iPhilo - la philosophie en poche
La première application de philosophie pour iPhone
http://iphilo.fr
Que pourrait donc être une sagesse fondée sur la résignation ?
Il semble donc nécessaire pour résoudre cette difficulté de procéder à une distinction entre la
résignation et l’acceptation. Accepter signifie comprendre, adhérer à un réel qui ne s’impose pas
arbitrairement, mais dont on a intégré la nécessité et, par conséquent, envers lequel on est
en mesure d’agir efficacement. Par exemple, accepter la maladie, ce n’est pas se résigner à être
malade, c’est comprendre ce qu’est la maladie pour, en même temps, mieux lutter contre elle.
La notion de sagesse, nous l’avons dit, procède à la fois de la connaissance et de la vertu, selon
qu’on la comprenne en tant que sophia ou en tant que phronesis. La phronesis renvoie, selon la
définition qu’en donne Aristote (3), à cette prudence, mais aussi à cette sagacité (4), qui permet à
l’homme de poursuivre le Bien en délibérant sur les moyens de l’action et qui conduit à la vie
bonne. Elle est, comme le souligne Pierre Aubenque dans son ouvrage, La prudence chez
Aristote, « l’habileté des vertueux » (5). Elle est cette vertu intellectuelle orientée vers la pratique et
qui permet de poursuivre le bonheur, de mener une vie pleinement humaine, une vie qui mérite
d’être vécue. C’est cette vertu qui nous permet d’affronter les événements et de juger du moment
opportun pour bien agir, elle consiste donc à prendre en considération le réel tel qu’il est pour agir
comme il convient.
Peut-on encore, dans ces conditions, comprendre cette capacité à intégrer les contraintes
extérieures dans la détermination des modalités de l’action comme une résignation ?
Dans l’idée de résignation, il y a celle de soumission à ce qui est de l’ordre du fait, c’est-à-dire à
ce qui peut être perçu comme relevant de l’inexplicable et de l’arbitraire, en tout cas du
contingent, de l’imprévisible. Le fait, c’est ce qui s’impose à nous malgré nous, il est de l’ordre
du « c’est comme ça ». Il possède à la fois le caractère arbitraire de la contingence et le caractère
inévitable de la nécessité puisqu’on ne peut faire qu’il ne soit pas. Se résigner consiste donc à
céder devant les faits et peut relever de la passivité, voire de la souffrance dans la mesure où se
résigner consiste à subir, à se laisser dominer par une réalité perçue comme pouvant être absurde
et arbitraire. C’est d’ailleurs sous cette forme que l’opinion commune perçoit le plus souvent la
philosophie et la sagesse. Être philosophe consisterait à prendre les choses comme elles viennent,
les bonnes comme les mauvaises. Cependant, n’y a t-il pas là une contradiction à vouloir fonder la
sagesse sur la résignation ? à vouloir allier la disposition à subir, en quoi consiste la résignation, et
le désir de connaître et comprendre qui est propre au philosophe qui recherche la sagesse et qui a
besoin pour cela de s’affirmer comme pensée en acte, comme pensée libre ne subissant aucune
limite pouvant provenir d’une cause extérieure et étrangère à la pensée elle-même ? Or, la
résignation n’est-elle pas, par définition, la négation même de cette liberté ? N’est-elle pas, dans
ces conditions, dans l’incapacité de fonder une véritable sagesse ?
© 2016 iPhilo et ses auteurs, tous droits réservés. L'ensemble des articles publiés dans le journal est accessible gratuitement sur le site iPhilo.fr.