MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE
ADMINISTRATION DES EAUX ET
FORETS
COMMISSION D'ÉTUDES
DES
ENNEMIS
DES
ARBRES,
DES
BOIS ABATTUS
ET DES
BOIS
MIS EN
ŒUVRE
Bulletin no 2
LES
CHAMPIGNONS DES
MAISONS
LES TROIS ESPÈCES DE
CHAMPIGNONS
DESTRUCTEURS
DES
HABITATIONS
Les champignons susceptibles d'attaquer les boiseries et les
charpentes des habitations et des navires sont pratiquement au
nombre de trois.
Deux d'entre eux, la
Mérule (Merulius domesticus, Merulius
lacrymans, Gyrophana lacrymans)
et le
Tramète des maisons (Poria
vaporaria, Trametes vaporaria),
déterminent le
pourriture sèche
du bois. Celle-ci se manifeste par l'apparition de crevasses qui se
coupent â angle droit et qui provoquent ainsi la fragmentation
du bois en petits parallélipipèdes s'effritant sous la pression des
doigts.
Le troisième, relativement très rare, le
Phellinus cryptarum
transforme le bois en une charpie légère et solide constituée par
les fibres désagrégées, mêlées de filaments blancs.
Le
Tramète
dont, pratiquement, les méfaits sont bien moindres
que ceux de la
Mérule,
se présente sous l'aspect de croûtes
épaisses, de teinte blanchâtre, appliquées contre les fragments
de bois, et qui s'allongent souvent en forme de lames ou de cor-
donnets dont la disposition rappelle quelquefois celle d'un éven-
tail. A la lumière il donne naissance â des plaques brunes et dures
I74
LES CHAMPIGNONS DES MAISONS
creusées d'une multitude de profondes et petites logettes carac-
téristiques.
Cantonné dans les lieux constamment et fortement humides,
les sous-sols, les caves, Ies buanderies, le voisinage des tuyaux
de vidange, des canalisations, des éviers, ses méfaits, toujours
circonscrits, restent sous la seule dépendance de l'humidité.
Vienne celle-ci à cesser, et le champignon ralentit son dévelop-
pement, puis disparaît bientôt.
Ainsi la suppression de la seule cause de sa prospérité suffit-
elle en général pour amener l'extinction du mal. On prendra
donc dans le cas d'attaques par le Tramète toutes précautions
aptes à enrayer l'humidité locale, et on s'inspirera à ce sujet des
recommandations données ci-dessous à propos du plus grave
ennemi des habitations, la Mérule.
COMMENT RECONNAITRE LA
MÉRULE
?
La Mérule, extrêmement rare sur les bois en forêt, assez
fréquente dans les chantiers, relativement très répandue dans les
lieux habités, atteint tous les bois, mais plus particulièrement le
bois des résineux (sapin, épicéa, pin), et aussi bien le coeur que
l'aubier. Lorsqu'elle s'est développée sur un fragment de char-
pente, elle peut étendre ses méfaits sur des tapisseries voisi-
nes, des étoffes diverses, des livres, des meubles. En outre, elle
s'insinue très fréquemment dans les moindres fissures des murs
et peut ainsi traverser les maçonneries apparemment les plus
imperméables.
Ce champignon se propage grâce à des filaments très fins
(fila-
ments mycéliens)
qui rampent à la surface ou au sein des objets
attaqués et transportent le mal loin du point initial d'infection.
Ces filaments, invisibles à l'oeil nu, s'agglomèrent parfois en
niasses
ou en petits cordons plus ou moins volumineux qui,
dans des conditions d'humidité suffisante, laissent suinter à leur
surface des gouttelettes de
liquide; cette particularité explique le
terme de
Mérule pleureuse
sous lequel on désigne fréquemment
ce champignon.
Les masses floconneuses produites par la Mérule recouvrent
LES CHAMPIGNONS DES MAISONS
1
75
les bois atteints; d'abord blanches, elles deviennent ensuite
d'une teinte plombée ou légèrement violacée, et revêtent l'appa-
rence de peaux ouatées et légères.
Les cordonnets, blanchâtres ou grisâtres, parfois un peu apla-
tis, peuvent atteindre le diamètre d'un crayon et une longueur
de un mètre et plus. Les filaments s'agglomèrent fréquemment
aussi sous forme de lames en éventail appliquées contre le bois.
Enfin, lorsque les filaments viennent, dans leur progression,
en contact avec la lumière, après s'être infiltrés dans les inters-
tices des boiseries ou des murs, ils produisent la fructification
ou réceptacle, qui est le champignon proprement dit et qui
s'étale sous forme de larges et minces plaques ayant l'aspect de
peaux feutrées, blanchâtres, arrondies. Leur surface ne tarde
pas à se plisser et à brunir; on peut y observer bientôt une mul-
titude de petites mailles constituant un réseau couvert d'une
poussière brun orange formée de milliers de spores.
Quoique ces spores soient des organes de reproduction com-
parables à des graines, notons que le champignon se reproduit
surtout par une sorte de bouturage au moyen des filaments
contenus dans un morceau de bois contaminé; ces filaments qui
échappent à la vue, constituent en fait les organes essentiels de
la propagation du champignon.
