modérée de volume chez les AL, à une diminution plus
sévère chez les SK.
Atteintes métaboliques
La première étude en tomographie par émission de posi-
tons (TEP), conduite chez un groupe de patients SK, a montré
un hypométabolisme du précunéus et du cortex cingulaire,
indiquant selon les auteurs une interruption du circuit de
Papez due aux lésions thalamiques [12]. D’autres auteurs
ont rapporté, chez un groupe de sujets atteints d’amnésie
permanente de différentes étiologies, un hypométabolisme
des hippocampes, des corps mamillaires, des thalami, du
cortex cingulaire postérieur, du cortex préfrontal, du gyrus
supramarginal et du gyrus temporal moyen [13]. Ces anoma-
lies étaient indépendantes de l’étiologie du syndrome amné-
sique, suggérant que l’amnésie s’accompagnerait d’un pro-
cessus commun de déconnexion thalamocorticale du circuit
de Papez. Récemment, nous avons non seulement confirmé
le dysfonctionnement de ce circuit, mais aussi montré que le
cortex cingulaire pourrait jouer un rôle clé dans la physio-
pathologie du SK [10]. En effet, cette structure est la plus
sévèrement altérée tant d’un point de vue morphologique
que métabolique. Elle est également la seule région céré-
brale dont le dysfonctionnement est plus important que
l’altération morphologique et, enfin, la seule systématique-
ment atteinte chez les neuf patients SK inclus dans l’étude.
Ainsi, la description classique du SK, considéré comme
le prototype du syndrome amnésique diencéphalique,
résiste mal aux données récentes d’imagerie cérébrale.
Il reste à mieux distinguer les atteintes qui résultent des
effets de l’alcool sur le cerveau, communes aux SK et aux
AL, et les atteintes spécifiques aux SK, en rapport avec cer-
taines caractéristiques cliniques et neuropsychologiques.
Apport des protocoles d’activation
Les études employant ce paradigme dans le SK sont très
rares. Une étude en IRM fonctionnelle (IRMf), menée chez
un patient SK, a montré que, contrairement à ce qui est
observé chez les sujets sains, il n’y a pas d’activation de
l’hippocampe lors de l’encodage et de la récupération de
visages [14]. Ces résultats suggérant une atteinte fonction-
nelle de l’hippocampe sont donc en accord avec les
travaux en IRM morphologique montrant des lésions des
hippocampes chez les SK. Le SK, considéré pourtant
comme le prototype du syndrome amnésique diencépha-
lique, pourrait donc être caractérisé par un dysfonctionne-
ment de l’axe hippocampo-thalamique, suggérant ainsi,
selon les auteurs, que l’étiologie de l’amnésie serait peu
discriminante.
Les études en IRMf menées chez les AL suggèrent la
mise en place de mécanismes compensatoires qui refléte-
raient des capacités de réorganisation cérébrale fonction-
nelle chez ces malades [15]. Il sera intéressant dans de futu-
res recherches d’examiner si de telles compensations
existent aussi chez les SK ou si, au contraire, l’absence de
réorganisation cérébrale explique la sévérité des troubles
neuropsychologiques, notamment de mémoire épisodique.
Conclusion
Les travaux récents de neuropsychologie et de neuro-
imagerie suggèrent donc que les SK ne pourraient différer
des AL que par la sévérité de leurs atteintes. L’hétérogénéité
des effets de l’alcool sur la cognition et le cerveau reste
inexpliquée. Contrairement à ce que suggérait Ryback
dans les années 1970 [6], elle ne semble pas directement
liée à la consommation d’alcool, car les troubles cognitifs et
les atteintes cérébrales ne sont que peu liés à l’histoire de
l’alcoolisation des sujets. Les carences nutritionnelles asso-
ciées à l’alcoolisme ainsi que les différences interindivi-
duelles de vulnérabilité à la neurotoxicité de l’alcool, qui
pourrait être génétiquement déterminée, sont des facteurs
explicatifs qui devront être pris en compte dans l’avenir.
D’un point de vue clinique, ces nouvelles données doivent
amener les neuropsychologues à prendre en considération
la consommation d’alcool du sujet lors de tout bilan neuro-
psychologique. De plus, la détection des patients alcooli-
ques, dont les performances de mémoire épisodique sont
très faibles (proches de celles des SK sur le continuum), pour-
rait permettre de mettre en place des actions préventives
(prescription de fortes doses de vitamines et aide au maintien
de l’abstinence) évitant à ces sujets de développer un syn-
drome amnésique. ■
Références
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dies de la mémoire. Revue philosophique de la France et de l’Étranger
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che F. Sergueï Sergueïevitch Korsakoff (1854-1900) : le savant, le pen-
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on memory. A review. Q J Stud Alcohol 1971 ; 32 : 995-1016.
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patients learn new concepts? Neuropsychologia 2008 ; 47 : 879-86.
Mini-revue
R
EVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
N
EUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
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