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Journal suisse de pharmacie, 13/2004
PHARMAZIE UND MEDIZIN
PHARMACIE ET MÉDECINE
Le traitement de la douleur après la révision du groupe des analgésiques
Analgésiques OTC
Depuis que la révision du groupe
des analgésiques vendus sans or-
donnance (OTC) a été achevée le
22 janvier 2004, de nombreux
médicaments usuels ne sont plus
disponibles. Pour le traitement à
court terme de douleurs légères à
modérées, cinq principes actifs
différents sont actuellement admis
en tant que monosubstances – ex-
ception faite de quelques rares
associations. La connaissance de
leurs propriétés pharmacologiques,
cliniques et pharmaceutiques donne
à la pharmacienne et au pharma-
cien l’occasion d’orienter les pa-
tients déconcertés vers un traite-
ment efficace et sûr de la douleur
grâce à des conseils appropriés.
Dans la plupart des cas, les associations
médicamenteuses se sont vu retirer
leur autorisation de mise sur le marché,
faute d’avoir pu documenter un rap-
port bénéfice/risque positif et un avan-
tage patent par rapport aux monopré-
parations, comme l’exigeait Swissmedic.
L’état des connaissances sur les analgé-
siques encore autorisés est sensible-
ment meilleur bien que pas encore en-
tièrement satisfaisant. On trouvera ci-
après les principaux faits importants
pour l’activité-conseil du pharmacien
en ce qui concerne les posologies et
indications des cinq substances actives
OTC suivantes: le paracétamol, les AINS
(anti-inflammatoires non stéroïdiens)
acide acétysalicylique (ASS), ibuprofène,
naproxène et diclofénac.
Pharmacologie
Les AINS ont une action antipyrétique,
analgésique et anti-inflammatoire; le
paracétamol est un analgésique et anti-
pyrétique dépourvu d’action anti-in-
flammatoire. L’effet anti-inflammatoire
et analgésique discuté ici est dû à un
blocage de la synthèse de la cyclo-oxy-
génase COX qui catalyse la formation
des prostaglandines, de la prostacycline
et du thromboxane. Il existe au moins
deux isoformes de la COX, la COX-1 et
la COX-2, d’expression variable selon
les tissus. La sensation de douleur est
générée par les deux isoformes, les
processus inflammatoires plutôt par la
COX-2. Les différents AINS inhibent les
isoformes de la COX de manière sélec-
tive différentielle, ce qui explique leur
spectre d’action et d’effets indésirables.
Des hypothèses récentes attribuent
l’action du paracétamol à l’inhibition
d’une isoforme nouvellement décou-
verte, la COX-3, qui est exprimée sur-
tout au niveau du cerveau. L’analgésie
procurée par ces principes actifs at-
teint un plateau (ceiling effect) après
l’administration d’une dose maximale,
de sorte qu’une augmentation de la
dose ne majore pas l’effet analgésique,
mais augmente le risque d’effets indé-
sirables [1].
Correctement doser
les analgésiques
(cf. le tableau 1)
Dans la muqueuse intestinale, l’acide
acétylsalicylique est assez rapidement
Friedrich Möll,
Marianne Beutler
Forum
AKA
ASS paracétamol ibuprofène naproxène diclofénac
Dérivés (33) sel de lysine bénorilate sel sodique sel sodique sel sodique
carbasalate sel de lysine sel potassique
sel d’arginine
Nombre de préparations admises, 24 76 28 1 2
y compris les formes galéniques et les
associations à la caféine (33)
Durée d’utilisation maximale 3 jours 3 jours 3 jours 3 jours 3 jours
Équipotence douleurs postopératoires (34) 1000 mg 1000 mg 400 mg 220 mg 25 mg
OTC: monoprise douleurs légères 500 mg 500 mg 200 mg 220 mg 12,5–25 mg
OTC: posologie fortes douleurs initialement 1000 mg, 1000 mg, 400 mg toutes les 3–6 h initialement 440 mg, 25 mg
puis 0,5–1 g toutes les max. 4 g/24 h max. 1200 mg/24 h après 12 h 220 mg, toutes les 3–6 h,
3–6 h, max. 3 g/24 h max. 660 mg/24 h maximal 75 mg/24 h
Rx: dose quotidienne maximale 4 g 4 g 2400 mg 1250 mg 200 mg
Admis pour les enfants 0,5 g dès 12 ans, (>40 kg), 0,5 g dès 12 ans dès 12 ans dès 16 ans dès 14 ans
0,1 g dès 6 mois 0,1 g dès 6 mois (Rx: dès 6 ans)
Tmax oral, à jeun ASS: 0.5 h / SS: 1–2 h 0,5–1 h 1–2 h, sels: 0,5–1 h 1–2 h 0,5 h
Demi-vie plasmatique ASS: 0.3 h / SS: 3 h 1,5–3 h 2–3 h 12–15 h 1–2 h
Durée de l’effet analgésique 3–6 h 2–4 h 4–6 h 8–12 h 4–6 h
Biodisponibilité 50–80% 60–90% >95% >95% 50–60%
Qo (part d’excrétion extrarénale) (19) ASS: 1,0 / SS: 0,9 0,9 1,0 0,9 1,0
Sauf mention différente, toutes ces indications figurent dans le Compendium suisse des médicaments 2004.
