fait de redonner une vie à la matière que de créer l’occasion du lien social au pied des immeubles.
La notoriété des ateliers conduit des personnes venues de différents quartiers à 10
ou 15 km de là, à nous apporter des vélos ou
à venir en acheter un. Il y a ainsi un brassage
de population et des rencontres entre des
gens très différents : étudiants, enfants,
habitants de La Source.
Dans le cadre de la quinzaine du développement
durable au quartier de
La Source en 2013, l’ESH
a proposé deux activités : les salariés pouvaient emprunter un vélo à 1 Terre-Actions et un
atelier de réparation leur
était dédié.
L’entreprise sociale pour l’habitat
Pierres et Lumières, héritière du
mouvement coopératif, gère en 2014
un patrimoine de plus de 5 500 logements, situés en région Ile-de-France
et dans le Loiret.
Projets
5
Les échanges
avec la salle
L’auto-réparation :
autonomie et solidarité
L’idée de l’auto-réparation est d’aider la personne à devenir autonome avec son vélo. Ce
principe en pleine expansion est en cours de
structuration autour d’un réseau national.
Par rapport au marché du vélo neuf auquel
nous sommes attentifs, les analyses montrent qu’il n’y a pas de concurrence. Nous
touchons des gens qui ne veulent pas acheter
un vélo neuf par manque de moyens financiers ou parce que c’est une deuxième bicyclette ou bien qui ne se déplaçaient pas à
vélo jusque là. Nous avons donc plutôt de
bonnes relations avec les marchands de
cycles et nous savons rester à notre place.
Au-delà des difficultés parfois rencontrées,
des solidarités fortes se créent dans nos ateliers. Ainsi de jeunes bénévoles de 13 à 14 ans
dépannent les grands-mères désemparées
par une crevaison ; des papys qui s’ennuient
chez eux viennent apprendre aux gamins à
réparer. Quand on met les mains dans le même
cambouis, respect et reconnaissance s’installent.
Autre intérêt : un chantier d’insertion permet
à des jeunes de réparer les vélos.
Trouver un modèle économique
L’atelier mobile nous a donné l’occasion de
rencontrer un public de nous faire connaître
d’avoir une visibilité auprès des élus, des médias, du public. Ne jetez plus vos vieux vélos a
été un slogan efficace ! Avec le camion, nous
travaillons beaucoup plus facilement et cela
nous permet de répondre à de nouvelles demandes. Nous nous déplaçons par exemple,
dans des centres pour personnes handicapées. Cela nous permet ainsi de développer
l’activité pour équilibrer les budgets car
vendre les vélos à 30 euros n’est pas très lucratif. Grâce aux ateliers mobiles, on passe
aussi dans les écoles pour un contrôle technique, voire une sensibilisation à l’usage en
sécurité du vélo. En Chine…
Parmi les 260 villes
chinoises, plusieurs
régressent parce
qu'elles n'ont plus
accès aux ressources
qui avaient permis
l'élévation de leur
niveau de vie. Le
pays lance un plan
sur 100 villes autour
de l'économie circulaire pour un mode
de développement
fondé sur une autre
utilisation des ressources locales.
Hélène Baril [association pour les équipements sociaux] Je trouve cette expérience très intéressante, notamment pour
permettre à des habitants de rejoindre leur lieu de travail ou un
transport en commun. Avez-vous pensé à donner des cours de vélo ?
François Gallier Nous avons été sollicités et nous y pensons,
mais pour l'instant nous restons sur les cours de mécanique de vélo
car on se rend compte qu'entre le coût de la main d'œuvre des professionnels, l'absence de savoir-faire des gens et le manque de matériel et de lieu pour réparer, il y a vraiment beaucoup d'empêchements à l'utilisation du vélo.
Jean-François Moser fait une suggestion quant au modèle
économique pour stabiliser les projets soutenus par la Fonds d’innovation sociale : il s'agit de produire de la valeur, celle du sens est
là, mais il faut aussi de la valeur économique. Ne pourriez-vous pas
vendre à des chaines de magasins de sports comme Décathlon,
le SAV des vélos qu'ils vendent ? Soit en contractualisant avec eux,
soit en proposant le service directement à leurs clients ?
François Gallier pourquoi pas. Cela dit, le projet s'autofinance
à 30 % et s'approche de la viabilité économique sous réserve
des salaires. Nous vendons environ 300 vélos par an et des
prestations (une quarantaine de dates dans l'année) aux collectivités. Mais nous avons encore besoin de compétences
dans le domaine commercial !