Parfois, le réseau qui recouvre la surface du réceptacle est
remplacé par une multitude de petites verrues irrégulières, cou-
vertes de la même poussière orange, qui parsèment des plaques
analogues mais dont la périphérie possède une coloration jaune
intense. Cet aspect définit un champignon si voisin de la Mérule
qu'on n'en saurait pratiquement le distinguer et que l'on appelle
Coniophora (Coniophora cerebella
ou
puteana).
CONDITIONS
FAVORABLES
A
L'APPARITION
DE LA
MÉRULE
Il y a lieu de distinguer, d'une part les conditions qui déter-
minent
l'apparition
de la Mérule, d'autre part celles qui en assu-
rent le
maintien
et le développement :
Io La Mérule apparait
toujours
sur des bois
humides
ou placés
176
LES CHAMIPGNONS DES MAISONS
dans un lieu frais. Aussi doit-on considérer l'humidité comme la
condition indispensable à son apparition;
2
0
Quand la Mérule s'est établie en un point d'une boiserie,
il n'est pas nécessaire que l'humidité préalable se maintienne
pour que le champignon se développe; une sécheresse relative,
notamment dans un air confiné, ne suffit pas à entraver son
développement.
D'ailleurs, les cordonnets, véritables tuyaux d'alimentation
en eau, permettent au champignon de franchir par leur intermé-
diaire les obstacles les plus variés et des matériaux parfois très
secs.
Cette dernière particularité explique l'importance des dom-
mages exercés par la Mérule dont les exigences sont relative-
ment faibles.
Indépendamment de l'humidité préalable et du manque
d'aération
qui sont les deux facteurs les plus favorables à son
développement,
diverses
autres causes peuvent aider également
à
celui-ci.
La température. —
C'est entre
20 et 25°
environ que l'accrois
sement du champignon est le plus rapide. A 30°, il est très
ralenti. Soumis pendant plusieurs heures à une température de
plus de 40°, le champignon est tué. On comprend donc d'après
ces données que la Mérule exerce surtout ses ravages dans l'Eu-
rope moyenne et
occidentale, particulièrement en France, et
qu'elle soit assez rare dans les
régions méridionales.
Les émanations et les substances alcalines. —
Les produits
alcalins favorisent grandement le développement de la Mérule,
notamment l'ammoniaque des urines, la potasse contenue dans les
résidus de la combustion de la houille (mâchefer, escarbilles, etc.).
L'obscurité. —
C'est surtout à la faveur
de l'obscurité, sou-
vent liée dans les habitations à une atmosphère humide et peu
renouvelée, que la Mérule s'étend. Quand elle s'insinue entre
les joints ou déborde sur les parties exposées à la lumière, elle
y fructifie en donnant ces plaques rondes et larges, brun orange,
caractéristiques. Lorsque ces dernières apparaissent, le mal s'est
déjà étendu d'une façon difficilement réparable.
LES
CHAMPIGNONS DES
MAISONS
177
PEUT-ON RECONNAITRE
UN BOIS ATTAQUÉ PAR LA MÉRULE D'UN BOIS SAIN
?
Il
n'y a pas de moyen pratique pour reconnaftre si
un
bois de
construction paraissant intact est vraiment sain ou non.
On a cru que certaines substances colorantes, appliquées sur
-
un bois suspect, permettaient, en lui apportant une coloration
différente de celle normalement notée sur un bois sain, de recon-
naître la contamination. Mais les différences sont subtiles, et, si
le bois est attaqué depuis peu, invisibles. Il n'y a donc pas lieu
pratiquement d'en tenir compte.
D'autre part l'observation du bois suspect, faite au micros-
cope, est sujette à caution. Les filaments du champignon dans
un bois en apparence sain, mais contaminé, sont tellement fins
et parfois si localisés qu'on ne peut rien conclure d'une observa-
tion négative et, d'autre part, si l'on découvre des filaments sous
le microscope, il est difficile de prouver qu'ils appartiennent bien
à la Mérule.
Étant données la grande fréquence de ce champignon, la facilité
avec laquelle il se propage et la difficulté de le déceler quand il
n'est pas encore développé, la lutte contre lui ne peut résider
que dans des précautions préventives.
PRÉCAUTIONS PRÉVENTIVES
POUR SE PROTÉGER CONTRE LA MÉRULE
Réception des bois.
Le bois destiné à la construction doit
être sec, c'est-à-dire ne pas contenir plus de 15 % d'eau en poids,
conformément aux clauses adoptées dans les Cahiers des charges
unifiés rédigés par la Commission permanente de Standardisation
du Ministère du Commerce.
Le séchage préalable du bois est donc des plus utiles. Il peut
être réalisé, soit par le
séchage naturel à
l'air libre, soit par le
séchage artificiel
grâce
à
la chaleur d'un foyer, soit par le
séchage
â l'air
chaud
au moyen d'appareils appropriés.
En tout cas, les bois destinés
à
la construction ne doivent pas
ANN. FOREST. - T. III. - FASC. I
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