Tableau 1: Posologie et pharmacocinétique
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métabolisé en acide salicylique, aux
vertus également analgésiques. Sa bio-
disponibilité réduite en même temps
que variable ne garantit pas toujours une
concentration plasmatique suffisante [2].
Chez l’adulte, le paracétamol est
bien toléré jusqu’à une dose-limite
d’env. 4 g/jour. La posologie doit être
adaptée en cas d’insuffisance hépa-
tique. Le succès d’un traitement à long
terme et les formes d’administration
appropriées font que le paracétamol
peut déjà être administré au nourrisson.
L’ibuprofène doit son effet analgé-
sique fiable à sa biodisponibilité de
près de 100%, à une relation dose-effet
linéaire jusqu’à 800 mg et à son poten-
tiel analgésique élevé. Sa pharmacoci-
nétique reste inchangée même chez le
sujet âgé et chez l’alcoolique (insuffi-
sance hépatique). Le profil de sécurité
élevé en autorise l’administration à des
adolescents dès l’âge de 12 ans (Rx dès
6 ans) et la prise sous forme de sirop.
Le naproxène est seulement com-
mercialisé sous sa forme d’énantio-
mètre S, l’énantiomère R était pratique-
ment inactif. Il se distingue des autres
AINS par une demi-vie plasmatique
plus longue et une longue durée d’ac-
tion de 8 à 12 h. Bien que le naproxè-
ne soit disponible sous forme de sel
sodique, ce qui le rend plus soluble
dans le suc gastrique, le Tmax à jeun
n’est pas atteint plus rapidement que
sous ibuprofène.
Le diclofénac subit, notamment à
faible dose, un effet important de pre-
mier passage; à une posologie inférieu-
re à 25 mg, le produit n’entraîne donc
pas de concentration plasmatique suf-
fisante [3]. Pour être efficace comme
analgésique, il doit être dosé à 0,5–
1 mg/kg PC, soit un minimum de 2
comprimés à 12,5 mg pour un sujet
pesant 50 kg [4].
Accélérer le début d’action
d’un analgésique
La suppression rapide de la douleur
est un objectif important du traitement
par des analgésiques OTC. Pour
atteindre un début d’action rapide, il
est nécessaire d’optimiser des facteurs
physiologiques, galéniques et spéci-
fiques au médicament.
Absorption et délai d’action
En règle générale, les médicaments
sont absorbés principalement au ni-
veau de l’intestin grêle. Le délai d’ac-
tion du médicament est d’autant plus
bref que son absorption est rapide.
L’absorption, et par conséquent le dé-
lai d’action, sont déterminés principa-
lement par:
le passage gastrique (qui dépend de
la vitesse de vidange gastrique),
le temps de désagrégation (qui dé-
pend de la forme galénique),
la solubilité, la vitesse de dissolution
et la perméation du médicament au
niveau du site d’absorption.
Passage gastrique
La durée du passage gastrique dépend
du degré de remplissage de l’estomac.
A jeun, les contractions gastriques qui
font passer le contenu de l’estomac
vers l’intestin sont plus fréquentes et
plus fortes que si l’estomac est plein.
Cela signifie que les médicaments ad-
ministrés à jeun parviennent plus
rapidement dans l’intestin grêle. Par
exemple, une forme de médicament
solide, ne se désagrégeant pas dans
l’estomac, parviendra dans l’intestin
grêle au bout d’une demi-heure à deux
heures si elle est prise à jeun. Si le
même comprimé est pris pendant ou
après un repas, le médicament peut
rester dans l’estomac pendant 8–12
heures. Les comprimés résistants aux
sucs gastriques et les comprimés re-
tard monolithiques (de forme stable)
sont des exemples de telles formes
galéniques.
