PARCOURS BIBLIQUE REVISITÉ PAR LES SCIENCES Edouard Rivier PARCOURS BIBLIQUE REVISITÉ PAR LES SCIENCES Tome 1 ISRAËL & LA BIBLE : LE TEMPS DES PATRIARCHES Editions Du Bailli Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur, de ses ayants droits, ou de ses ayants causes est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle. © Editions Du Bailli, 2013 A mes aimées Thérèse Simone Margot En souvenir de Paul Hauptman S.J. 5 AU SEUIL DE L’OUVRAGE L’ouvrage PARCOURS BIBLIQUE REVISITE PAR LES SCIENCES s’adresse en priorité aux croyants des trois religions monothéistes - ou religions du LIVRE (la Bible hébraïque) - le judaïsme, le christianisme et l’islam. Ces trois religions affirment l’existence d’un DIEU UNIQUE dénommé Yahvé par les juifs, Dieu (ΘΕΟΣ en grec) ou Seigneur par les chrétiens et Allah par les musulmans ; elles se trouvent liées directement (judaïsme) ou indirectement (christianisme, islam) à ce livre très singulier que constitue la Bible hébraïque (ou Premier Testament), le Livre sacré du peuple d’Israël, qui deviendra par la suite le peuple juif. Le logo en forme de tulipe sur la couverture de l’ouvrage symbolise cette dépendance des trois religions monothéistes envers la Bible, objet de l’étude amorcée dans ce tome 1. Toutefois il faut savoir que les israélites, comme tous les sémites, ne faisaient aucune distinction entre profane et sacré ; par suite un ouvrage sérieux sur la Bible se doit de traiter en parallèle l’histoire du peuple d’Israël, ISRAËL & LA BIBLE se trouvant étroitement liés comme le rappelle le sous-titre de ce tome 1. En conséquence le présent ouvrage s’adresse également à tous ceux qui portent un intérêt à l’histoire du peuple d’Israël et à l’émergence du monothéisme. Canaan, le petit territoire du peuple d’Israël, se situe au cœur de la Palestine, partie la plus étroite du “corridor du Levant”, sur la façade maritime du Proche-Orient. Nous observerons l’apparition du sentiment religieux et sa lente transformation dans ce Proche et Moyen Orient à travers une suite d’étapes qui conduisent au monothéisme et à la notion d’un Dieu transcendant découverte par le seul peuple d’Israël qui en a fait don à l’humanité. Par suite cet ouvrage s’adresse également à tous ceux qu’intéresse la transition de la pensée archaïque, baignée dans un monde magique, à la pensée évoluée capable d’imaginer des concepts de transcendance. Mais le champ couvert par cet ouvrage va encore bien au-delà pour toucher aux origines mêmes de la civilisation, à travers Canaan et son voisinage. Depuis peu, nous découvrons que ce “corridor du Levant” constitue l’une des matrices, sinon la matrice, de la civilisation. Nos très lointains ancêtres venant du berceau des hominidés – au cœur de l’Afrique – ont traversé cet étroit corridor du Levant (nord de l’Egypte, Palestine, Jordanie, Syrie, Turquie du sud-est, Irak du nord – ouest) avant de se répandre dans le monde entier, mais certains d’entre eux 7 s’y sont arrêtés et y ont fait souche et c’est là que les archéologues débusquent les débuts de la sédentarisation et de l’agriculture qui précèdent l’apparition de l’écriture au pays de Sumer (Irak du sud ouest). A travers des récits bibliques célèbres comme celui du “déluge” subi par Noé, le présent ouvrage nous fait toucher du doigt la capacité de ces premiers civilisés à transmettre oralement les souvenirs d’un tel évènement dramatique (le déluge) survenu dans cette région. Les premiers essais de rédaction des textes bibliques commencent vers la fin du deuxième millénaire avant notre ère et cette rédaction se termine peu avant notre ère ; mais il faut savoir que nombre de textes bibliques, surtout parmi les plus anciens, s’inspirent de récits légendaires mésopotamiens (ou quelquefois égyptiens) qui remontent sensiblement au troisième millénaire BCE (Before Christ Era). Ainsi certains textes bibliques – ou leurs sources – ont plus de 4000 ans, à une époque où l’on croyait que Dieu roulait tous les matins et déroulait tous les soirs une