enseignes les lettres initiales des noms du sénat et du peuple romain ; prenant
pour prétexte la nécessité de les remplacer sur le labarum par celles du nom de
Jésus-Christ. Le peuple fut privé de tout droit d’élire, et le sénat de toute part
réelle à la législation.
L’empereur craignait la puissance des grands, et voulait cependant ménager leur
vanité : il créa une foule de titres sans fonctions, ne confia l’autorité qu’à des
officiers choisis par lui, et dont l’existence dépendait de sa faveur. La nation ne
fut plus rien, le prince fut tout ; la cour remplaça la patrie, et la monarchie
n’étant plus légale devint patrimoniale.
Les princes aveuglés par l’amour du pouvoir craignent toute limite à leur autorité
; ils oublient que les institutions qui règlent et arrêtent leur marche peuvent
seules lui donner quelque sûreté, et qu’en ne voulant pas de barrière contre
l’abus de la puissance ils, la privent des seuls remparts qui, dans les jours de
péril, peuvent la défendre.
Constantin ne s’aperçut point des dangers du despotisme qu’il fondait. Prince
belliqueux, couronné par la victoire, chéri des soldats compagnons de ses
triomphes, il se vit respecté des peuples qu’il avait délivrés d’une foule de tyrans
: son habile et heureuse activité empêchait tout péril de naître, et rien ne lui
résista que le clergé qu’il avait affranchi, élevé et enrichi.
Tout despotisme est brillant lorsqu’il est décoré par la gloire, s’il donne même un
bonheur apparent et passager quand il est exercé par un prince habile et juste.
La force de Constantin assurait à l’empire un profond repos ; l’équité qui dicta la
plus grande partie de ses lois faisait jouir ses sujets d’une sécurité depuis
longtemps inconnue. Ce ne fut qu’après sa mort que tous les vices de ce
gouvernement sans contrepoids et de cette monarchie sans base éclatèrent dans
toute leur difformité, et amenèrent en peu de temps la chute de l’empire qui
devint la proie des barbares.
Dès que l’âme active de Constantin cessa d’animer les membres épars de cet
empire colossal, ses faibles successeurs, semblables aux despotes efféminés de
l’Asie, ne montrèrent plus rien de romain. Une lâche oisiveté les enchaîna au
milieu d’une cour corrompue ; ils s’enfermèrent dans leurs palais ; toute leur
puissance passa entre les mains des eunuques, des affranchis et d’une foule
d’insolents domestiques. Les plus grands personnages, les magistrats les plus
respectables, les plus braves guerriers, comme le remarque un historien
moderne, M. Le Beau, se trouvèrent ainsi à la discrétion de cette foule de
courtisans sans expérience et sans mérite, qui ne peuvent servir l’état, ni souffrir
qu’on le serve avec gloire.
Invisibles pour la nation, au fond d’un palais impénétrable à la vérité, environnés
de prêtres que l’ambition éloignait de leurs devoirs, et qui ne s’occupaient que du
soin d’associer leurs maîtres à leurs honteuses querelles, à leurs puériles
disputes, et souvent à leurs funestes erreurs, ces empereurs dégradés ne virent,
ne pensèrent et ne régnèrent plus que par leurs favoris.
Depuis longtemps l’Italie, possédée par les conquérants du monde, enrichie des
dépouilles de la Grèce, de l’Asie, de l’Afrique et de l’Espagne, n’était plus, suivant
l’expression de Montesquieu, que le jardin de Rome. Cette terre couverte de
palais, de maisons de plaisance, de parcs somptueux, consommait tout et ne
produisait rien. On y voyait en foule des riches efféminés, des esclaves consacrés
au luxe et aux plaisirs, des gladiateurs, des baladins, des courtisanes, des
pantomimes, mais presque plus de cultivateurs ni de soldats ; les laboureurs ne