Les analgésiques OTC disponibles
en Suisse sont exclusivement des
formes solubles ou se désagrégeant
dans l’estomac. Leur passage gastrique
dure environ 0,5–2 heures s’ils sont
pris à jeun et environ 1–3 heures (se-
lon la composition des aliments) s’ils
sont pris l’estomac plein. Lors de la
prise simultanée d’un repas très calo-
rique, le ralentissement du passage
gastrique est, de manière générale,
plus prononcé qu’après un repas léger.
[5, 6] Le passage gastrique – mesuré
cinétiquement comme la vitesse de vi-
dange gastrique – est considéré com-
me le principal facteur déterminant le
délai d’action. [7, 8]
Forme galénique et solubilité du
médicament
Les formes galéniques libérant rapide-
ment les médicaments sont les granu-
lés, les comprimés effervescents et les
autres formes solides à désagrégation
rapide. Pour autant, désagrégation ne
signifie pas absorption, car seule la
part dissoute d’un médicament est ab-
sorbée. La vitesse d’absorption est aug-
mentée par la présence d’un fort gra-
dient de concentrations au niveau du
site d’absorption. L’amélioration de la
solubilité (p. ex. sels très solubles,
stabilisation du pH) et de la vitesse de
dissolution (p. ex. réduction de la
taille des particules) sont des mesures
propres à favoriser la solubilisation
rapide d’une part aussi élevée que pos-
sible du médicament. En administra-
tion orale, les possibilités d’agir sur la
perméation sont restreintes, celle-ci
étant une propriété de la substance.
Les formes galéniques à pH stabilisé
(formes tamponnées) sont conçues
pour créer un pH optimal pour la solu-
bilité du médicament dans le tractus
gastro-intestinal ou pour empêcher la
précipitation dans l’estomac du médi-
cament déjà dissous. Outre son effet
tampon, le rôle du bicarbonate de sou-
de est d’accélérer la vidange gastrique.
[9, 10] Cependant, l’effet stabilisateur
du pH n’est pas toujours suffisant pour
empêcher une précipitation du médi-
cament dans l’estomac. Il peut arriver
qu’une forme tamponnée de médica-
ment ne produise plus l’effet désiré,
notamment en cas de prise simultanée
de nourriture. L’importance du rôle
pratique des aspects galéniques ci-
mentionnés dans l’accélération de l’ef-
fet médicamenteux est examinée dans
les lignes qui suivent.
Tmax et délai d’action
La biodisponibilité reflète la vitesse et
le degré d’absorption du principe actif
(ou de la partie du médicament exer-
çant l’action thérapeutique) à partir
d’une forme galénique donnée, ainsi
que la présence de la substance active
au site d’action ou dans la circulation
systémique (CPMP / EMEA 2001). Elle
est caractérisée par les paramètres
Cmax, Tmax et AUC. Tmax est le para-
mètre officiel de la vitesse. Si un médi-
cament est absorbé rapidement à par-
tir de sa forme galénique, comme c’est
le cas des analgésiques OTC, il est admis
d’utiliser Tmax comme indicateur du
début d’action. [11,12,13] Par contre,
le Tmax des formes retard, par exemple,
peut être atteint beaucoup plus tard
que le début d’action. (cf. fig. 1)
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PHARMACIE ET MÉDECINE
Le tableau 3 répertorie les Tmax de
tous les analgésiques en vente libre
d’après les données des informations
professionnelles officielles (Compen-
dium Suisse des Médicaments 2004).
Le compendium ne précise malheu-
reusement pas toujours si les données
ont été prélevées auprès de personnes
test à jeun. Dans la mesure où l’ab-
sorption rapide souhaitée des analgé-
siques mentionnés dans le présent ar-
ticle est uniquement effective avec un
estomac vide, nous partons du princi-
pe que les indications reposent sur une
prise du médicament à jeun.
Il en ressort que
1. des différences considérables exis-
tent entre les Tmax des différents pro-
duits basés sur le même principe
actif,
2. pour les substances difficilement
solubles (p. ex. ibuprofène, diclofé-
nac), l’amélioration de la solubilité
par l’emploi de la substance active
sous forme de sel est la mesure la
plus efficace pour en accélérer l’ab-
sorption, tandis que pour les analgé-
siques aisément solubles (AAS, para-
cétamol), c’est le choix de la forme
galénique (p. ex. comprimés effer-
vescents, gouttes) qui est détermi-
nant pour le gain de temps d’ab-
sorption.
