Revue Médicale Suisse
–
www.revmed.ch
–
15 octobre2008 2193
DÉFINITION ET CLASSIFICATION
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
L’insuffisance cardiaque (IC) est la cause la plus fré-
quente d’admission en milieu hospitalier. La moitié de ces
patients présentent, à l’échographie cardiaque, une frac-
tion d’éjection normale ou discrètement diminuée. Lors-
qu’on ne retrouve pas de dysfonction systolique, faut-il
dès lors parler d’insuffisance cardiaque diastolique par ex-
clusion ? Rappelons la définition de l’IC donnée par l’Eu-
ropean society of cardiology (ESC) en 2005.1Le diagnostic
d’IC nécessite :
• des symptômes d’IC au repos ou à l’exercice (dyspnée,
orthopnée, dyspnée paroxystique nocturne, œdèmes des
membres inférieurs) et
• une évidence objective (de préférence par échocardio-
graphie) de dysfonction cardiaque et, en cas de doute
• une réponse au traitement de l’IC.
Les deux premiers critères doivent être remplis.
Selon les nouvelles définitions de l’ESC en 2007,2on
distingue l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection dimi-
nuée, soit celle que nous appelions couramment insuffi-
sance cardiaque systolique, de l’insuffisance cardiaque à
fraction d’éjection normale, soit celle que nous appelions
par défaut insuffisance cardiaque diastolique.
INSUFFISANCE CARDIAQUE ÀFRACTION
D’ÉJECTION NORMALE :DÉFINITION
ET ÉTIOLOGIE
L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection normale
(ICFEN) doit donc combiner des signes et symptômes cli-
niques d’IC, avec une fraction d’éjection systolique nor-
male ou quasi normale.2L’ICFEN est, en fait, souvent pro-
voquée par une dysfonction diastolique du ventricule
gauche (VG). Cette dysfonction est due à une altération de
la fonction du myocarde entraînant des troubles de la
relaxation et de la compliance (distensibilité pendant la
diastole). C’est dans ce cas qu’on parle de dysfonction dias-
tolique. Les étiologies d’ICFEN, due à une altération de la
distensibilité du VG, sont énoncées dans le tableau 1.Elles
sont donc responsables de la majeurepartie des ICFEN.3
L’ICFEN n’est donc pas toujours provoquée par une dys-
fonction diastolique du VG. Citons en exemple une régur-
gitation mitrale sévère pouvant être responsable d’une
insuffisance cardiaque à fraction d’éjection normale sans
aucune dysfonction du VG. L’insuffisance aortique sévère
ou la péricardite constrictive en font également partie. Il
est donc important de souligner que le terme d’insuffisan-
ce à fraction d’éjection normale n’est pas synonyme d’in-
suffisance cardiaque par dysfonction diastolique même si
celle-ci en est responsable dans la majeure partie des cas.
FACTEURS PRÉDISPOSANTS ET PRÉCIPITANTS
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
À FRACTION D’ÉJECTION NORMALE
Les facteurs prédisposant à l’ICFEN sont l’âge, le sexe
féminin, l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité et
l’hypertrophie du VG. Les facteurs précipitants de l’IC en
présence d’une dysfonction diastolique sont les mêmes
que pour l’IC systolique, soit une hypertension artérielle
mal contrôlée, une fibrillation auriculaire, une non-com-
pliance médicamenteuse, une ischémie myocardique, une
anémie, une insuffisance rénale, la prise d’AINS, ou une
nourriture riche en sel.4
FRÉQUENCE ET MORTALITÉ DE L’INSUFFI-
SANCE CARDIAQUE À FRACTION
D’ÉJECTION NORMALE
Parmi les patients avec IC, la proportion des patients
avec fraction d’éjection normale augmente sensiblement
avec l’âge : de 15% chez les moins de 50 ans à 33% chez les
50-70 ans pour atteindre un pourcentage de 50% chez les
patients de plus de 70 ans.5La mortalité à cinq ans est de
50% chez les plus de 70 ans avec une morbidité importan-
te. En effet, un patient sur deux atteint d’une ICFEN est
hospitalisé pour ce motif dans l’année. La mortalité à cinq
ans chez les 50-70 ans est de 33% avec une morbidité éga-
lement de 50%. La mortalité chez les moins de 50 ans est
moindre avec 15% et une morbidité de 25%.5Enfin, on as-
siste à une augmentation de la prévalence de cette affec-
tion depuis quinze ans, liée à l’augmentation des mala-
dies cardiovasculaires tels l’hypertension artérielle et le
diabète. Cela est également lié au vieillissement de la po-
pulation.
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE À FRACTION
D’ÉJECTION NORMALE À L’INSUFFISANCE
CARDIAQUE À FRACTION D’ÉJECTION
DIMINUÉE :UN CONTINUUM ?
De Keulenaer et Brutsaert6ont évoqué, en 2007, un nou-
veau concept qui suggèreque l’ICFEN et l’insuffisance car-
diaque à fraction d’éjection diminuée (ICFED) pourraient
être l’expression des mêmes mécanismes physiopatholo-
giques évoluant d’un stade à l’autre. Un premier argument
en faveur d’un tel continuum est la continuité du remode-
lage du ventricule gauche (VG), qui passe d’une hypertro-
phie de type concentrique, typique de l’IC par dysfonction
diastolique à un type excentrique, qui lui est typique de
l’IC par dysfonction systolique. En effet, il semble que les
patients avec ICFEN présentent, dans la majorité des cas,
lors d’un examen approfondi de la fonction contractile du
VG, une diminution de la contractilité dans le long axe, ce
qui signifie que la fonction systolique est également déjà
atteinte. De plus, les altérations du myocarde à l’examen
histologique sont très similaires. On observe effectivement
une hypertrophie des cardiomyocytes et une fibrose inter-
stitielle. Finalement, les auteurs soutenant cette hypothè-
se de continuum entre ces deux types d’insuffisance car-
diaque soulignent le fait que le diabète et l’hypertension
artérielle sont des facteurs de risque pour les deux entités.
0Revue Médicale Suisse
–
www.revmed.ch
–
15 octobre2008
• Ischémie myocardique • Age
•Hypertrophie du
VG• Fibrose diffuse
(HTA par exemple) • Amyloïdose
•Cardiomyopathies • Etat cicatriciel postinfarctus
•Hypothyroïdie • Hémochromatose
Tableau 1. Etiologie des troubles de la relaxation
ou de la compliance du ventricule gauche (VG)
33499_2192_2197.qxp 9.10.2008 8:23 Page 2