L. Conti
R. Lerch
A. Perrier
INTRODUCTION
L’insuffisance cardiaque par dysfonction diastolique est un
diagnostic posé quotidiennement dans la pratique hospita-
lière, en particulier dans le cadred’une décompensation car-
diaque sans cause clairement établie. Mais est-ce un concept
bien établi ? Sur quelles bases peut-on poser ce diagnostic ?
La prévalence de cette entité, si cela en est une, est-elle
importante ?Quelle en est la morbi-mortalité ? Comment éta-
blir ce diagnostic et quel en est le traitement ? C’est à ces
questions que nous essaierons de répondre au travers de cet
article basé sur une revue de la littérature actuelle.
CAS CLINIQUE
Mme P., âgée de 71 ans, est connue pour une hypertension
artérielle traitée par un IEC combiné à un diurétique, une
fibrillation auriculaire chronique et un diabète. Elle est
admise aux urgences en raison d’un accès de dyspnée de
repos avec orthopnée, dyspnée paroxystique nocturne et douleur rétroster-
nale typique survenue au cours de la nuit, sur fond d’une dyspnée stade
NYHA II depuis plusieurs mois. A l’examen clinique, on note une tension
artérielle à 180/95 mmHg, une fréquence cardiaque à 118/min irrégulière, et
des râles inspiratoires fins à mi-plage des deux côtés. La radiographie du
thorax montre un infiltrat interstitiel diffus bilatéral. A l’ECG, on voit une
fibrillation auriculaire tachycarde, des signes d’hypertrophie ventriculaire
gauche et l’absence de signes d’ischémie aiguë. Les troponines sont légère-
ment positives à 0,1 µg/l, stables à deux reprises. Le NT-ProBNP est à 560
ng/l. L’échographie cardiaque transthoracique montre une fraction d’éjection
normale, des valves sans particularité et des signes indirects d’élévation de
la pression de remplissage du ventricule gauche. On conclut à une insuffi-
sance cardiaque diastolique dans le cadre d’une hypertension artérielle mal
contrôlée et d’une fibrillation auriculairréponse ventriculairerapide.
L’évolution est bonne après majoration du diurétique, poursuite de l’IEC et
ajout d’un bêtabloquant.
Diastolic heart failure : myth or fact?
Diastolic heart failure is a frequent diagnosis,
but now it is moreacurate to call this heart
failurewith preserved ejection fraction. The
diagnosis can be made non invasively by the
echocardiography and measuring BNP (brain
natriuretic peptide). Consensus about treat-
ment areless evidence-based than for heart
failure with diminished ejection fraction. It is
however certain that control of hypertension
and heartrate areimportant. Fluid overload
must also be treated with diuretics.
RevMed Suisse 2008; 4 : 2192-7
L’insuffisance cardiaque par dysfonction diastolique est un
diagnostic fréquent. Il convient actuellement d’utiliser le terme
plus juste d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection nor-
male. Les examens non invasifs pour s’orienter vers ce diag-
nostic sont l’échographie cardiaque et la mesure du BNP
(brain natriuretic peptide)
.Les consensus concernant les trai-
tements sont moins
evidence-based
que pour l’insuffisance à
fraction d’éjection diminuée. Néanmoins, il est bien établi qu’il
convient de bien contrôler le profil tensionnel et la fréquence
cardiaque. La volémie doit également être bien contrôlée par
des diurétiques.
Insuffisance cardiaque
par dysfonction diastolique :
mythe ou réalité ?
mise au point
2192 Revue Médicale Suisse
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15 octobre2008 Revue Médicale Suisse
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15 octobre2008 0
Dr Letizia Conti
Pr Arnaud Perrier
Service de médecine interne générale
Pr René Lerch
Service de cardiologie
Département de médecine interne
HUG, 1211 Genève14
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DÉFINITION ET CLASSIFICATION
DE LINSUFFISANCE CARDIAQUE
L’insuffisance cardiaque (IC) est la cause la plus fré-
quente d’admission en milieu hospitalier. La moitié de ces
patients présentent, à l’échographie cardiaque, une frac-
tion d’éjection normale ou discrètement diminuée. Lors-
qu’on ne retrouve pas de dysfonction systolique, faut-il
dès lors parler d’insuffisance cardiaque diastolique par ex-
clusion ? Rappelons la définition de l’IC donnée par l’Eu-
ropean society of cardiology (ESC) en 2005.1Le diagnostic
d’IC nécessite :
des symptômes d’IC au repos ou à l’exercice (dyspnée,
orthopnée, dyspnée paroxystique nocturne, œdèmes des
membres inférieurs) et
une évidence objective (de préférence par échocardio-
graphie) de dysfonction cardiaque et, en cas de doute
une réponse au traitement de l’IC.