L’effet de mesures accélérant l’absorp-
tion sur le délai d’action et sur le
temps jusqu’à disparition de la douleur
est toutefois moindre que le Tmax le
laisserait supposer. C’est ce qu’ont ont
montré p. ex. des études cliniques
comparant l’arginate d’ibuprofène, ra-
pidement soluble ( Tmax: 15–30 min),
à l’ibuprofène ( Tmax: 60–120 min)
chez des patients sous traitement de la
douleur. Alors que les produits à base
d’ibuprofène et ceux basés sur son sel
arginate présentaient une différence de
Tmax de 45–90 minutes, la différence
entre les temps jusqu’à disparition de
la douleur était, dans une étude, de 16–
24 minutes en moyenne [14], et dans
deux autres études, de 24–32 minutes
(200 mg), respectivement de 8–27 mi-
nutes (400 mg) selon la dose. [15,16]
Une comparaison entre le lysinate
d’ibuprofène et le diclofénac acide a
révélé une différence de Tmax de 30
minutes, sans différence significative
entre les temps jusqu’à disparition de
la douleur. [17]
Par conséquent, le Tmax peut être
utilisé comme un indicateur du délai
d’action pour les analgésiques OTC.
Selon l’ampleur de la différence entre
les Tmax de deux produits, le gain de
temps jusqu’à apparition d’un effet cli-
nique mesurable peut être de 30 mi-
nutes environ.
Conclusion:
Lorsqu’un analgésique est désiré pour
soulager rapidement la douleur, la pri-
se à jeun – 1h avant ou 2h après un re-
pas – produit l’effet maximum pour un
début d’action rapide. Les formes à li-
bération rapide (pour l’AAS et le para-
cétamol) et les sels aisément solubles
(pour l’ibuprofène et le diclofénac)
permettent en outre de raccourcir le
délai d’action d’environ une demi-heu-
re supplémentaire, mais seulement si
l’analgésique est pris à jeun.
L’application rectale est générale-
ment caractérisée par un début d’ac-
tion plus lent par rapport à une prise
orale non retardée. C’est ainsi que le
Tmax du paracétamol rectal est de 3 h,
et la biodisponibilité est réduite [18,19].
Prise des analgésiques: avant ou
après les repas?
Pour qu’un analgésique agisse
rapidement sur la douleur, il
convient de le prendre à jeun avec
abondamment de liquide.
L’hypothèse qui veut qu’un analgé-
sique pris pendant le repas soit
mieux toléré que s’il est pris à jeun
n’est pas confirmée par les spécia-
listes.
Les hémorragies gastro-intestinales
sont surtout dues à l’inhibition sys-
témique de la synthèse des prosta-
glandines [5].
Les patients affectés de problèmes
gastriques ou qui redoutent la sur-
venue de tels problèmes éviteront
l’ASS et préféreront un principe ac-
tif bien toléré par le tractus gastro-
intestinal, p. ex. le paracétamol ou
l’ibuprofène.
Un traitement sûr de la
douleur (cf. le tableau 2)
Pour assurer la sécurité d’emploi d’un
analgésique, on tiendra compte de
l’âge et de l’état de santé de la patien-
te/du patient pour évaluer les effets in-
désirables potentiels, les mesures de
précaution à prendre et les interac-
tions médicamenteuses à envisager.
La bonne tolérabilité générale du
paracétamol et de l’ibuprofène est
comparable et significativement supé-
rieure à celle de l’ASS. C’est ce qu’ont
montré les résultats de la Pain Study
auprès de 8233 patients traités pen-
dant 7 jours pour des douleurs légères
à modérées par ces analgésiques à des
doses OTC [20].
Paracétamol
Le paracétamol est rarement respon-
sable de troubles gastro-intestinaux. La
suspicion d’un risque de néphropathie
n’est pas assurée, mais ne peut pas
non plus être écartée. On mettra donc
ab
c
MEC
Fig. 1: Tmax et délai d’action
a) et b): médicaments à absorption rapide
c): forme retard
MEC = Minimal Effective Concentration
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la patiente/le patient en garde contre la
prise à long terme de doses élevées. Le
principal problème posé par le paracé-
tamol est son hépatotoxicité en cas de
surdosage. Sa métabolisation dans le
foie génère en quantité minime un mé-
tabolite très réactif que le glutathion
inactive généralement sur-le-champ.