Économie circulaire
et développement
durable
Serge Guérin Les étudiants en communication pourraient
peut-être vous aider pour la promotion ?
François Gallier Cela fait partie de nos projets de motiver
les étudiants. Notre objectif actuellement est surtout de créer
un réseau d'acteurs et de partenaires qui peuvent aider les projets
ou payer le service que nous apportons. Nous visons les collectivités locales, les prestataires dans le domaine de la mobilité.
Nous avons été approchés par l'agglomération et son prestataire
Kéolis, exploitant des transports en commun d'Orléans, pour
ouvrir un troisième atelier en centre-ville autour de l’autoréparation, des services autour du vélo et de la mobilité. François-Michel Lambert,
président de l'institut de l’économie circulaire, député des Bouches-du-Rhône,
vice-président de la commission Développement durable à l'Assemblée nationale
L’institut de l’Économie circulaire fondé en
février 2013 a pour vocation de mettre en
dynamique tous les acteurs, pour ambition
d’aboutir d’ici 2017 à un projet de loi permettant d’optimiser le recyclage. Au-delà, l’économie circulaire nous invite à un changement
profond de modèle de société porté par des
innovations dans tous les secteurs : technologique, économique, comptable... Pas à pas
mais en profondeur, le bouleversement qui
nous est proposé semble être de changer
30
31
notre regard sur nos modes de fonctionnement, individuels et collectifs, afin de transformer notre système.
Économie de la fonctionnalité,
économie solidaire
Politiquement, nous avons pu convaincre des
élus de tout bord : Chantal Jouanno, Jean-Luc
Benhamias, Christophe Bouillon et Dominique Potier. Des entreprises telles que La
Poste, le syndicat français de l’Industrie
la mise en perspective
Qu’est-ce-que
l'économie circulaire ?
Pour une autre
mesure du PIB
Un projet de loi est
en préparation pour
de nouveaux indicateurs
de la richesse réellement
créée afin de compléter
le PIB qui, par exemple,
comptabilise les
accidents de voiture,
comme un surcroît
d'activités donc
un gain économique…
L’institut de l'économie circulaire exprime la volonté de sortir du modèle
linéaire que nous connaissons depuis
la révolution industrielle fondé sur
l'accès facile aux ressources (prélever,
transformer, jeter, gaspiller) pour aller
vers une économie du bon sens : réparer, réutiliser, préserver la matière,
transmettre les ressources de génération en génération, pour éviter la
pénurie qui est devant nous.
cimentière, GRDF, Ecofolio, Ecoemballage ; des ONG (fondation Nicolas Hulot) ;
des universités comme Euromed Management et Kedge Business School l’ont rejoint.
Depuis un an, l'institut fait du lobbying, crée
de la visibilité, permet à ceux qui n'échangeait pas de se rencontrer, de faire émerger
des initiatives (ateliers), met la question des
ressources au cœur du débat politique. A la
conférence environnementale de septembre
2013, l'économie circulaire était le sujet de la
principale table-ronde. La Conférence de
mise en œuvre sur l'économie circulaire de
décembre 2013 à Gardanne (13) a, quant à
elle, débouché sur des axes d’action :
L'éco-système : un modèle
d'organisation circulaire
L'enjeu de l'économie circulaire est de
remettre en question notre modèle de
société de consommation telle que
développée depuis 50 ans, tout en
continuant à vivre avec lui, un peu
comme changer la roue en roulant. Le
changement se fera pas à pas, dans
une démarche d'amélioration continue. Les technologies nouvelles seront au rendez-vous : un jeton de plastique peut être fabriqué à partir de
bouts de stations d'épuration, par
exemple. L’innovation organisationnelle est aussi nécessaire : l'économie
linéaire en silo sur laquelle s’appuient
les grandes entreprises, doit être remplacée par une économie de la réutilisation de la matière, de la fonctionnalité. Ce sont là des modèles plus
complexes qui s’inspirent de la nature
où les organismes vivent en interdépendance dans des enchevêtrements
systémiques. A côté des grands Séquoia par exemple, existent de petites
plantes qui leur permettent d'être
bien enracinés et si l'un disparaît, tout
l'écosystème s'effondre. L'économie
circulaire a aussi pour objet d'améliorer les échanges entre petits et grands.
L'innovation concerne également les
éléments financiers : notre comptabilité devra prendre en compte les externalités positives et négatives.