Les deux premiers critères doivent être remplis.
Selon les nouvelles définitions de l’ESC en 2007,2on
distingue l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection dimi-
nuée, soit celle que nous appelions couramment insuffi-
sance cardiaque systolique, de l’insuffisance cardiaque à
fraction d’éjection normale, soit celle que nous appelions
par défaut insuffisance cardiaque diastolique.
INSUFFISANCE CARDIAQUE ÀFRACTION
DÉJECTION NORMALE :DÉFINITION
ET ÉTIOLOGIE
L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection normale
(ICFEN) doit donc combiner des signes et symptômes cli-
niques d’IC, avec une fraction d’éjection systolique nor-
male ou quasi normale.2L’ICFEN est, en fait, souvent pro-
voquée par une dysfonction diastolique du ventricule
gauche (VG). Cette dysfonction est due à une altération de
la fonction du myocarde entraînant des troubles de la
relaxation et de la compliance (distensibilité pendant la
diastole). C’est dans ce cas qu’on parle de dysfonction dias-
tolique. Les étiologies d’ICFEN, due à une altération de la
distensibilité du VG, sont énoncées dans le tableau 1.Elles
sont donc responsables de la majeurepartie des ICFEN.3
L’ICFEN n’est donc pas toujours provoquée par une dys-
fonction diastolique du VG. Citons en exemple une régur-
gitation mitrale sévère pouvant être responsable d’une
insuffisance cardiaque à fraction d’éjection normale sans
aucune dysfonction du VG. L’insuffisance aortique sévère
ou la péricardite constrictive en font également partie. Il
est donc important de souligner que le terme d’insuffisan-
ce à fraction d’éjection normale n’est pas synonyme d’in-
suffisance cardiaque par dysfonction diastolique même si
celle-ci en est responsable dans la majeure partie des cas.
FACTEURS PRÉDISPOSANTS ET PRÉCIPITANTS
DE LINSUFFISANCE CARDIAQUE
À FRACTION DÉJECTION NORMALE
Les facteurs prédisposant à l’ICFEN sont l’âge, le sexe
féminin, l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité et
l’hypertrophie du VG. Les facteurs précipitants de l’IC en
présence d’une dysfonction diastolique sont les mêmes
que pour l’IC systolique, soit une hypertension artérielle
mal contrôlée, une fibrillation auriculaire, une non-com-
pliance médicamenteuse, une ischémie myocardique, une
anémie, une insuffisance rénale, la prise d’AINS, ou une
nourriture riche en sel.4
FRÉQUENCE ET MORTALITÉ DE LINSUFFI-
SANCE CARDIAQUE À FRACTION
DÉJECTION NORMALE
Parmi les patients avec IC, la proportion des patients
avec fraction d’éjection normale augmente sensiblement
avec l’âge : de 15% chez les moins de 50 ans à 33% chez les
50-70 ans pour atteindre un pourcentage de 50% chez les
patients de plus de 70 ans.5La mortalité à cinq ans est de
50% chez les plus de 70 ans avec une morbidité importan-
te. En effet, un patient sur deux atteint d’une ICFEN est
hospitalisé pour ce motif dans l’année. La mortalité à cinq
ans chez les 50-70 ans est de 33% avec une morbidité éga-
lement de 50%. La mortalité chez les moins de 50 ans est
moindre avec 15% et une morbidité de 25%.5Enfin, on as-
siste à une augmentation de la prévalence de cette affec-
tion depuis quinze ans, liée à l’augmentation des mala-
dies cardiovasculaires tels l’hypertension artérielle et le
diabète. Cela est également lié au vieillissement de la po-
pulation.
DE LINSUFFISANCE CARDIAQUE À FRACTION
DÉJECTION NORMALE À LINSUFFISANCE
CARDIAQUE À FRACTION DÉJECTION
DIMINUÉE :UN CONTINUUM ?