Or, un surdosage entraîne une carence
en glutathion, et le métabolite réactif
risque de provoquer une nécrose hé-
patique et une insuffisance hépatique
aiguë. Des signes d’intoxication ont été
décelés chez l’adulte dès la prise de
plus de 6 à 10 g. En cas de lésions hé-
patiques préexistantes (chez l’alcoo-
lique, par exemple), le paracétamol
peut toutefois avoir des effets hépato-
toxiques dès la prise d’une dose infé-
rieure. Les sujets consommant réguliè-
rement de l’alcool en quantité moyen-
ne à importante devraient prendre le
paracétamol à doses réduites. L’alter-
native d’un AINS n’est guère meilleure
pour ces patients, puisque l’alcool aug-
mente le risque d’hémorragies au ni-
veau de l’estomac et des varices. L’utili-
sation du paracétamol à doses théra-
peutiques durant la grossesse et en pé-
riode d’allaitement ne comporte pas de
risque connu.
AINS
Les effets indésirables les plus fré-
quents sont de nature gastro-intestina-
le: nausées, vomissements, douleurs
abdominales diarrhées, constipation.
L’ASS provoque le plus souvent ces ef-
fets indésirables, suivi à une fréquence
décroissante par le naproxène, le di-
clofénac et l’ibuprofène [21, 22, 23].
Les effets indésirables majeurs des
AINS sont les perforations, les ulcéra-
tions et les hémorragies (PUB, en an-
glais), dont la cause principale est à
rechercher dans l’inhibition systémique
de la COX-1, ce qui signifie que des
PUB peuvent aussi se manifester lors
de l’administration rectale ou parenté-
rale [24]. Le risque augmente avec la
dose utilisée et la durée du traitement.
Une prise régulière à long terme est
donc plus critique qu’une application
de courte durée. D’autres facteurs de
risque de PUB sont:
l’âge: sujet âgé de plus de 60 ans,
la prise simultanée de corticoïdes,
d’anticoagulants, d’autres AINS et la
consommation d’alcool,
des antécédents d’ulcères et d’hé-
morragies gastriques.
Les AINS peuvent entraîner une insuffi-
sance rénale due à la diminution du
débit sanguin rénal consécutive à l’in-
hibition de la synthèse des prostaglan-
dines à l’effet vasodilatateur. Le risque
est majoré chez le sujet âgé, l’insuffi-
sant cardiaque, l’hypertendu, le diabé-
tique et en cas de traitement par un
diurétique. L’association d’un AINS
avec un diurétique, un IEC ou un sartan
comporte des risques particuliers [25].
Certains AINS diminuent l’action des
antihypertenseurs dans une proportion
variable. La surveillance de la fonction
rénale et de la pression artérielle est en
règle générale nécessaire pour les AINS
à doses OTC lorsque le traitement dure
plus d’une ou de deux semaines [26].
Les AINS inhibent l’agrégation pla-
quettaire, prolongeant ainsi le temps
de saignement. L’inhibition de l’agréga-
tion dure env. 1 semaine sous AINS
(liaison covalente avec la cyclo.-oxygé-
nase), env. 1 ou 2 jours sous naproxène,
ibuprofène et diclofénac [3, 27, 28].
En préopératoire, on conseille de
suspendre l’administration d’AINS 7 à
10 jours avant l’intervention [29].
L’ibuprofène peut concurrencer
l’ASS aux sites de liaison de la COX en
antagonisant l’effet antithrombotique
plus durable de l’ASS [24]. Si l’ASS est
utilisé pour la prévention des throm-
boses, il faudrait (dans l’état actuel des
connaissances) le prendre au moins
2 heures avant l’ibuprofène [30].
Les patients qui prennent simulta-
nément des AINS et du lithium, du mé-
thotrexate, des anticoagulants oraux,
de l’héparine ou des corticoïdes de-
vront faire l’objet d’une surveillance.
On ne conseillera pas les AINS à ces
patients.
L’intolérance à l’aspirine, qui risque
de s’accompagner de bronchospasmes
menaçant le pronostic vital, est fré-
quente chez les asthmatiques et les
personnes souffrant de polypose nasale
ou d’urticaire. Tous les AINS sont
contre-indiqués chez les sujets qui ré-
agissent à l’aspirine et à d’autres anti-
inflammatoires non stéroïdiens par des
crises d’asthme, par de l’urticaire ou
par une rhinite aiguë.
