Christophe Massot « Quand la sociologie analyse la

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Christophe Massot « Quand la sociologie analyse
la clinique de l’activité »
Posté le 10 juin, 2014
Autant que son objet de recherche, le parcours de
Christophe Massot est marqué par la
pluridisciplinarité. En effet, après un parcours
« Hypokhâgne/Khâgne B/L », le jeune homme a
poursuivi ses études et obtenu une licence de
sociologie, ainsi qu’une maîtrise d’histoire, avant
de se retourner de nouveau vers la sociologie
dans le cadre d’un Master 2.
C’est pourtant en sciences de gestion qu’il réalise
son doctorat entre 2004 et 2009, sur « Les
dynamiques du compromis productif »
(Convention CIFRE, LEST/CNRS – Eurocopter).
« Invisibilité du travail »
Tout au long de son parcours, au carrefour de
plusieurs disciplines, le fil rouge est peu ou prou resté
le même : « Que font les hommes au travail ? ». « Si
j’ai commencé à faire cette thèse, c’est parce que je
constatais une certaine invisibilité du travail, et de
l’intelligence au travail., aussi bien dans les cercles
familiaux et amicaux que dans l’espace public. Les
personnes dont l’activité est abordée dans l’espace
médiatique, ou plus largement public, sont les
sportifs, artistes, politiques, patrons… Peut-être de
temps en temps quelques universitaires ou
chercheurs.
» Exit
les cadres lambdas,
fonctionnaires, professeurs, ouvriers, employés…
« Ce corps qui tient massivement la transformation
de notre monde. Même dans le milieu de la
recherche, cette attention est finalement assez
récente. La sociologie du travail s’est plus intéressée
aux rapports sociaux de travail, à l’emploi, aux
mobilisations collectives, aux questions de
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domination, de subordination, qu’à l’activité en elle-même. »
Idem côté « sciences de gestion ». « Cette discipline ne se pose pas en premier abord la question de
l’activité. Elle traite du fonctionnement des dispositifs de gestion, des lignes de production,
d’organisation… Elle s’intéresse à leur efficience, mais la question de l’activité reste souvent
secondaire. » Sa volonté de prendre en compte l’activité réelle dans l’analyse des effets des dispositifs
de gestion a positionné son projet de thèse dans un entre-deux théorique difficile. « L’étude de l’activité
était considérée comme une annexe, peut-être intéressante mais néanmoins accessoire. C’était
considéré comme étant hors sujet. Je l’ai quand même réalisée… » Une thèse « hétérodoxe » donc, à
cheval entre les sciences de gestion qui lui permettaient de pouvoir travailler en CIFRE pour une
entreprise, ainsi que la sociologie et la psychologie du travail, qui lui permettaient de disposer de
ressources théoriques pour penser l’activité et la division du travail. Quelques années plus tard, c’est en
sociologie que son doctorat a été qualifié.
Observer les cliniciens de l’activité
C’est à cette période qu’il découvre l’ergonomie, ainsi que la
psychologie du travail d’Yves Clot et la psychodynamique de
Christophe Dejours. « J’ai utilisé la différence entre tâche prescrite,
et activité réelle, pour suivre ce que faisaient ceux qui travaillent. »
Au fil des années, ce sont finalement plutôt les travaux d’Yves Clot
et de son équipe, en clinique de l’activité, qui ont retenu l’attention
de Christophe Massot, et notamment cette idée du conflit politique
sur les qualités du travail. « La clinique de l’activité cherche à
instituer un débat sur la qualité du travail… Une problématique qui
m’interpelle, et qui concerne aussi les sciences de gestion,
l’économie et la sociologie. »
Christophe Massot est un des lauréats 2013 du DIM Gestes.
Le projet de recherche de Christophe Massot vise à analyser, sociologiquement, le conflit sur les qualités
du travail, au cœur des interventions en clinique de l’activité de l’équipe du CNAM dirigée par Yves Clot.