De Keulenaer et Brutsaert6ont évoqué, en 2007, un nou-
veau concept qui suggèreque l’ICFEN et l’insuffisance car-
diaque à fraction d’éjection diminuée (ICFED) pourraient
être l’expression des mêmes mécanismes physiopatholo-
giques évoluant d’un stade à l’autre. Un premier argument
en faveur d’un tel continuum est la continuité du remode-
lage du ventricule gauche (VG), qui passe d’une hypertro-
phie de type concentrique, typique de l’IC par dysfonction
diastolique à un type excentrique, qui lui est typique de
l’IC par dysfonction systolique. En effet, il semble que les
patients avec ICFEN présentent, dans la majorité des cas,
lors d’un examen approfondi de la fonction contractile du
VG, une diminution de la contractilité dans le long axe, ce
qui signifie que la fonction systolique est également déjà
atteinte. De plus, les altérations du myocarde à l’examen
histologique sont très similaires. On observe effectivement
une hypertrophie des cardiomyocytes et une fibrose inter-
stitielle. Finalement, les auteurs soutenant cette hypothè-
se de continuum entre ces deux types d’insuffisance car-
diaque soulignent le fait que le diabète et l’hypertension
artérielle sont des facteurs de risque pour les deux entités.
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• Ischémie myocardique • Age
Hypertrophie du
VG• Fibrose diffuse
(HTA par exemple) • Amyloïdose
Cardiomyopathies • Etat cicatriciel postinfarctus
Hypothyroïdie • Hémochromatose
Tableau 1. Etiologie des troubles de la relaxation
ou de la compliance du ventricule gauche (VG)
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Néanmoins, ce concept reste très controversé par d’au-
tres auteurs2qui continuent de distinguer les deux syndro-
mes. Ceux-ci distinguent, en effet, clairement l’insuffisance
cardiaque par dysfonction diastolique avec remodelage
du VG de type concentrique de l’insuffisance cardiaque
systolique avec un remodelage du VG de type excentrique.
Nous ne trancherons pas pour un concept plus que l’autre
car les deux courants peuvent être présents dans la nou-
velle littérature, sans réponse claire à attendre, néanmoins
nous garderons, pour cet article, le concept de deux enti-
tés distinctes afin de faciliter la compréhension de l’insuf-
fisance cardiaque à fraction d’éjection normale.
PHYSIOPATHOLOGIE DE LINSUFFISANCE
CARDIAQUE À FRACTION DÉJECTION
NORMALE
Comme déjà évoqué, l’ICFEN est, dans un nombre consi-
dérable de cas, la conséquence d’une dysfonction diasto-
lique du myocarde. La période diastolique normale est
représentée par la relaxation isovolumétrique qui débute
après la fermeture de la valve aortique suivie du remplis-
sage du ventricule gauche (VG). Le remplissage du VG s’ef-
fectue en trois phases : un remplissage rapide immédiate-
ment après l’ouverture de la valve mitrale, une phase de
diastase pendant laquelle passe très peu de flux à travers la
valve mitrale, et enfin la contraction de l’oreillette gauche.4
La dysfonction diastolique entraîne une anomalie de
remplissage du VG due à un ralentissement de relaxation
du VG ou à un trouble de la distensibilité du VG (ou com-
pliance), avec, par conséquent, une augmentation de la
pression de remplissage du VG. Cette augmentation de la
pression de remplissage du VG conduit à une augmenta-
tion de la pression en fin de diastole et finalement à une
augmentation de la pression au niveau des capillaires pul-
monaires, menant à la dyspnée, symptôme principal de
l’insuffisance cardiaque.
COMMENT POSER LE DIAGNOSTIC
DINSUFFISANCE CARDIAQUE À FRACTION
DÉJECTION NORMALE :RÔLE DE LÉCHO-
GRAPHIE CARDIAQUE
Le cathétérisme gauche reste l’examen diagnostique
de référence pour confirmer une élévation de la pression
de remplissage au niveau du VG.2Or, en pratique, cet exa-
men est peu effectué pour poser le diagnostic car il est
invasif, coûteux et non entièrement dénué de risques. Il
sera surtout effectué lorsqu’une coronarographie est indi-
quée pour la recherche d’une cardiopathie ischémique.
Dans la pratique quotidienne, on utilise surtout l’échogra-
phie cardiaque. Cet examen ne permet pas de mettre direc-
tement en évidence des troubles de la relaxation et de la
compliance comme le fait le cathétérisme mais il permet
plutôt de trouver des signes indirects de l’élévation des
pressions de remplissage, témoins d’une dysfonction dias-
tolique. Il permet également d’exclure une régurgitation
mitrale ou aortique sévère.
Pour comprendreles bases de l’échographie cardiaque,
il faut savoir que, comme décrit plus haut, la période de
remplissage du VG se divise en deux périodes :
la période diastolique précoce qui dépend de l’
elastic
recoil
et de la relaxation myocardique. 80% du remplissage
s’effectue durant cette phase et elle correspond échogra-
phiquement à l’onde E.
La période diastolique tardive qui dépend de la contrac-
tion atriale représente 15 à 20% du remplissage. Elle cor-
respond à l’onde A échographiquement.
