Dans le nom Kalippos, en effet, ippos n’a en lui-même et par lui-même aucune signification,
comme dans l’expression Kalos ippos. — Pourtant ce qui a lieu dans les noms simples n’a
pas lieu dans les noms composés : pour les premiers, la partie ne présente aucune
signification quelconque, tandis que, pour les derniers, elle contribue à la signification du tout,
bien que, prise séparément, elle n’ait aucune signification ; par exemple dans le mot
epaktrokelês <vaisseau de pirate>, le mot kelês <vaisseau> ne signifie rien par lui-même. —
Signification conventionnelle, <disons-nous>, en ce que rien n’est par nature un nom, mais
seulement quand il devient [signe d’un concept], car même lorsque des sons inarticulés,
comme ceux des bêtes, signifient quelque chose, aucun d’entre eux ne constitue cependant
un nom.
Non-homme n’est pas un nom. Il n’existe, en effet, aucun terme pour désigner une telle
expression, car ce n’est ni un discours, ni une négation. On peut admettre que c’est
seulement un nom indéfini (car il appartient pareillement à n’importe quoi, à ce qui est et à ce
qui n’est pas. — De Philon, à Philon, et autres expressions de ce genre, ne sont pas des
noms, ce sont les «cas» d’un nom. La définition de ces cas est pour tout le reste identique à
celle du nom, mais la différence c’est que, couplés avec est, était ou sera, ils ne sont ni vrais,
ni faux, contrairement à ce qui se passe toujours pour le nom. Par exemple de Philon est ou
de Philon n’est pas sont des expressions qui n’ont rien de vrai, ni de faux.6
Commençons par ce qui n’est pas un nom. D’abord «non-homme» n’est pas, à proprement
parler, un nom puisqu’il n’est pas «pourvu d’une signification, d’une définition» propre. «J’ai
expliqué plus haut ce qu’il faut entendre par nom et par ce qui n’a pas de nom. Je dis, en
effet, que le terme non-homme n’est pas un nom <proprement dit>, mais un nom indéfini,
car c’est une chose une que l’indéfini signifie, lui aussi, en un certain sens»,7 écrit Aristote.
C’est précisément ce pourquoi on peut «admettre que c’est seulement un nom indéfini», un
nom dépourvu d’une définition. Le nom indéfini n’exprime donc pas une définition de «ce
qui n’a pas de nom» et qui est «une chose une que l’indéfini signifie (...) en un certain
sens» seulement ; le nom défini signifie selon la définition pertinente, alors que le nom
indéfini signifie selon une indéfinition, pourrait-on dire. Ensuite, ajoute Aristote, «de Philon,
à Philon, et autres expressions de ce genre, ne sont pas des noms», puisque «ce sont les
“cas” d’un nom».
— «Indéfini» est une traduction approximative de ce qui, en latin, s’écrit infinitum (infini) ; l’infinitum est ce qui
est dépourvu de la finition au sujet de laquelle une définition (de-finitio) est exprimable par un nom
proprement dit. C’est de cet infinitum que vient aussi «infinitif», employé pour ce mode du verbe qui n’exprime
pas un temps, le mode de sa forme dite nominale. Mais un verbe à l’infinitif, qui est à ce titre un nom, peut
être défini comme nom : par exemple, le verbe à l’infinitif «marcher» est un nom défini, alors que «non-
marcher» est indéfini. —
Tant en grec qu’en latin, selon la grammaire pertinente, le nom se décline en six cas : le
nominatif, le vocatif, le génitif, le datif, l’ablatif et l’accusatif. Le français, malgré sa
dérivation du latin et du grec, n’a pas retenu une telle déclinaison notée par désinence pour
le nom, bien qu’il ait conservé les divers cas de déclinaison en les exprimant avec une
autre notation que la désinence, comme nous l’avons lu plus haut chez Maurice Grévisse :
1. le nominatif, mot où on reconnaît «nom», s’emploie dans la phrase comme sujet ou
comme attribut du sujet ; comme attribut du sujet, il fait alors partie du prédicat, avec un
verbe copule : par exemple, «Le père partit.» ou «Cet homme est son père.» ;
2. le vocatif exprime l’interpellation, qui s’emploie dans une forme de discours exclu du
6 Aristote, De l’interprétation, dans Organon, I Catégories, II De l’interprétation, traduction et notes par J.
Tricot, Paris, 1984, Librairie philosophique J. Vrin, 16a 19 - 16b 5
7 Aristote, op. cit., 19b 7-9 3