FREUD – L’INVENTION DE L’INCONSCIENT
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© Groupe Eyrolles
Il me semble qu’il est urgent de comprendre cette forme d’explication
que Freud a appelée la psychanalyse. Et, pour le meilleur et pour le
pire, c’est le moment de le faire. Car sur l’antique interrogation sur la
condition humaine se greffe toujours la tentation de la complaisance
lorsque nous essayons de nous comprendre nous-mêmes. Cette com-
plaisance, pour l’instant ébranlée, se traduit par les idées suivantes, qui
ont atteint leur zénith à la fin du XXe siècle :
•Il est possible de découvrir tout ce qu’il est nécessaire de savoir sur le
comportement et les motivations humaines grâce aux sondages, à
l’examen des élections démocratiques, à l’étude des choix de consom-
mation et des changements de
modes. En résumé, les motivations
humaines sont essentiellement trans-
parentes.
•Tous les désaccords humains sont en
principe susceptibles d’être résolus
par la discussion rationnelle et la
compréhension réciproque, chacun agissant sur la base de ce qu’il
estime être raisonnable. Si nous insistons pour comprendre le point
de vue de l’autre, nous finirons par résoudre notre désaccord ou, au
moins, par atteindre un stade où il nous sera possible d’« accepter
notre désaccord ».
•Nous avons atteint la « fin de l’Histoire » : les luttes d’antan visant à
des changements historiques sont révolues ; ce qui demeure, c’est
essentiellement l’homogénéisation progressive induite par la « mon-
dialisation ».
•Tous les problèmes psychologiques graves seront bientôt résolus par
des médicaments ou par la neurochirurgie. Les antidépresseurs ont
fourni le paradigme de cette approche. Les souffrances qui, jusqu’à
Sur l’antique interrogation
de la condition humaine, se
reffe toujours la tentation de
la complaisance lorsque nous
essayons de nous comprendre
nous-mêmes.