Comment pérenniser les expériences
présentées ce matin par le Fonds d'innovation sociale sans innover au plan
de l'ingénierie financière ? L'association des experts comptables com-
Un engagement
des secteurs industriels
Le Conseil national de l’industrie est chargé
de déterminer les actions les plus pertinentes
à mettre en œuvre selon les spécificités de
chaque secteur.
Des stratégies régionales
d’économie circulaire
En lien avec l’association des Régions de
France et l’agence de l’Environnement et de
la Maîtrise de l’Energie (Ademe), une étude
sera lancée pour proposer aux régions qui le
souhaitent un cadre et une méthodologie
commune. Les retours d’expérience des régions pionnières nourriront cette réflexion,
qui permettra à quatre régions au moins, de
formaliser leur démarche avant la fin 2014.
La région Aquitaine sera l’une d’entre elles.
L’ouverture d’une réflexion
sur la gestion des ressources
Un groupe de travail proposera des pistes
pour structurer une stratégie française afin
d’être force de proposition dans les débats
européens de l’été 2014.
Les récentes lois Hamon introduisent la
notion d’économie de la fonctionnalité qui
inscrit le consommateur dans l’usage du
bien plutôt que dans son achat, tandis que
la loi sur l’économie sociale et solidaire en
préparation intègrera des notions de l’économie circulaire. l’économie
circulaire améliore
les échanges entre
petits et grands.
32
33
mence à travailler sur ces sujets. La
fiscalité peut aussi innover car nous
avons tout intérêt à un transfert des
charges pesant sur l'emploi vers les
ressources les plus rares. La TVA devrait être moins forte sur un téléphone réparé et revendu ou sur un
bien contenant des matériaux recyclés. L’innovation, enfin concerne la
gouvernance : transversalité, collaboration, coopération représentent
l'avenir défendu par l'institut de l'économie circulaire. Ainsi du modèle des
Scic qui réunissent des acteurs très
différents et qui co-opèrent.
Forbach transforme
les déchets en bio-gaz
L'éducation est également un enjeu
fort pour passer du modèle de la possession et du gaspillage à celui de la
réutilisation, du recyclage. A Forbach
par exemple, la captation des matières organiques des déchets ménagers a débouché sur la production de
biogaz qui alimente en énergie les
véhicules municipaux. Une matière
négative est ainsi devenue positive,
évitant l'importation d'énergie et
créant par la même occasion une
mobilisation collective de chaque
citoyen qui contribue par l'apport de
ses déchets. Le cercle vertueux continue actuellement avec la constitution d'une Scop pour fabriquer les
sacs biodégradables (jusqu'à maintenant en plastique venu de Chine)
utilisés pour la récolte des déchets.
Il s'agit d'avoir une vision lointaine
et de s’y diriger en franchissant les
étapes pas à pas. Chaque génération,
chaque acteur peut agir. Nous les
politiques devons permettre aux citoyens d’agir sur ces changements. L'habitat : de l'économie
circulaire depuis la nuit
des temps
Quant à la question de la proximité,
l'habitat est un bon levier pour engager des logiques d'économie circulaire. Malgré la maison Phénix qui a
tenté d'uniformiser le logement, le
fait est que, depuis des générations,
nous répondons aux besoins d'habitat de multiples façons selon les ressources disponibles, les cultures, les
us et coutumes des régions. En matière d'achats publics, le gouvernement commence à réfléchir à privilégier l'achat local, espérons que le
législateur s'empare rapidement du
sujet.
Quant à la valorisation et à la pérennité, la difficulté réside dans l'incapacité de notre système de comptabiliser
les gains. A titre d'exemple qui existe
en Allemagne et aux Pays-Bas : alors
qu’un lave-linge individuel est changé
en moyenne tous les sept ans, les lavelinges professionnels (durée de vie de
vingt ans environ et restant la propriété du constructeur), installés dans
les parties communes d’un immeuble
de 21 logements, pour un usage collectif, représenteraient un gain en termes
de non gaspillage, de relations sociales, de mètres carrés gagnés dans
le logement, sans compter les
moindres dégâts des eaux qui permettent des négociations avec les assureurs. Hélas, les bilans comptables ne
prennent pas en compte ces gains. Les
collectivités locales devraient comprendre tout leur intérêt d'accompagner de telles démarches. Plus d’information
www.institut-economie-circulaire.fr
la mise en perspective
C’est en créant
les rêves que l’on
changera la réalité
Les échanges
avec la salle
Fabrice Caillé [atelier d'éco solidaire] nous sommes pleinement dans cette logique
mais en même temps l'économie circulaire
est un process industriel qui induit la collecte
de matières à grande échelle et l'exportation
de déchets (44% des déchets sont exportés
pour recyclage). Comment le législateur
peut-il protéger l'économie locale de la réutilisation mise en œuvre par de petites structures, alors qu’il n’a pas, par exemple, réussi à protéger le réemploi du mobilier ?