L’échographie mesure en effet la vitesse du flux sanguin
àtravers la valve mitrale avec une mesurede l’onde E,
témoin du remplissage diastolique précoce et une mesu-
re de l’onde A , témoin du remplissage diastolique tardif,
dépendant surtout de la contraction atriale (figure 1).7Les
mesures de l’onde E et de l’onde A permettent d’effectuer
le rapport de l’onde E/A, dont le résultat permet de décri-
retrois degrés de sévérité dans la dysfonction diastolique,
basé donc sur le type de remplissage du VG (figure 2):
le premier degré est un ralentissement de la relaxation
du VG où l’anomalie de relaxation est plus importante que
celle attendue par rapport à l'âge. Elle se traduit, au niveau
du flux à travers la valve mitrale, par une diminution de
l’onde E. La pression dans l’oreillette gauche est, en géné-
ral, normale.
Le deuxième degré est dit de pseudo-normalisation.
L’augmentation de la pression de remplissage entraînant
une augmentation du flux de remplissage, représentée par
une augmentation de l’amplitude de l’onde E (due à un
ralentissement de la relaxation du VG) rend le rapport E/A
faussement normal malgré un ralentissement de la relaxa-
tion, d’où le concept de pseudo-normalisation.
Le troisième degré est une anomalie de type restrictif
où l’on note une augmentation importante de la pression
dans l’oreillette gauche. L’onde E du flux transmitral sera
de grande amplitude et de très courte durée, témoin d’un
remplissage du VG précoce important et rapide.
Ces résultats échographiques restent bien entendu à
intégrer dans un contexte clinique, en fonction de la sus-
picion de base et des facteurs de risque, surtout en cas de
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Figure1. Image de la vitesse du flux sanguin à travers
la valve mitrale mesurée par doppler (DT) à l’écho-
cardiographie cardiaque chez un sujet normal
L’onde E correspond au remplissage diastolique précoce et l’onde A cor-
respond à la contraction de l’oreillette gauche. La majeure partie du rem-
plissage du ventricule gauche (VG) se fait durant la période diastolique
précoce,comme le reflète l’amplitude de l’onde E.
E
A
2
0
Vitesse du flux sanguin
transmitral (m/s)
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pseudo-normalité.
L’échocardiographie permet également d’effectuer un
doppler tissulaire où l’on mesure le déplacement de l’an-
neau mitral pendant le cycle cardiaque qui permet la me-
surede l’onde E et E’. L’onde E représente donc le flux à
travers la valve mitrale pendant la période de remplissa-
ge précoce et l’onde E’ représente la vitesse de déplace-
ment de l’anneau mitral pendant le remplissage rapide.
Un rapport E/E’ est également calculé. Un flux à travers la
valve mitrale avec une vitesse augmentée associée à une
distension lente du ventricule pendant le remplissage rapi-
de induit une augmentation du rapport E/E’. Ceci indique
une élévation de la pression de remplissage.
CRITÈRES DIAGNOSTIQUES SELON LESC
EN 2007
Actuellement, pour poser le diagnostic d’ICFEN selon
les dernières recommandations de l’ESC en 2007,2on con-
sidèred’abord la présence de signes ou symptômes d’in-
suffisance cardiaque. Ensuite, la fraction d’éjection (FE) du
VG doit être normale ou seulement légèrement diminuée,
soit une FE L50%.
Si l’on ne confirme pas le diagnostic par cathétérisme
cardiaque, on doit mettreen évidence des signes d’éléva-
tion des pressions de remplissage à l’échographie : un rap-
port de l’onde E/E’ L15 au doppler tissulaire mitral pose
le diagnostic. Un rapportE/E’ l8permet d’exclureune
ICFEN. Pour des valeurs de E/E’ entre 8 et 15, les cardio-
logues utilisent d’autres mesures plus spécialisées dont le
rapport E/A en conjonction à d’autres critères qui dépas-
sent le champ de cet article.
Plus simplement, on peut inclure le dosage du NT-
proBNP ou du BNP dans la démarche diagnostique : un
NT-proBNP à L220 pg/ml ou un BNP L200 pg/ml avec un
rapport E /E’ L8parle en faveur d’une ICFEN. Notons
qu’un dosage du NT-proBNP ou du BNP seul ne permet en
aucun cas de poser le diagnostic.
TRAITEMENT DE LINSUFFISANCE CARDIAQUE
À FRACTION DÉJECTION NORMALE
Contrairement à l’insuffisance à fraction d’éjection dimi-
nuée, le traitement de l’ICFEN n’est encorepas bien défi-
ni du fait du manque de grandes études randomisées
concluantes.3En effet, aucune étude n’a encoredémontré
l’impact d’un traitement sur la survie dans cette affection.