sorte de toile piquetée de luminaires qui constituait le ciel. Par suite certains de ces écrits, si vénérables, risquent de vous causer quelques difficultés. C’est pourquoi j’ai cherché à mettre en place une approche décapante, novatrice et bénéfique des textes bibliques. Tout d’abord cet ouvrage se veut une sorte de “guide du routard biblique”. Entendons-nous bien ! Il ne s’agit pas de vous donner les meilleures adresses de restaurants à Jérusalem mais de vous fournir une documentation suffisante en rapport avec les textes bibliques pour vous aider à comprendre quel était le paysage économique, politique, etc. à l’époque considérée, ce qui améliore grandement la lisibilité des textes. Pour profiter au mieux de vos lectures bibliques gardez l’œil bien vif et l’esprit critique toujours en alerte. Pour un Hébreu / Israélite le doute n’existe pas ; il ne reste jamais coi face à un évènement qui dépasse son entendement, quitte à vous sortir une explication qui cumule les calembredaines, en sorte qu’il voit Dieu partout où il n’est pas et oublie de le voir là où il est. Ces hommes, proches de la préhistoire, vivaient encore bien souvent dans un univers mental imprégné de chamanisme et de magie ; sous leur plume tout évènement physique inquiétant devient l’expression du courroux de Dieu contre les hommes ; un malade ne peut être qu’un abominable pécheur auquel Dieu a attaché un épouvantable démon. Il convient donc de transposer à l’aune de nos connaissances scientifiques actuelles nombre de faits présentés comme surnaturels. Ainsi le déluge relève-t-il simplement d’une modification climatique et non d’une punition divine des humains. Pour autant ce n’est pas une raison pour écarter comme anhistoriques tous les faits présentés comme relevant du miracle, telle la manne ou les nuages de cailles pour nourrir les Hébreux dans le 8 désert. Il suffit de les transposer dans le champ de la science. La bonté de Dieu envers les humains peut très bien s’exercer de manière naturelle à travers des faits qui les dépassent par leur caractère insolite ou inquiétant. Cet œil vif vous permettra également de repérer les anachronismes et les redites qui fourmillent dans les textes bibliques les plus anciens. Ceci montre simplement que les rédacteurs disposaient de récits fragmentaires qu’ils ont recollés à la va-vite, lâchant parfois la bride à leur propre imagination, comme en maintes reprises dans le texte de l’Exode (tome 2 à paraître). Ne confondez pas ce qui est au cœur de la foi en Yahvé l’ETERNEL et qui se trouve résumé dans le Deutéronome chapitre 30 verset 15 : “Vois je te propose aujourd’hui…” et des récits anecdotiques, tels les récits de Création en tête de la Genèse, à la fois archaïques et, en apparence, puérils, comme leurs récits sources, mais érigés en article de foi durant des millénaires faute de connaissances scientifiques suffisantes. Mais là encore il ne faut pas écarter trop vite ces contes, car ils portent souvent une réflexion philosophique d’une grande profondeur, comme en témoigne le second récit de création. Ensuite, en utilisant les indications fournies, apprenez, au fil de vos lecture, à déchiffrer le langage symbolique d’usage constant dans la Bible sous des formes diverses ; mais, de grâce, ne confondez pas explication symbolique et réalité historique ! La SCIENCE, dans l’état présent de nos connaissances scientifiques, y compris les plus pointues, est à même d’épauler notre FOI pour rendre les textes non seulement compréhensibles, mais intéressants et souvent bénéfiques pour notre réflexion ou notre vie intérieure. Cette alliance systématique entre FOI & SCIENCE constitue l’un des aspects les plus novateurs de l’ouvrage que son titre met d’emblée en exergue. Ainsi, sur un plan général, l’histoire, la géographie, l’archéologie, la linguistique, la paléoanthropologie, etc. sont capables, désormais, de nous retracer l’histoire de la Palestine antique sur une longue période et par là même celle du petit territoire de Canaan que