François-Michel Lambert l'économie
circulaire signifie beaucoup de proximité et
de petites structures comme les ressourceries. S'agissant du législateur, il pourrait agir
avec un taux de TVA plus bas pour les objets
ré employés. La législation, comme la révolution industrielle et l'économie linéaire datent de près de 150 ans. Il faut bien entendu
modifier le modèle dans tous ses aspects
pour préserver la matière dans un circuit
court. En attendant, les collectivités locales
sont à mon avis, les premières à pouvoir agir
pour soutenir les organisations de petites
tailles qui agissent sur leur territoire.
Isabelle Garcia [Habitat Jeunes Levain] j'envoie à M. Lambert et à l'institut tous mes
encouragements. Je témoigne aussi qu’Habitat Jeunes (ex foyers de jeunes travailleurs)
sont des structures fonctionnant sur ces
principes avec partage des laveries et de cuisines ; avec des monnaies locales dans les
foyers bordelais ; du libre-échange de livres
et DVD. Ce sont ainsi de nouveaux modes de
vie qui sont transmis aux Jeunes.
Une personne dans la salle Au-delà des
taux de TVA et de l'enjeu de la pérennité économique de l'économie sociale et solidaire,
il faut pouvoir valoriser ce capital immatériel
des entreprises, notamment des ESH, sur
leur territoire car cela représente des dépenses en moins, un véritable investissement
avec de multiples retours.
Quel modèle
pour l’économie
circulaire ?
François-Michel Lambert :
Véolia capte toutes les
huiles de friture qu’elle ramène en région parisienne
pour les transformer en
bio-carburant. C’est bien
mais ce n’est pas forcément le meilleur modèle.
Je connais un entrepreneur
marseillais qui en filtrant
par gravité les huiles de
friture, les rend assez
propres pour les intégrer
au système de chauffage
de l’immeuble qui accueille le restaurant les
produisant. La meilleure
réponse réside dans ces
circuits courts.
Valérie Fournier,
présidente du Fonds d'innovation sociale
François-Michel Lambert Effectivement,
il y a une vraie difficulté pour démontrer que
ce qui est immatériel, l'ensemble des expériences ici relatées, a une valeur en soi : valeur
collective, quartier serein et pérennisé, personnes qui vont mieux, meubles réutilisés.
à ce sujet, que chacun est très investi et vit
l’audition des projets avec autant de trac que
ceux qui les présentent !
Je remercie également vivement les équipes
de Domofrance et Mésolia qui nous ont si
bien accueilli et aidé dans la préparation de
ces journées, ainsi que tous les lauréats qui
nous ont fait partager leur passion.
Parmi les projets portés par Domofrance, je
tiens à saluer Philippe Dejean, un grand dirigeant d'ESH qui a défendu les chantiers Tramasset avec vigueur et conviction. Nous
avions, il est vrai, beaucoup de débats au sein
du Fonds car nous souhaitions les soutenir
mais nous les sentions fragiles et nous leur
demandions, notamment, que le projet s’inscrive plus clairement dans une logique économique. Il m'a dit : vous devez comprendre : il
faut vraiment faire ce projet, c’est indispensable.
Il a eu raison de nous montrer à quel point il
était important de soutenir cette démarche
qui a si bien réussi, nous l’avons vu hier.
Rêver, s'émouvoir, créer
des projets
Après cette journée sur l'économie cir-
culaire, j'ai bien compris que le mot de la fin
n’est que le début d'un autre cycle, je peux
donc vous parler librement.
Je tiens tout d’abord, à excuser l’absence
d’une personne très importante pour le
Fonds, Nelly Lordemus, qui sera extrêmement intéressée d'entendre et de lire nos
retours sur ces journées.
Je tiens aussi à remercier les membres du
comité de sélection et de l'équipe du Fonds
qui sont tous présents : Serge, Ouardia, Isabelle, Marie-Noëlle… Chacun joue un rôle
essentiel pour aider les projets à accoucher,
bien au-delà de leur simple sélection. Sachez
l’habitat
est un bon levier
d’économie circulaire.