Seule l’étude CHARM-Preserved publiée en 20038amon-
tré qu’un traitement de candésartan a légèrement réduit
le nombred’hospitalisations chez les patients (baisse de
la morbidité) avec ICFEN.
Des études à plus larges échelles concernant en parti-
culier les traitements sont actuellement en cours. L’étude
I-PRESERVED (utilisation de l’
Ibésartan
dans l’ICFEN) et
TOPCAT(étude de la
Spironolactone
sur la fonction diasto-
lique) en sont des exemples. En outre, il est actuellement
établi que le contrôle de l’hypertension artérielle diminue
la morbidité et la mortalité chez les patients hypertendus
qui présentent souvent une dysfonction diastolique.9Chez
les patients coronariens, une revascularisation coronaire
peut être indiquée en cas d’ischémie.
En pratique clinique, le traitement de l’ICFEN se base
sur les principes suivants :
1. diminuer la pression de remplissage par des diuréti-
ques (mais attention une baisse excessive de la pression de
remplissage peut entraîner une baisse du débit cardiaque).
2. Diminuer la fréquence cardiaque pour prolonger la pé-
riode de remplissage diastolique du VG, avec par exemple
l’utilisation de bêtabloquants ou d’anticalciques.
3. Traiter la maladie de base avec, par exemple, une revas-
cularisation coronaireen cas d’ischémie myocardique.
Un récent article10 confirme que le traitement des co-
morbidités fait partie des points cardinaux du traitement
pour diminuer la morbidité des patients avec ICFEN. Cela
inclut également, en plus des principes thérapeutiques
précités, le traitement du diabète, de l’insuffisance rénale
et des maladies cérébro-vasculaires.
2196 Revue Médicale Suisse
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15 octobre2008
Figure 2. Effets d’une altération de la fonction diastolique du ventricule gauche (VG) sur le flux à travers la
valve mitrale
A. Flux transmitral normal chez un sujet en rythme sinusal. B. Trouble de la relaxation avec des pressions de remplissage normales (diminution de l’ampli-
tude de l’onde E compensée par une augmentation de l’amplitude de l’onde A). C. Pseudonormalisation : augmentation de l’onde E et de l’onde A rendant
un rapport E/A faussement normal. D. Anomalie du remplissage du VG de type restrictif avec un remplissage précoce important et rapide (onde E fine et
de haute amplitude).
Figure extraite de la réf.7avec nos remerciements à Philip M. Mottram et Thomas H. Marwick.
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15 octobre2008 2197
CONCLUSION
Selon la dernière définition de la Société européenne
de cardiologie, on ne devrait plus parler d’insuffisance car-
diaque diastolique mais d’insuffisance cardiaque à fraction
d’éjection normale (ICFEN) ceci d’autant plus que celle-ci
n’est pas toujours due à une dysfonction diastolique. Le
terme d’insuffisance cardiaque diastolique, pour toute dé-
compensation cardiaque chez un patient avec une fraction
d’éjection normale, n’est donc pas correct. L’ICFEN est res-
ponsable d‘environ 50% des cas d’insuffisance cardiaque
du sujet âgé de L70 ans. Elle a une morbidité et une mor-
talité identiques à l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjec-
tion diminuée (ICFED). Bien que le concept d’un continuum
entre ICFEN et ICFED ne soit pas encore bien établi, on
peut retenir que les facteurs précipitant les deux entités
sont identiques. L’efficacité des traitements sur morbi-mor-
talité n’est par contre pas aussi bien définie pour l’ICFEN
que pour l’ICFED, ceci par manque d’études
evidence-based
avec des critères d’inclusion adéquats. Le traitement se
base donc essentiellement sur des recommandations de
consensus et est dirigé contre la maladie de base, les fac-
teurs précipitants et la rétention hydro-sodée.
0Revue Médicale Suisse
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15 octobre2008
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** à lire absolument
Bibliographie
Implications pratiques
L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection normale (ICFEN)
existe et représente 50% des cas d’insuffisance cardiaque
Les examens non invasifs pour s’orienter vers ce diagnostic
sont l’échographie cardiaque et la mesure du BNP (brain
natriuretic peptide). Le gold standard est le cathétérisme car-
diaque mais n’est que peu utilisé en pratique pour ce diag-
nostic
Malgré la grande fréquence de la pathologie, et contraire-
ment à l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée,
peu d’études thérapeutiques randomisées ont été effectuées
Les éléments clés dans le traitement de l’ICFEN sont le
contrôle de la fréquence cardiaque,de la tension artérielle et
de la volémie
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