les Hébreux vont conquérir sous la conduite de Moïse puis de Josué. Vous découvrirez l’Egypte maîtresse de tout le Proche-Orient durant plus d’un millénaire, mais aussi les invasions des Peuples de la Mer qui ravagèrent le pays de Canaan peu avant sa conquête par Josué, tout comme le déferlement des Hittites et l’invasion de l’Egypte par les Hyksos. Si l’on se place au niveau plus modeste des protagonistes des histoires profanes ou sacrées qui nous sont contées dans ce tome 1, “Le temps des patriarches”, 9 la science va nous en apprendre beaucoup sur leurs habitudes, leurs craintes, leurs bonheurs. Ainsi des textes trouvés dans les restes de la cité-état de Nuzi viendront-il éclairer le mode de vie de ces pasteurs nomades. Enfin je vous propose de faire des théories de l’Information et de la Communication, de manière totalement inédite, deux outils scientifiques au service de la Bible. Nous envisagerons le texte sacré comme abritant une suite de “messages” (au sens des télécommunications) que Dieu nous adresse à travers le temps et l’espace. Les expéditeurs de ces messages sont des personnages “inspirés” par Dieu (les patriarches dans ce tome 1). Ces messages parviennent à notre messagerie (e-mail ou cervelle, c’est égal). La théorie de la communication et l’habitude nous dicterons notre premier geste : authentifier l’expéditeur pour qu’il n’envoie ni SPAM, ni bugs ! Vous découvrirez comment authentifier Abrahâm par l’histoire et la tectonique des plaques et Jacob par la paléoclimatologie et des inscriptions en hiéroglyphes. La géophysique, incluant la paléoclimatologie, la tectonique des plaques, la vulcanologie, la sismique, permet de ramener des faits entachés de merveilleux divin à de simples manifestations d’humeur de la terre, bien souvent datables, ce qui permet de sortir ces grands patriarches du brouillard mythique où notre ignorance avait tendance à les cantonner. Nous avons jusqu’ici longuement parlé de science, mais fort peu de littérature, par contre j’ai évoqué la conquête de Canaan par une troupe d’Hébreux venus d’Egypte, guidés par Moïse puis Josué. Cette conquête sera traitée dans le tome 2, à paraître : De l’Exode à l’âge d’or d’Israël. Anticipant un instant sur ce tome 2, les récits de cette conquête, passablement confus et contradictoires, nous montrent une troupe assez misérable d’Hébreux affamés et découragés cherchant vainement un passage pour pénétrer dans la Terre Promise. L’on voit mal par quel miracle une telle troupe se serait lancée, une fois Canaan conquise, dans un projet aussi ambitieux que la rédaction des débuts de la Bible, sauf si … Sauf si les hébreux avaient trouvé en Canaan une société cultivée, à même de leur enseigner les rudiments littéraires nécessaires pour se lancer dans une telle aventure. Telle est du moins l’analyse faite par le rabbin italo-israélien Cassuto dans un ouvrage clé : The Goddess Anath, après qu’eurent été entreprises des fouilles archéologiques sur le site de l’antique cité-état d’Ugarit sur la côte syrienne dans la partie nord de Canaan. Alors que nous ne possédions aucun document sur l’ancien Canaan, ces fouilles ont livré une quantité impressionnante de tablettes écrites en cunéiforme et Cassuto, le premier, a montré combien les 10 rédacteurs de la Bible sont redevables au plan littéraire à Canaan / Ugarit. En outre ces textes d’Ugarit ont permis de corriger certains passages confus de la Torah (la LOI), partie ancienne de la Bible, mais à l’inverse le texte biblique a aidé les chercheurs à traduire correctement les tablettes découvertes à Ugarit où les fouilles se poursuivent avec une équipe franco-syrienne. Vous découvrirez dans ce tome 1 : Le temps des patriarches, les points essentiels du travail de Cassuto qui renouvellent complètement nos idées sur la rédaction première de la Bible et sur la laborieuse émergence du monothéisme israélite qui sera traitée plus spécifiquement dans le tome 2 : De l’Exode à l’âge d’or d’Israël. Sur ce, bonne lecture ! Edouard Rivier 11