La relation entre l’ASS et le syndro-
me de Reye (encéphalopathie et hépa-
topathie éventuellement fatales) n’est
pas assurée. On conseille pourtant
d’éviter l’usage de l’ASS chez l’enfant
de moins de 12 ans pendant ou après
une infection virale.
Les AINS peuvent être utilisés aux
1er et 2etrimestres de la grossesse. À
partir du 6emois, on évitera d’admi-
nistrer des AINS en raison du risque
hémorragique accru au moment de
l’accouchement, sans compter le
risque de fermeture prématurée du ca-
nal artériel du fœtus. Pour la mère qui
allaite, des doses faibles d’AINS sont
autorisées.
Choix de l’analgésique
Les indications admises par les autori-
tés sont les mêmes pour tous les anal-
gésiques: régles douloureuses, cépha-
lées et rachialgie, douleurs articulaires
(capsules articulaires et ligaments),
douleurs posttraumatiques et douleurs
dentaires. En cas de douleurs liées à
des processus inflammatoires, le para-
cétamol s’avère moins efficace que les
AINS. Les études disponibles ne per-
mettent pas de savoir quel AINS est
plus ou moins efficace dans telle ou
telle indication. Les critères guidant le
choix d’un analgésique restent donc
paracétamol ASS, diclofénac, ibuprofène, naproxène
Effets indésirables hépatotoxicité à doses élevées nausées, vomissements, diarrhées;
néphropathie en cas d’utilisation aspirine/naproxène > diclofénac > ibuprofène
à long terme (?) PUB: perforations, ulcérations, hémorragies (bleeding)
éruptions cutanées, prurit
obnubilation, vertiges (surtout sous naproxène)
intolérance à l’aspirine
syndrome de Reye
Interactions
pas d’interactions significatives risque accru d’hémorragies: anticoagulants oraux, hépa-
rines de bas poids moléculaire, corticoïdes oraux
baisse tensionnelle réduite: antihypertenseurs
risque accru d’insuffisance rénale: diurétiques, surtout
associés aux IEC ou aux sartans
lithiémie élevée (ne vaut pas pour l’ASS)
toxicité accrue du méthotrexate
Grossesse oui 1er et 2etrimestre: oui, 3etrimestre: non
Allaitement oui oui, à faibles doses
Tableau 2:
Effets indésirables,
interactions,
grossesse
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481 Schweizer Apothekerzeitung, 13/2004
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PHARMACIE ET MÉDECINE
essentiellement la tolérabilité et la sé-
curité d’emploi du produit, le début et
la durée de son action.
Le paracétamol est l’analgésique le
mieux toléré; il n’entraîne pas d’inter-
actions significatives au plan clinique.
C’est le médicament de première inten-
tion dans les refroidissements, chez le
nourrisson et l’enfant, pendant la gros-
sesse et en période d’allaitement, ainsi
que dans tous les cas où les AINS sont
contre-indiqués. C’est le seul analgé-
sique à pouvoir être associé aux anti-
coagulants, à être utilisé en pré- et post-
opératoire, ainsi que chez l’hémophile.
Parmi les AINS, l’ibuprofène a le
meilleur rapport risque/bénéfice [3]
et le taux le plus bas d’effets secon-
daires gastro-intestinaux. Ses formes
galéniques, des sels à dissolution rapi-
de, lui assurent un effet analgésique ra-
pide. Quant au naproxène, sa longue
demi-vie s’avère avantageuse en cas de
douleurs persistantes. En raison de sa
tolérabilité comparativement moins
bonne, l’ASS n’est pas un AINS de pre-
mière intention en dépit de son bon
potentiel analgésique.
Patients souffrant de
céphalées
Le retrait de médicaments auxquels ils
étaient habitués a déconcerté notam-
ment les patients qui souffrent de cé-
phalées chroniques et qui déplorent
aussi la disparition des associations
médicamenteuses qui leur semblaient
plus efficaces que les préparations mo-
nocomposées. L’équipe de pharmacie
peut utilement intervenir sur ce point
en donnant à ce type de patients les in-
formations nécessaires quant à la po-
sologie et à l’utilisation des monopré-
parations, afin de les aider à optimali-
ser la prise en charge de leurs maux
de tête.
