représentation, l’intuition, le sentiment, les sensations, et contenir aussi une multi-
plicité de savoirs. En effet, le terme connaissance arrive à couvrir pratiquement
tous les produits culturels: mythes, notions, concepts, images, modèles esthé-
tiques, éthiques, scientifiques, etc.
Puisqu’il est pratiquement impossible de nous accrocher à une définition
stable du terme de connaissance, Merton propose aux sociologues de prendre en
charge avant tout les rapports existant entre la connaissance et les autres facteurs
existentiels en vigueur à un moment donné, dans une société ou dans une culture
déterminée. Cependant Merton n’ignore point que les rapports entre la connais-
sance et la société sont très complexes et compliqués. Pour cette raison, il nous
invite à identifier et à différencier, dans le bloc de la connaissance, les savoirs
propres aux savoirs quotidiens des savoirs savants, la connaissance ordinaire de la
connaissance scientifique, les connaissances utilisées dans la vie de tous les jours,
dans la vie quotidienne, de celles produites par des spécialistes, les connaissances
du sens commun de celles qui sont systématisées par des pratiques disciplinaires
rigoureuses.
Dans le séminaire de cette année, je me consacrerai exclusivement à ce dernier
point, selon lequel la connaissance scientifique est un produit social, quoique des
secteurs de cette même connaissance échappent, en partie ou entièrement, à la
détermination de la société ou de la culture.
Cela dit, de quel type de connaissance spécifique s’agit-il? S’il y a différentes
espèces et formes de connaissance, dont certaines sont plus fortement que d’autres
connectées avec la structure sociale, l’analyse sociologique doit-elle en étudier la
forme ou le contenu, la genèse ou l’acceptation, l’autonomie ou uniquement l’im-
pact sur la vie sociale?
Mon propos est d’essayer d’établir si les efforts pour arriver à fonder une
sociologie de la connaissance scientifique ont quelques probabilités d’aboutir à
plus ou moins longue échéance. En d’autres termes, je me propose d’élucider la
question suivante: si les produits de l’activité scien tifique sont influencés par la
société et par sa culture, s’ils subissent, comme tous les autres produits sociaux,
des déterminations absolues ou relatives, comment peut-on affirmer que la
science est universelle, objec tive, qu’elle échappe donc aux conditionnements
sociaux et historiques? Mais si l’on admet l’autonomie de la science, qu’est-ce
que le sociologue peut alors faire en ce domaine, qu’est-ce qu’il peut dire à son
propos?
L’histoire de la sociologie nous aidera à comprendre comment les sociologues
ont abordé cette problématique et de quelle façon ils ont envisagé de l’analyser.
Mais avant de faire cet excursus historique, je dois vous rappeler que les socio-
logues ont souvent négligé, parmi toutes les connaissances spécialisées, les
connaissances mathématiques en particulier, et les connaissances produites par les
disciplines dites «dures» en général. Ils étaient persuadés que les sciences exactes
et les sciences naturelles ne sont pas affectées par le social et par l’historicité,
qu’elles ne sont pas conditionnées par les déterminants sociaux.
Que ces sciences dépendent dans une large mesure des procédés techniques
dont l’homme dispose à une époque donnée et dans un cadre donné, que ces
procédés techniques soient eux-mêmes subordonnés à l’évolution sociale leur
paraissait peu important, car la distinction que ces mêmes sociologues établis-
saient entre science et organisation scientifique les débarrassaient du souci de
58 GIOVANNI BUSINO