34
35
Le Fonds d'innovation sociale, c'est essentiellement rêver. Il faut garder la capacité de
rêver, pas comme des anges incarnés mais
bien en lien avec le réel. C’est en créant les
rêves que l'on changera la réalité.
Le Fonds d’innovation sociale, c’est beaucoup d'émotions. Je l'explique aux élus que
je rencontre. Après une journée de sélection
des projets, nous sommes persuadés que la
France va s'en sortir, qu'il y aura moins de
pauvres, que la vie est plus belle, que nous
avons plein de bonnes raisons de continuer
à faire notre métier, même si c'est difficile.
Des émotions, nous en avons eu depuis hier
avec ce garçon qui nous expliquait ce que
les chantiers Tramasset ont apporté à sa vie,
avec Fathia très émue en parlant des
femmes de La Réunion, avec les équipes de
Sodineuf avec lesquelles nous échangeons
depuis longtemps.
conclusion
Le Fonds porte une manière
d'agir l'ingénierie sociale
Les ESH sont interpellées sur les métiers
de l'ingénierie sociale et nous devons répondre en travaillant ensemble avec tous
les acteurs concernés. C'est cette logique
que porte Le Fonds d’innovation sociale et
que défend la Fédération. Aussi, il est important que chaque société s'approprie le
Fonds. Les émotions font partie de ce travail car les équipes elles-mêmes sont investies dans les projets.
Le Fonds d’innovation sociale est une démarche communautaire. Nous faisons les
rencontres nationales pour montrer que tout
se passe partout en France, que des collaborateurs dans les sociétés sont engagés pour
monter des projets et en feront d'autres. Si
vous avez fait un projet soutenu par le Fonds
d'innovation sociale, vous pouvez en présenter un autre. Si vous n'en avez pas encore
présenté, n'hésitez pas.
Le Fonds d'innovation sociale c'est mettre
l'intelligence et l'Homme au cœur du système. C’est une grande ambition ! Pour nous,
faire des lois et règlements, c'est très bien
mais c'est très français. Faire des choses et
démontrer les performances par l'exemplarité est également intéressant, c'est ce que
propose le Fonds. En ce sens, nous faisons
de l'économie circulaire.
Pour moi, il est important que la République
vive, que l'ascenseur républicain fonctionne.
Dans notre métier, même s'il y a un échec à
un moment donné, nous devons continuer et
penser à ces personnes qui retrouvent l’estime d'elles-mêmes, la dignité, qui s'autoréparent. Le Fonds existe pour cela.
ce-qui est reproductible ? L'objectif est de
constituer une boîte à idées au service des
ESH et de leurs salariés. Cette étape correspondra à une montée en puissance de la communication car il y a tellement de beaux projets et de belles histoires de vie qu'il serait
dommage de ne pas les faire connaître. C'est
important également au niveau de l'ensemble
du mouvement HLM si souvent interpellé,
parfois attaqué, de communiquer sur ce que
nous faisons bien. Je rêve d'une communication positive partant du terrain, parlant des
hussards de la République que sont les gardiens,
le personnel de proximité, les associations. Il
y a là un beau projet de communication à faire
ensemble et que le Fonds portera.
Ces journées ont montré que les projets fonctionnent mais que la question de leur pérennisation se pose. À ses débuts, le fonds pensait soutenir seulement de l'investissement
puis il a financé du fonctionnement. Les
questions qui nous animent actuellement
sont celles-ci : Jusqu'où allons-nous ? Comment pérennisons-nous tout cela ?
Je vous souhaite de faire plein de projets et
vous donne rendez-vous à Paris en 2015. L'équipe du Fonds d'innovation sociale
(Serge Guérin, Ouardia Babour et Isabelle
Leleu) remercie toute les personnes et les
référents qui ont contribué à l'organisation
et au déroulement des journées 2014.
Crédit photo : DR, Gilles Massicard
Publication réalisée pour le Fonds d'innovation
sociale, Fédération nationale des ESH,
par Citéscom 01 43 61 11 30 et imprimée
sur papier recyclé à 1 400 exemplaires
L'avenir du Fonds d'innovation
sociale : évaluer, communiquer
Beaucoup de projets ont vécu leur cycle de
financement et de vie. Nous entrons dans la
phase d'évaluation finale pour savoir ce qui a
fonctionné et pour quelles raisons. Qu’est-
il est important
que la République vive,
que l’ascenseur républicain
fonctionne.
36
Fonds d'innovation sociale
Fédération des ESH
14 rue Lord Byron - 75008 Paris
tél. : 01 40 75 50 04 - Fax : 01 40 75 68 04
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