Son projet post-doctoral, vise à étudier les interventions, sur le terrain, des cliniciens de l’activité. « Tout
d’abord, il s’agit de comprendre toute l’architecture théorique et pratique du travail de la clinique de
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l’activité, sachant que leur équipe est surtout
intéressée par l’action. Il s’agit d’agir pour
comprendre. » Une démarche assez différente de
celle de la sociologie où il s’agit davantage, a priori,
de comprendre pour agir. « Les places du savoir et de
l’action sont donc différentes. J’ai cherché à
comprendre ce qu’ils entendaient par « agir », à
étudier la place du clinicien, etc. » Un objet de
recherche qui sollicite d’autant plus un regard
sociologique que la clinique de l’activité intervient
aujourd’hui sur les liens entre métiers, fonctions et
niveaux hiérarchiques différents. Dans l’organisation,
donc, et non plus seulement dans des milieux
professionnels « homogènes ». « L’enjeu est de
parvenir à seconder le développement de
l’organisation. Et c’est là où ce travail intéresse les
sciences de gestion. »
Chez Eurocopter, la thèse de Christophe Massot portait justement sur le « travail politique » dans les
organisations, caractérisées par la division du travail. « Dans une organisation, il est nécessaire de se
coordonner et de coopérer, en plus de toute l’inventivité que requiert la tâche à effectuer. Il faut se mettre
d’accord alors qu’on ne sait pas encore ce qui sera fait et donc prendre collectivement une décision
sans l’assurance de certitudes. C’est ce travail politique qui m’a intéressé. Un intérêt partagé par la
clinique de l’activité, notamment lorsqu’elle cherche à mettre en discussion les qualités du travail, par
exemple, par des ouvriers de chaîne et des directions nationales. Lorsqu’elle cherche donc à instruire
la délibération sur les qualités du travail. Délibération éminemment politique par laquelle l’organisation
redescend au niveau du travail. »
Articuler les différents champs de la recherche
Reste à savoir quelle place un sociologue, en position d’observation de ces interventions, peut prendre
sur le terrain. « Cette question reste encore ouverte… » Il n’en reste pas moins qu’observer produit
nécessairement des effets. « Dès lors que le psychologue clinicien du travail vient observer une
situation, le professionnel va travailler tout en sachant que quelqu’un le regarde. Il y a là un nouveau
destinataire de l’activité. Ce professionnel va donc changer le mouvement de son activité, ou même ses
gestes… Or, les sociologues se pensent à distance. Et même s’ils pensent cette distance, ils ne doivent
pas agir sur les acteurs, ne pas participer, contrairement aux psychologues qui, eux, vont penser et
utiliser les effets de leur présence pour modifier le cadre dans lequel le professionnel tient son activité. »
Et donc que faire de sa position ? « Actuellement, la relation entre moi, sociologue, et les cliniciens de
l’activité est en construction… On regarde comment ma présence modifie le cadre de l’intervention, et
donc modifie l’activité des professionnels pris dans l’intervention… En bref, comment elle modifie
l’intervention. Vous voyez la complexité et la difficulté de la question ! » Et la présence de ces multiples
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intervenants et observateurs ne dérange-t-il pas les salariés, premiers observés ? « C’est justement le
but du jeu de déplacer le cadre de leur activité. Mais il faut faire attention à ne pas les perdre, à ne pas
les mettre dans une situation de violence. C’est pourquoi il faut leur faire saisir que l’intervenant est là
parce que ce qu’ils font est important. Et peut-être plus important même que ce qu’ils en pensent. L’enjeu
c’est qu’ils mettent en discussion leur activité. Il n’est pas question de juger quoi que ce soit, ni qui que
ce soit. »
Et c’est peut-être justement parce que la présence du
sociologue déplace le cadre de l’activité des intervenants,
qu’elle permet de renouveler la discussion sur le travail
d’intervention. Tout se passe en fait comme si les méthodes
de la clinique de l’activité s’appliquaient à… la clinique de
l’activité en elle-même. « L’idée d’Yves Clot est peut-être
que, pour que ce métier d’intervention reste vivant, il est
nécessaire de le mettre en discussion, de le confronter à
plusieurs points de vue différents… Je participe sans doute à
la formulation d’un de ces points de vue. »
Impossible donc, définitivement, pour Christophe Massot de
se cantonner à une seule discipline. Ce qui n’est pas sans
provoquer quelques complications… « Prendre position à
l’intersection de plusieurs disciplines peut être parfois
problématique. Le danger est d’être généraliste, et de perdre
pied sur l’exigence de spécialisation disciplinaire… Et cela
est d’autant plus difficile que les différentes disciplines n’ont
pas forcément, entre elles, des rapports faciles ou évidents. »
La pluridisciplinarité, ou l’articulation des différents champs
de recherche interrogeant le travail et l’activité, est justement
au cœur de ses questionnements. « La psychologie du travail
étudie l’activité. Même s’il ne faut surtout pas oublier que pour
la clinique, l’action précède la théorie. La gestion, quant à
elle, va étudier l’organisation et les dispositifs de gestion.
L’économie le fonctionnement des marchés. La sociologie,
l’action de groupes plus ou moins homogènes, et les rapports
sociaux de travail… Une de mes questions de recherche
serait justement de tenter d’articuler ces différents niveaux
pour comprendre les tensions, ou même les contradictions,
que le travail humain, le travail vivant, porte et réalise.
Comme s’il s’agissait finalement de redonner au travail vivant
sa centralité. »
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Références bibliographiques
2013 : La contingence et le travail de conception. Définir, organiser, délibérer. Sociologie du travail,
octobre-décembre.
2013 : La mise sous silence du travail de conception par la création de valeur actionnariale. La nouvelle
revue du travail [NRT], n°3.
2013 : Élus CHSCT face aux « RPS » : une typologie des pratiques, (2013), Chroniques du travail, n°
3, Bouffartigue P., Massot C.
2013 : Note de lecture, Risques Psychosociaux : Quelle réalité, quels enjeux pour le travail ? Hubault F.
(coord.) (2011). Travail et emploi, n°133, janvier-mars.
2012 : Quelle mise en œuvre des savoirs transmis sur les « Risques psychosociaux » ? Rapport d’étude
pour la Direccte PACA.
2012 : Discontinuité marchande et continuité technique, dans Jacquot L. (s/d), Travail et dons, Presses
Universitaires de Nancy, p.527-542.
Dans la série des « Portraits des
Lauréats DIM Gestes », celui de
Christophe Massot, est mis en
ligne le 10 juin 2014
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