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crois. Cela revient à mener une vie de schizophrène, avec d’une part un cœur croyant et
d’autre part une raison athée.
On peut considérer dans un premier temps que c’est une situation très confortable.
En réalité, c’est un piège. Il est essentiel d’unifier nos différentes facultés. Pour cela, il faut
en finir avec une polarisation tantôt positiviste, tantôt intérioriste. L’idée que la Créateur
nous aurait donné deux facultés qui ne sont pas en cohérence (et peuvent même être
antagonistes) n’est pas recevable. La question de l’existence de Dieu n’est pas purement
subjective.
Dans Oscar et la dame en rose d’Eric Emmanuel Schmitt, la dame en rose dit à Oscar
de faire exister Dieu : « Chaque fois que tu croiras en lui, Il existera un peu plus ». Dieu est
alors considéré comme de l’autosuggestion. On rejoint ainsi la vision psychanalytique selon
laquelle Dieu est le produit des angoisses de l’homme. On est alors dans le domaine du
subjectivisme théologique qui fait de la croyance en Dieu une méthode Cauet, un effet
Placebo. Comment Dieu pourrait-il alors nous sauver ?
On trouve également dans Les Bas-Fonds de Maxime Gorki : « Si tu crois en lui, Il
existe ; si tu n’y crois pas, Il n’existe pas ». L’existence de Dieu dépend alors de ma foi.
Baudelaire en vient à dire : « Dieu est le seul être qui n’a pas besoin d’exister pour
gouverner ». On finit par entrer dans un schéma de punition et de régulation sociale. Dès
lors, à quoi bon prier un dieu que l’on a fabriqué ? Croire suppose que l’on croie à une vérité.
Notre raison doit être mise au service de Celui qui nous a fait pour l’amour. Dans les
Méditations métaphysiques, Descartes affirme que « je suis, j’existe » est la première réalité
que l’on peut connaître et il est beau de voir que c’est la définition même de Dieu.
Il y a toujours des raisons de croire. Cela ne veut pas dire qu’un acte de foi soit déduit
de raisons mais il faut croire que cet état de choses est possible, même s’il ne l’est pas
humainement. Les enfants ont des raisons de croire au Père Noël. On peut avoir des raisons
de croire aux fantômes. Ainsi, nos croyances ne sont pas des autosuggestions déconnectées
de nos perceptions. On ne peut pas croire à volonté. Nos croyances dépendent
nécessairement d’un certain nombre de facteurs liés à notre expérience et à celle des autres.
Peut-on penser être le fabriquant de soi-même, ne rien devoir à personne ? Le fait
d’être n’est-il pas fondamentalement se recevoir de l’autre ? Cette interrogation habite la
pensée de Saint Augustin. A la question : « A qui devons-nous d’être ? », Saint Pierre
répond : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? ».
Chez Pascal, on trouve la stratégie du pari. Or un pari suppose une entité sur laquelle
on parie. Il faut connaître les possibilités de pari. Ainsi, l’acte de foi n’est pas un saut dans le
vide. Saint Pierre affirme : « Je sais en qui j’ai mis ma confiance ». L’acte de foi suppose un
minimum de connaissances. Les raisons de croire nous encouragent dans notre
cheminement. « Le secours nous vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre » (psaume).
Il y a donc un acte humble de l’intelligence à poser : nous devons notre existence à
quelqu’un. Dans le deuxième livre des Macchabées au chapitre 7, on trouve l’affirmation
suivante : « Si quelqu’un peut me sauver, c’est celui à qui je dois l’existence ». Dieu nous a
fait de rien. Si nous tombons dans le néant, Lui seul peut nous en tirer. L’exemple d’un
cardinal chinois ayant vécu 22 ans d’incarcération dans la solitude la plus totale peut nous
éclairer à cet égard. La seule chose qui lui a été donné en prison, c’était une branche d’arbre
qui passait à travers l’ouverture de sa cellule. La présence de la Création a ainsi été le seul
réconfort qui lui a permis de tenir pendant 22 ans. Dieu est à l’œuvre.