La «Swiss Migraine Trust Founda-
tion» (www.migraine-action.ch) [31]
recommande en pharmacie le traite-
ment suivant des céphalées aiguës:
Migraine: 20 mg de dompéridone
(Motilium®), 15 minutes plus tard
de l’ibuprofène, de l’ASS, du na-
proxène ou du paracétamol, pendant
14 jours par mois au maximum.
(Pour la posologie, voir les indica-
tions du tableau 1 relatives aux
fortes douleurs).
Céphalées de tension: tous les prin-
cipes actifs analgésiques délivrés
sans ordonnance, pendant 4 jours
par mois au maximum.
Pour les patients chez qui une mono-
thérapie après une période d’essai de
durée adéquate reste inopérante, on
pourra essayer une association avec la
caféine (Contre-Douleurs®plus: ASS +
caféine, Kafa®plus, Sanalgin®N: para-
cétamol + caféine). Grâce à son effet
analeptique et tonifiant sur les vais-
seaux, la caféine comme adjuvant
semble apporter un bénéfice addition-
nel dans les céphalées [32]. Pourtant
un comprimé à 50 mg de caféine en
contient moins qu’une tasse de café.
Le bénorilate, une prodrug d’ASS et de
paracétamol, possède les mêmes pro-
priétés et domaines d’application que
ses métabolites. Un avantage spécifique
de cette prodrug resp. de l’association
paracétamol + AINS n’a pu être identifié.
Lorsqu’un médecin prescrit l’une
des associations ayant fait l’objet d’un
retrait, p. ex. la propyphénazone et la
caféine, celle-ci peut être préparée en
pharmacie dans la mesure où les sub-
stances médicamenteuses en question
figurent dans la Pharmacopée et n’ont
pas été retirées de la liste des sub-
stances.
Il faut bien reconnaître toutefois que
les sociétés de discipline ont depuis
longtemps identifié les associations
d’analgésiques comme sources poten-
tielles de risque de développer une dé-
pendance des céphalées chroniques,
notamment en cas de prise régulière
de doses excessives d’ergotamine. Le
problème est encore accru par l’asso-
ciation à des substances d’action cen-
trale, même la caféine est dans le con-
cernée.
Analgésiques OTC – est-ce
la fin de tous les risques?
5 substances médicamenteuses analgé-
siques dans 131 spécialités (ASS 24,
paracétamol 75, ibuprofène 28) pour
le traitement sans ordonnance de la
douleur; les mêmes substances dans
divers antigrippaux, ainsi que dans des
antirhumatismaux et analgésiques sou-
mis à ordonnance: il y a là un risque
important que les patients utilisent plu-
sieurs marques contenant le même
principe actif. Ils risquent donc, sans
s’en rendre compte, d’absorber des
doses plus importantes que celles qui
leur sont conseillées, ce qui ne man-
quera pas d’augmenter le risque d’ef-
fets indésirables et d’interactions, en
principe minime aux doses OTC. Afin
de protéger les patients de ces pro-
blèmes, l’équipe de pharmacie a un
travail d’information essentiel à accom-
plir. Lors de la vente d’analgésiques
aux patients, ceux-ci devraient recevoir
les informations-clés suivantes:
1. Les analgésiques, les antigrippes et
les antirhumatismaux soumis à or-
donnance peuvent très bien contenir
les mêmes principes actifs.
2. Les principes actifs peuvent être re-
pérés sur les emballages ou dans les
notices d’emballage.
3. Les médicaments contenant les
mêmes principes actifs ne doivent
pas être pris en même temps sans
qu’on ait consulté un professionnel.
Ce sujet du même principe actif pré-
senté sous des marques différentes re-
vêt une importance capitale pour la
sécurité d’emploi des médicaments,
notamment au vu de l’usage croissant
de génériques; il pourrait fort bien
constituer le thème d’une campagne
des pharmaciens à l’échelle nationale.
Adresse de correspondance
Commission des médicaments
des pharmaciens suisses CMPS
Case postale 5247
3001 Berne
Tél. 01 994 75 63
Fax 01 994 75 64
Références bibliographiques sur demande.
Le présent article a été rédigé sur mandat de la
CMPS par
le DrFriedrich Möll, pharmacien hospitalier FPH,
Pharmacie de l’Hôpital cantonal de Winterthour,
et le DrMarianne Beutler, CMPS.
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